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Mésentente en matière de garde, donner la parole aux enfants devenus adultes

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Academic year: 2021

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Mésentente en matière de garde, donner la parole aux

enfants devenus adultes

Mémoire

Marie-Andrée Lavoie

Maîtrise en service social - avec mémoire

Maître en service social (M. Serv. soc.)

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Mésentente en matière de garde, donner la

parole aux enfants devenus adultes

Mémoire

Marie-Andrée Lavoie

Sous la direction de :

Marie-Christine Saint-Jacques

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Résumé

Cette étude qualitative documente l’expérience de 13 jeunes adultes (âge moyen : 22 ans) qui, alors qu’ils étaient enfants, ont connu la séparation de leurs parents. Cette séparation conflictuelle a été portée devant les tribunaux en raison de l’incapacité des parents d’en arriver à un accord sur la garde. Le mémoire porte spécifiquement sur la parole de l’enfant dans ce processus, ce que la séparation leur fait vivre et ce qu’elle entraîne sur différents plans de leur vie. Des entrevues semi-dirigées ont permis de recueillir l’expérience de sept participants entendus par un des acteurs du système juridique (un juge, un avocat ou un expert psychosocial) lors du litige et six non entendus.

L’enfant vit plusieurs conséquences liées au conflit de séparation, dont la principale étant que ses relations avec sa famille, ses amis et son entourage sont souvent affectées. Plus particulièrement, la relation parent-enfant est affectée pendant une période variable. L’enfant est souvent pris dans le conflit parental et se sent déchiré. Plusieurs de ses besoins ne sont pas répondus. Il existe des similitudes et des différences entre les jeunes ayant été entendus ou non. Généralement, les participants ayant été entendus se sont sentis plus écoutés et compris. Ils ont senti que leur opinion était importante aux yeux des autres acteurs. Ils ont souvent eu le choix d’être entendus ou non comparativement à ceux non entendus. Ils sont généralement plus satisfaits de la décision rendue. Selon les jeunes, peu importe l’acteur du système l’ayant entendu, le lien de confiance, la neutralité de l’intervenant (juge, avocat ou expert psychosocial) et le savoir-être de celui-ci sont des facteurs essentiels pour rendre son expérience positive. De nombreux participants n’ont pas reçu d’aide formelle lors de ces situations et la majorité considère qu’elle aurait été bénéfique. Les enfants vivant ce type de situation bénéficieraient d’un système d’aide plus systématique.

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Abstract

The aim of this qualitative study was to document the experience of 13 young adults (mean age 22 years old) who underwent the separation of their parents when they were children. Considering a conflicting separation, the issue was brought to court because of the inability of the parents to reach a satisfying agreement regarding custody of the child. This project deals specifically with the voice of the child in the process, what they have been through and the consequences on different aspects of their life. Semi-structured interviews gathered the experience of seven participants heard by one of the different actors in the legal system (i.e.: judge, lawyer or psychosocial expert) during litigation and six who have not been heard.

The results show that the child experiences several consequences related to a conflictual separation, mainly on their relationships with family, friends and other loved ones. More specifically, the parent-child relationship tends to be affected for a variable period of time. The child often reports a feeling of being caught in the parental conflict and feels being torn apart. Many of his needs are not met. This study underlines some similarities and differences between young people who have been heard and those who have not been. Overall, the participants who were heard felt more listened to and understood. They felt like their opinion was important to the other actors. They often were offered the choice of being heard or not, compared with those who have not been heard. The former group is generally more satisfied with the decision rendered. According to the participants who have been heard, regardless of the legal system worker they interacted with, the bond of trust, the neutrality of the individual (judge, lawyer or psychosocial expert) and the interpersonal skills of the latter are essential factors in making the process a positive experience. Many participants have not received formal help in these situations and the majority considers it would have been helpful Children who undergo that type of situation would benefit from a more systematic support system.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Liste des tableaux ... viii

Liste des figures ... ix

Remerciements ... x Introduction ... 1 La problématique ... 3 1.1 La problématique ... 3 1.2 Pertinence sociale ... 5 1.3 Pertinence scientifique ... 7

1.4 Recension des écrits ... 8

1.4.1 Démarche documentaire ... 8

1.4.2 Le phénomène de la séparation et ses conséquences sur l’enfant ... 8

1.4.3 L’enfant et ses besoins dans la séparation parentale ... 14

1.4.4 L’opinion de l’enfant sur sa participation quant aux questions sur sa garde ... 15

1.4.5 La place de la parole de l’enfant dans les litiges en matière de garde ... 16

1.4.6 Influence de l’âge de l’enfant sur sa participation ... 18

1.4.7 Les modes de participation de l’enfant ... 19

1.4.8 Les conséquences de la participation ... 21

1.4.9 Les recommandations pour la participation des enfants ... 23

1.5 Limites méthodologiques des études actuelles ... 26

1.6 Objectifs de recherche ... 28

1.6.1 Objectif général ... 28

1.6.2 Objectifs spécifiques ... 28

Le cadre d’analyse ... 29

2.1 Le modèle bioécologique de Bronfenbrenner ... 29

2.1.1 Fondements et principes du modèle ... 29

2.1.2 Application du modèle bioécologique de Bronfenbrenner à l’objet de ce mémoire ... 33

2.2 Définition des concepts importants ... 35

2.2.1 La séparation parentale ... 35

2.2.2 La mésentente parentale ... 35

2.2.3 La parole et la participation de l’enfant ... 35

(6)

2.2.5 Le litige en matière de garde ... 36

La méthodologie ... 38

3.1 Approche méthodologique privilégiée ... 38

3.2 Type de recherche ... 39

3.3 Population à l’étude ... 40

3.3.1 Les critères d’inclusion ... 41

3.3.2 Critère d’exclusion ... 42

3.3.3 Échantillonnage ... 42

3.3.4 Modalités de recrutement des participants ... 43

3.4 Caractéristiques des participants à l’étude ... 43

3.5 Mode de collecte des données ... 47

3.6 Opérationnalisation des concepts ... 48

3.7 Analyse des données ... 50

3.8 Aspects éthiques ... 51

Les résultats ... 52

4.1 Profil des répondants ... 52

4.1.1 Profil de Kristina ... 52 4.1.2 Profil de Catherine ... 53 4.1.3 Profil de Marie ... 53 4.1.4 Profil d’Anne-Sophie ... 54 4.1.5 Profil de Vincent ... 54 4.1.6 Profil de Kristopher ... 55 4.1.7 Profil d’Émilie ... 55 4.1.8 Profil de Véronique ... 56 4.1.9 Profil de Bénédicte ... 56 4.1.10 Profil de Karol-Ann ... 57 4.1.11 Profil d’Emmanuelle ... 57 4.1.12 Profil de Chloé ... 58 4.1.13 Profil de Maude ... 58

4.2 Présentation des résultats ... 59

4.2.1 L’expérience des jeunes adultes (entendus ou non entendus) ... 59

4.2.2 Les impacts de la participation au litige ou non ... 80

4.2.3 Les décisions rendues et l’accueil de ces décisions par les participants ... 91

4.2.4 Les regards des participants avec le recul ... 93

La discussion ... 95

5.1 Principaux constats de la recherche ... 95

5.1.1 Constats relatifs à l’ontosystème ... 95

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5.1.3 Constats relatifs au mésosystème ... 100

5.1.4 Constats relatifs à l’exosystème et au macrosystème ... 100

5.1.5 Constats relatifs au chronosystème ... 102

5.1.6 Constats relatifs aux similitudes et différences entre les jeunes entendus ou non 102 5.2 Retombées pour l’intervention auprès des parents ... 104

5.3 Améliorer la prise en compte de la parole de l’enfant ainsi que les interventions faites en travail social auprès de l’enfant ... 104

5.4 Forces et limites de l’étude ... 108

5.5 Pistes de recherche ... 110

Conclusion ... 111

Bibliographie ... 113

Annexe 1. Questionnaire sociodémographique ... 124

Annexe 2. Grille d’entrevue semi-dirigée ... 127

Annexe 3. Courriel explicatif de l’étude ... 130

Annexe 4. Grille de contact téléphonique explicatif ... 132

Annexe 5. Courriel pour la diffusion du projet ... 134

Annexe 6. Affiche pour la diffusion du projet ... 135

Annexe 7. Formulaire de consentement ... 136

Annexe 8. Formulaire d’engagement à la confidentialité ... 140

Annexe 9. Liste de ressources utiles ... 141

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Liste des tableaux

Tableau 1. Revenu total des participants ... 44

Tableau 2. Modalités de garde des participants entendus et non entendus ... 46

Tableau 3. Profils des participants ... 47

Tableau 4. Tableau d’opérationnalisation ... 49

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Liste des figures

Figure 1. Schéma du modèle bioécologique de Bronfenbrenner (1986) ... 31 Figure 2. Répartition des participants entendus selon les différents modes de participation ... 45

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Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier les treize personnes qui ont accepté de me rencontrer afin de me parler de leur expérience face à la séparation parentale vécue lorsqu’ils étaient enfants. Je suis consciente que leur participation n’a pas été facile à tout moment puisqu’il s’agit d’un évènement important et que le rappel de certains souvenirs et de certaines expériences peut être douloureux. Je suis reconnaissante de leur participation. Les rencontres ont été riches à tous les égards. Merci de votre confiance.

Merci à Marie-Christine Saint-Jacques qui a accepté de diriger la réalisation de ce projet. Son expérience, sa rigueur intellectuelle, ses commentaires constructifs et ses encouragements à chacune des étapes de la recherche ont grandement contribué à la concrétisation de ce mémoire. Même si mes décisions ne nous orientaient pas toujours vers le chemin facile, tu étais là pour me soutenir à chacune des étapes.

Quant aux ressources financières, les contributions reçues par l’Université Laval dans le cadre du programme de bourses de réussite, ainsi que la bourse remise par le Centre de recherche universitaire sur les jeunes et les familles (CRUJeF) dans le cadre du concours d’octobre 2019 au programme de soutien pour la réalisation d’un mémoire ont facilité ma démarche d’étude.

Enfin, je tiens à souligner le soutien reçu des membres de ma famille. Merci tout particulièrement à Angéla, ma mère, et à Vincent, mon conjoint, qui ont cru en moi, qui m’ont soutenue et encouragée, même lorsque je doutais moi-même de moi. Grâce à vous deux, je me serai rendue jusqu’au bout du chemin.

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Introduction

Il n’est plus nécessaire de démontrer toute l’importance que joue la famille sur le développement de l’enfant, que ce soit sur le plan physique, psychologique ou social. Or, de nombreux enfants vont connaître une perturbation importante de ce milieu, puisque leurs parents vont prendre la décision de se séparer. On constate par ailleurs que la séparation parentale arrive plus tôt dans la vie des couples; les enfants impliqués sont donc de plus en plus jeunes (Aabbassi, Asri et Nicolis, 2016; Castagner Giroux, Le Bourdais et Pacaut, 2016). La séparation parentale peut être exempte de conflits parentaux et les questions concernant l’argent, la garde et les contacts parent-enfant peuvent se régler harmonieusement. Malheureusement, certaines situations ne sont pas exemptes de conflit. Certains conflits peuvent s’immiscer dans ce genre de situation, et ce, pour diverses raisons. Ils peuvent se régler par diverses méthodes comme la négociation collaborative d’une entente gagnant-gagnant1, la médiation, ainsi que le recours au tribunal.

Ce mémoire s’inscrit à l’intérieur du service social juridique, soit dans les situations de séparations parentales litigieuses. Plus précisément, il s’intéresse à la parole de l’enfant dans les cas de séparation parentale où la garde de l’enfant est contestée devant la Cour supérieure. Quelle est l’expérience des jeunes adultes (entendus ou non entendus) dont la garde a été tranchée par les tribunaux en raison d’une impossibilité des parents d’en arriver à une entente ? Il s’agit ici de la question de recherche principale qui sera examinée dans ce mémoire. D’autres questions découlant de la précédente seront également analysées. La participation ou non à ce processus a-t-elle entraîné des impacts sur le jeune lui-même et sur les environnements qu’il fréquente, notamment la famille et l’école ? Quelles sont les similitudes et les différences entre l’expérience des jeunes ayant été entendus et ceux qui ne l’ont pas été ? Quelle a été la décision rendue par les tribunaux et comment les jeunes l’ont-ils accueillie ? Avec le recul, quel regard ces jeunes portent-ils sur cette expérience ?

Ce mémoire s’inscrit dans une épistémologie constructiviste puisqu’il s’intéresse à la perception et au point de vue d’acteurs centraux soit les jeunes et donc à la manière dont

1 La négociation collaborative d’une entente gagnant-gagnant consiste en une discussion où chacun coopère. Elle est basée sur la détermination des besoins et des intérêts de chacun. La discussion, la collaboration et l’échange d’informations en font partie. Cette négociation sert à la recherche de solutions sur mesure afin d’arriver à ce qu’elle soit la plus avantageuse possible pour tous. On parle alors d’une entente gagnant-gagnant puisque chacun en retire un certain bénéfice, une certaine satisfaction (Gouvernement du Québec, 2017).

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ils voient les choses (Van Campenhoudt et Quivy, 2011). Selon cette épistémologie, l’interaction entre le chercheur et le participant à la recherche est inévitable et nécessaire, et c’est ce partenariat qui permet la production des connaissances. Ce partenariat est essentiel pour arriver à des résultats qui se conforment à la réalité des acteurs. Ce projet s’intéresse à la place de la parole de l’enfant et tente de comprendre l’opinion de ceux-ci face à cette problématique. On s’intéresse alors à sa perception et à son point de vue une fois devenu adulte. Les connaissances qui découlent de ce mémoire seront perçues comme étant relatives et construites (Mayer, 2000). L’intérêt est alors porté sur le sens qui est donné aux réalités. Ces réalités sont donc des constructions sociales (Mayer, 2000; Savoie-Zajc, 2003).

Ce mémoire comprend cinq sections. À l’intérieur du premier chapitre, on retrouve la problématique de ce mémoire, la démonstration de sa pertinence scientifique et sociale, la démarche documentaire effectuée, une recension de la littérature et une présentation des limites des études recensées. Le second chapitre porte sur la théorie sur laquelle s’appuie ce mémoire, ainsi que la définition des concepts à l’étude. Par la suite, la méthodologie sera présentée dans le troisième chapitre. Les résultats et la discussion seront présentés dans le quatrième et le cinquième chapitre respectivement.

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La problématique

Ce chapitre présente la problématique au cœur de l’objet d’étude de cette recherche. Par la suite, la pertinence sociale et scientifique de cette recherche sera démontrée. Une recension des écrits sur le sujet est présentée ensuite avec une section comprenant les limites des études recensées.

1.1 La problématique

Le manque d’études portant sur l’expérience des enfants dont la garde a été tranchée par les tribunaux en raison d’une impossibilité des parents d’en arriver à une entente est une limite importante aux connaissances. Les décisions de leur participation ou non au processus judiciaire sont prises par les adultes et les règles régissant cette participation demeurent variables et imprécises (Paré, 2014; Tétrault, 2014). Peu d’études portent sur leur propre perception de cette participation. La participation est un concept multidimensionnel pouvant recouvrir plusieurs aspects distincts (Gal, 2017 ; Hart, 2008 ; Kosher, 2018 ; Shier, 2001 ; Sinclair, 2004). Dans le cadre de ce mémoire, la participation désigne l’implication de l’enfant dans le cadre du litige concernant sa garde. Il participe au litige lorsqu’il est entendu par un juge par un témoignage ou un entretien, lorsqu’il est représenté par un avocat ou qu’il a rencontré un avocat concernant son opinion ou, finalement, lorsqu’il a été rencontré par un expert psychosocial. Les quelques études recensées sur l’opinion de l’enfant expriment la volonté de ceux-ci d’avoir un droit de parole. Par contre, l’examen des pratiques démontre la tendance contraire. La participation de l’enfant demeure faible (Birnbaum, Bala et Cyr, 2011; Cashmore, 2011; Drolet et Cloutier, 1992; Godbout, 2014; Quéniart et Joyal, 2000). On remarque un manque de connaissances sur le vécu de ces personnes dans ce type de situation. On peut donc se demander, avec le recul, qu’en pensent certaines personnes ayant vécu cette situation lorsqu’ils étaient enfants et qui sont aujourd’hui adultes.

On remarque également que le manque de connaissances portant sur la perception de ces acteurs clés est problématique puisqu’il est difficile de connaître les impacts de leur participation ou non sur leur vie. Bien que certains professionnels se soient penchés sur ce type de question et qu’ils peuvent avoir leur propre perception de ce qui est le mieux pour ces enfants, il est primordial d’entendre ce que ces personnes ont vécu lorsqu’ils étaient

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eux-mêmes des enfants. Cette recherche permettra de documenter les impacts de cette participation ou non dans leur vie, selon leur propre perception. L’importance d’obtenir leur perception est primordiale, selon la vision constructiviste de ce mémoire, puisque les personnes ayant vécu elles-mêmes ces situations sont expertes de leur vécu (Van Campenhoudt et Quivy, 2011). Peu d’études recensées questionnent des enfants (Birnbaum et coll., 2011; Cashmore, 2011; Cashmore et Parkinson, 2008; Timms, Bailey et Thoburn, 2008) et aucune, à notre connaissance, ne questionne des adultes ayant vécu ce type de situation. Cette présente recherche est donc très importante, car elle cherche à obtenir la perception actuelle de jeunes adultes ayant vécu ce type de situation et pouvant se prévaloir d’un certain recul.

La revue de la littérature démontre l’importance du facteur de l’âge dans ces situations (Birnbaum et coll., 2011; Cashmore, 2011; Cashmore et Parkinson, 2008; Drolet et Cloutier, 1992; Dunbar, 2015; Quéniart et Joyal, 2000). Des incertitudes demeurent quant à l’âge auquel un enfant devrait avoir le droit de parole dans les aspects juridiques (Dunbar, 2015; Quéniart et Joyal, 2000).

De plus, les enfants détiennent des droits comme celui d’être entendu sur des sujets qui les concernent (Article 34 du Code civil du Québec et alinéa 2 de l’article 12 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant). Cependant, lorsqu’on regarde le portrait du nombre d’enfants entendus dans les procédures de règlement de mésentente sur leur garde, ce ne sont pas tous les enfants qui sont entendus. On se rend compte qu’une variation des pratiques importantes est présente dans ce genre de situation. Il est donc nécessaire de questionner ceux qui ont directement été touchés par ces situations afin de comprendre si leur droit a été respecté.

En outre, la séparation parentale est un phénomène d’importance qui mérite qu’on s’y attarde puisque plusieurs enfants sont touchés à divers niveaux et à diverses intensités. Cependant, il a été démontré que la présence de conflits est un facteur de risque important pour les difficultés d’adaptation de l’enfant (Cyr, 2014; Davies et Cummings, 1994; Grych, 2005; Kelly, 2000). De plus, la judiciarisation du conflit parental peut l’exacerber davantage (Firestone et Weinstein, 2004; Sullivan, 2008). C’est pour toutes ces raisons que ce projet se veut important puisqu’il permettra un avancement des connaissances quant aux mésententes judiciarisées en matière de garde d’enfant.

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1.2 Pertinence sociale

Les enfants font partie d’une population vulnérable (Soulet, 2014) et celle-ci nécessite qu’on se questionne sur les phénomènes qui les touchent. Cette recherche s’inscrit directement dans un enjeu de taille pour un grand nombre d’enfants. Selon le Gouvernement du Canada (2011), « les enfants sont plus vulnérables à certains risques environnementaux que les adultes en raison de leur taille, de leur physiologie, de leurs comportements, de l’immaturité de leurs organes et de leurs connaissances limitées ». Bien qu’en raison de leur âge et de leur développement, tous les enfants sont considérés comme une population vulnérable, il a été déterminé que les enfants de parents séparés sont deux à trois fois plus vulnérables que les enfants grandissant au sein d’une famille intacte (Amato, 2001, 2010; Clarke-Stewart et Brentano, 2006; Cyr, 2014; Hetherington et Kelly, 2002; Kelly et Emery, 2003; Potter, 2010). En outre, les enfants dont les parents séparés n’arrivent pas à s’entendre sur la garde figurent parmi les plus vulnérables. Ce mémoire cherche donc à faire avancer les connaissances afin de soutenir davantage cette population, dite vulnérable, dans ce type de situation.

De plus, ce mémoire s’inscrit dans le champ du développement social et la participation sociale des personnes vulnérables (Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec [OTSTCFQ], 2012). Les questions qui ont été présentées plus haut auront pour but d’aider à mieux comprendre ce que les enfants impliqués dans la séparation parentale litigieuse vivent. L’ordre professionnel des travailleurs sociaux (OTSTCFQ) exprime l’importance de s’interroger sur le développement social et la participation des personnes vulnérables. Il est pertinent de se questionner quant à leur droit, à leur volonté de participer et de s’exprimer sur une question qui les concerne; leur garde.

De plus, cette recherche vise à mieux comprendre la réalité des cas de séparation parentale qui sont entendus devant les tribunaux pour la garde des enfants. Cette transition familiale, très fréquente au Québec comme au Canada (Pronovost, 2004), entraîne des conséquences sur le plan de l’adaptation de l’enfant (Saint-Jacques et Drapeau, 2008). Parmi les conséquences ayant le plus d’impact, on retrouve les mésententes concernant la garde de l’enfant (Poitras et Drapeau, 2014). Cette recherche trouve alors toute sa pertinence ici puisque la mésentente peut prendre une telle ampleur que les parents se retrouvent devant les tribunaux. Les juges doivent alors décider du mode de garde qui permet de respecter le meilleur intérêt de l’enfant. Les travaux de Quéniart et Joyal (2000)

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révèlent qu’environ 10 % des cas de séparations parentales ou de divorces se retrouvent devant les tribunaux en raison d’un litige entourant la garde. Vingt ans plus tard, on observe une augmentation de ces cas. Les données récentes de Desrosiers et Tétreault (2018) rapportent que pour 28,4 % des jeunes de 17 ans dont les parents sont séparés, il y a une ordonnance rendue concernant leur garde. On possède peu d’informations concernant ces situations ayant des conséquences chez l’enfant, ce qui explique la nécessité de s’y attarder davantage. Ce projet vise à entendre de jeunes adultes dont les parents ont vécu un litige en matière de séparation parentale alors qu’ils étaient enfants.

La pertinence de ce projet est également basée sur la question de l’équité des situations concernant l’implication des enfants dans le processus. Les enfants détiennent des droits comme celui d’accès à la justice ou encore le droit d’être entendu sur des sujets de droit qui les concernent (Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme [HCDC], 1990). Le divorce des parents fait partie de ces « questions l’intéressant » (Fournier, 2011). Cependant, bien que le concept d’accès à la justice des enfants ne soit pas contesté dans les différents écrits sur le sujet et bien que ce droit leur soit reconnu, il demeure que ce concept est rempli d’imprécisions (Paré, 2014; Tétrault, 2014). Le parcours des enfants dans leur accès à la justice et à leur droit d’être entendus (Tétrault, 2014) est parsemé d’embûches en raison de ces imprécisions, des contradictions et des hésitations dans la pratique (Paré, 2014).

La participation de l’enfant en contexte de droit familial demeure un phénomène relativement récent et encore controversé (Birnbaum et Bala, 2009). En pratique, il existe deux écoles de pensée sur les droits de l’enfant, la participation de l’enfant au processus judiciaire, la parole de l’enfant et son droit d’être entendu. Certains vont dire que l’enfant doit être tenu à distance du litige conjugal et qu’on doit par conséquent éviter autant que possible de le faire participer, alors que d’autres vont dire que l’enfant doit être entendu afin de permettre des décisions plus justes et éclairées (Joyal, 1996). En effet, si les pratiques diffèrent d’une situation à une autre, les enfants détiennent les mêmes droits (Paré, 2014). Étant donné que les enfants sont censés détenir les mêmes droits, il est important de les questionner sur leur volonté d’être entendu ou non et sur le respect de cette volonté par les adultes impliqués dans ce processus. De plus, l’étude de Richard (2014) portant sur la participation des enfants dans la médiation familiale démontre que les parents notent positivement l’implication de leur enfant dans le processus de médiation.

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1.3 Pertinence scientifique

Ce mémoire s’inscrit dans un domaine d’études sous-développé au Québec, soit le service social juridique (forensic social work), un domaine qui se consacre à l’« application du service social aux questions en lien avec les lois et le système judiciaire » (National Organization of Forensic Social Work, 2017, traduction libre). Dans ce champ d’études, on retrouve notamment la thématique de la garde d’enfants dans des contextes de séparation. Ce projet se montre novateur puisqu’il crée le lien entre le service social et le monde juridique, ici au Québec. Au niveau des recherches recensées, la grande majorité d’entre elles ont été réalisées à l’extérieur du Québec dans d’autres provinces et même dans d’autres pays. La recherche concernant les droits des enfants québécois gagne à être approfondie selon la réalité de notre province. Cette réalité n’est pas seulement présente au Québec. Une étude réalisée en Suède explique également qu’une lacune demeure au niveau de la communication entre les travailleurs sociaux et les acteurs juridiques sur des dossiers juridiques impliquant un enfant (Andersson et Arvidsson, 2008). Un fossé demeure entre les travailleurs sociaux et le monde juridique (Andersson et Arvidsson, 2008). Ce mémoire en service social se veut donc intéressant puisqu’il vient apporter de nouvelles connaissances sur la question de la participation de l’enfant, tout en conservant à la fois la vision bien particulière du service social et en gardant en tête les règles et les réalités du monde juridique.

Ce projet peut également apporter des connaissances supplémentaires et nouvelles pour les divers professionnels impliqués dans les situations de litige concernant la garde d’enfant, par exemple les experts psychosociaux. Cette étude permettra d’obtenir de nouvelles connaissances en entendant ce que certains jeunes adultes ont vécu alors qu’ils étaient mineurs. Les professionnels impliqués dans ces situations pourront obtenir des informations provenant des acteurs au cœur de ce type de situation, soit les enfants. L’expérience de jeunes adultes ayant été entendus ou non dans le litige lorsqu’ils étaient mineurs est documentée. Leur opinion sur cette question à savoir si leur expérience a été favorable ou défavorable dans cette situation difficile est également observée. On tentera de comprendre ce qui peut favoriser une adaptation plus positive à cette étape plus difficile de leur vie. La recherche permettra d’éclairer la réalité vécue du point de vue des jeunes ainsi que de donner la parole à ce groupe peu entendu.

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1.4 Recension des écrits

Une revue des écrits concernant le sujet de ce mémoire est présentée à travers différents thèmes. Tout d’abord, la démarche documentaire utilisée est présentée. Ensuite, les principaux résultats de différentes études étant pertinents pour la poursuite de ce mémoire sont présentés et, pour terminer, les limites des études actuelles sont décrites.

1.4.1 Démarche documentaire

La recherche documentaire a été effectuée sur les bases de données suivantes : Érudit, Cairn, Social Work Abstracts (Ovid), PsycInfo et Social Services Abstracts (ProQuest). D’autres articles ont été repérés avec Ariane2.0 et Google Scholar. La recherche sur les bases en français a été effectuée à l’aide des mots clés suivants : enfant, enfance, jeune, adolescent, séparation, divorce, garde, litige, parole, place, voix, participation, témoignage, opinion, tribunal, droit de la famille, jugement, justice, judiciaire, juridique, Cour, Cour supérieure et Chambre de la famille. Pour ce qui est de la recherche documentaire sur les bases de données en anglais, les mots clés suivants ont été utilisés : infant, infancy, child, children, kid, young, youth, youthfulness, teenager, break up, divorce, legal dissolution of a mariage, separation, mariage dissolution, custody, custody decision, opinion, voice, poll, speech, testimony, participation, court, judgment, juridic, judicialise, family law, court, family court et superior court.

1.4.2 Le phénomène de la séparation et ses conséquences sur l’enfant

Plusieurs couples se séparent. En 2005, un rapport de Statistique Canada estime qu’environ un couple sur deux a pris la décision de divorcer. Ce rapport présente des chiffres couvrant une réalité sous-estimée puisqu’il compte seulement la séparation des couples mariés, et les couples en union libre ne font donc pas partie de ce calcul (Cyr-Villeneuve, Cyr et Carobene, 2007). La décision qui est prise par le couple ne prend pas nécessairement en considération l’opinion de l’enfant. La séparation parentale arrive plus tôt dans la vie des couples; les enfants y étant impliqués sont donc de plus en plus jeunes (Castagner Giroux et coll., 2016; Juby, Le Bourdais et Marcil-Gratton, 2005). Les enfants de parents qui étaient en union libre, plus particulièrement, sont plus nombreux à voir leurs parents se séparer et sont également plus jeunes lors de la séparation (Desrosiers et Tétreault, 2018). La récente étude de Desrosiers et Tétreault (2018) ayant dressé le portrait de jeunes de 17 ans (n = 2000) démontre qu’environ 42 % d’entre eux ne vivent pas avec leurs deux parents

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biologiques. Cette étude démontre également que « 40 % des jeunes qui sont nés entourés de leurs deux parents biologiques les ont vus se séparer » (Desrosiers et Tétreault, 2018, p. 7).

Comme il a été mentionné plus haut, la séparation parentale est une transition familiale touchant beaucoup de gens, qu’ils soient adultes ou qu’ils soient enfants. D’ailleurs, cette réalité ne touche pas seulement les Canadiens. Pour donner un exemple, chez le voisin du Canada, les États-Unis, le phénomène du divorce touche approximativement plus d’un million d’enfants chaque année (Aabbassi et coll., 2016). Selon le rapport de 2006 de Judicial Statistics, chaque jour, c’est 650 enfants qui voient leurs parents se séparer. Ce même rapport démontre qu’il y a entre 25 000 et 30 000 enfants chaque année qui voient un de leur parent se séparer ou divorcer pour la deuxième fois ou plus. Les différentes études démontrent que la séparation amène un grand nombre de changements chez les enfants (Statistique Canada, 2016). La séparation parentale constitue un évènement marquant dans la vie de ces derniers (Aabbassi et coll., 2016). Saint-Jacques et Drapeau (2008, 2009) apportent un élément intéressant; la séparation parentale n’est pas seulement un évènement isolé, elle est un processus. Il s’agit donc d’un processus de changement entraînant une série d’évènements et de réorganisations au sein de la famille (Saint-Jacques et Drapeau, 2008). Cette transition est souvent accompagnée de difficultés relationnelles et personnelles présentes tant chez les enfants que chez les parents (Amato et Booth, 1997; Booth, 1999; Saint-Jacques et Drapeau, 2009).

Les enfants doivent s’adapter à plusieurs changements comme le fait que leurs parents ne demeureront plus ensemble ou encore qu’ils devront peut-être changer de milieu de vie. Un rapport de Statistique Canada (2016) intitulé Parce que la vie continue démontre qu’à « chaque fois qu’un changement majeur survient, la capacité d’adaptation d’un enfant peut s’amenuiser, surtout si leurs parents s’occupent moins d’eux » (p. 5). Ce même rapport explique que les changements, bien qu’ils soient inévitables dans les cas de séparation, gagnent à être effectués en laissant le temps à l’enfant de s’y adapter. Il faut que ces changements soient préparés. Les enfants ont donc besoin de temps.

Il est important ici de mentionner que la séparation parentale n’apporte pas toujours de conséquences négatives dans la vie des enfants. Les conséquences positives chez les enfants sont rares (Saint-Jacques et Drapeau, 2008, 2009), mais la séparation peut parfois

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être bénéfique dans la vie de l’enfant. Elle peut être la solution à un mode de vie familiale problématique ou encore à une crise familiale chronique (Aabbassi et coll., 2016; Amato, 2000; Cohen, 2002). Cohen (2002) explique que de nombreux enfants ont des problèmes pouvant persister. Cependant, la majorité des enfants fonctionnent bien avec le temps (Saint-Jacques et Drapeau, 2008), surtout lorsqu’ils ont du soutien de proches ou de professionnels et qu’ils ont un tempérament positif. L’adaptation est également influencée par l’âge. Selon Cohen (2002), lorsque les enfants prennent de l’âge et qu’ils mûrissent, c’est l’ensemble de leurs besoins, leurs comportements et leurs émotions qui changent. De plus, la séparation parentale cause souvent une recomposition familiale. Juby et ses collaborateurs (2005) estiment qu’environ les deux tiers des enfants de parents séparés, nés entre 1983 et 1996, ont vu un de ses parents se remettre en couple dans les cinq années qui suivent la séparation. L’enfant doit donc souvent s’adapter à cette transition, et ce, parfois en même temps qu’il doit s’adapter à la séparation parentale.

Il est très important de spécifier que les enfants ne sont pas tous égaux en termes de conséquences suite à la séparation parentale (Saint-Jacques et Drapeau, 2008). En effet, il existe une grande variabilité dans l’ampleur des impacts sur l’adaptation d’un individu (Amato, 2010), que cet individu soit un enfant ou qu’il soit un adulte. L’âge et le sexe de l’enfant peuvent également avoir une influence sur leur façon d’être affectée par la séparation (Amato, 2000; Saint-Jacques et Drapeau, 2008, 2009). La méta-analyse de Jeynes (2006) porte sur les effets d’un remariage sur l’enfant. Elle comprend l’analyse de 61 études. Grâce à cette méta-analyse, on sait maintenant que deux transitions familiales comme le divorce, la séparation ou le remariage sont plus difficiles qu’une seule (Jeynes, 2006). Jeynes (2006) rapporte également que certaines études (Hetherington et Clingempeel, 1992; Hetherington et Jodl, 1994; Heyman, 1992) concluent que « le nombre total de transitions dans la structure familiale de l’enfant influence leur bien-être psychologique et éducatif » (p. 94, traduction libre). Le nombre de transitions augmente le risque d’avoir des problèmes d’adaptation pour l’enfant (Amato, 2000; Jeynes, 2006; Saint-Jacques et Drapeau, 2009).

Les enfants ne vont pas tous vivre ces transitions de la même façon; ils n’ont pas tous le même vécu et plusieurs différences peuvent expliquer qu’ils ne vivent pas tous les mêmes conséquences (Jeynes, 2006). Les enfants ayant vécu la séparation parentale ont plus de problèmes d’adaptation que les enfants dont la famille est intacte (Amato, 2000, 2010;

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Jeynes, 2006). L’ampleur des différences, quant aux problèmes d’adaptation des enfants, est faible lorsqu’on compare les différentes structures familiales (Amato, 2000). Saint-Jacques et Drapeau (2008, 2009) citent qu’Amato (2000) a démontré que quatre facteurs agissent en interaction avec les effets du divorce sur l’adaptation de l’enfant. Ces facteurs sont « les rôles parentaux, les relations avec et entre les parents, les ressources économiques et les autres évènements potentiellement stressants et inhérents au divorce » (Amato, 2000, cité dans Saint-Jacques et Drapeau, 2008, 2009).

Saint-Jacques et Drapeau (2009) constatent que « les processus relationnels et les conditions de vie objectives (par exemple, le revenu, la qualité du voisinage) » (p. 57) ont davantage d’effets sur l’adaptation des enfants quant aux transitions familiales, plutôt que le fait d’avoir des parents qui sont séparés ou le fait de faire partie d’une famille recomposée. Plusieurs aspects comme la santé mentale des parents, le revenu familial, le niveau d’instruction de la mère, les difficultés quant aux pratiques parentales sont associés à la capacité d’adaptation des enfants (Dunn, Deater-Deckard, Pickering et O’Connor, 1998; Hetherington et Stanley-Hagan, 1999; Lansford, Ceballo, Abbey et Stewart, 2001; Saint-Jacques, 2000; Saint-Jacques et Drapeau, 2009; Sokol-Katz, Dunham et Zimmerman, 1997). Un autre aspect ayant une influence sur l’adaptation des enfants est l’accès à des interventions thérapeutiques et au soutien social (Amato, 2000; Saint-Jacques et Drapeau, 2009). La relation fraternelle représente une forme de soutien possible. Celle-ci peut agir à titre de facteur de protection sur l’adaptation de l’enfant (Saint-Jacques et Drapeau, 2009).

Les mésententes parentales sont des défis quant à l’adaptation des enfants (Booth et Amato, 2001). Une étude portant sur les conflits de séparation et sur les conflits de loyauté démontre que lors d’une séparation, les parents ont souvent de la difficulté à ne pas impliquer leur enfant dans leurs conflits (LeRun, 2012). Elle démontre également que cette difficulté est encore plus importante au début du processus alors que les membres du couple éprouvent de l’agressivité l’un envers l’autre et également lorsqu’ils n’arrivent pas à s’entendre sur les modalités de la garde de leur enfant. Cependant, il est important de mentionner que c’est seulement dans la minorité des situations qu’il y a un règlement judiciaire du litige concernant la garde. Les chiffres ont varié entre 7,5 et 15 % des cas de séparation parentale qui deviennent des litiges judiciaires sur la garde d’un enfant (Biland et Schütz, 2013; Joyal, 1996, 2003). Le récent rapport de Desrosiers et Tétreault (2018) démontre qu’une ordonnance concernant la garde a été prononcée pour 28,4 % des jeunes

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de 17 ans dont les parents se sont séparés entre 1998 et 2015. Cette étude a été réalisée avec un échantillon d’environ 2 000 enfants suivis de la naissance à 17 ans dans le cadre de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ELDEQ 1998-2015). Neoh et Mellor (2010) ont enquêté sur l’adaptation des enfants quant aux arrangements de partage des responsabilités parentales en comparant diverses trajectoires familiales. L’échantillon comporte 68 familles, dont 94 parents et 88 enfants. Ils démontrent que les parents ont tendance à sous-estimer les problèmes émotionnels des enfants qui s’adaptent aux changements de la séparation.

La séparation parentale crée des conséquences dans la vie des enfants impliqués, et ce, à différents niveaux. Ces conséquences vont entre autres déprendre de l’intensité, de la fréquence, du nombre de conflits et de l’importance des enjeux (LeRun, 2012). La majorité des enfants vont bien et ils ne présentent pas de problèmes à plusieurs niveaux (Saint-Jacques et Drapeau, 2008). Par contre, vivre dans une famille monoparentale ou dans une famille recomposée « double le risque de connaître des problèmes d’adaptation » (Saint-Jacques et Drapeau, 2008, p. 109). Quant à certains enfants, ils vont développer certains problèmes. On observe que 20 à 25 % des enfants impliqués ont des problèmes qui persistent à différents niveaux suite à la séparation parentale (Booth et Amato, 2001; Chase-Landsdale, Cherlin et Kierman, 1995; Cyr, 2014). Les enfants vont avoir différentes réactions. Ces réactions peuvent arriver lors de différents évènements comme les moments de séparation avec ses parents, par exemple lors des passages d’un parent à un autre où une désorganisation et une détresse peuvent survenir. Quelques études démontrent que les motifs de consultation les plus présents lorsqu’ils sont corrélés au phénomène de la séparation parentale sont les troubles du comportement ainsi que les difficultés scolaires (Aabbassi et coll., 2016; Ayadi, Moalla et Ben Ahmed, 2002; Martin, William et Carey, 1994).

Les réactions des enfants varient entre l’anxiété, la dépression ou encore l’avènement de conduites à risque (LeRun, 2012). On parle également de difficultés scolaires, de problèmes de comportements, de problèmes au niveau émotif et psychologique ainsi que de problèmes de santé (Amato, 2000, 2001; Saint-Jacques et Drapeau, 2008). L’enfant vit le deuil de la séparation de ses parents (Aabbassi et coll., 2016). Les réactions de l’enfant varient selon son âge (Cohen, 2002). Face à la séparation, l’enfant traverse deux phases (Aabbassi et coll., 2016; Berger, 1997; Lansford, 2009). Lors de la première phase, les sentiments de colère, de déni, d’agressivité, de tristesse et d’impuissance dominent. Lors de la deuxième phase,

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l’enfant tente de contrôler ses sentiments et de s’adapter à sa situation (Aabbassi et coll., 2016; Berger, 1997; Lansford, 2009). L’enfant met en place des mécanismes qui sont soit fonctionnels ou non (Aabbassi et coll., 2016; Berger, 1997). Les mécanismes fonctionnels permettent à l’enfant de s’adapter à sa nouvelle situation familiale de façon à ce que son développement se poursuive normalement (Aabbassi et coll., 2016; Berger, 1997). Quant aux mécanismes non fonctionnels, ils donnent lieu à l’apparition de conséquences négatives sur le plan affectif, familial, relationnel ou encore au niveau scolaire (Aabbassi et coll., 2016; Berger, 1997). Ces réactions peuvent être temporaires ou davantage permanentes (Aabbassi et coll., 2016; LeRun, 2012). Il est démontré que certains enfants souffrent de manière plus durable et permanente, mais la plupart des enfants vont s’adapter de façon satisfaisante à leur nouveau mode de vie familiale (Aabbassi et coll., 2016; LeRun, 2012). L’étude d’Aabbassi et ses collaborateurs (2016) explique que plusieurs facteurs peuvent venir jouer un rôle dans les réactions de l’enfant face à la séparation de ses parents. Parmi eux, on retrouve l’âge de l’enfant (Aabbassi et coll., 2016) qui a également une influence sur son implication ou non au processus devant les tribunaux. Les autres facteurs sont le niveau de développement de l’enfant, la personnalité de celui-ci et de ses parents, le contexte familial, la nature du conflit ainsi que la qualité de la relation, que ce soit entre les parents ou entre les parents et l’enfant (Aabbassi et coll., 2016).

À plus long terme, avoir vécu la séparation parentale est un facteur de risque dans le développement de problèmes à l’âge adulte (Amato, 2000; Nicholson, Fergusson et Horwood, 1999; Saint-Jacques et Drapeau, 2008). Les adultes ayant vécu la séparation parentale durant l’enfance ont plus de problèmes dans leur couple et ils sont également plus à risque de se séparer à leur tour (Amato, 2010).

Comme il a été mentionné précédemment, Amato (2000) relate que les ressources économiques d’une famille agissent en interaction avec les effets du divorce sur l’adaptation de l’enfant. Le phénomène de la séparation parentale a une incidence sur le revenu des familles. La séparation parentale entraîne des dépenses supplémentaires au sein des familles, pouvant entraîner des difficultés financières plus importantes (Cloutier, Bissonnette, Ouellet-Laberge et Plourde, 2004). Les difficultés financières affectent le bien-être des enfants (Amato, 2000; Saint-Jacques et Drapeau, 2009). Les enfants vivant dans la pauvreté viennent davantage d’une famille séparée que d’une famille intacte (Amato, 2000; Evans, 2004; Saint-Jacques et Drapeau, 2009). La pauvreté peut avoir des effets

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négatifs sur le développement des enfants puisqu’elle consiste en un facteur de risque supplémentaire (Amato, 2000; Saint-Jacques et Drapeau, 2009).

L’une des plus grandes conséquences de l’augmentation des séparations parentales est la fragilisation des relations parent-enfant (Saint-Jacques et Drapeau, 2008). Cette fragilité est particulièrement présente entre les pères et leurs enfants (Saint-Jacques et Drapeau, 2008). Pendant plusieurs années, les valeurs portaient le discours, selon lequel l’homme était le pourvoyeur et la femme était la mieux placée pour s’occuper de l’éducation (Saint-Jacques et Drapeau, 2008). Selon une répartition des jeunes de 17 ans dont une ordonnance a été rendue concernant leur garde entre 1998 et 2015, environ trois enfants sur quatre ont été confiés à la garde exclusive de leur mère, un enfant sur cinq a reçu une ordonnance de garde partagée et moins d’un enfant sur dix a été confié à la garde exclusive de son père (Desrosiers et Tétreault, 2018). Juby et ses collaborateurs (2005) ont étudié les différentes trajectoires familiales en matière de garde d’enfant des familles durant les années 1990 (n = 758). Ils rapportent que la garde partagée est synonyme d’un maintien à long terme de la relation entre les parents et leur enfant (Juby et coll., 2005).

1.4.3 L’enfant et ses besoins dans la séparation parentale

Tout d’abord, l’enfant a des besoins particuliers lorsqu’il vit la situation de séparation de ses parents (Birnbaum et coll., 2011; Cashmore, 2011; Cashmore et Parkinson, 2008; Drolet et Cloutier, 1992; Fournier, 2011; Godbout, 2014). Les différentes études démontrent que la séparation amène un grand nombre de changements chez les enfants (Statistique Canada, 2016). Pour s’y adapter, l’enfant a besoin de temps. La préparation est bénéfique pour favoriser l’adaptation de l’enfant aux changements. L’étude menée par Birnbaum et ses collaborateurs (2011) a consulté des enfants (n = 32) de l’Ontario et de l’Ohio qui ont été interrogés par un juge, représentés par un avocat ou évalués par un professionnel de la santé mentale qui prépare un rapport à l’intention des tribunaux. Dans cette étude, tous les enfants (n = 32) ont exprimé avoir ressenti de la tristesse et de l’angoisse lors de la séparation parentale et tous les enfants se souviennent vivement de cette situation. Cependant, cette même étude démontre que quelques enfants qui refusaient même de discuter de la situation, au départ, ont fini par admettre que la séparation a été possiblement la meilleure solution.

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L’un des besoins des enfants qui ressort des recherches consultées est que ceux-ci ont besoin de garder un lien, une relation de qualité avec leurs deux parents (Cashmore, 2011; Drolet et Cloutier, 1992; Fournier, 2011; Godbout, 2014). Godbout (2014) ajoute que l’enfant a besoin de la liberté d’aimer ses deux parents. Cependant, les études démontrent que malgré ce besoin légitime de l’enfant, la réalité peut parfois être différente (Cashmore et Parkinson; 2011; Drolet et Cloutier, 1992). L’étude de Drolet et Cloutier (1992) réalisée auprès de familles séparées ayant au moins un enfant de 10 ans ou de 15 ans (n = 112) démontre que la stabilité des arrangements diffère avec l’évolution des besoins des enfants. Malgré le désir des enfants de ne pas réduire les contacts avec leur parent non gardien, cette tendance ressort malgré tout dans les modifications sur la garde de ceux-ci (Desrosiers et Simard, 2010; Desrosiers et Tétreault, 2018; Drolet et Cloutier, 1992; Gouvernement du Canada, 2016). La recherche de Cashmore et Parkinson (2008) qui étudie les opinions des parents (n = 90) et de leurs enfants âgés de 6 à 18 ans (n = 47) ayant vécu une séparation parentale démontre qu’une importante différence existe entre le besoin et la préoccupation centrale de chacun de ces acteurs. Les parents ont tendance à être préoccupés par la pression qui peut être mise sur les enfants par l’autre parent. Ils considèrent également qu’il faut être prudent lorsque l’enfant exprime son opinion et l’écouter en apportant certaines nuances (Cashmore et Parkinson, 2008; Castagner Giroux et coll., 2016; Cyr, Di Stefano, Lavoie et Chagnon, 2011; Fournier, 2011; Gouvernement du Canada, 2016). De l’autre côté, les enfants ont la pression d’être loyaux et ont besoin d’être rassurés quant à leurs inquiétudes sur leur relation avec un parent (Cashmore et Parkinson, 2008).

1.4.4 L’opinion de l’enfant sur sa participation quant aux questions sur sa garde

Birnbaum et ses collaborateurs (2011) rapportent que les enfants (n = 32), recrutés via des dossiers fermés en droit de la famille où des audiences et procès ont eu lieu, sont souvent déjà pris dans le conflit de leurs parents. Maintenant, l’opinion de cet acteur clé qu’est le jeune quant à sa participation aux questions concernant sa garde est observée. Le principal aspect qui ressort est que la majorité des enfants, dans toutes les études les questionnant, veulent avoir la place pour exprimer leur opinion (Birnbaum et coll., 2011; Cashmore, 2011; Cashmore et Parkinson, 2008). Une autre des conclusions de l’étude de Birnbaum et ses collaborateurs (2011) démontre que les enfants ne veulent pas être forcés de participer, mais qu’ils veulent avoir la possibilité de le faire. De plus, la majorité des enfants mentionnent qu’ils veulent avoir une place pour exprimer leur opinion, mais ne veulent pas être responsables de la décision finale (Birnbaum et coll., 2011; Birnbaum et Saini, 2012;

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Cashmore, 2011; Cashmore et Parkinson; 2008; Fournier, 2011; Zermatten et Stoecklin, 2009).

L’étude de Cashmore (2011) analyse le discours d’enfants âgés de 6 à 18 ans (n = 47) et de parents (n = 90) où les familles ont engagé des avocats et ont réglé des affaires durant les douze derniers mois, soit par consentement, par médiation ou par procédures judiciaires. Dans cette étude, la quasi-totalité des enfants souhaitent exprimer leur opinion, mais ils ne veulent pas avoir la responsabilité de la prise de décision finale. Selon cette même étude, les enfants veulent être impliqués afin de permettre une prise de décision plus éclairée et de meilleurs résultats (Cashmore, 2011). Les résultats rendent les enfants plus heureux, permettraient un certain contrôle aux enfants sur les décisions les concernant et répondraient à leurs besoins de reconnaissance et de respect (Cashmore, 2011). Selon l’étude de Cashmore et Parkinson (2008), les enfants disent qu’ils n’ont pas besoin d’être protégés du processus judiciaire. Cette même étude démontre également que les parents sont d’accord avec l’importance que les enfants détiennent un certain droit de parole et que ce droit de parole pourrait permettre des décisions plus justes et éclairées ainsi que de meilleurs résultats (Cashmore et Parkinson, 2008). Finalement, un faible nombre de jeunes consultés âgés de 6 à 18 ans (n = 47) ont indiqué qu’il était injuste qu’on leur demande ce qu’ils veulent dans les circonstances.

1.4.5 La place de la parole de l’enfant dans les litiges en matière de garde

Si les écrits scientifiques font ressortir que l’enfant aimerait avoir un droit de parole dans les questions sur sa garde en contexte de séparation parentale, l’examen des pratiques en ce domaine montre une tendance inverse. La participation de l’enfant demeure faible (Birnbaum et coll., 2011; Cashmore, 2011; Drolet et Cloutier, 1992; Godbout, 2014; Quéniart et Joyal, 2000). Dans l’étude de Cashmore (2011), un peu plus de la moitié des enfants ont rapporté avoir eu « peu » ou « juste un peu » leur mot à dire concernant les arrangements sur leur garde et aucun enfant a dit avoir été « beaucoup » entendu. L’étude de Birnbaum et ses collaborateurs (2011) va également en ce sens puisque la majorité des enfants ont déclaré ne pas avoir été consultés. L’étude de Fortin, Hunt et Scanlan (2012) a interrogé 63 personnes. Trente-cinq d’entre elles ont dit avoir participé au litige devant le tribunal et ont répondu à la question demandant si elles estimaient que leurs opinions avaient été prises en compte par le tribunal. Dix-neuf ont dit oui, deux ont dit qu’ils pensaient que le tribunal avait trop tenu compte de ce qu’ils avaient dit et quatorze ont dit non (Fortin et coll., 2012). La

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majorité des cas, où un litige en matière de garde est entendu devant les tribunaux, ne comportent aucune participation de l’enfant, et ce, peu importe le mode de participation2 examiné (Quéniart et Joyal, 2000). Une autre étude ayant interrogé des enfants de 11 ans ou plus (n = 141) qui ont été impliqués dans des procédures judiciaires à la suite de la séparation de leurs parents démontre que les trois quarts d’entre eux pensaient qu’ils ont « pu avoir leur mot à dire » sur les dispositions prises après la séparation de leurs parents (Timms et coll., 2008). Cependant, seulement un peu plus de la moitié d’entre eux pensent que donner leur avis et faire part de leurs souhaits avait eu un impact sur le résultat. Parmi les enfants interrogés lors de cette étude, seulement dix jeunes ont eu à exprimer leur opinion devant le tribunal. Parmi eux, seulement deux enfants auraient préféré ne pas être impliqués. Parmi les enfants n’ayant pas été impliqués, 60 % d’entre eux n’auraient pas voulu être entendus, contre 40 % qui l’auraient souhaité.

Ce sont généralement les adultes qui décident si les enfants seront consultés, qui ils rencontreront et quel sera le mode de participation de ceux-ci (Birnbaum et coll., 2011). Gude, Joshi et Gehle (2016) ont analysé des dossiers de jurisprudence et ils expliquent que la décision d’inclure ou non l’enfant dans le processus est basée sur l’intérêt de l’enfant, et non sur l’intérêt du ou des parents. Cependant, cette même étude explique que l’implication de l’enfant peut amener à déterminer plus facilement quel est le meilleur intérêt de l’enfant. Rares sont les enfants qui ont déclaré avoir été consultés par leurs parents quant aux modalités pour leur garde (Birnbaum et coll., 2011).

Des débats remettent en question la place qu’on doit accorder à la parole de l’enfant dans les décisions (Cashmore, 2011; Cashmore et Parkinson, 2008; Godbout, 2014). Les résultats de l’étude de Quéniart et Joyal (2000) démontrent cependant que la participation de l’enfant est plus fréquente dans les cas où la garde fait l’objet d’un litige que dans les autres cas. McGough (1994) rapporte dans son livre quatre principaux dangers à prendre des témoignages. Ces dangers sont l’ambiguïté des témoignages et des situations, le manque de franchise dans certaines situations, la présence possible d’une mémoire défectueuse et une perception erronée des situations rapportées. L’étude de Weatherall et Duffy (2008) a entendu des travailleurs sociaux dans le domaine de la famille et de l’enfance (n = 37). Elle démontre que pour permettre une représentation concrète de la parole de l’enfant, il est nécessaire que ceux-ci soient entendus avec précision et sans interprétation (Weatherall et Duffy, 2008). Les

2 Par mode de participation, ce mémoire inclut la représentation par avocat, le témoignage ou l’entrevue devant un juge ainsi que la rencontre d’un professionnel dans le but d’une expertise psychosociale.

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changements dans les arrangements sur la garde des enfants ne suivent pas toujours l’évolution des besoins de l’enfant (Drolet et Cloutier, 1992).

1.4.6 Influence de l’âge de l’enfant sur sa participation

L’âge des enfants semble être un facteur influençant sa participation au litige devant les tribunaux (Birnbaum et coll., 2011; Cashmore, 2011; Cashmore et Parkinson, 2008; Drolet et Cloutier, 1992; Dunbar, 2015; Quéniart et Joyal, 2000). Selon Dunbar (2015) ayant interrogé des juges (n = 4), certains facteurs contribuent à ce qu’un juge soit obligé d’envisager le témoignage d’un enfant. Parmi eux, il y a l’âge de l’enfant, son degré de maturité ainsi que les effets préjudiciables de sa participation. Les enfants de moins de 12 ans auraient peu ou pas d’opportunité de parole (Cashmore et Parkinson, 2008). Le Barreau du Québec (2006) recommande que « lorsqu’un avocat détermine si un enfant possède ou non la capacité de mandater3, il puisse présumer qu’un enfant de douze ans est capable de mandater » (p. 20). Selon une autre étude, l’âge moyen pour interroger un enfant serait de 13 à 15 ans (Dunbar, 2015). Un certain point de vue minoritaire et plus restrictif s’inscrit cependant dans les résultats de cette étude. L’un des juges a déclaré que rien de ce qu’un enfant de moins de 12 ans pourrait dire n’influencerait sa décision (Dunbar, 2015). Cependant, l’étude de Quéniart et Joyal (2000) ayant étudié des dossiers judiciaires de la Cour supérieure à Montréal et à Québec dans lesquels un jugement a été rendu quant à la garde d’enfants mineurs (n = 300) démontre que la séparation parentale comprend majoritairement des enfants de moins de 10 ans lors de la séparation.

Selon l’étude de Dunbar (2015), certains juges mentionnent également que la maturité pouvait avoir une influence, par exemple il peut arriver qu’un jeune de 11 ans puisse être en mesure de témoigner et qu’un autre de 14 ans non. Selon le Barreau du Québec (2006), l’âge ne devrait pas être le seul critère permettant d’indiquer la capacité ou non d’un enfant, et ce, parce que les enfants ne se développent pas tous à la même vitesse. Selon un autre juge de cette étude, un enfant de 15 ans et plus détient un droit de parole très puissant. Tous les enfants âgés de plus de 10 ans dans l’étude de Birnbaum et ses collaborateurs (2011) ont indiqué avoir donné leur opinion à leurs parents, mais ceux-ci n’ont pas senti que leurs parents les avaient écoutés. On remarque une plus grande influence de l’enfant lorsqu’il évolue en âge par rapport à la réduction, l’arrêt ou la reprise des contacts avec le

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parent non gardien, et ce, peu importe l’ordonnance de garde (Cashmore et Parkinson, 2008).

1.4.7 Les modes de participation de l’enfant

Des résultats et conclusions concernant les divers modes de participation de l’enfant sont observés. Timms et ses collaborateurs (2008) présentent une conclusion intéressante; les praticiens semblent en faveur de l’implication de l’enfant et trouvent que c’est une bonne chose d’entendre, d’écouter et de consulter les enfants. Cependant, il semble que la manière et la procédure selon laquelle le témoignage de l’enfant devrait influencer la prise de décision soient beaucoup moins unanimes. Hayes et Birnbaum (2019) ont analysé les rapports Voice of the Child qui sont utilisés en Ontario afin d’entendre un enfant dans le litige juridique. Ils concluent également qu’il n’existe pas vraiment de meilleure méthode pour entendre l’enfant en contexte de conflits parentaux, mais qu’il est très important de les entendre lors de séparations et de divorces. Dans l’étude de Godbout (2014) ayant questionné des juges et des travailleurs sociaux ou des psychologues menant des expertises en matière de garde (n = 27 : 11 juges, 16 experts), près de la moitié des professionnels ont mentionné que dans la pratique, un certain malaise persiste par rapport à l’implication de l’enfant dans le processus décisionnel. Ce malaise a également été soulevé par les juges questionnés lors de l’étude de Dunbar (2015). Des questionnements demeurent quant à la méthode de participation de l’enfant qui devrait être privilégiée (Godbout, 2014).

Dans l’étude de Quéniart et Joyal (2000), l’utilisation de l’expertise psychosociale a été répertoriée dans 9 dossiers sur 148 dans lesquels l’enfant a rencontré un expert. L’expertise est une façon d’entendre le discours personnel de l’enfant, tout en le replaçant dans son contexte environnemental et familial (Schmit et Rolland, 2009). Dans l’étude de Birnbaum et ses collaborateurs (2011), la satisfaction des enfants suite à ce type de participation (expertise psychosociale) était nuancée et les enfants mentionnaient qu’on ne leur avait pas donné le choix. L’étude de Weatherall et Duffy (2008) donne la parole à des travailleurs sociaux dans le domaine de la famille et de l’enfance (n = 37) qui mentionnaient que les enfants devraient être placés au centre des procédures et qu’ils devraient être légitimement et respectueusement représentés dans les situations de séparation parentale. Cette même étude explique que les experts trouvaient que les enfants manquent d’intervention thérapeutique, qu’eux-mêmes manquent de formation et de soutien et que les pratiques

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varient trop (Weatherall et Duffy, 2008). Ce genre d’intervention nécessite du temps. La mise en place d’une relation de confiance avec l’enfant est nécessaire et l’enfant doit se sentir à l’aise et en sécurité pour s’exprimer sur la situation vécue (Aabbassi et coll., 2016). L’étude d’Aabbassi et ses collaborateurs (2016) mentionne que les expertises demandées par le tribunal sont des moments d’évaluation et d’analyse importants quant au bien-être de l’enfant dans un contexte de litige en matière de garde. Ces auteurs expliquent alors que le bilan de cette évaluation et analyse devrait permettre aux professionnels de recommander une prise en charge thérapeutique lorsque cela est nécessaire.

Pour ce qui est du mode de participation selon lequel l’enfant est représenté par un avocat, 3 dossiers sur 148 ont été repérés dans l’étude de Quéniart et Joyal (2000). Il s’agit du mode de participation le moins fréquent. Selon l’étude de Birnbaum et ses collaborateurs (2011), les enfants n’ont pas été consultés, à savoir s’ils acceptaient d’être représentés par un avocat, et ils ne savaient pas non plus qu’ils avaient d’autres façons de se faire entendre. Bala et Birnbaum (2018) soutiennent que les gouvernements et barreaux canadiens devraient élaborer des politiques et des programmes plus cohérents et complets centrés sur les enfants. L’élaboration de tels programmes et politiques permettrait que leur opinion soit davantage prise en compte dans les dossiers de droit familial.

Pour terminer avec les données quant au témoignage, aussi appelé entrevue avec le juge, Quéniart et Joyal (2000) ont repéré 9 dossiers sur 148. Chaque enfant (n = 16) a donné son accord au préalable pour rencontrer un juge (Birnbaum et coll., 2011). Tous ces enfants ont exprimé avoir été anxieux au départ. Pour les rassurer, les enfants ont rapporté que le juge leur a expliqué que cette rencontre était privée. Les enfants croient qu’il est plus facile de parler directement au juge sans que les parents soient présents et soient mis au courant de ce qu’ils ont exprimé (Cashmore, 2011). Quelques-uns auraient aimé rencontrer un juge s’ils avaient su qu’il s’agissait d’une option (Birnbaum et coll., 2011). Quant aux juges, ils accordent une grande importance à l’implication de l’enfant dans le conflit parental et également à l’impact que cette place a sur son adaptation (Godbout, 2014). Dans l’étude de Dunbar (2015), tous les juges ont mentionné qu’ils préféraient se fier à l’expertise d’intervenants, de médiateurs ou encore d’avocats pour statuer sur le degré de maturité d’un enfant, et donc, sur la validité de leur opinion avant de décider de les entendre ou non. Quant à l’étude de Birnbaum et Bala (2010), elle compare l’expérience de juges ontariens avec celle de juges de l’Ohio. La majorité des juges ontariens mentionnent une réticence

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quant à faire des entrevues avec les enfants. Selon certains, leur rôle traditionnel de juge qui est de prendre des décisions en fonction des preuves présentées par les parties ne coïncide pas avec l’interrogatoire des enfants. Les juges de l’Ontario mentionnent, malgré tout, le désir d’obtenir davantage de directives ou de formations quant à savoir comment interroger un enfant dans un tel contexte (Birnbaum et Bala, 2010). Les juges de l’Ohio qualifient de plus facile la rencontre avec un enfant comme un droit pour celui-ci. Autant pour les juges de l’Ontario que pour ceux de l’Ohio, la rencontre avec un enfant devrait avoir un objectif relationnel (Birnbaum et Bala, 2010). L’entretien avec l’enfant devrait selon eux servir à avoir une conversation avec le jeune plutôt qu’à recueillir des preuves (Birnbaum et Bala, 2010). Certains juges expliquent également qu’ils leur arrivent de revoir la même famille plusieurs fois et que cette vision périphérique des situations peut amener à prendre la décision d’entendre l’enfant (Dunbar, 2015).

1.4.8 Les conséquences de la participation

Dans les études consultées, un certain nombre de conséquences positives et négatives suite à la participation ou non de l’enfant au processus judiciaire est ressorti (Birnbaum et coll., 2011; Cashmore, 2011). Exclure un enfant d’un litige dont les conclusions auront une influence sur sa vie peut entraîner des répercussions négatives pour lui (Nantais, 2004, cité dans Barreau du Québec, 2006). Les décisions rendues n’auraient peut-être pas été les mêmes si l’enfant avait été entendu. Dans l’étude de Birnbaum et ses collaborateurs (2011), les enfants n’ont pas mentionné d’effet négatif suite à leur rencontre avec le professionnel, et ce, peu importe le type de professionnel rencontré. Ce sont plutôt les enfants qui auraient voulu être entendus et qui ne l’ont pas été, qui ont démontré une plus grande insatisfaction par rapport à la décision (Cashmore, 2011). De plus, permettre aux enfants d’être entendus contribuerait positivement à leur adaptation après la séparation (Birnbaum et coll., 2011; Holtzworth-Munroe, Applegate, D’Onofrio et Bates, 2010).

L’étude pilote réalisée par Holtzworth-Munroe et ses collaborateurs (2010) montre qu’une intervention intensive et approfondie dans le cadre d’une expertise a des répercussions positives pour l’enfant. La transmission des informations recueillies auprès des enfants lors de cette intervention aux parents entraîne également des répercussions positives autant chez les parents que chez les enfants (Holtzworth-Munroe et coll., 2010). En effet, suite à l’intervention, le nombre de conflits entre les parents diminuait, tout comme la détresse et la santé mentale des enfants s’amélioraient (Holtzworth-Munroe et coll., 2010). L’étude de

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Figure 1. Schéma du modèle bioécologique de Bronfenbrenner (1986)
Tableau 1. Revenu total des participants
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