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Améliorer la prise en compte de la parole de l’enfant ainsi que les interventions

Comme souligné précédemment, les praticiens semblent en faveur de l’implication de l’enfant dans les pratiques entourant la séparation et le litige concernant sa garde. Ils trouvent que c’est une bonne chose d’entendre, d’écouter et de consulter les enfants (Poitras, Godbout, Saint-Jacques et Cyr, sous presse; Timms et coll., 2008). Entendre la parole de l’enfant est essentiel. Le système se base sur le meilleur intérêt de l’enfant et sa parole oriente les décisions vers l’intérêt de celui-ci (Godbout et coll., 2014). Par contre, la procédure selon laquelle le témoignage de l’enfant devrait influencer la prise de décision est

beaucoup moins unanime. Les résultats de la présente étude fournissent un éclairage au sujet de ces pratiques et procédures.

La mise en place d’une relation de confiance avec le professionnel impliqué doit essentiellement être prise en compte pour améliorer les pratiques auprès de l’enfant. Aabbassi et ses collaborateurs (2016) soulignent eux aussi que la mise en place d’une relation de confiance est nécessaire et que l’enfant doit se sentir à l’aise et en sécurité pour s’exprimer sur la situation vécue. La neutralité de l’aide offerte est un aspect essentiel à la mise en place de ce lien. De plus, plusieurs participants mentionnaient l’importance de voir la personne plusieurs fois afin de créer ce lien. Ce lien de confiance permet de discuter avec l’enfant, de réussir à aller chercher son opinion réelle, de prévenir et d’observer les situations d’influence parentale sur la parole de l’enfant. Les résultats relatent que l’enfant qui se sent en confiance est davantage prêt à s’ouvrir et à donner des informations pertinentes à la prise de décision.

Un important constat ressort au niveau des pratiques à améliorer pour les litiges où l’enfant est impliqué, les jeunes aimeraient que leur opinion ne soit pas directement présentée à leur parent lors du jugement. Leur opinion devrait demeurer confidentielle afin d’éviter de sentir qu’ils ont trahi l’un ou l’autre des parents. Pour ce faire, l’absence des parents au moment de l’audition de la parole de l’enfant est nécessaire. Les études de Cashmore (2011) et Birnbaum et ses collaborateurs (2011) vont également en ce sens et rapportent que les enfants croient qu’il est plus facile de parler directement au juge sans que les parents soient présents et soient mis au courant de ce qu’ils ont exprimé. Selon ce désir des enfants, il serait pertinent de modifier les pratiques afin que le juge puisse rendre son jugement sans pour autant exprimer directement et textuellement le témoignage de l’enfant. Cela permettrait que l’enfant ne se retrouve pas dans une situation inconfortable et éviter ainsi que son parent se retourne contre lui.

Afin d’éviter des problématiques au sein de la relation parent-enfant, il est également nécessaire d’outiller les parents afin de préserver leur enfant de leurs conflits. Il serait donc important de sensibiliser encore davantage les parents afin qu’ils évitent d’impliquer l’enfant dans leurs conflits. Pour ce faire, l’éducation des parents demeure une solution essentielle, même si cette méthode ainsi que les programmes d’éducation ont certaines limites. Pour ne nommer que ceux-là, car les textes documentant ces questions sont nombreux, le livre de Cloutier et ses collaborateurs (2018) intitulé Les parents se séparent : mieux vivre la crise et

aider son enfant et le rapport du Gouvernement du Canada (2016) intitulé Parce que la vie continue sont deux outils intéressants d’éducation parentale face à la séparation. La mise en place d’un climat de séparation sain pourrait améliorer l’échange entre les acteurs impliqués.

L’expérience des enfants serait plus positive s’ils se sentaient davantage libres de s’exprimer.

Depuis 2016, les parents ont l’obligation légale d’assister à une séance sur la parentalité avant d’être entendus par un juge (Justice Québec, 2017). Cette pratique peut être aidante et elle explique aux parents les conséquences de la rupture et les informe quant au choc psychologique causé par la séparation, aux besoins et aux réactions des enfants ainsi qu’aux modalités à adopter lors des communications avec l’autre parent. Cette pratique gagnerait à être utilisée sous une autre forme plus tôt dans le processus de séparation par les parents puisqu’on remarque à travers le vécu de nos participants que leur implication remonte bien avant le litige. De plus, l’enfant gagnerait à être outillé en ce sens. L’enfant bénéficierait d’obtenir à la fois du soutien, de l’information adaptée à son âge et une place pour pouvoir s’exprimer sans conséquence.

L’enfant profiterait du fait qu’on lui propose de l’aide à travers ces transitions familiales de façon plus systématique. Bien que les écoles soient un excellent moyen d’offrir de l’aide, celle-ci ne devrait pas être offerte seulement aux enfants qui développent des problèmes de comportements ou des problèmes scolaires. Comme mentionné précédemment, l’étude de Saint-Jacques et Drapeau (2008) relate que les enfants ne vivent pas tous les mêmes conséquences à la suite de la séparation parentale. Certains enfants vont vivre cette situation intérieurement et ne vont pas nécessairement démontrer de problème ou encore ne vont pas faire d’appel à l’aide. Cependant, cela ne veut pas dire qu’ils n’ont pas besoin de cette aide. Il serait donc intéressant de trouver une manière plus systématique d’offrir de l’aide aux enfants qui vivent une situation de séparation parentale et qui sont confrontés à la mésentente et au litige. De plus, dans un monde idéal, les enfants recevraient de l’aide d’une manière ou d’une autre pour les aider à bien gérer leurs émotions et à bien gérer cette situation. Celle-ci leur serait offerte directement et elle serait facilement accessible. Cette aide leur permettrait un espace neutre où ils pourraient s’exprimer librement. On remarque que la neutralité de l’intervenant n’étant pas impliqué dans le problème est un aspect essentiel à la mise en place d’un lien de confiance. Or, les jeunes de l’étude sont pris entre leurs deux parents, ce qui exacerbe leur besoin de neutralité. De plus, il est important de constater que chaque enfant est différent. Il est important de bien déterminer avec l’enfant quelle est la bonne manière de l’aider lorsqu’on lui offre de l’aide. Les experts eux-mêmes trouvent que les enfants manquent d’intervention thérapeutique (Weatherall et Duffy, 2008).

De plus, selon Aabbassi et ses collaborateurs (2016), le bilan de l’expertise devrait permettre aux professionnels de recommander une prise en charge thérapeutique lorsque cela est nécessaire.

Certains modes de participation sont moins redoutés par les enfants et les stressent moins que d’autres. Il serait donc important qu’au départ l’enfant puisse avoir le choix de participer ou non, et ce, de façon systématique. L’enfant pourrait donc sentir que son opinion compte et qu’il a son mot à dire. Ensuite, il serait intéressant de présenter les différents modes de participation à l’enfant afin de voir s’il se sent plus à l’aise d’une façon ou d’une autre. Il se dégage du vécu de nos participants que le fait de se sentir à l’aise lors des rencontres avec les professionnels concernant le litige entraîne davantage l’ouverture des enfants et permet qu’ils expriment leur réelle opinion. Le jeune se sent plus à l’aise de s’ouvrir sur son vécu et sa perception de la situation. Cela permet également d’être à l’écoute des signes, parfois bien cachés, qui démontrent que le jeune est influencé par l’un ou l’autre de ses parents. De plus, bien que le litige soit réglé par la Cour et que celle-ci détient des règles spécifiques, lorsque les professionnels (juges, avocats ou experts) rencontrent un enfant, le savoir-être est essentiel. Il est nécessaire que les enfants soient entendus avec précision et sans interprétation (Weatherall et Duffy, 2008).

L’enfant peut voir son intervention dans le litige de plusieurs manières. Pour certains, ils ont l’impression de trahir un parent, pour d’autres le climat de la Cour est très imposant et effrayant et d’autres ont parfois déjà été influencés par un parent qui leur a ancré un discours bien clair et établi. Tous les participants expliquent que la séparation, la mésentente et le litige entraînent une forte dose d’émotions et de sentiments. Il est donc essentiel, afin que l’expérience des enfants ayant été entendus soit positive, que les professionnels impliqués soient à l’écoute, qu’ils soient en mesure de les mettre à l’aise et qu’ils ajustent leurs pratiques pour se mettre au niveau de l’enfant. Finalement, il a été observé qu’il est plus favorable de prendre le temps de donner de l’information au jeune. Ce dernier sent qu’il comprend davantage l’importance de son implication et les règles qui entourent le litige. De plus, notons qu’il est essentiel que les professionnels ajustent leur discours afin que les enfants comprennent bien tout ce qu’on leur explique puisque certains participants mentionnaient ne pas avoir saisi tout ce qu’on leur a expliqué.

Finalement, au moment où la décision est rendue, l’accompagnement de l’enfant serait essentiel afin qu’il comprenne les raisons menant à cette décision. Cela aiderait peut-être également l’enfant à être satisfait de la décision, ou à tout le moins d’en comprendre le sens, même si celle- ci ne coïncide pas avec son opinion. Cela permettrait peut-être aussi de diminuer la frustration de l’enfant face au processus si la décision va à l’opposé de son opinion.