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L ES OBJECTIFS DES TARIFS DES ADMINISTRATEURS ET MANDATAIRES JUDICIAIRES

Dans le document Avis 15-A-02 du 09 janvier 2015 (Page 99-103)

A. LES OBJECTIFS DE LA RÉGLEMENTATION TARIFAIRE

4. L ES OBJECTIFS DES TARIFS DES ADMINISTRATEURS ET MANDATAIRES JUDICIAIRES

634. Les tarifs des administrateurs et mandataires judiciaires obéissent à des objectifs et à des contraintes particulières liés à la nature des procédures collectives et à l’intervention du juge.

a) La nécessité de favoriser les incitations économiques des administrateurs et mandataires judiciaires

635. La Chancellerie précise qu’initialement, en 1959, le tarif des administrateurs et mandataires judiciaires a été mis en place avec la volonté d’harmoniser des pratiques judiciaires disparates et d’introduire une certaine prévisibilité pour les justiciables.

636. En 2006, date de la dernière réforme complète d’importance, la Chancellerie a cherché, non seulement à simplifier le tarif, à en améliorer la lisibilité, mais surtout à renforcer la reconnaissance du résultat des diligences faites par les professionnels, et à favoriser leurs incitations économiques.

637. Selon la Chancellerie, les tarifs prévus doivent aussi être simples et conçus de telle sorte que les contrôles des professionnels par les juridictions soient facilités.

638. Plus généralement, les tarifs des professionnels intervenant dans les procédures collectives sont appréhendés comme l’un des outils permettant d’orienter les résultats de ces procédures, de favoriser par exemple le redressement de l’entreprise en difficulté plutôt que la cession de l’entreprise, ou bien évidemment sa liquidation.

639. De fait, les tarifs des missions des administrateurs et des mandataires judiciaires prévoient d’une part des droits fixes ou forfaitaires, souvent corrélés au chiffre d’affaires de l’entreprise ou au nombre de salariés qu’elle emploie, et d’autre part des droits proportionnels, assis sur le montant des sommes recouvrées ou des actifs cédés par exemple. Les tarifs associent donc d’un côté des droits liés aux diligences réalisés par le professionnel, et de l’autre côté des droits liés aux résultats de ces diligences.

640. Un administrateur judiciaire perçoit par exemple des droits pour ses missions d’assistance au débiteur, qui sont conçus comme la rémunération des diligences qu’il entreprend, et des droits proportionnels s’il parvient à faire qu’un plan de redressement soit arrêté par le tribunal, droits supérieurs à sa rémunération en cas de plan de cession, de sorte qu’il soit incité au redressement plus qu’à la cession de l’entreprise.

641. De même, la reconstitution de fonds propres pendant la période d’observation par l’administrateur judiciaire est-elle par exemple rémunérée entre 5 et 1 % du montant de l’augmentation de ces fonds (art. R. 663-12 du code de commerce).

642. Un mandataire judiciaire perçoit quant à lui des droits fixes pour l’établissement des relevés de créances salariales (120 euros par salarié), qui doivent couvrir les charges de cette mission, et des droits proportionnels pour les cessions d’actifs et l’encaissement et recouvrement des créances du débiteur, de nature incitative. Les encaissements et recouvrements de créances faits par le professionnel donnent ainsi lieu à une rémunération assise sur le montant des sommes encaissées ou recouvrées (art. R. 663-29 du code de commerce), de sorte que le professionnel soit incité à être le plus efficace et recouvrer ou encaisser le plus possible.

643. À l’instar du dispositif tarifaire existant pour les huissiers de justice, associant des droits forfaitaires et des droits proportionnels, le dispositif prévu pour les mandataires de justice assurant à la fois une rémunération liée aux diligences réalisées et une incitation aux résultats du professionnel paraît approprié au regard des spécificités des missions en cause.

644. Dès lors, l’Autorité recommande de veiller à maintenir, dans les tarifs des administrateurs et mandataires judiciaires, des dispositions de nature à favoriser la recherche des meilleures solutions pour les entreprises en difficultés, et à préserver les incitations économiques des professionnels.

645. Un dispositif tarifaire à deux étages, dans lequel seraient prévus d’un côté des tarifs forfaitaires ou plafonds permettant d’assurer la prise en compte des coûts des procédures et une marge raisonnable au professionnel, et de l’autre, des droits proportionnels incitatifs, s’inscrit parfaitement dans une logique d’orientation vers les coûts puisque les tarifs du premier niveau permettent précisément de couvrir les coûts du professionnel.

646. L’Autorité recommande par ailleurs qu’une évaluation précise soit faite afin d’apprécier dans quelle mesure les tarifs sont à même d’inciter les professionnels à de meilleurs résultats, en gardant à l’esprit que les résultats des procédures ne sont pas liés qu’aux missions des professionnels, mais aussi à des variables exogènes telle que la nature même des difficultés de l’entreprise.

b) La nécessité de préserver l’égalité devant la justice

647. Les missions des administrateurs et des mandataires judiciaires sont liées à des mandats de justice.

648. Les administrateurs et mandataires judiciaires sont désignés par le juge, dans le jugement d’ouverture pour les procédures collectives (art. L. 621-4 du code de commerce). Dans le cadre des procédures préventives, le débiteur peut proposer le nom d’un professionnel et son accord préalable est nécessaire sur le montant de la rémunération avant toute désignation du professionnel par la juridiction (art. R. 611-48 du code de commerce).

649. De fait, les administrateurs et mandataires judiciaires n’ont pas de clientèle, et leur activité dépend uniquement des désignations faites par le tribunal.

650. Les rémunérations des administrateurs et des mandataires judiciaires sont par ailleurs arrêtées par le juge, souvent en fin de procédure.

651. La rémunération de l’administrateur judiciaire est ainsi acquise en principe une fois que le tribunal a statué sur le plan de sauvegarde ou de redressement ou prononcé la liquidation, sauf dans des cas particuliers, et à l’exception des droits perçus pour le diagnostic, acquis dès l’ouverture de la procédure. À l’exception du droit fixe de 2 500 euros acquis dès l’ouverture de la procédure, la rémunération du mandataire judiciaire (ou du liquidateur) est quant à elle arrêtée avec le jugement de clôture de la procédure.

652. Pour les missions liées au mandat ad hoc et à la conciliation, l’article L. 614-4 du code de commerce prévoit une rémunération « en fonction des diligences qu’implique l’accomplissement de leurs missions » fixée par le président du tribunal, après accord du débiteur et avis du ministère public. En pratique, le tribunal fixe un plafond, qui, s’il est dépassé, donne lieu à une nouvelle décision du juge.

653. Dès lors, hormis pour les missions liées à la prévention, la nature même des missions des mandataires de justice dans les procédures collectives rend difficile toute concurrence en prix entre les professionnels, puisque c’est le tribunal qui désigne le professionnel, et arrête la rémunération, et qu’en définitive les frais de procédure seront imputés sur l’actif du débiteur en difficultés, sauf en cas de situation impécunieuse, dans laquelle le FFDI gérée par le Caisse des dépôts et consignations assurerait le paiement d’une partie des frais pour le liquidateur.

654. Dans les procédures collectives, le prescripteur du professionnel n’est pas celui qui va payer la rémunération de ce professionnel.

655. Par ailleurs, dans des procédures par définition judiciaires, l’exigence d’un égal accès devant la justice doit être prise en compte, et justifie, davantage sans doute que pour d’autres professions juridiques réglementées, qu’un tarif uniforme soit prévu.

656. Soulignons, à titre de comparaison, que la liberté tarifaire prévue pour les missions de mandat ad hoc et de conciliation s’explique par le caractère facultatif de ces procédures, ouvertes à la demande du débiteur lui-même, avant qu’il ne se trouve en état de cessation des paiements, et qui n’ont pas le caractère de procédures collectives. Pour prévenir la survenance d’une cessation des paiements, au moment où l’entreprise connaît des difficultés, le débiteur a la liberté de proposer le professionnel de son choix comme mandataire ad hoc ou conciliateur, et de convenir avec lui librement de la rémunération. Les procédures préventives sont volontaires, et concurrentielles en ce sens que tout professionnel, et pas seulement les administrateurs et mandataires judiciaires, peut y concourir.

c) La nécessité d’assurer un maillage territorial et une péréquation entre les dossiers 657. Le législateur a fait le choix d’instaurer des procédures dites « collectives » dans lesquelles est

prévu un traitement judiciaire des difficultés des entreprises, et dans lesquelles une discipline collective est imposée aux créanciers afin de trouver une solution aux difficultés de leur débiteur.

658. En droit français, ces procédures sont ouvertes à toutes les entreprises quelle que soit leur taille.

L’article L. 620-2 du code de commerce prévoit ainsi que « la procédure de sauvegarde est applicable à toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu'à toute personne morale de droit privé. »

659. De fait, en 2013, selon le conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (ci-après « CNAJMJ »), plus de 64 500 procédures collectives ont été ouvertes devant les juridictions françaises, dont près de 70 % de liquidations judiciaires, et 28 % de redressements judiciaires. Parmi ces procédures, 88 % concernent des entreprises de moins de 10 salariés, et 53 % des entreprises réalisant moins de 100 000 euros de chiffre d’affaires.

660. Toutes les entreprises bénéficiant de ces procédures, quelle que soit leur taille, et où qu’elles se trouvent sur le territoire national, la Chancellerie souligne la nécessité d’un maillage territorial suffisant, accentué par la nécessaire proximité avec les juridictions commerciales qui mettent en œuvre ces procédures. Selon la Chancellerie, le tarif doit permettre d’assurer des prestations de nature équivalente et de qualité équivalente sur l’ensemble du territoire. Les professionnels et la Chancellerie soulignent, en particulier pour les mandataires judiciaires, la nécessité d’une proximité avec la juridiction et avec le débiteur, ses salariés et ses créanciers, qui justifie une présence locale, via un bureau principal ou un bureau annexe.

661. L’Autorité a déjà précisé supra que, si une présence de proximité pouvait être nécessaire dans certaines hypothèses, celle-ci ne devait pas empêcher une véritable concurrence par la qualité des prestations sur l’ensemble du territoire national, et que de nouvelles dispositions, pour les procédures les plus lourdes, devaient permettre de mettre un terme au « monopole territorial de fait » des professionnels, afin d’améliorer les résultats des procédures.

662. En l’état actuel des données à sa disposition, l’Autorité n’est pas en mesure d’identifier la rémunération et la rentabilité des études selon leur localisation géographique sur le territoire, de sorte qu’elle n’est pas à même de déterminer d’une part s’il existe des écarts significatifs entre les études selon leur lieu d’établissement, et d’autre part si les tarifs permettent de compenser de tels écarts.

663. En tout état de cause, l’Autorité appelle les pouvoirs publics à identifier précisément les objectifs de maillage territorial qu’ils visent à atteindre, et à déterminer de manière transparente, dans le dispositif tarifaire, les mécanismes visant à permettre ce maillage.

664. Selon la Chancellerie, les tarifs doivent aussi, comme pour les autres professions, assurer une péréquation au sein de chaque étude entre les actes rentables et les actes peu ou pas rentables, et garantir aux professionnels une rémunération suffisante pour leur permettre d’assurer leurs missions dans des conditions satisfaisantes.

665. Le CNAJMJ considère qu’une partie des missions rémunérées par l’application du tarif n’est pas suffisamment rétribuée au regard des diligences réalisées. En particulier, les professionnels considèrent que les missions liées au volet social des procédures (élaboration et mise en œuvre des plans de sauvegarde de l’emploi …) ne sont pas rémunérées en tant que telles, et que les petits dossiers sont faiblement rémunérés au regard des diligences généralement accomplies.

666. Ainsi, ils soulignent par exemple que, dans les procédures concernant des TPE ou des PME, ils sont parfois conduits à réaliser seuls des tâches pour lesquels ils sont aidés dans les grandes entreprises par des services comptables et financiers par exemple, qu’ils sont parfois amenés à devoir reconstituer l’ensemble de la comptabilité sociale de l’entreprise, et à accompagner de manière très étroite les dirigeants. Les rémunérations prévues par le tarif, souvent assises sur le chiffre d’affaires de l’entreprise et ses effectifs, ne sont pas alors représentatives des tâches réellement effectuées et ne couvrent pas les charges engagées par les professionnels.

667. Ainsi, l’ouverture des procédures collectives aux entreprises les plus petites, et la nécessité de prévoir un tarif « raisonnable » pour celles-ci, imposeraient de prévoir un mécanisme de péréquation par lequel les procédures rentables financent les moins rentables.

668. L’Autorité reconnaît, dans la mesure où le législateur a fait le choix de procédures collectives accessibles à tout débiteur en difficultés, la nécessité d’une telle péréquation, mais souligne que, ni la Chancellerie, ni les professionnels eux-mêmes ne sont en mesure de déterminer précisément le seuil de rentabilité des actes des professionnels, ou par dossier (selon la taille de l’entreprise, son passif …).

669. Au surplus, malgré une rémunération jugée trop faible en moyenne par les professionnels, ceux-ci soulignent néanmoins que cette rémunération peut s’avérer tout de même trop importante au regard de la taille de l’entreprise, et des actifs restants.

670. De fait, l’ensemble des objectifs précités doit être mis en perspective avec les actifs de l’entreprise en difficultés, de sorte que les frais de procédure, et en particulier les rémunérations des mandataires de justice n’absorbent pas la totalité des actifs restants de l’entreprise54. Dès lors, pour des entreprises de petite taille, ayant peu d’actifs, et/ ou des dettes significatives, et si l’on souhaite qu’elles bénéficient des mêmes prestations que des entreprises plus importantes, les tarifs doivent être mesurés, et il paraît difficile d’échapper à la mise en place de mécanismes de péréquation.

Dans le document Avis 15-A-02 du 09 janvier 2015 (Page 99-103)