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Où le Gd s’accumule-t-il et pourquoi ?

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DISCUSSION des résultats concernant la caractérisation de la rétention cérébrale de Gd Le premier enjeu de cette thèse aura été de mieux comprendre et décrire le phénomène d’accumulation

E. Où le Gd s’accumule-t-il et pourquoi ?

1. Structures d’accumulation du Gd

Comme nous l’avons déjà évoqué, le Gd s’accumule dans toutes les structures où il a été dosé. Cependant, des sites d’accumulation préférentielle apparaissent nettement. Chez l’Homme, au niveau cérébral, c’est principalement dans le noyau dentelé et le globus pallidus qui semblent accumuler du Gd après injections répétées de chélates, si l’on évalue ce phénomène très indirectement, par le rehaussement T1 détecté en IRM. Cette approche ne documente cependant que le Gd ayant accès aux protons de l’eau et susceptible d’en modifier le temps de relaxation. Cependant, il n’est évidemment pas aisé de prélever les différentes structures pour y doser le Gd, sauf post mortem. Sur les modèles précliniques, chez le Rongeur, le globus pallidus n’a jamais pu être étudié distinctement, en IRM ou par dosage, du fait de sa petite taille. Il est ainsi prélevé avec le striatum. Ce dernier constitue, en effet l’une des structures d’accumulation de Gd principales (Publication 2). Quant au noyau dentelé, un rehaussement T1 est retrouvé, mais il est accompagné de celui des noyaux voisins, les noyaux interposé et fastigial, regroupés sous le terme de noyaux cérébelleux pro- fonds. Chez l’Homme cependant, le rehaussement des autres noyaux, bien plus petits que le dentelé, n’est pas exclu, puisqu’il est difficile de les distinguer sur la plupart des images.

Néanmoins, il est possible que du Gd s’accumule en grande quantité dans un tissu et que cela ne soit pas détecté par l’étude de son effet sur la relaxation, s’il est sous une forme qui ne permet pas son interaction avec les protons. C’est le cas dans les bulbes olfactifs par exemple sur notre modèle, dans lesquels des con- centrations très élevées de Gd ont été mesurées, ce qui est cohérent avec d’autres travaux (Fretellier 2019 ; Kartamihardja 2016b). Chez l’Homme, à notre connaissance, aucun hypersignal n’a été relevé à ce niveau, et le dosage de Gd n’y a jamais été réalisé. Un hypersignal a en revanche été rapporté dans les bulbes olfactifs chez des soudeurs, intoxiqués au manganèse après en avoir inhalé (Sen, 2011). L’ordre d’accumulation du Gd entre les différentes structures du SNC analysées est globalement toujours le même dans les études con- cernant les chélates linéaires. Ce classement est logiquement beaucoup moins évident dans le cas des agents macrocycliques, car les concentrations de Gd total relevées sont très faibles et souvent du même ordre. Le mécanisme de distribution et d’accumulation semble donc être identique entre les différents chélates de Gd, bien que leur profil pharmacocinétique puisse différer. Le gadobénate se lie à l’albumine sanguine mais cela ne semble donc pas intervenir sur sa distribution relative selon les structures cérébrales. On trouve, pour les chélates linéaires de Gd, l’ordre suivant : Bulbes olfactifs ≥ DCN > Striatum > Plexus > Cortex cérébelleux ≥ Thalamus ≥ Hypothalamus ≥ Mésencéphale > Cortex cérébral ≥ Hippocampe ≥ Tronc cérébral ≥ Amygdale. Cela est globalement cohérent avec les données rapportées chez la Souris (Kartamihardja, 2016b), et d’autres

Une étude de la localisation fine, a été réalisée au moyen de la technique de LA-ICP-MS (Lohrke, 2017 ; Jost, 2018 ; Fingerhut, 2018a ; Fingerhut, 2018b). Cette technique permet la cartographie du Gd, quelle que soit sa forme, sur une coupe de tissu. Cette approche a permis l’observation de Gd chez le Rat, comme attendu au niveau des DCN, du 4e ventricule, mais aussi dans une couche corticale, que l’on identifie comme la couche

granulaire (Paxinos et Watson, 2007) (Lohrke, 2017 ; Jost, 2018). Les concentrations de Gd y étaient qualita- tivement équivalentes à celles mesurées dans les DCN pour le gadodiamide, et moindres pour le gadopenté- tate (Lohrke, 2017). En IRM préclinique, aucun effet T1 n’est observé dans le cortex cérébelleux et les diffé- rentes couches cellulaires ne sont pas discernables. Cependant, les concentrations de Gd total dans le cortex cérébelleux sont parmi les plus importantes, en dehors des structures connues. C’est pour cette raison que nous avons inclus l’étude du cortex et plus précisément de la couche granulaire dans nos études de micros- copie électronique et de XRF. Nous n’avons cependant rien identifié en XRF (mais cette structure n’a été que peu analysée), et seuls quelques dépôts de Gd insoluble ont été observés en microscopie électronique autour de vaisseaux, mais jamais dans le compartiment intracellulaire. Des données de LA-ICP-MS chez le Rat (non publiées) montrent que la distribution du fer, du cuivre et du zinc au niveau de ces couches du cortex céré- belleux est hétérogène. La couche granulaire contient la plus importante concentration de fer (mais infé- rieure à celle des DCN) et du zinc (autant que dans les DCN), tandis que le cuivre se trouve dans les cellules de Purkinje (légèrement plus que dans les DCN). Chez l’Homme, la distribution des métaux endogènes est moins nette que chez le Rat (Fingerhut, 2018b). L’accumulation de Gd au niveau de la couche granulaire du cortex est également bien moins importante chez l’Homme que chez le Rat comparativement aux DCN (Fin- gerhut, 2018b).

2. Hypothèses concernant l’accumulation préférentielle dans certains tissus

Quels sont les déterminants de cette distribution du Gd stocké à moyen terme ? Nous avons souhaité étudier le rôle des métaux endogènes dans ce phénomène (Cu, Fe, Zn). Nous avons alors mis en évidence une corré- lation significative entre la concentration en Gd et la concentration en Fe, structure par structure, pour le gadodiamide et le gadobénate (Publication 2). Chez l’Homme, il a été noté qu’avec un nombre d’injections de chélates linéaires de Gd et donc une dose cumulée croissants, de nouvelles structures cérébrales présen- taient progressivement un rehaussement du signal T1 (Zhang, 2017). Or, ces structures ont pour particularité commune d’être parmi les plus riches en fer (Hallgren, 1958 ; Höck, 1975 ; Hasan, 2012) : après le globus pallidus et le noyau dentelé, apparaissent le noyau rouge, la substance noire, le noyau caudé, le thalamus, le putamen. Si l’on considère que cette observation, commune à l’Homme et au Rat, n’est pas une simple coïnci- dence, plusieurs cas sont envisageables.

Le fer pourrait intervenir dans le phénomène de transmétallation, s’échanger localement avec le Gd, favori- sant ainsi l’association de ce dernier à une molécule ou une entité endogène, et donc son accumulation. Cependant, pour participer à la transmétallation, le fer doit être labile, alors que nous mentionnions précé- demment des concentrations de fer total. La part labile du fer (0,5 à 1,5 µM au niveau intracellulaire dans le cerveau) est très faible par rapport au fer total (Cabantchik, 2015). Les constantes d’affinité du complexe ligand-Fe sont souvent supérieures à celles mesurées pour le complexe ligand-Gd (log Kcond DTPA-Fe = 23,4

contre 17,7 pour DTPA-Gd, par exemple) (Port, 2008). Cependant, une transmétallation avec le Fe suppose une concentration locale de fer libre suffisante. Néanmoins, l’homéostasie du pool de fer labile est finement contrôlée, et on peut s’imaginer que des cellules ayant des stocks de fer mobilisable, entretiennent le phé- nomène en continu. L’absence de données sur les concentrations et les localisations des pools labiles de Fe dans les structures d’intérêt rend délicat une conclusion sur ce point.

Une autre option est que le Gd se retrouve concentré aux mêmes endroits que le fer parce qu’il emprunte les mêmes voies d’accès. Cela supposerait que le Gd, pour être accumulé, doit s’être préalablement

il a été est décrit que le Gd3+ a la capacité de se lier à la transferrine, tout comme Al3+ ou Mn3+, mais avec une

faible affinité en comparaison avec celle de Fe3+ (Zak, 1988 ; Schmitt, 2011). Dans le cas du gadodiamide (ou

DTPA-BMA-Gd), cela aboutirait à l’équation suivante :

Équation 14 : DTPA-BMA-Gd + Tf-Fe ⇄ Tf-Gd + DTPA-BMA-Fe

(où Tf = transferrine).

La constante de stabilité thermodynamique de DTPA-BMA-Fe est supérieure à celle du DTPA-BMA-Gd (ou gadodiamide) (log Ktherm de 21,9 et 16,9 respectivement) (Port, 2008). Toutefois, il existe deux sites de liaison

du fer Fe3+ avec la transferrine. Leurs constantes de stabilité thermodynamique sont élevées (log Kcond(1) =

20,2 et log Kcond(2) = 39,3) (Motekaitis, 1992). Un phénomène de transmétallation impliquant le premier site

de liaison du fer sur la transferrine est, en théorie, envisageable mais nullement démontré.

Associé à la transferrine, le Gd pourrait directement traverser la BHE (Jefferies, 1984 ; Kissel, 1998), comme cela a été décrit pour le Mn3+ (Aschner, 1994).

Enfin, les noyaux cérébelleux profonds et le globus pallidus étant anatomiquement proches de ventricules cérébraux, une explication complémentaire pourrait consister en la proximité du liquide céphalorachidien avec ces structures. C’est, par exemple, l’une des hypothèses pour la toxicité du plomb dans l’hippo- campe (Zheng, 2001). Après que le Pb3+ ait traversé les plexus choroïdes et se soit retrouvé dans le LCR, il

s’accumule dans l’hippocampe, d’accès aisé depuis le LCR, et il y induit une toxicité, se manifestant clinique- ment par des troubles mnésiques. Chez le Rat, on notera que les bulbes olfactifs baignent aussi dans le LCR. Cependant, cette proximité anatomique des structures accumulant le Gd avec le LCR n’explique pas tout, puisqu’une diffusion simple n’explique pas cette distribution, qui favoriserait l’accumulation en périphérie du cortex cérébral et cérébelleux par exemple. De plus, le tronc cérébral, situé juste au-dessous du 4e ventri-

cule et des DCN, est peu concerné par l’accumulation.

En cartographie par fluorescence X, le Gd était présent de façon éparse dans toute la zone étudiée des DCN, mais principalement accumulé dans des structures allongées que nous supposons être vasculaires. Fingerhut, à l’aide de coupes chez l’Homme scannées en LA-ICP-MS à haute résolution (4-7 µm), a également trouvé une forte concentration de Gd dans des (ou autour de) vaisseaux dans le noyau dentelé, avec des concentra- tions moyennes de 150 µg/g, soit près de 1 µmol/g, contre seulement 25 µg/g dans la substance blanche environnante. La densité vasculaire y est bien plus élevée que dans la substance blanche, pouvant expliquer cette différence de concentration (Fingerhut, 2018b, données supplémentaires).

Chez le Rat adulte, la densité microvasculaire est identique dans les 3 couches du cortex (Koppel, 1981). Donc, la simple séquestration de Gd au niveau des vaisseaux ne peut expliquer le fait que la couche granulaire soit privilégiée. Dans la zone des noyaux cérébelleux profonds du Rat, il semble que le Gd soit plutôt localisé sur la partie dorsale que ventrale (données LA-ICP-MS, présentées en Annexe 4). Nous disposons cependant d’aucune donnée concernant la microvascularisation des DCN chez le Rat. Il aurait été judicieux, dans nos études, de prélever spécifiquement le système vasculaire (par des techniques dites de déplétion capillaire), pour déterminer la proportion de Gd accumulée dans l’espace vasculaire, et celle réellement accumulée dans le parenchyme cérébral.

Par ailleurs, on peut noter que du Gd a aussi été identifié dans un vaisseau sanguin cutané étudié en LA-ICP- MS (Clases, 2019). Il est donc possible que les constituants de la BHE, outre les cellules endothéliales, ne soient pas indispensables pour l’accumulation de Gd au niveau vasculaire.

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