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L’ EXTENSION DU RESSORT DE LA COMPÉTENCE TERRITORIALE DES HUISSIERS DE JUSTICE

Dans le document Avis 15-A-02 du 09 janvier 2015 (Page 30-33)

B. LE MONOPOLE DES HUISSIERS DE JUSTICE

2. L’ EXTENSION DU RESSORT DE LA COMPÉTENCE TERRITORIALE DES HUISSIERS DE JUSTICE

126. Pour leurs missions exercées en concurrence (recouvrement amiable …) ou leurs activités accessoires, les huissiers de justice peuvent intervenir sur l’ensemble du territoire.

127. En revanche, pour leurs activités en monopole (premier et deuxième alinéas de l’article 1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945), leur compétence territoriale est limitée au ressort du tribunal de grande instance de leur résidence (art. 5 du décret n° 56-622 du 29 février 1956 modifié par le décret n° 2007-813 du 11 mai 2007).

128. Le décret n° 2014-983 du 28 août 2014 aménage la compétence des huissiers de justice et prévoit l’hypothèse dans laquelle plusieurs tribunaux de grande instance sont implantés dans un même département, et précise alors que, en principe à compter du 1er janvier 2015, l’huissier pourra instrumenter dans le ressort de l’ensemble des tribunaux de grande instance (ci-après « TGI ») implantés dans le département. De fait, à compter du 1er janvier 2015, les huissiers de justice auront, sur l’ensemble du territoire, compétence pour instrumenter concurremment dans le ressort du département où ils sont établis (qu’il y ait un ou plusieurs TGI).

129. L’Autorité recommande de poursuivre cette évolution par l’extension de la compétence territoriale des huissiers de justice au ressort de la cour d’appel de leur résidence.

a) Une extension de nature à stimuler la concurrence entre les huissiers de justice, à améliorer la qualité des prestations et à mieux répondre aux besoins des justiciables 130. La compétence des huissiers de justice circonscrite comme aujourd’hui au ressort du tribunal de

grande instance ou au département limite de fait le nombre de professionnels pouvant instrumenter sur le ressort, et réduit le choix des justiciables.

131. L’extension de la compétence territoriale des huissiers de justice est de nature à favoriser la concurrence entre les professionnels, en particulier sur la qualité de leurs prestations, dans la mesure où leurs activités réservées font l’objet de tarifs réglementés.

132. Les huissiers, professionnels libéraux offrant des prestations des services, peuvent en effet se différencier les uns des autres par la qualité de leurs prestations, par leur efficacité (dans le

recouvrement des créances ou dans la remise à personne des actes à signifier par exemple), et par les innovations qu’ils sont susceptibles de mettre en œuvre dans leurs missions.

133. Les besoins des clients des huissiers sont variés, et la concurrence entre les professionnels est de nature à permettre à ces derniers de répondre à ces besoins en leur offrant des services de qualité.

De fait, certains clients vont laisser au professionnel une grande liberté dans le choix des mesures d’exécution forcée, et la stratégie de recouvrement judiciaire à suivre, quand d’autres vont déterminer l’ensemble des démarches à mener. De même, certains clients institutionnels ont besoin de professionnels pouvant assurer des missions récurrentes de recouvrement sur un territoire étendu, sans devoir multiplier les interlocuteurs, quand d’autres n’auront qu’une demande ponctuelle.

134. Élargir le ressort de la compétence territoriale des huissiers de justice au ressort de la cour d’appel accroît mécaniquement le nombre de professionnels, la concurrence entre eux et le choix du justiciable, ce qui devrait favoriser une plus grande qualité des prestations offertes et l’adéquation de l’offre aux besoins.

135. À titre purement illustratif, pour un justiciable souhaitant procéder à une signification ou à une mesure d’exécution forcée auprès d’un débiteur domicilié dans le département du Morbihan (56) qui compte deux TGI, l’extension du ressort de compétence des huissiers à la Cour d’appel de Rennes lui permettrait de choisir entre 93 huissiers de justice, et non plus 15, comme actuellement, dans la mesure où le ressort de la Cour d’appel comprend les 4 départements bretons et la Loire-Atlantique. Ainsi, une compétence élargie au ressort de la cour d’appel permettra à un créancier de recourir aux services d’un même professionnel, ou d’une même étude, pour l’ensemble de ce ressort, et non plus de devoir recourir à plusieurs huissiers de justice.

136. Au surplus, les obligations professionnelles tenant à la qualité d’officiers publics ministériels des huissiers de justice, la déontologie que leur est applicable, garantissent un respect de la qualité de la part de ces professionnels, sans que la concurrence ne puisse conduire à une dévalorisation des services proposés. Soulignons que la concurrence s’exerce d’ores-et-déjà entre les huissiers de justice, en particulier en matière de constats, et qu’elle apparaît à cet égard bénéfique pour le justiciable, sans que la qualité de leurs prestations aient à en souffrir.

b) Une extension propice au regroupement d’offices et à la constitution de réseaux d’huissiers

137. Parallèlement, l’élargissement de la compétence des huissiers au ressort de la cour d’appel peut favoriser les regroupements d’études d’huissiers de justice.

138. Une concurrence accrue entre professionnels est en effet de nature à favoriser la recherche d’une plus grande efficacité par les professionnels, par une réduction de leurs coûts, et par des services plus efficaces et de meilleure qualité. Elle peut conduire à des regroupements d’offices et/ou d’huissiers, à la constitution de réseaux, et favorise, ainsi que cela a été exposé supra, une plus grande adéquation des services aux besoins des justiciables.

139. De fait, l’élargissement de la compétence des huissiers du ressort du tribunal d’instance au tribunal de grande instance en 2007 a conduit les études à se regrouper. De 1 963 en 2007, le nombre d’offices a ainsi diminué pour atteindre 1 708 en 2014 (- 12 %), alors même que le nombre d’huissiers est resté stable (3 201 en 2007 et 3 177 en 2014).

140. La crainte selon laquelle l’extension du ressort de compétence à la cour d’appel, en particulier si elle est associée à une liberté d’installation des huissiers, favorisera l’implantation des huissiers à

proximité des cours d’appel, et des TGI, et conduira à réduire la présence effective des huissiers dans des zones moins denses et plus éloignées des juridictions, n’apparaît d’ailleurs pas justifiée.

141. En effet, favorisés par l’extension du ressort de compétence, le regroupement des huissiers, la mise en place de réseaux entre huissiers, et le maintien de bureaux annexes22 sont de nature à garantir un niveau suffisant de proximité pour que le service public de la justice soit assuré dans des conditions satisfaisantes. L’extension de compétence et la plus grande liberté accordée aux huissiers favoriseront même l’adéquation de leurs prestations aux besoins des justiciables. Les huissiers pourront ainsi, via des bureaux communs, organiser l’exécution de leurs tâches pour concentrer leurs efforts dans les zones où la demande est la plus forte, tout en garantissant un accès à la justice dans les zones moins denses.

c) Une extension dans le contexte de missions aménagées

142. L’exigence actuelle d’un ressort géographique limité au TGI ou au département doit être replacée dans le contexte d’une signification se faisant principalement par voie papier, et dans lequel les bureaux communs de signification sont limités aux grandes villes.

143. Dès lors que l’Autorité recommande de limiter le recours à la signification, de développer la signification par voie électronique et le recours aux bureaux communs (cf. supra), l’exigence de proximité s’avère moins prégnante. Les huissiers de justice pourront par exemple par la signification électronique porter des actes de procédure à la connaissance de leur destinataire sur des distances beaucoup plus longues qu’aujourd’hui. À cet égard, rien ne justifie que soient seuls compétents les huissiers de justice du ressort du TGI où l’un des destinataires de l’acte a son domicile ou sa résidence, dès lors que la mise en œuvre de la signification n’est plus contrainte par des considérations matérielles.

144. Par ailleurs, le recours à des bureaux communs, qui ne seraient pas limités aux huissiers résidant dans la même commune, sera de nature à faciliter la signification, y compris par voie papier, dans un ressort plus étendu que celui du TGI ou du département.

145. Ainsi, un créancier institutionnel pourra par exemple recourir aux services d’une seule étude ou d’un seul professionnel dans un ressort étendu à la cour d’appel pour procéder à des opérations de saisie-attribution de comptes bancaires par voie électronique, opérations pour lesquelles la présence physique de l’huissier de justice ne semble pas nécessairement justifiée.

146. Au surplus, cette extension de compétence aura le mérite de permettre, en particulier dans les zones proches des limites territoriales du ressort d’un TGI, ou aux limites territoriales d’un département, qu’un huissier établi dans le département limitrophe, ou dans le ressort du TGI limitrophe, puisse instrumenter sans qu’il soit nécessaire comme aujourd’hui de requérir l’accord du premier président de la cour d'appel.

147. Soulignons aussi que l’article 16 du décret n° 56-622 du 29 février 1956 permet aux huissiers de

« confier la signification d'un acte à un confrère dont la résidence, située dans le même ressort de compétence, est plus proche du lieu de signification ».

22 Soulignons qu’un huissier de justice peut aussi être autorisé, par décision du procureur général près la cour d'appel dans le ressort de laquelle est établi l'office, à créer un ou plusieurs bureaux annexes dans les limites de sa compétence territoriale (art. 40 du décret n° 75-770 du 14 août 1975), et dès lors, un huissier pourra implanter des tels bureaux sur l’ensemble du ressort de la cour d’appel.

148. En tout état de cause, si l’Autorité recommande une extension du ressort territorial de compétence, celle-ci ne pourra néanmoins se faire qu’après la réalisation d’une évaluation de l’impact de l’extension prévue au 1er janvier 2015 au département.

Dans le document Avis 15-A-02 du 09 janvier 2015 (Page 30-33)