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L’usage à titre gratuit confronté à la commercialité

Dans le document La gratuité en droit d'auteur (Page 172-176)

172. De l’usage à titre gratuit et de sa commercialité. Bien que gratuité et

commercialité peuvent cohabiter et même se servir mutuellement, l’usage à titre

gratuit peut s’opposer à tout aspect commercial. Il s’agit alors de la gratuité abordée

dans sa définition première : celle reconnaissant un usage gratuit sans contrepartie

financière ou sans recherche de bénéfice commercial. Cet aspect de la gratuité se

retrouve en droit d’auteur, notamment dans les critères d’attribution du bénéfice des

exceptions d’usage (Chapitre 1) mais également dans la question de l’usage des

œuvres alors qualifiées de « biens communs », biens dont l’usage est reconnu comme

étant libre mais surtout, comme devant être à titre gratuit (Chapitre 2).

Chapitre 1. Les exceptions au droit d’auteur : un usage à

titre gratuit non commercial

173. « Limitations » et « exceptions » : de la terminologie employée. Les actes

entrant dans la catégorie des exceptions ne recouvrent pas le même champ sémantique

selon le pays. Ainsi, comme le relève le professeur P. SIRINELLI, il sera question de

« limite » en Allemagne ou en Espagne, de « limitation » aux États-Unis ou encore

d’« actes autorisés » au Royaume-Uni

627

. Il est également possible de retrouver les

termes « limitations et exceptions »

628

ou encore « exceptions et limitations »

629

respectivement dans le traité de l’OMPI et dans la directive sur l’harmonisation de

certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information.

Cependant, ces deux termes renvoient à deux appréhensions différentes. En effet, si la

« limitation » vient « borner » un droit exclusif en ce qu’elle vient le limiter,

l’« exception » vient exclure l’exercice de ce même droit

630

. C’est pourquoi il est

627P. SIRINELLI, Exceptions et limites aux droits d’auteur et droits voisins, Atelier sur la mise en œuvre du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur et du traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes, décembre 1999, p. 2 ; V. également S. DUSOLLIER, Droit d’auteur et protection des œuvres dans l’univers numérique, Droits et exceptions à la lumière des dispositifs de verrouillage des œuvres : Larcier, 2007, p. 426, n° 545 et s. ; A. LUCAS., A. LUCAS-SCHLOETTER., C. BERNAULT, Traité de la propriété littéraire et artistique : Lexis Nexis, 2017, 5ème éd., p. 348

, n° 342.

628L’article 10 du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur du 20 décembre 1996 traite des « Limitations et exceptions ».

629L’article 5 de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins de la société de l’information traite des « Exceptions et limitations ».

630M. VIVANT., J.-M. BRUGUIEyRE, Droit d’auteur et droits voisins : Précis Dalloz, 2015, p. 520, n° 590 ; V. également CJUE, 27 juin 2013, aff. jointes C‑457/11 à C‑460/11, dites « VG Wort », pt. 33, où la Cour fait la distinction entre « limitations » et « exceptions » : dans la première hypothèse, l’exercice des titulaires des droits d’auteur du droit d’autoriser ou d’interdire la reproduction de

opportun, dans le cadre de l’étude suivante, de se référer à la notion d’ « exceptions »

au droit d’auteur plutôt qu’à celle de « limitation », les premières venant ainsi exclure

l’exercice des droits exclusifs dévolus aux auteurs, exclusion étant notamment

justifiée par une conciliation entre droit d’auteur et valeurs fondamentales

631

.

174. Une source législative mise à mal. En France, la reconnaissance des

exceptions aux droits d’auteur a récemment été réservée au législateur

632

: ce dernier

les a reconnus dès 1957

633

. Toutefois, le droit d’auteur moderne a vu ces exceptions

évoluer et être harmonisées à l’échelle européenne

634

. C’est ainsi que l’article 5 de la

leurs œuvres peut être limité, dans la deuxième hypothèse, il peut être exclu, ce qui est notamment le cas des « exceptions » au droit d’auteur. Ainsi, dans le cadre d’une limitation au droit d’auteur (et non d’une exception), les ayants droit ne peuvent prétendre bénéficier des dispositions relatives à la compensation équitable ; C. ALLEAUME, « La contractualisation des exceptions » : Propr. intell. 2007, n° 25, p. 436.

631M. VIVANT., J.-M. BRUGUIEyRE, op. cit., p. 520, n° 590.

632 En effet, dans le courant du 19e s., si quelques exceptions étaient reconnues par la jurisprudence, notamment les exceptions de reproductions (copie privée) et de citation, ce n’est que début du 20e s. qu’il a été émis l’idée d’inscrire les exceptions aux droits d’auteur dans les textes afin de venir limiter leur interprétation par les juges, D. PIATEK, La crise des exceptions en droit d’auteur : Institut universitaire Varenne, coll. des Thèses, 2017, p. 86, n° 121 et également p. 125, n° 188.

633L’article 41 de la loi n° 57-298 du 11 mars 1957 sur la propriété intellectuelle est venue indiquer que « Lorsque l'œuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire : 1° Les représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille ; 2° Les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, à l'exception des copies des œuvres d'art destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l'œuvre originale a été créée ; 3° Sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l'auteur et la source : Les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'œuvre à laquelle elles sont incorporées ; Les revues de presse ; La diffusion, même intégrale, par la voie de la presse ou de la télédiffusion, à titre d'information d'actualité, des discours destinés au public prononcés dans les assemblées politiques, administratives, judiciaires ou académiques, ainsi que dans les réunions publiques d'ordre politique et les cérémonies officielles ; 4° La parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre ».

634V. le considérant 31 de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information : « Il convient de maintenir un juste équilibre en matière de droits et d'intérêts entre les différentes catégories de titulaires de droits ainsi qu'entre celles-ci et les utilisateurs d'objets protégés. Les exceptions et limitations actuelles aux droits, telles que prévues par les États membres, doivent être réexaminées à la lumière du nouvel environnement électronique. Les disparités qui existent au niveau des exceptions et des limitations à certains actes soumis à restrictions ont une incidence négative directe sur le fonctionnement du marché intérieur dans le domaine du droit d'auteur et des droits voisins. Ces disparités pourraient s'accentuer avec le développement de l'exploitation des œuvres par-delà les frontières et des activités transfrontalières. Pour assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, ces exceptions et limitations doivent être définies de façon plus harmonieuse. Le degré d'harmonisation de ces exceptions doit être fonction de leur

directive 2001/29/CE est venu dresser un numerus clausus

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des exceptions, une

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