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L’expressionisme allemand et le primitivisme

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 148-151)

2.2 Les arts de l'Afrique noire : classification ethnique

3.4.2 L’expressionisme allemand et le primitivisme

Il sřagit principalement du groupe « Die Brücke ». Ce groupe fut créé en 1905 à Dresde. Fritz Bleyl, Ernst Ludwig Kirchner, Eric Heckel et Karl Schmidt en furent les fondateurs, furent par la suite rejoints par Pechstein. « Le groupe fut nommé ainsi en référence à un extrait de « « Ainsi parlait Zarathoustra » » de Friedrich Nietzsche parlant du potentiel qu'a l'humanité de devenir un « pont » vers un monde meilleur (Übermensch). Les membres du Die Brücke avaient quant à eux le but de faire un « pont » entre la peinture néo-romantique traditionnelle allemande et la peinture expressionniste moderne »414. Ce que ces jeunes recherchaient, cřétait « l’absolu naturel, la libération de toute contrainte bourgeoise, le refus de toute forme d’asservissement à l’histoire, la couleur pure, la spontanéité du dessin et le maximum d’expressivité au sens de ce qui est généralement appelé expressionnisme415 ».

Ils prônaient ainsi, selon Michel Leiris, la nécessité de retrouver les instincts, les extases, les réactions quasi viscérales quřils prêtent à lřhomme des origines. Ils avaient pour modèles les néo-impressionnistes mais aussi des artistes comme Van Gogh ou Munch.

Les œuvres primitives furent découvertes par Ernst Kirchner au musée dřethnographie de Dresde en 1904. Dans cet endroit, des œuvres dřAfrique et dřOcéanie furent exposées suite

412ANTLIFF, M., LEIGHTEN, P., Op.cit., p 30.

413 AKA-EVY J.L. « De l'art primitif à l'art premier »,Cahiers d'études africaines. Vol. 39 numéro155-156. 1999. pp. 563-582.

414 Source Wikipedia.com le 16/06/06.

415 La peinture expressionniste allemande, Serge Sabarsky, 1987.

aux nombreuses expéditions ethnographiques menées jusque là. Ainsi, les membres de ce groupe devinrent très vite familiers de tout cet art primitif qui rejoignait en quelque sorte la finalité, le but de leur travail. Ce qui les distingua des autres groupes fut : lřinfluence de trois sortes dřarts qui étaient tenus pour primitifs. Il sřagit des sculptures dřAfrique et dřOcéanie mais aussi des bois gravés allemands et des dessins dřenfants. Les artistes furent influencés par Munch et Van Gogh mais aussi par Gauguin et Ensor. Il faut à ce titre noter que lřinfluence du travail de Gauguin sur ce groupe rend encore plus complexe son idéologie. En outre influences de ce groupe en matière dřart primitif étaient plus océaniennes qu'africaines.

Ils avaient selon Robert Goldwater, une tendance à « traiter comme superficiels et sans importance, tous les aspects du monde compliqués et raffinés, et à s’efforcer d’aller par derrière quelque chose d’important et de fondamental416 ». Le groupe expose, pour la première fois, à Berlin en 1910 et se dissout en 1913. En effet, peu à peu les singularités se font ressentir et les conceptions divergèrent. Il faut donc retenir des expressionnistes allemands, leur approche esthétique et conceptuelle, et surtout le fait que leur art fut en quelque sorte un art « primitivisant ». Pour eux, les arts africains et océaniens étaient « la preuve d’un art primitif qu’il fallait célébrer 417».

3.4.3 Le Fauvisme

Le Fauvisme évoque aujourdřhui lřun de mouvements artistiques les plus importants du XXe siècle. Dřune part à travers la qualité de ses œuvres et, dřautre part, en raison de lřinfluence quřil a exercée sur toute la peinture contemporaine. On peut citer au sein de ce mouvement de nombreux artistes, mais ceux qui nous intéressent sont ici principalement : Matisse, Derain et Vlaminck. Ce mouvement a pris naissance lors du troisième salon dřautomne en 1905 sur les Champs-Élysées. Ce salon réunit lřensemble des peintres qui vont constituer un courant nouveau. Le nom qui le désigne au regard de lřhistoire de lřart vient du critique dřart Louis Vauxcelles : ce dernier en apercevant un torse du sculpteur Albert Marque au centre de cette pièce où étaient accrochés des tableaux de Matisse, Derain, Vlaminck, Friesz, etc. sřécria : « Donatello chez les Fauves ». Ainsi le mouvement naquit ou plutôt eu un nom. En effet, la rencontre entre les futurs Fauves sřétait faite depuis quelques années. Dès 1892, Matisse et Marquet se voient au cours du soir de lřécole des arts décoratifs à Paris. En 1898, Matisse fréquente une petite académie de la rue de Rennes, il y rencontre Derain et Jean Puy. En 1900, Vlaminck et Derain se rencontrent, ils habitent la même localité. Ils louent un atelier et commencent à travailler ensemble. Cřest en 1901 que Derain présente Vlaminck à son ami Matisse. Les Fauves à leurs débuts suscitent avant tout les rires et les insultes. « On les appelle les « « invertébrés » », les « « incohérents418 » » ; cela, particulièrement à lřoccasion du salon des indépendants en 1905. Matisse principalement y est violemment critiqué. Cette hostilité nřempêche cependant pas les artistes de continuer leur travail et dřenregistrer dřautres adhésions notamment celle de Braque en 1906.

Ce qui caractérise ce mouvement, dans sa dimension plastique cřest dřabord leur choix des motifs à peindre et leur rapport avec ces motifs. En effet, ils manifestaient une réelle autonomie par rapport à la couleur. Ils rejettent plusieurs valeurs de lřart classique européen dont la perspective. Ils tentent dřétablir une communication entre lřessentiel, lřindividuel et

416GOLDWATER, R, 1988.

417 DUBOIS, C., Op.cit., p115.

418WILLET, F., Op.cit., p164

lřuniversel, lřobjectif étant dřattirer le spectateur vers une expression nouvelle. En contemplant une œuvre Fauve, on est « invité non à comprendre la scène qui se déploie sous nos yeux mais à s’abandonner à l’effusion instinctuelle et immédiate de nos seuls sens419 ». Ce qui est dès lors intéressant, cřest de savoir en quoi la rencontre avec les arts primitifs fut enrichissante dans le travail des Fauves. Les Fauves furent pour ainsi dire le groupe artistique qui, le premier, sřintéressa à lřart primitif. En effet, en 1905, Maurice de Vlaminck aperçoit dans un bistrot dřArgenteuil « deux statuettes du Dahomey peinturlurées d’ocre rouge et d’ocre jaune et de blanc et une autre de la Côte d’Ivoire, toute noire420 ». A cette première acquisition sřajouta un masque blanc et deux statues originaires de Côte dřIvoire dřorigine Dan. Cédées à Derain par un ami de son père, lřartiste le transmet à Matisse et à Picasso qui en furent bouleversés. Il faut noter que, hormis le fait quřacquérir des statues primitives était un peu à la mode, les différentes expositions universelles, mais aussi le musée ethnographique du Trocadéro, avaient aiguisé la curiosité des artistes par rapport à cet art. Dès lors, ce fut la course aux objets dřart océaniens et africains. Ainsi en 1906, Derain introduit le style

« exotique » dans son œuvre « La danse achevée ». Ils sont à travers leur travail soucieux de retourner aux sources. Ce qui les intéressa dans ces œuvres, ce fut ce que Von Sydow421 appela « leur contenu émotionnel mystique ».

Ainsi, il semblerait que bien que lřart primitif ait intéressé les Fauves, les influences viendraient principalement de Gauguin qui, le premier, sřintéressa à lřart conceptuel mais aussi au néo impressionnisme, au pointillisme. On remarque, dès lors, que les influences sont nombreuses. Il sřagissait dřun groupe qui était à la quête dřun mode dřexpression nouveau.

Bien quřils se soient intéressés les premiers aux arts primitifs, les cubistes ont sans doute été plus loin dans lřaspect conceptuel de cet art. Il faut ajouter quřà cette époque, concernant lřart dřAfrique, on sřintéressait à un « certain art africain ». Car, en effet, il existe en Afrique un art figuratif422.. Dřautres groupes artistiques sřintéressèrent à lřart nègre notamment les Futuristes italiens, mais ce quřil est intéressant de noter cřest que, « la découverte de l’art africain a eu lieu quand un état des recherches contemporaines l’a rendu nécessaire423 ». Selon Robin, la cause fondamentale a été le passage de lřart avant-gardiste de styles fondés sur la perception visuelle à dřautres axés sur la conceptualisation. Ainsi, il serait non pas erroné mais exagéré dřattribuer les grandes mutations de lřart occidental à la découverte de lřart primitif par les milieux artistiques, au début du XXe siècle. Il semblerait que cet art ait simplement été en résonance particulière avec les orientations des recherches des artistes de cette époque. Cet art répondait en quelque sorte à leurs interrogations ; correspondait à ce quřils attendaient dřune œuvre dřart. En effet, comme nous le constatons, les intérêts pour cet art finalement diffèrent selon le mouvement artistique. Aussi, les artistes se sont-ils intéressés à lřart africain

« conceptuel » qui, en définitive et comme nous lřavons dit, ne représente pas la totalité de ce quřest lřart africain traditionnel. Notons que cet engouement pour lřart africain de la part des artistes occidentaux, mais également de la part des ethnologues, suscite également peu à peu, un intérêt du côté des intellectuels africains qui voient, en cette frénésie, une certaine reconnaissance des civilisations africaines quřil faut célébrer et faire connaître au peuple africain et à sa diaspora. Nous verrons dans quelle mesure les peuples de ce continent

419Primitivisme et art moderne, Actualité des arts plastiques, Centre national de documentation pédagogique numéro 82.

420LEIRIS, M., Op.cit p1129.

421Historien de lřart et ethnologue allemand, spécialisé dans les arts primitifs. (1885-1942)

422Cf. Chapitre sur les arts figuratifs dans de lřAfrique, Michel Leiris, Editions Gallimard 1995. P1319 à 1366.

423RODIN, W., Le primitivisme dans l’art du XXe siècle : Les artistes modernes devant l’art du XXe siècle, , Editions Flammarion, 1987 p 11.

commencent à manifester leur culture et tentent à travers plusieurs manifestations dřaccorder une place à lřart africain aujourdřhui. Mais, intéressons nous dřabord à ce quřest devenu lřart africain sur le continent européen.

Bien que lřon ait choisi dřaborder ces trois formes de primitivisme, il faut néanmoins noter quřentre le XIXe et le XXe siècle, plusieurs autres formes de primitivisme ont existé.

Comme lřexplique Robert Goldwater, il y a eu, de nombreuses manières de rendre hommage au primitif ; dřabord à travers plusieurs formes et différentes fexpressions artistiques. Il semblerait que les arts ditsprimitifs nřaient rien en commun si ce nřest le caractère « simple et naïf » qui leur a été conféré, compte tenu de leur origine géographique. En effet, ces œuvres venaient de contrées moins avancées dřun point de vue économique. Il apparaissait clair quřelles nřavaient pas été travesties et étaient donc pures! Les œuvres originaires dřAfrique, dřOcéanie, etc. servaient en quelque sorte de stimuli pour des artistes en pleine quête dřoriginalité et de régénérescence. Goldwater trouve dans lřart primitif un rôle de catalyseur pour les artistes ; une sorte de soutien qui leur permettait de « formuler leurs propres buts parce qu’ils pouvaient lui attribuer les qualités qu’eux mêmes s’efforçaient d’atteindre424 ».

En définitive, le primitivisme en Occident permet selon Aka Evy425, de sřaffranchir de lřart qui copie ; un art - selon ses dires-, « trop étroitement lié à l’imitation426 » et va autoriser du côté des artistes des questionnements dřun autre ordre. Des questionnements sur le beau, le laid, la métaphysique, les formes et plus globalement lřesthétique. Plus de liberté, des œuvres que lřon arrive de moins en moins à ranger dans une catégorie, un mouvement font leur apparition et brouillent les canons esthétiques de lřépoque. Cette nouvelle manière de sřexprimer dans lřart pousse à la réflexion, à une perception différente de lřœuvre et de sa place dans le monde de lřart. Ce quřil est intéressant de constater et que nous fait remarquer Jean Luc Aka-Evy, cřest que le climat social et intellectuel, se prêtait fortement au succès du primitivisme. En effet, les Portugais ayant découvert lřart des côtes béninoises au XVe siècle, lřexpédition punitive de 1898 nřentraîna pas dřengouement de la part des artistes occidentaux.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 148-151)