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L’insuffisance rénale sensibilise à la capture cérébrale de Gd

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DISCUSSION des résultats concernant la caractérisation de la rétention cérébrale de Gd Le premier enjeu de cette thèse aura été de mieux comprendre et décrire le phénomène d’accumulation

A. L’insuffisance rénale sensibilise à la capture cérébrale de Gd

Dans une première étude, nous avons souhaité étudier une population de rats insuffisants rénaux modérés, en comparaison à une population saine, dans un double objectif. D’une part, nous voulions savoir si cette catégorie de sujets pouvait être plus sujette à l’accumulation cérébrale suite à des injections de chélates de Gd. En effet, cette population n’est pas concernée par les restrictions émises par les autorités de santé suite à la FSN, et reçoit donc toujours potentiellement des produits classés « à risque élevé » (gadodiamide, gado- pentétate et gadoversétamide), alors que la demi-vie d’élimination du produit y est plus lente que chez une population saine. Ils sont ainsi potentiellement plus exposés. Cela représente la plupart des patients âgés, nombreux à bénéficier d’examens IRM (Stevens, 2010 ; Duru, 2009). D’autre part, si c’est effectivement le cas, nous avons émis l’idée que ce modèle « sensibilisé » puisse ainsi permettre de mieux documenter le comportement des produits, en accentuant leur accumulation cérébrale.

Notre modèle d’insuffisance rénale modérée a consisté en une ablation des 5/6e du parenchyme rénal. Ce

modèle, contrairement à celui de supplémentation de la nourriture en adénine par exemple, permet d’in- duire une insuffisance rénale qui n’est pas trop sévère et qui reste relativement stable dans le temps (Pietsch, 2009). Une diminution de la clairance de la créatinine de l’ordre de 58% a ainsi été obtenue, avec une certaine variabilité interindividuelle (publication 1). Dans la première étude, une légère amélioration de la fonction rénale avait été mesurée entre la 1e et la 6e semaine, alors que celle des animaux sains ne variait pas. Dans

la deuxième étude, les valeurs de clairance de la créatinine endogène fluctuaient également au cours de l’étude, avec une amélioration de la fonction rénale entre la 1e et la 6e semaine, puis un retour à une valeur

intermédiaire en semaine 10. Quoi qu’il en soit, les valeurs obtenues correspondaient toujours à une insuffi- sance rénale modérée.

Il apparait qu’effectivement, les insuffisants rénaux modérés sont plus sujets à l’accumulation cérébrale de Gd, en tout cas sur le court terme étudié. En effet, en ce qui concerne le rehaussement du signal T1 dans les noyaux cérébelleux profonds, étudié cette fois-ci à 4,7 T, il a été observé plus précocement (dès 8 injections de gadodiamide, soit 4,8 mmolGd/kg cumulés, contre 12 injections quantitativement chez les rats sains), et de façon plus intense, que celui observé chez les sujets sains (rapport du signal T1 DCN/tronc de 1,12 versus 1,07). La cartographie T1 semble cependant moins sensible, puisque la différence concernant les vitesses de relaxation R1 calculées est faible, de 1,37 s-1 contre 1,39 s-1. La concentration de Gd total a été dosée

dans un certain nombre de matrices cérébrales, 6 jours après la fin des injections. Les noyaux cérébelleux profonds ont été disséqués et poolés à cause de leur faible masse, pour un premier essai de détermination de leur concentration en Gd. Nous avons mesuré, dans ces structures d’intérêt, une concentration de Gd de 12,3 nmol/g dans la population saine, contre 19,9 nmol/g chez les rats insuffisants rénaux. Les concentrations de Gd total étaient doublées avec l’insuffisance rénale, dans toutes les structures cérébrales. La variabilité des clairances de créatinine nous a permis d’établir des corrélations significatives entre la clairance de la créatinine et la concentration de Gd pour toutes les structures étudiées (sauf, bien sûr, les DCN poolés). L’insuffisance rénale semble donc sensibiliser les animaux à la capture cérébrale du Gd/du chélate de Gd. Cette capture semble répondre au même mécanisme quelle que soit la structure étudiée. Une continuité du phénomène est observée, l’accumulation de Gd augmentant quand la fonction rénale décroit, avec une dis- tribution similaire. La clairance du gadodiamide n’a pas été documentée, mais sa distribution semble donc dépendre principalement du paramètre cinétique, avec une circulation sanguine et donc une exposition pro- longées dans le cadre d’une élimination rénale moins efficace. Cela a été retrouvé notamment à travers les dosages plasmatiques de Gd total : la concentration de Gd total circulant toujours 6 jours après la fin des injections était 8 fois plus élevée en moyenne chez les rats insuffisants rénaux que chez les rats sains. Sur ce modèle de néphrectomie des 5/6e, une exposition 3 fois plus importante a été rapportée comparativement

à une population saine (Pietsch, 2009).

Une perte de la fonctionnalité de la barrière hématoencéphalique a été suggérée en cas d’insuffisance rénale chronique (Lau, 2017). Toutefois, sur un modèle de néphrectomie des 5/6e similaire au nôtre, la fonctionna-

lité de la BHE est maintenue (Naud, 2012). L’expression de certains transporteurs au niveau des cellules en- dothéliales des capillaires sanguins cérébraux était même diminuée, et les concentrations de substances exo- gènes atteignant le parenchyme cérébral étaient inchangées voire diminuées. La diminution de la clairance de la créatinine dans cette étude était, par ailleurs, de 80%, ce qui est plus sévère que ce que nous avons obtenu.

Sur un modèle d’insuffisance rénale obtenue par électrocoagulation chez la Souris, avec des doses injectées 4 fois supérieures aux nôtres il apparait qu’alors que l’insuffisance rénale augmente effectivement l’accumu- lation de Gd dans les organes périphériques tels que la rate, le foie, les os et les reins, les concentrations de Gd dans le système nerveux central sont similaires à celle des souris saines (Kartamihardja 2016 a et b). Cela n’est pas cohérent avec nos données, et résulte peut-être des différences entre les espèces, les doses et le mode d’induction de l’insuffisance rénale. Néanmoins, nous nous sommes également intéressés à l’os dans notre première étude (Publication 1) (os pariétal du crâne et fémur). Ces structures semblent encore plus sensibles que le SNC à l’insuffisance rénale pour ce qui concerne l’accumulation à court terme de Gd. Les rapports de concentrations de Gd entre les groupes insuffisant rénal ou sain est, en effet, plus proche de 3, contre 2 dans les tissus cérébraux.

Une étude clinique comparant des patients hémodialysés à des sujets sains, a également rapporté des re- haussements du signal T1 plus importants dans les DCN et le globus pallidus pour ces premiers suite à des administrations de chélates de Gd linéaires, concluant, comme nous, à une sensibilisation de l’accumulation par l’insuffisance rénale (Cao, 2016). Nos conclusions semblent donc cliniquement pertinentes.

Dans la seconde étude sur le modèle d’insuffisance rénale (publication 2), nous avons reproduit les résultats obtenus sur la première pour le gadodiamide. L’insuffisance rénale induite était légèrement moins sévère que dans la première étude. Le rehaussement T1 est apparu qualitativement après 2 semaines d’injections également (3 semaines pour l’analyse quantitative). Le rapport de signal T1 DCN/tronc cérébral s’est révélé moins élevé juste après les injections (1,08 contre 1,12 dans la première étude). Les vitesses de relaxation R1 calculées depuis les cartographies étaient cependant similaires (1,38 vs 1,39 dans la première étude). Les concentrations de Gd total, obtenues 5 semaines après la période d’injection étaient légèrement plus faibles

out » du Gd au cours de la période post-injections. Pour ce qui concerne les DCN, il s’agit certainement d’une amélioration de la technique de dissection lors de la 2e étude, une redistribution spécifique post-injection

semblant peu probable.

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