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Chélate linéaire vs macrocyclique : effet classe

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DISCUSSION des résultats concernant la caractérisation de la rétention cérébrale de Gd Le premier enjeu de cette thèse aura été de mieux comprendre et décrire le phénomène d’accumulation

D. Chélate linéaire vs macrocyclique : effet classe

Dans notre étude comparative, l’hypersignal dans les DCN est apparu nettement après administrations de gadodiamide, un peu moins pour le gadobénate, et pas pour le gadotérate. L’effet classe qui avait été observé dans le cadre de la manifestation de la FSN semble être de nouveau applicable pour le phénomène de la capture cérébrale. En clinique, l’hypersignal T1 du noyau dentelé et du globus pallidus est, en effet, observé presque exclusivement dans le cas d’administrations de chélates linéaires de Gd (Kanda, 2015a ; Radbruch, 2016).

Concernant les concentrations accumulées dans les structures cérébrales, la même tendance est observée. La capture cérébrale ferait donc intervenir la cinétique de dissociation du chélate de Gd, qui distingue les complexes macrocycliques des linéaires, ainsi que la stabilité thermodynamique, qui explique les différences au sein des linéaires, entre chélates de Gd ioniques et non-ioniques (Port, 2008 ; Idée, 2009a). Les cinétiques de dissociation des chélates de Gd commercialisés macrocycliques sont en effet très lentes. En revanche, les agents linéaires ont tendance à se déchélater beaucoup plus rapidement, pouvant ainsi permettre la liaison du Gd dissocié à des molécules endogènes, susceptibles de conduire à sa rétention dans l’organisme. Au sein des chélates de Gd linéaires, les ligands non-ioniques ont une moindre affinité pour le Gd que les ligands ioniques. L’augmentation de l’exposition au chélate de Gd, en cas d’insuffisance rénale, favoriserait la dé- chélation, pouvant expliquer des concentrations de Gd accumulées deux fois plus importantes dans le cas du gadodiamide. Le gadotérate, administré dans notre seconde étude, présente de bonnes stabilités cinétique et thermodynamique, et figure parmi les agents s’accumulant le moins (Frenzel, 2008). Nous n’avons cepen- dant pas la preuve que le Gd accumulé soit déchélaté.

Le gadobénate se distingue des autres chélates de Gd par sa capacité de liaison aux protéines. Ce paramètre pourrait éventuellement intervenir en facilitant son passage ou son accumulation cérébrale, ou au contraire le retenir dans la circulation sanguine. L’effet T1 observé pourrait être plus élevé, rapporté à la concentration accumulée, puisque le gadobénate, associé à l’albumine, a un effet T1 plus important. Cela n’a pas été le cas. Son profil d’accumulation tissulaire est similaire à celui des autres agents de sa classe (molécules linéaires et ioniques) (Robert, 2016 ; Jost, 2016 ; Frenzel, 2017). Nous ne pensons donc pas que sa liaison à l’albumine intervienne. La seule différence observée est l’absence d’hypersignal du 4e ventricule dans la deuxième

étude, contrairement aux animaux des groupes gadodiamide ou gadotérate. Nous ne disposons pas de suf- fisamment d’éléments pour discuter de ce point, l’hypersignal T1 dans ce ventricule étant transitoire et le LCR et les plexus choroïdes n’ayant pas été prélevés.

1. Arguments en faveur d’une déchélation des chélates linéaires de Gd

dissociation in situ des chélates linéaires de Gd est très probable mais l’importance de ce phénomène reste mal connue (Gianolio, 2017).

Déjà, dans notre étude de la distribution du gadodiamide chez le Rat insuffisant rénal ou non (Publication 1), nous avons constaté la présence de Gd soluble et dissocié (dosage par LC-ICP-MS) dans le compartiment sanguin 6 jours après la dernière administration. Ce Gd pourrait être lié à des macromolécules circulantes non (ou peu) filtrées au niveau glomérulaire.

Dans notre étude étudiant le rôle des métaux (Publication 2), les excrétions urinaires du Fe, Zn et Cu ont été mesurées. Nous avons ainsi noté que, dans les heures suivant une administration de gadobénate ou de ga- dodiamide, mais pas de l’agent macrocyclique gadotérate, la zincurie augmentait fortement (de façon plus importante pour le gadodiamide). Une telle observation d’augmentation de la zincurie et de la cuprurie avait déjà été faite en clinique et préclinique, suite à des injections de gadodiamide, et de gadopentétate (dans une moindre proportion), mais pas dans le cas du gadotérate (Puttagunta, 1996 ; Corot, 1998 ; Kimura, 2005). Cet effet témoigne certainement d’une association entre le ligand libre ajouté à la solution pharmaceutique et le pool labile du zinc de l’organisme. Cependant, alors que dans le cas du gadodiamide, du ligand (le cal- diamide) est présent en excès dans la solution pharmaceutique (25 mmol/L) et peut expliquer en partie l’aug- mentation de la zincurie, ce n’est pas le cas du gadobénate (Port, 2008). Pour ce dernier, l’excrétion de zinc témoigne donc certainement d’une transmétallation systémique, et peut-être aussi, pour une part de l’effet observé dans le cas du gadodiamide (sur la base des constantes de stabilité thermodynamiques (Port, 2008)). Les concentrations plasmatiques de zinc total (55-125 µmol/L) et de son pool libre sont en effet plus impor- tantes que celles du fer et du cuivre (McBean, 1972 ; Kimura, 2005 ; Zalewski, 2006 ; Mills, 2010). Le fer est mobilisé par des protéines de transport ou de stockage telles que la ferritine, la transferrine ou l’hémoglo- bine, et peu de Fe3+ se trouve alors sous forme « labile », c’est-à-dire aisément disponible. Quant au Cu2+, il

semble probable qu’il n’est pas présent en concentration suffisante (1-10 µmol/L) pour avoir une grande influence sur l’équilibre ligand-Gd. Les concentrations plasmatiques de calcium ionisé (environ 1,25 mmol/L) sont, quant à elles, contrebalancées par des constantes d’affinité plus élevées des ligands pour le cuivre (par exemple, log Ktherm Zn-DTPA-BMA de 12,04, contre 7,17 pour le Ca-DTPA-BMA) (Idée, 2009a). La déchélation

du Gd peut être facilitée par la formation d’espèces intermédiaires, comme avec l’anion PO43- ou des macro-

molécules, qui déplacent alors l’équilibre (Tweedle, 1991 ; Taupitz, 2013 ; Laurent, 2001 ; Idée, 2014). Aucune différence entre les groupes dans les concentrations des métaux cérébraux n’ayant été détectée (dans les limites de sensibilité de l’ICP-MS) dans notre étude, cette transmétallation semblerait être périphé- rique. Cela impliquerait alors que du Gd, sous une forme autre que chélatée à son ligand polyazapolycarboxy- lique, accède potentiellement au LCR ou au parenchyme cérébral.

Des études d’administration d’agents chélatants tels que le DTPA-Ca, réalisées par d’autres équipes, permet- tent aussi de mieux comprendre ce phénomène. Chez le Rat, après 3 administrations de DTPA-Ca espacées d’une semaine, l’excrétion urinaire de Gd est multipliée par 10 quand elle est mesurée 7 à 9 semaines après injection unique de gadodiamide (Boyken, 2019). Pour le gadobutrol, macrocyclique, étudié dans les mêmes conditions, l’excrétion urinaire de Gd reste inchangée. Pour le gadobutrol, cette excrétion urinaire est plus importante que celle du gadodiamide, alors que les concentrations tissulaires (dont le cerveau) de Gd sont nettement inférieures. Le DTPA-Ca a modérément réduit la quantité de Gd intracérébral du groupe gadodia- mide. Dans le cerveau des rats, les espèces à partir desquelles le Gd a été mobilisé par le DTPA-Ca ne sont pas connues. Pour le gadobutrol, l’administration de DTPA-Ca n’a eu aucune influence sur la concentration tissulaire et l’élimination de Gd, ce qui suggère que le Gd dosé est sous la forme du gadobutrol intact. Cela est cohérent avec la haute stabilité cinétique de ce chélate macrocyclique. On note qu’entre 7 et 10 semaines après administration unique de ce chélate de Gd, du Gd reste excrété dans les urines, ce qui suggère une élimination physiologique du produit (dont la structure n’a cependant pas été vérifiée en spectrométrie de masse). Le DTPA-Ca n’a pas modifié notablement la concentration de Gd osseux des rats du groupe

gadodiamide, contrairement au cerveau et à la peau. Le DTPA-Ca accède difficilement à des compartiments de stockage prolongé comme l’os minéralisé (Guilmette, 2003).

Une autre équipe a étudié chez la Souris l’effet de l’administration de deux agents chélatants, ainsi que l’im- portance du moment où elle est réalisée, pour limiter l’accumulation de Gd tissulaire (après injection de citrate de Gd) (Rees, 2018). Les chélateurs étudiés ont été l’HOPO (ligand hydroxypiridinone octadenté), dé- crit comme figurant parmi les plus efficaces pour les ions actines et lanthanides, et le DTPA. L’administration d’un tel composé semble être plus efficace que le DTPA, en favorisant une excrétion majoritairement par les fèces. Le traitement semble avoir un meilleur effet lorsqu’il est administré en amont de l’injection de Gd (1h avant idéalement, mais fonctionne mieux 24h avant que 1h après par exemple). Cependant, l’excrétion n’a pas semblé concerner le Gd intra-cérébral. Une limite de cette étude est le choix du citrate de Gd, de faible stabilité thermodynamique (log Ktherm = 7,72) (Smith et Martell, 1989).

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