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L’expérience des jeunes adultes (entendus ou non entendus)

4.2 Présentation des résultats

4.2.1 L’expérience des jeunes adultes (entendus ou non entendus)

Afin de répondre à cette question, la perception des participants est explorée face à l’annonce de la séparation dans un premier lieu, face à la séparation et à la mésentente de leurs parents et plus particulièrement face aux conflits entraînés par la séparation et la mésentente. Ensuite, l’aide formelle et informelle, leurs besoins et leurs sentiments, leur perception face à l’expression de leur opinion et à la prise en compte de leur opinion seront analysés. Finalement, l’expérience des jeunes ayant été entendus lors du litige est analysée.

4.2.1.1 L’annonce de la séparation

L’annonce de la séparation a été un moment marquant de l’histoire de plusieurs participants. Ce sujet a été abordé spontanément lorsqu’il a été question de leur vécu face à la séparation. Certains participants mentionnent qu’un certain temps a été nécessaire avant

de comprendre ce que la séparation représentait concrètement ainsi que voir les différentes conséquences y étant reliées.

C’est ma mère qui me l’a annoncé. Elle m’a expliqué qu’ils seraient plus ensemble pis que ce serait plus un couple, mais qu’ils nous aimeraient autant, pis… ça prit du temps avant que je comprenne que : « OK. On va déménager, je vais avoir deux maisons. Je vais avoir deux chambres. P-KristinaF107

Bien que plus rare, d’autres expliquent qu’ils n’étaient pas nécessairement surpris d’apprendre la séparation, car ils avaient vu arriver cet évènement par l’entremise de chicanes entre les parents ou d’autres indices au quotidien.

C’est ça qui est drôle, c’est que la séparation de mes parents, c’était quand même assez progressif. C’est pas arrivé un matin, pis on s’en doutait pas, pis : « Ah ben ». Y’a eu beaucoup de signes que ça s’en venait. Fait que ça a pas été un moment surprenant. Comme je disais, ça s’est échelonné sur quasiment trois ans. P-EmmanuelleF11

Plusieurs participants parlent d’une annonce émotive et marquante. L’une des participantes expliquait que ses parents ont eu une altercation physique. Les autres expliquaient que ce sont les émotions qui étaient marquantes.

Je te dirais qu’avant la séparation, j’ai aucun souvenir de ça. Je me rappelle juste de la soirée qu’ils nous ont annoncé qu’ils se séparaient. Toute la famille pleurait dans le salon, pis nos parents nous ont annoncé qu’ils se séparaient. Ils nous avaient pas encore dit qu’ils se divorçaient, parce que j’imagine que… moi, dans ma tête, séparation voulait dire divorce, automatiquement. Je savais qu’entre les deux, c’était fini. Pis je te dirais que c’est les seuls souvenirs que j’ai de cette soirée-là. P-KristopherH8

Pour un petit groupe de participants, ce moment n’a pas été marquant puisque dans les faits, il n’y a pas vraiment eu d’annonce officielle. Ils mentionnent même qu’ils ne se sont jamais vraiment fait annoncer la séparation de leurs parents. Les chicanes ont mené à une rupture, mais personne ne leur a jamais vraiment annoncé concrètement.

Quelques participants mentionnent que l’annonce de la séparation de leurs parents amène avec elle un grand lot de questions et d’insécurités qui restent souvent sans réponse. Cet évènement demeure donc marquant dans l’expérience de plusieurs jeunes adultes rencontrés.

Au début, j’étais comme : « OK, fait que mes parents sont plus ensemble. Qu’est-ce qui va se passer ? ». Oui, plus de cadeaux, mais en même temps, non… moi, je pensais que mes parents allaient toujours être ensemble, surtout qu’y avait pas de… je voyais pas de points qui concordaient pas : « Pourquoi ? Vous vous chicanez pas, vous êtes bien, c’est tranquille… ». J’ai pas trop compris, au début […] P-Karol-AnnF8

4.2.1.2 Perception de la séparation et de la mésentente

La perception de la séparation est marquée, pour la majorité des participants, par des conflits entre leurs parents. Ces sujets de discorde sont au cœur de la mésentente concernant la garde des participants. La grande majorité des participants ont mentionné qu’ils étaient au courant que leurs parents se disputaient. Ils étaient souvent confrontés à leurs querelles.

J’avais vu des chicanes. C’était souvent lié à l’argent. C’est une des choses qui revenaient souvent à la table. Parce que mes deux parents étant propriétaires de leur compagnie, ils rentraient des sommes d’argent assez importantes. C’était tout le temps : « Qui paie quoi ? Qui paie ci ? ». Fait que le débat de l’argent était souvent là. Nous autres aussi, ce faisant, mon père revenait souvent tard de travailler, fait que ma mère était obligée de faire à souper, faire le ménage, s’occuper des trois enfants. Je parle, plus jeunes, là, avant que mes sœurs deviennent adultes. Pis mon père, c’était comme : « J’entre beaucoup de sous, fait que toi, tu t’occupes du reste ». C’était pas facile. J’ai eu connaissance de certaines chicanes. Pis souvent, quand je voyais des choses de même se produire, j’étais comme porté à me retirer de tout ça. Je voyais pas l’intérêt… j’avais essayé une fois de me mettre entre les deux, pis clairement, c’était pas une bonne idée. P-VincentH12

Les principales raisons des discordes, dont les participants ont eu connaissance, entre leurs parents concernaient l’argent, les arrangements en lien avec la maison ainsi que la garde des enfants. Les participants expliquent qu’ils étaient conscients des disputes qui survenaient ainsi que des raisons de celles-ci. Pour la majorité d’entre eux, les conflits dont ils étaient conscients se faisaient de manière verbale. Pour certains, les disputes étaient faites par téléphone, mais plusieurs ont aperçu ces disputes en personne. Plusieurs

moments marquants ont été relatés par les participants au sujet des disputes entre leurs parents. Vincent explique que cette étape a été difficile pour lui.

La séparation de mes parents, ça s’est passé quand j’avais 10 ans. Ce que j’ai vécu à ce moment-là, je pense que c’est un choc. À cet âge-là, on n’est pas habitué à vivre des émotions aussi fortes et savoir comment gérer tout ça, c’est pas super évident. Je pense que ça a été une année assez difficile, à ce moment-là. P-VincentH12

De plus, même si cela est minoritaire, certains participants ont même été confrontés à de la violence entre leurs parents. Un des participants a été confronté à des assiettes qui étaient lancées contre des murs. Une autre participante a vu ses parents se frapper et se lancer des objets. On observe que l’insécurité était présente pour la grande majorité des participants lorsqu’ils étaient confrontés aux querelles. Véronique rapporte un moment marquant de la séparation de ses parents. Elle explique qu’elle va toujours se rappeler ce souvenir.

Je me rappelle parfaitement de cette scène. Je pense que je vais toujours m’en rappeler. Vraiment, la journée de la séparation, on était à [NomLieu1]. Y’avait une grosse altercation entre mon père et ma mère. Ils étaient en train de se séparer, justement. Je me rappelle que mon père avait les cartes de ma mère dans ses mains. Ma mère avait comme accoté mon père dans le mur pour avoir ses informations, pour pouvoir quitter. Je me rappelle que ça s’est un peu calmé. Ils se sont calmés. Moi, je riais, dans le temps, parce que je comprenais pas. Je pensais qu’ils jouaient. Pis mon frère, lui, il pleurait. C’était la grosse scène de séparation. P-VéroniqueF6

On remarque que les participants ayant vécu cette séparation alors qu’ils étaient assez jeunes (généralement âgés de 8 ans et moins) sont davantage confrontés à une insécurité et une incompréhension en lien avec ce qu’ils vivent. Afin de donner un exemple, on peut voir dans les passages précédents que Vincent, âgé de 12 ans au moment de la séparation, comprend davantage les querelles et les raisons de celles-ci. Contrairement à Vincent, Véronique âgée de 6 ans est marquée par ce qu’elle a vécu, mais elle explique bien que sur le coup, elle ne comprenait pas nécessairement l’ampleur de ce qui se produisait devant ses yeux.

Un aspect important qui a été mentionné par plusieurs participants concerne l’aspect monétaire des disputes. Une bonne partie des participants ont mentionné que leurs parents

se disputaient concernant l’argent et le partage des tâches. Kristina explique qu’au moment de la séparation elle demeurait dans la maison familiale et ses parents échangeaient la maison familiale en alternance. Elle était prise entre ses parents qui se disputaient pour ce qu’ils avaient à payer.

Mais tout était un sujet de conflit. Pis déjà… je me souviens, une fois, y’avait plus de lait, pis là, c’était comme : « OK papa, faudrait acheter du lait » (elle fait parler son père) pis là : « C’est ça, ta mère a fini le lait hier soir ». Ben : « J’en ai besoin, arrête de me chicaner ». Pis en étant la messagère de mes deux parents, j’avais toujours l’impression que c’était ma faute. C’était plus ça qui était difficile. P-KristinaF10

Cet extrait montre que plusieurs participants se sont sentis responsables ou encore en cause lors des disputes de leurs parents. La même participante explique qu’elle ne demandait plus ce dont elle avait besoin afin d’éviter ce genre de dispute. Au-delà de l’argent, les disputes portent sur le partage des biens matériels comme la maison et la garde des enfants. Comme l’extrait précédent le démontre, Kristina explique qu’une simple pinte de lait était sujette à conflit. Un sujet problématique qui lie à la fois la garde des enfants et l’argent est la pension alimentaire. Quelques participants se sont sentis responsables des mésententes entre leurs parents puisqu’ils avaient connaissance des disputes au sujet de la pension alimentaire les concernant. Véronique parle d’un moment marquant où son père lui dit à quel point il n’était pas content de payer une pension alimentaire et qu’il aurait préféré que sa mère ne poursuive pas sa grossesse.

Ben… je me sentais mal, parce que je savais que lui, ça le faisait chier de payer une pension. Pis il m’avait déjà dit à plusieurs reprises : « En tout cas, tu diras merci à ta mère, parce que c’est elle qui a voulu. Moi, aussitôt que j’ai appris qu’elle était enceinte de toi, j’ai dit : « Avorte ». Pis là, je suis pogné pour payer une pension ». Fait que je me sentais vraiment pas bien là-dedans. P- BénédicteF6

Plusieurs participants expliquent que la communication entre leurs parents était déficiente. Catherine explique que le manque de communication créait alors des frustrations de part et d’autre.

Parce que je pense que je comprenais pas toujours les contextes. Le divorce, en tant que tel, a duré huit ans. Parce que je pense que mes parents ont toujours eu du mal, encore à ce jour, à se comprendre. On dirait qu’ils viennent tellement

de deux écoles de pensée différentes… des fois, c’est complémentaire, mais des fois, c’est simplement incompatible. C’est ce qui a fait en sorte que ça marchait pas. Je pense que ma mère, elle, elle en voulait beaucoup. Elle voulait la garde des enfants, presqu’entière. Elle voulait aussi une bonne pension pour nous. Mon père, de son bord… je lui en ai parlé par hasard la semaine passée, puis il avait l’air de dire qu’il avait été beaucoup blessé par ça. Que lui, il avait l’impression que tout ce qui comptait, c’est qu’on reçoive son argent, mais qu’il avait pas le droit d’avoir du temps avec nous. Pis en effet, moi et ma sœur, on avait pas grand mots à dire là-dessus, sur le fait de vouloir voir notre père plus souvent. P-CatherineF7

On observe suite à nos entrevues que le manque de communication entre les personnes impliquées, que ce soit entre les parents ou encore entre les parents et leur enfant, est omniprésent. Les communications suite à la séparation deviennent problématiques selon l’expérience des participants. Un sujet de conflit est bien entendu la garde des enfants, puisque la mésentente concernant la garde est un critère d’inclusion de l’étude. Tous les participants ont parlé de cette mésentente.

Un autre sujet important qui ressort de la mésentente et du litige concernant leur garde est que les enfants se sentaient tiraillés entre leur père et leur mère. Cette position les rend inconfortables. Maude exprime sa perception de cette situation.

À chaque fois, ma mère… mes deux parents étaient pas satisfaits. Mon père voulait davantage de garde, puis ma mère voulait davantage de pension alimentaire. À chaque fois, on est retournés parce que mes parents étaient insatisfaits. Une fois, en 2012, on est retournés parce que ma mère disait que mon père avait fait des fausses déclarations d’impôts et devrait nous donner davantage. Et en 2015, y’a eu une histoire semblable. Mon père lui donnait pas assez, considérant ses revenus. Ma mère a inventé des revenus à mon père. Pis en 2015, ça a fait en sorte que mon père donnait un montant directement à moi et à chacun de mes frères. Pis ça, on avait pas ça, les fois précédentes. Mais y’avait toujours une question de… mon père a trop de temps de garde, pis il devrait donner davantage de pension alimentaire à ma mère. Donc, on y retournait. P-MaudeF14

La perception des participants concernant la séparation et la mésentente est marquée par la présence de conflits entre leurs parents. Chacun des passages cités démontre que la présence de conflits a été pour les participants une difficulté ajoutée en lien avec la séparation. Leur perception est maintenant analysée face à ce qui a pu contribuer à les aider ou non lors de cet évènement marquant.

4.2.1.3 Perception du soutien formel et informel

Plusieurs participants n’ont reçu aucune aide formelle suite à la séparation de leurs parents. Voici ce que certains participants ont mentionné : « Non, j’ai pas eu d’aide. Y’avait juste l’avocate, qu’on a vue quelques fois pour vraiment dire notre point de vue. Mais j’avais pas de TS [travailleur social] ou de psychologue qui aurait pu m’aider » (P-Karol-AnnF8); « J’ai pas eu d’aide neutre, je dirais » (P-MarieF10); « Non. Pas de TS, pas de… c’est venu plus tard. Parce qu’à un moment donné, ils se sont ben rendus compte que… t’as 13 ans pis tu te tiens avec du monde de 17, pis tu fais pas nécessairement des affaires que tu devrais faire » (P- KristinaF10). Plusieurs d’entre eux auraient aimé en recevoir et pensent que cela aurait pu les aider. Lorsque cette question a été abordée lors des entrevues, plusieurs ont trouvé désolant le fait de ne pas avoir eu d’aide formelle qui leur aurait permis d’avoir une vision plus neutre de la situation. Pour certains, cette forme d’aide leur aurait permis de s’exprimer plus librement, de pouvoir faire confiance à quelqu’un dans toute cette situation.

Je pense que dès la séparation des parents, il devrait y avoir… c’est un peu con, mais il devrait y avoir une place où tu fais : « Je suis un parent qui se sépare et j’aimerais ça que mes enfants aient de l’accompagnement dans cette histoire- là ». Parce qu’il y a de l’accompagnement pour les parents, là. Y’a la médiation, des avocats… y’a tout le temps un back-up. Mais les enfants, eux-autres, y’en a pas de protocole. Y’a personne qui fait comme : « Hey, on peut-tu s’assurer que les enfants vont bien ? ». Je pense que d’avoir ça, ça aiderait. D’avoir une place où tu dis : « Je suis nouvellement séparée. Moi pis mon ancien conjoint, ça va moyen. Y’a-tu quelqu’un de neutre, que mes enfants connaissent pas nécessairement, pis qui est pas dans leur vie à tous les jours… ». P-KristinaF10

Plusieurs autres participants ont mentionné l’importance que les jeunes se fassent proposer de l’aide directement. Un aspect sortant de nos entrevues avec les participants est que les jeunes ne sont pas portés à aller chercher de l’aide ou encore ils ne savent pas qu’il existe de l’aide disponible pour eux. De plus, la majorité des participants n’ont pas reçu de l’aide et ne sont pas allés en chercher par eux-mêmes, et ce, peu importe leur catégorie d’âge. La plus jeune participante ainsi que celle plus âgée n’ont ni l’une ni l’autre reçu d’aide formelle lors de la séparation et elles ne sont pas allées en chercher non plus.

Certains jeunes ont tout de même reçu de l’aide. Pour quelques participants, l’aide formelle leur a été offerte directement. Deux d’entre eux ont rencontré des intervenants dans le cadre scolaire. Cela a été positif pour eux. Bien que sur le coup, Vincent explique qu’il ne voyait

pas l’ampleur de l’aide reçue, mais à plus long terme cela a eu des impacts positifs selon lui.

Moi, j’ai trouvé ça… c’était d’une très grande aide, si on veut, d’avoir ces personnes-ressources là, cette ressource-là, si on veut. C’était pas nécessairement une grosse aide, mais ça a été juste le petit épaulement, si on veut, qui a fait en sorte qu’au final… sur le coup, c’était pas grand-chose, mais au final, je pense que ça a vraiment aidé à mon développement. Ça peut avoir agi sur la personne que je suis aujourd’hui. C’est sûr que sur le coup, ça a l’air petit, juste à en parler… des petites rencontres, le midi. Mais je pense qu’au final, ça agit vraiment bien sur le développement. Fait que je pense que oui… j’encourage vraiment ça. P-VincentH12

Selon une participante, les enfants ne devraient pas avoir à aller chercher de l’aide par eux- mêmes.

Je pense qu’à huit ans, qu’on soit venu me chercher, dans ma tête, je suis contente. Pis je leur en aurais pas voulu si c’était pas arrivé, mais je pense que c’est normal, en fait. Je pense qu’à huit ans, ça aurait pas été à moi d’aller voir tel prof pis de partir à brailler, pis : « Ça va pas ». T’es trop jeune pour comprendre que t’as besoin d’aide, des fois, aussi. Ils sont venus, ça a aidé, pis je pense que c’est parfaitement légitime, comment c’est arrivé. P- EmmanuelleF11

On peut comprendre que lorsque les participants reçoivent de l’aide cela peut être facilitant pour eux. Il s’agit d’un milieu permettant aux enfants de s’exprimer librement, et ce, dans un milieu neutre. On peut également comprendre que l’aide devrait être offerte aux enfants directement. On ne devrait pas attendre qu’ils viennent se chercher de l’aide par eux- mêmes. Tous les participants n’ayant pas reçu d’aide auraient aimé qu’on leur offre la possibilité d’en avoir. Plusieurs d’entre eux ont également mentionné qu’ils croient que si de l’aide leur avait été offerte, ils l’auraient acceptée et cela les aurait sans doute aidés. Une grande partie des participants ont également mentionné que s’ils avaient un conseil à donner à un enfant vivant la même situation qu’eux, ils lui conseilleraient d’aller chercher de l’aide pour ne pas vivre cette situation seul.

De plus, un participant a été inscrit dans un groupe d’échanges pour des enfants vivant la séparation de ses parents. Il explique que cette méthode n’était pas la bonne pour lui. Il