122-5 du Code de la propriété intellectuelle
637.
Il a même été admis que cette reconnaissance ne pouvait qu’incomber au
législateur
638. Mais, force est de constater que les juges sont venus s’emparer de la
question et se sont notamment positionnés, en France, pour la reconnaissance d’une
exception non évoquée dans le Code de la propriété intellectuelle : celle de la
représentation accessoire – ou inclusion fortuite
639. Enfin, si ce ne sont pas les juges,
c’est la pratique qui demande si elle doit, ou non, être entendue comme une exception
– notamment dans le cadre de la « pratique amateur »
640. Il existe ainsi un certain
désordre
641dans les sources des exceptions, étant même considéré que ces dernières
sont « en crise »
642. Leur application n’apparaît plus comme étant stricte, mais laissée
à la libre appréciation des juges, à la manière des pays anglo-saxons avec le « Fair
use ».
Néanmoins, il apparaît nécessaire d’appréhender les exceptions comme une
source impérative d’ordre public, tout comme le pense le professeur C. CARON. Pour
incidence sur le bon fonctionnement du marché intérieur. » ; Il convient également de noter que le traité de l’OMPI indique en son article 10, 2), intitulé « Limitations et exceptions », que « 2) En appliquant la Convention de Berne, les Parties contractantes doivent restreindre toutes limitations ou exceptions dont elles assortissent les droits prévus dans ladite convention à certains cas spéciaux où il n’est pas porté atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni causé de préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur ».
635C. CARON., Droit d’auteur et droits voisins : LexisNexis, 2017, 5ème éd., p. 338, n° 356 ; V. également A. LUCAS., A. LUCAS-SCHLOETTER., C. BERNAULT, op. cit., p. 358, n° 356.
636L. n° 2006-961, 1er août 2006, relative au Droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information, dite « DADVSI ».
637Lequel vient dresser une liste exhaustive des différentes exceptions aux droits d’auteur. 638C. CARON, Droit d’auteur et droits voisins, op. cit., p. 338, n° 356.
639V. infra n° 189 ; V. not., pour une étude sur la reconnaissance, par la jurisprudence, de la représentation accessoire, V.-L. BENABOU, « Un contre-exemple : bref aperçu sur le rôle créateur de la jurisprudence », Actes du colloque « L’effectivité des exceptions au droit d’auteur et aux droits voisins : les usages, la loi, la régulation » : RLDI 2013, supplément au n° 94, p. 22 et s. ; V. également sur l’appréhension la perte de contrôle du législateur sur les exceptions, D. PIATEK, op. cit., p. 153, n° 221 et s.
640V. infra n° 196.
641C. MARElCHAL., « Les exceptions au droit d’auteur sur les œuvres d’art » : Comm. com. électr., 2015, étude 18, n° 1.
ce dernier, les exceptions ne doivent pas être considérées comme une tolérance
643,
mais comme une obligation à l’encontre de l’auteur. Venir reconnaître des exceptions
non impératives pourrait conduire à leur contractualisation
644, ce qui apparaitrait
comme une hérésie venant à l’encontre des fondements même de ce qui les anime :
l’intérêt du public
645.
175. Les conditions de l’usage des exceptions. Cette limitation dans l’exercice du
monopole de l’auteur au profit du public place l’œuvre en dehors de tout circuit
commercial : le public va ainsi pouvoir jouir de l’œuvre à titre gratuit. C’est en ce
sens qu’il apparait opportun, dans le cadre de l’étude de la gratuité en droit d’auteur,
de s’intéresser à l’usage à titre gratuit des exceptions et plus particulièrement aux
conditions de cet usage à titre gratuit. En effet, si ce dernier est imposé par le
législateur à l’égard des titulaires de droit, il reste néanmoins strictement encadré
(Section 1). Cependant, la reconnaissance de nouvelles exceptions et les débats
existant autour des nouveaux usages tendent à instaurer de nouvelles conditions à
l’usage à titre gratuit. Ainsi, l’usage à titre gratuit « non compensé », instaurant alors
une réelle gratuité d’usage, semble s’imposer avec, comme seule limitation, le critère
de « non-commercialité » de l’usage (Section 2).
643C. CARON, « Les exceptions au regard du fondement du droit d’auteur en droit français », in Les exceptions au droit d’auteur, Eltat des lieux et perspectives dans l’Union européenne, dir. A. LUCAS, P. SIRINELLI, A. BENSAMOUN : Dalloz, 2012, p. 23.
644V. sur cette question, J. PASSA, « Caractère impératif ou supplétif des exceptions au droit d’auteur ? », Actes du colloque « L’effectivité des exceptions au droit d’auteur et aux droits voisins : les usages, la loi, la régulatioin » : RLDI 2013, supplément au n° 94, p. 13-17.
645 Pour un essai sur la contractualisation des exceptions, V. C. ALLEAUME, « La contractualisation des exceptions » : Propr. intell. 2007, n° 25, p. 436 ; Pour une mise en balance d’une contractualisation des exceptions et du respect des droits fondamentaux, C. COLLIN, « La contractualisation des exceptions en droit d’auteur : oxymore ou pléonasme ? » : Comm. com. électr. 2010, étude 3 ; V. sur ce point 28, CJUE, Aff. C-117/13, 11 sept. 2014, Technische Universität Darmstadt / Eugen Ulmer KG, selon lequel une licence ne peut priver le bénéficiaire du bénéfice de l’exception ; V. également D. PIATEK, op. cit., p. 202, n° 303.
SECTION 1. – Détermination de l’usage à titre gratuit des
exceptions : des exceptions compensées et non compensées
176. Usage à titre gratuit et contrepartie : de l’usage à titre gratuit compensé
et non compensé des exceptions. Dans le cadre des exceptions, l’usage à titre gratuit
peut donner lieu à une contrepartie à l’égard des titulaires de droit en cas de préjudice
subi par ces derniers
646. En effet, la directive 2001/29/CE prévoit, d’une part,
l’obligation, pour les législateurs nationaux, de prévoir un système de compensation
lors de l’instauration de certaines exceptions et, d’autre part, la possibilité de prévoir
un système de compensation s’ils estiment que l’instauration d’une exception justifie
la mise en place d’un tel système – alors accessoire. Cependant, l’instauration d’une
compensation en contrepartie de l’usage à titre gratuit semble rester marginale, mais
également obsolète à l’égard de certaines exceptions (§1). C’est pourquoi l’usage à
titre gratuit non compensé, justifié notamment par la recherche d’un équilibre entre
droit d’auteur et liberté fondamentale tend à s’appliquer plus largement et semble de
plus en plus s’imposer, notamment avec la reconnaissance et les débats autour des
nouvelles exceptions (§2).
646V. notamment CJUE, 21 oct. 2012, aff. C-467/08, dite « Padawan », pt. 41 : « En outre, les termes « indemniser » et « dédommager » figurant dans les trente-cinquième et trente-huitième considérants de la directive 2001/29 traduisent la volonté du législateur de l’Union d’établir un système particulier de compensation dont la mise en œuvre est déclenchée par l’existence, au détriment des titulaires de droits, d’un préjudice, lequel génère, en principe, l’obligation d’ « indemniser » ou de «dédommager» ces derniers », et pt. 42 : « Il s’ensuit que la compensation équitable doit nécessairement être calculée sur la base du critère du préjudice causé aux auteurs des œuvres protégées par l’introduction de l’exception de copie privée ». – V. également CJUE, 12 nov. 2015, aff. C-572/13, dit « Reprobel », pt. 36 : « La Cour a également jugé que la compensation équitable doit nécessairement être calculée sur la base du critère du préjudice causé aux auteurs d’œuvres protégées. En effet, il ressort des considérants 35 et 38 de la directive 2001/29 que la conception et le niveau de la compensation équitable sont liés au préjudice résultant pour l’auteur de la reproduction de son œuvre protégée effectuée sans son autorisation. Dans cette perspective, la compensation équitable doit être regardée comme la contrepartie du préjudice subi par cet auteur et pt. 48 : « Dès lors, d’une part, que la compensation équitable, qui est due au titre de l’exception de reprographie ainsi que de l’exception de copie privée, est destinée, ainsi qu’il ressort du point 36 du présent arrêt, à réparer le préjudice subi par les titulaires de droits du fait de la reproduction de leurs œuvres sans leur autorisation ».
§ 1. – Les exceptions compensées : un usage à titre gratuit compensé
justifié par l’existence d’un préjudice
177. De la compensation des exceptions. La gratuité n’exclut pas la
contrepartie
647. Ainsi, dans le cadre du bénéfice des exceptions, le législateur peut
instaurer un système de compensation lorsqu’il existe un préjudice à l’égard des
titulaires de droit (A). Néanmoins, l’instauration d’une telle compensation s’avère
marginale en droit d’auteur français et tend à disparaître (B).
A. – La compensation : une réparation du préjudice subi
178. Les exceptions compensées. La reconnaissance d’une compensation à l’égard
des titulaires de droits dans le cadre de l’exercice d’une exception est intervenue, en
droit interne, lors de la reconnaissance de l’exception de copie privée par la loi du 3
juillet 1985 relative aux droits d’auteur et aux droits des artistes-interprètes, des
producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de
communication audiovisuelle
648. En effet, et pour des raisons pratiques, il apparaissait
nécessaire d’instaurer l’exception de copie privée : cette dernière se voit justifiée par
une impossibilité pratique de contrôler les reproductions d’œuvres tout en négociant
une rémunération à l’égard des ayants droit
649. Cependant, si la directive 2001/29/CE
sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la
société de l’information considère que la transposition de l’exception de copie privée
est facultative – tout comme l’exception de reprographie ou les reproductions faites
par des institutions sociales sans but lucratif –, elle impose néanmoins aux États
membres d’instaurer un système de compensation dans l’hypothèse d’une telle
647V. en ce sens les développements de la Partie 1.
648L. n° 85-660 du 3 juillet 1985, art. 31.
649 A. LUCAS., A. LUCAS-SCHLOETTER., C. BERNAULT, Traité de la propriété littéraire et artistique : Lexis Nexis, 2017, 5ème éd., p. 385, n° 393 ; L’appréhension du « préjudice » en tant que « manque à gagner » existant lors de la reproduction privée des œuvres est apparue au milieu du 20e s., D. PIATEK, La crise des exceptions en droit d’auteur : Institut universitaire Varenne, coll. des Thèses, 2017, p. 59, n° 75.