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Les impacts de la participation au litige ou non

4.2 Présentation des résultats

4.2.2 Les impacts de la participation au litige ou non

Cette section répond maintenant à la question suivante : la participation ou non à ce processus a-t-elle entraîné des impacts sur le jeune lui-même et sur les environnements qu’il fréquente, notamment la famille et l’école ? Leur regard face aux conséquences de la séparation, de la mésentente et du litige ainsi qu’aux impacts de leur participation ou non au litige sera observé. Pour terminer, cette section abordera les rôles et les relations au sein de la famille et de l’entourage des participants.

4.2.2.1 Les conséquences et les impacts

Tout d’abord, il est essentiel de mentionner que les conséquences et les impacts sont difficilement départageables selon qu’ils relèvent de la séparation, de la mésentente ou du litige. Même si des questions distinctes avaient été prévues, les réponses des participants démontrent un chevauchement des conséquences quant aux différents éléments dans la dynamique de séparation des parents (séparation, mésentente et litige). Les conséquences émotionnelles sont abordées en premier lieu, puis les instrumentales.

Quelques participants ont mentionné que l’ensemble de ces éléments (séparation, mésentente et litige) a mené à leur maturité précoce. Pour certains, cette maturité précoce était positive. Pour eux, même si cette situation était hors de leur contrôle, elle leur a permis d’acquérir une certaine maturité. Pour d’autres, elle était négative puisqu’elle faisait en sorte qu’ils ne connaissaient pas une enfance « normale », plus particulièrement une enfance permettant l’insouciance et la liberté reliée à cette étape de la vie. Kristina explique qu’elle voyait cette maturité précoce à la fois positive et négative.

Ça a eu ses inconvénients et ses aspects plus positifs. Du plus loin que je me souvienne, j’étais une ado et je me tenais avec les plus vieux. Moi, les gens de mon âge, ça fittait pas. J’ai fait mes niaiseries comme tout bon ado, mais j’étais plus raisonnable que mes amis. Pis j’étais souvent la maman, souvent la fille que : « Ah, j’aurais besoin de ça. [Nom1] doit avoir ça dans sa sacoche ». Fait que oui, ça a été positif, mais en même temps, j’ai pas de souvenir de… oui, j’ai eu 10 ans pour avoir du plaisir, mais des fois, je trouve ça poche de ne pas avoir pu vivre insouciante plus longtemps. C’est ce que j’aurais aimé. P-KristinaF10

Certains participants évitaient d’exprimer leurs besoins émotionnels à leurs parents afin d’éviter les reproches ou les chicanes. De plus, la séparation, la mésentente et le litige auraient entraîné une fragilité plus importante au niveau de leur santé mentale. Si certains

participants ne nomment pas une problématique particulière, quelques-uns mentionnent avoir développé des problèmes d’anxiété.

Y’a aussi l’enfant qui a été tourmentée à travers ça, qui est encore… je pense qu’y a une partie de moi que je travaille depuis quelques années, mais qui est encore beaucoup affectée par ça. Je vous dirais que c’est plus au niveau de la santé mentale, que je vois des répercussions. Pis je dirais que plusieurs années, en fait, j’avais le cœur très lourd, j’avais beaucoup d’amertume par rapport à, peut-être, les traitements que j’ai reçus de la part de ma mère pis de mon beau- père, surtout. P-CatherineF7

Les participants entendus, quant à eux, s’entendent pour dire que se faire entendre aura créé une insécurité importante de leur part. Peu importe leur âge ou encore leur sexe, les participants s’entendent pour dire qu’ils ont eu peur de déplaire à au moins un de leurs parents. Certains participants parlent d’un sentiment de trahison envers un parent. Dans l’extrait suivant, la participante souligne qu’une des conséquences a été la colère du père, qu’elle associait, à l’époque, au fait qu’elle ne l’avait pas choisi. Sa lecture de la situation a évolué depuis. Elle attribue désormais en partie cette colère au fait que le père a dû, suite au jugement, verser une pension alimentaire. Il apparaît important de souligner que des propos de cette jeune se dégage une impression qu’il est normal, compréhensible, qu’un parent soit en colère de devoir débourser pour son enfant.

Mon père m’en a voulu longtemps, pis je pense qu’à ce jour, il m’en veut encore de pas l’avoir choisi à ce moment-là. Parce que nécessairement, en plus, y’a des conséquences au fait que je sois partie avec ma mère, que moi je voyais pas à ce moment-là. Papa qui paie une pension… ça, on le comprend pas, quand on est jeune. Moi, j’avais pas vu cette partie-là. Probablement que ça aurait pas changé grand-chose, mais j’aurais plus compris le fait qu’il soit en colère. Là, j’avais juste l’impression qu’il était déçu parce que je l’avais pas choisi, alors qu’y a autre chose autour de ça. P-KristinaF10

Bien qu’elles soient très rares, certaines conséquences positives ont été mentionnées. Cependant, les participants ont mentionné que les conséquences positives ont rapidement été submergées par les conséquences négatives. Un premier participant explique qu’en tant qu’enfant son premier réflexe a été de se dire qu’il n’aurait plus de cadeaux. De plus, une autre participante explique que, pour sa situation, les conflits étaient présents depuis longtemps avant la séparation de ses parents. Il s’agissait donc de la fin des chicanes répétitives entre ses parents. Elle était donc soulagée qu’ils se séparent puisqu’elle n’aurait

plus à être exposée aux chicanes de ses parents tous les jours. De plus, plusieurs participants entendus relatent la satisfaction de se sentir concerné et la satisfaction de savoir que quelqu’un écoute son opinion.

Je trouvais ça important. Je pouvais le faire. Pis il aurait pu être entendu. Mon témoignage allait avoir de l’impact sur la décision du juge. Fait que je me suis dit : « C’est le temps que tu le fasses ». Parce que la première fois, j’ai pas eu mon mot à dire. P-Karol-AnnF8

Plusieurs participants ont mentionné se sentir obligés de se priver (financièrement et matériellement) afin d’éviter les conflits entre leurs parents. On remarque que certains participants préféraient ne pas recevoir ce dont ils avaient besoin afin d’éviter de créer des conflits et plus particulièrement afin d’éviter de se sentir tiraillés entre leurs parents. Certains évitaient de demander des biens matériels ou encore évitaient d’exprimer leurs besoins pouvant impliquer de l’argent puisqu’ils avaient compris que l’argent était un sujet de conflits important.

Il fallait toujours choisir à qui on va demander quoi. C’était plus ça. Admettons que j’ai besoin d’une nouvelle paire de chaussures, je le demande à maman ou à papa ? Fait que là, tout est un choix pis tout était sujet à dispute entre nos deux parents. C’était rendu qu’on faisait abstraction de demander trop d’affaires, parce qu’on le savait que ça allait se chicaner. P-KristinaF10

De nombreux participants considèrent les déménagements comme étant une conséquence de la séparation parentale. Le nombre de déménagements est très variable d’un participant à l’autre. Certains déménagements apportent également plus de conséquences que d’autres. Pour certains, les déménagements étaient dans le même secteur, ce qui entraînait un peu moins de complications. Par contre, pour d’autres participants, les déménagements entraînaient la perte d’amis, la rupture de liens avec des membres importants de leur entourage, un changement d’école, le commencement d’une nouvelle vie ailleurs, etc. Deux participantes expliquent que les déménagements ont créé une incapacité de s’enraciner ou encore d’avoir un sentiment d’appartenance envers un lieu ou une ville. « On est toujours dans les bagages, on est toujours dans les valises. Ça a créé beaucoup d’instabilité. J’ai jamais été quelqu’un qui a pu s’enraciner dans un environnement quelconque. » (P- VéroniqueF6)

4.2.2.2 Rôles et relations

Relation entre l’enfant et ses parents

Tout d’abord, au niveau des relations entre l’enfant et ses parents, on remarque deux types de trajectoires relationnelles. Aucun des participants n’a vu sa relation demeurer similaire, que ce soit avec la mère ou avec le père lors de la séparation, de la mésentente et du litige. La distanciation ou la rupture du lien avec leurs parents a été causée par des problématiques relationnelles qui parfois ont un lien avec la séparation, la mésentente et le litige. Cependant, quelques fois, la distanciation ou la rupture a été causée par une problématique relationnelle ou personnelle externe à la situation. Dans la totalité des situations abordées ici, les relations ont été affectées négativement soit temporairement soit de façon permanente.

Dans la première trajectoire qui est la plus courante, on retrouve huit participants ayant vécu une rupture totale du lien avec un de leurs parents de façon temporaire ou permanente. Pour trois participants, la rupture du lien a été temporaire et s’est échelonnée de quelques semaines à deux ans pour un participant. Actuellement, ils ont encore des contacts avec leurs parents. Pour les cinq autres participants, la rupture du lien est permanente selon eux. Ils n’ont plus aucun contact avec un de leurs parents. Pour cinq participants, c’est le lien avec leur père qui a été rompu de façon temporaire ou permanente. Les deux autres ont vécu une rupture du lien avec leur mère de façon temporaire ou permanente. L’autre participante a eu une rupture du lien temporaire avec sa mère et elle a rompu les contacts définitivement avec son père également. Les participants associent la rupture du lien avec les différentes circonstances entourant la séparation, la mésentente et le litige. Pour plusieurs participants, la rupture du lien a eu lieu plus tard et c’est l’accumulation de tous ces évènements qui a mené à la rupture du lien.

Ce qui est difficile, c’est que je me suis sentie obligée de faire un choix entre mes deux parents. Parce que je pouvais plus garder mon intégrité en restant avec une personne qui dit que mon père est quelqu’un de malveillant, alors qu’il l’est pas, pis que je crois en lui. Malheureusement, j’ai coupé les ponts avec ma mère. Pis encore à ce jour, je pense qu’elle réalise même pas pourquoi. Parce qu’elle est tellement dans sa lubie de penser qu’elle, elle a tout fait les choses parfaitement, pis qu’elle est pas capable de concevoir que ça a été… elle, elle pense que vu que c’est une mère, sa fille, c’est sûr qu’il faut qu’elle l’aime pis qu’elle lui doive tout. J’ai coupé les ponts, malheureusement. J’aurais aimé ça, que ça se déroule autrement. Mais sa personnalité fait en sorte que je peux pas garder une relation saine avec elle. Au contraire, c’était plus toxique de continuer de la fréquenter. Pis

j’aurais ben aimé ça avoir une relation mère-fille super complice, pis… je trouve ça vraiment dommage. P-MarieF10

La deuxième trajectoire regroupe cinq participants ayant vécu des moments plus difficiles avec au moins un de leurs parents, ce qui a mené à une certaine distanciation avec celui- ci. Cependant, il n’y a pas eu de rupture du lien avec le parent. Lors de ces moments, les participants vivaient des frustrations, des peurs et énormément de tristesse. Malgré tout, la relation s’est améliorée avec ce parent avec le temps. Pour trois participants, c’est leur relation avec leur mère qui a été plus difficile. Une autre participante explique que c’est sa relation avec son père qui était plus distante et difficile. Pour l’autre participante, on comprend qu’elle a vécu des moments difficiles avec chacun de ses parents à des moments différents.

Pendant la séparation, ça a été un peu dur, je te dirais. On dirait qu’elle m’avait un peu dégoûté, d’avoir fait ce geste-là (avoir porté de fausses accusations de violence conjugale contre son père). Je vivais sous le même toit, pis je la respectais comme ma mère, parce que c’est elle qui m’a éduqué, pis c’est elle qui m’a montré les bonnes choses dans la vie, mais j’étais un peu fâché par rapport à la situation. Fait que j’avais souvent tendance à réagir sur des niaiseries. Comme : « Fais ta chambre », ben : « À soir, ça me tente pas ». J’étais plus réactif, plus prime, du fait qu’elle nous a carrément menti en pleine face. C’est sûr qu’un enfant de 10 ans, tu peux encore lui dire des fausses vérités, si on veut. J’ai été fâché, un peu, pendant, je te dirais, une bonne année. Quasiment deux ans. P-VincentH12

Par la suite, on observe que l’influence des parents sur l’enfant affecte les relations familiales. Dans tous les cas, au moins un parent a dénigré l’autre parent à un moment : pour la majorité ce sont les deux parents qui parlaient contre l’autre parent. Pour la majorité des participants, la situation s’est étendue sur plusieurs années. On remarque que cette situation a créé un grand sentiment d’insécurité pour certains, de la tristesse et de la déception pour d’autres.

Ça devient un dialogue intérieur qui est vraiment très difficile à gérer, là. Pis si je défends maman, je vais me chicaner avec papa. Pis si je défends papa, je vais me chicaner avec maman. C’est tout le temps ça. Pis encore aujourd’hui, c’est ça. Y’a des fois où les commentaires négatifs, je vais faire comme s’ils étaient pas là, là. Je pense que c’est l’aspect le plus difficile de la séparation. P-KristinaF10

La grande majorité des participants s’entendent pour dire que le fait qu’un parent parlait contre l’autre a influencé d’une manière ou d’une autre, temporairement ou de façon permanente, l’opinion qu’ils avaient de leurs parents. Certains participants ne savaient plus qui ils devaient croire.

Des fois, y’a des parents qui sont manipulateurs beaucoup. Mon père était comme ça. Mon père nous manipulait. Je pense qu’il nous avait manipulés un peu pour nous dire que notre mère était pas capable de s’occuper de nous. P- EmmanuelleF11

Certains parents ont même tenté d’influencer leur enfant en leur offrant des biens ou de l’argent. On remarque que ce phénomène a influencé fortement les relations entre l’enfant et ses parents, que ce soit à court, moyen ou long terme.

Fait qu’il s’est assis un jour avec mon frère et moi, pis il nous a demandé : « C’est quoi que ça vous prendrait, pour venir ici ? ». Moi, j’avais dit : « Moi, je voudrais un char ». Comme de fait, il l’a acheté. Il a acheté ce qu’il voulait à mon frère. P- VéroniqueF6

Changement de rôle chez l’enfant

Un autre facteur important qui a été mentionné au niveau des rôles et des relations au sein de la famille est le changement de rôle pour l’enfant. Onze participants ont mentionné que leur rôle d’enfant a subi des modifications lors de la séparation, de la mésentente et du litige. Quelques participants sont devenus l’intermédiaire entre leurs parents et ont agi à titre de confident et de « psychologue » pour reprendre leurs mots. Marie explique qu’elle ne sentait pas qu’elle occupait un rôle d’enfant vis-à-vis sa mère.

Quand j’étais avec ma mère, c’était comme moi, l’adulte. Elle avait des problèmes de cœur, elle se confiait à moi. Moi, j’ai genre 14 ans, je sais pas quoi faire. Je connais pas ça, moi, les histoires de cœur. Pis c’était moi qui l’aidais là-dedans. C’était supposé être les rôles inversés. C’est moi qui la réconfortais quand elle pleurait parce que son chum l’avait laissée, ou elle réalisait qu’elle aimait pas son chum. Fait que c’était vraiment dur, de ce côté- là. Parce que j’avais pas l’impression de vivre une enfance, parce que j’avais comme un autre rôle à porter, des fois. P-MarieF10

Un participant mentionnait qu’il avait l’impression de ne plus être un humain ou un enfant, mais plutôt un « objet de valeur ». Une autre participante expliquait qu’elle avait l’impression

qu’elle devait agir à titre de pilier pour sa famille. Le rôle qui ressort majoritairement est celui du rôle d’adulte. Autrement dit, plusieurs participants (5) parlent de parentification. Quelques-uns d’entre eux mentionnent également un renversement de rôle. La séparation, la mésentente et le litige ont modifié le rôle de ces participants au sein de leur famille. Les participants expliquent qu’ils ont eu des responsabilités qu’un enfant n’aurait pas dans une autre situation. Par exemple, certains enfants ont senti qu’ils devaient maintenant prendre soin de leurs plus jeunes frères et sœurs. D’autres devaient agir différemment et devaient devenir matures plus rapidement. D’autres devenaient responsables des tâches ménagères à la place de l’un ou l’autre de leurs parents.

Ben dans le fond, moi j’ai pris en charge tout. C’est-à-dire, le fait qu’il fallait que mon frère mange pis… quand ma mère était là, ben souvent mon… t’sais, un enfant de 10 ans peut pas faire ce qu’un adulte fait. Moi, je faisais pas le ménage, j’avais pas le temps d’aller pelleter la galerie en hiver. Pis je me souviens que quand ma mère était là, elle faisait ce que moi j’avais pas le temps de faire. J’avais l’impression que finalement, c’était moi l’autre parent. Pis il fallait toujours que je gère mes deux parents. J’avais l’impression que j’étais leur parent à eux. Parce que là, ma mère me disait : « Tu diras à ton père qu’il fera du ménage la semaine prochaine », pis là papa venait pis j’étais un peu naïve, pis je comprenais pas dans le début que : « Ok je vais dire ça, fait il va y avoir une réaction ». Pis là, je disais à papa : « Maman m’a dit qu’il fallait que je te dise de faire plus de ménage ». Pis là, mon père pétait une coche. Pis là, je me disais : « C’est-tu à moi de le faire ? ». Je me suis ramassée à prendre beaucoup de décisions pis à prendre beaucoup de responsabilités sur mes épaules, qu’un enfant normal n’aurait pas en temps normal, là. Pis je faisais les lunchs, je m’occupais de mon frère, pis en même temps je m’occupais de mon père comme s’il avait le même âge que mon frère, finalement. Je descendais en bas, j’allais lui porter son assiette en faisant : « Ben la, mange, là ». J’ai 10 ans. C’est pas normal, là, de faire ça, mais je l’ai fait. P- KristinaF10

Relation entre les parents et évolution du conflit

Pour ce qui est de la relation des parents entre eux, il y a eu des conflits concernant l’enfant dans tous les cas. Le conflit entre les parents suit trois trajectoires distinctes. La trajectoire la plus courante regroupe les parents qui ont toujours des rancunes et des mésententes entre eux aujourd’hui (les séparations remontent en moyenne à douze années). Pour la majorité des parents, il n’y a plus aucun contact entre eux. Pour les autres, la tension est toujours palpable et les mésententes sont toujours présentes. La majorité des participants vivant cette situation trouvent cela dommage et triste.

Je pense que ça a amplifié avec le temps. Mais là, c’est rendu un peu plus calme. Ma mère, elle s’est dit : « De toute façon, il fait tout le temps sa tête de