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Depuis Noizet et Caverni, le professeur-évaluateur existe : il a un comportement évaluatif. Cette avancée complétée par les différentes recherches sur le travail de l’enseignant et sur la notion de postures introduite par Jorro modifie l’approche que l’on peut avoir de l’évaluation dans les instituts de formation : il est possible de former les professeurs à l’évaluation.

Dans cette logique, plusieurs recherches ont porté sur différents aspects du travail de l’enseignant quand il évalue : Issaieva & Crahay (2010) ; Mercier-Brunel & Jorro (2011) ; Millon-Fauré (2012), Mougenot (2013). D’autres travaux évoquent différentes questions liées à la formation des enseignants à l’évaluation : Leroux (2010), Romero-Pinazo (2016).

Aucune recherche n’a montré que la formation pouvait avoir une quelconque implication directe sur qualité de la notation attribuée dans le cadre d’une évaluation certificative traditionnelle. Il apparaît donc que l’on connaît mieux le professeur-évaluateur, mais pour autant son activité évaluatrice ne s’est peut-être pas améliorée. Les travaux sur la professionnalisation du professeur-évaluateur n’ont pas fait disparaître les aléas de la notation chiffrée et les défauts mis en évidence par la docimologie.

3.5.3.

L’élève-évalué

3.5.3.1.

L’élève, l’acteur ignoré et oublié de

l’évaluation

Le métier d’élève est connu depuis les travaux de Sirota (1993) et Perrenoud (1994). Dans la présentation de la 6ème édition de son ouvrage, Perrenoud note l’évolution lexicale qui transforme l’élève en apprenant.

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« Aujourd'hui, les élèves sont devenus des "apprenants". Cette centration sur les apprentissages et donc sur la didactique qui les organise pourrait, si l'on n'y prend garde, être l'étape ultime de ladénégation du sujet. »91

Dans ce propos, Perrenoud apporte deux éléments : il affirme la focalisation actuelle sur les apprentissages, et surtout la dénégation du sujet qui est observable dans les évolutions actuelles du vocabulaire.

Bien qu’il soit le second acteur générique des interactions évaluatives, l’élève est peu étudié par la recherche : Rey & al., (2006) ; Crahay & Issaieva, (2011). Ces quelques études portent sur l’enseignement primaire : ni leur cadre, ni l’objet de ces recherches ne correspondent aux objectifs de cette recherche.

Dans le processus évaluatif, les rôles des protagonistes sont dissymétriques ; pour autant, le bon déroulement du processus nécessite la participation active des deux, alternativement. Cette nécessité amène à poser le postulat suivant : il existe un comportement individuel de l’élève, comme il en existe un pour le professeur-évaluateur. Le mot comportement appliqué aux élèves est assez peu usité dans la littérature : c’est sans explication particulière qu’Amigues et Zerbato-Poulou l’utilisent :

« La seconde piste consiste à définir les objectifs a priori en partant des finalités éducatives et procède par raffinements successifs pour parvenir aux comportements des élèves. » 92

Il est également utilisé dans les travaux sur la pédagogie par objectifs, en référence aux comportements observables pour définir des objectifs pédagogiques.93

Affirmer l’existence du comportement de l’élève tient au fait que, dans les différentes interactions qui se développent dans une évaluation, ses réactions ne seraient pas aléatoires : elles seraient cohérentes et relèveraient d’une logique qui lui est propre cours du processus évaluatif. Cela permet de poser l’hypothèse de l’existence de l’élève-évalué, parallèlement à celle du professeur-évaluateur.

Selon les auteurs et les périodes, le rôle réservé aux élèves dans les évaluations varie. Alors que Lecointe ne leur en laisse quasiment aucun, Vial et Bonniol (1997) défendent leur participation active dans des pratiques d’auto-évaluation et de co-évaluation.

Lecointe (1997) présente le rôle que devrait avoir l’élève, et celui qu’on lui réserve en réalité.

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Présentation de la 6ème édition (2010) de l’ouvrage, sur le site de l’Université de Genève.

92 op. cit. p.148.

93 Ibid. p. 148 : « Le groupe de travail qu’animait B.S. Bloom s’était donné pour tâche, certes de définir des

« 2.2.2 L’acteur-élève et les évaluations :

J’ai commencé par les acteurs officiels de l’évaluation… et je n’ai donc pas parlé de l’élève car il est évident qu’il n’a pas encore de rôle reconnu dans l’évaluation.

Ni dans le domaine de la socialisation […] ; ni dans le domaine de l’évaluation des savoirs, où il reste un assisté hyper contrôlé, un acteur sans droits sur ses apprentissages intellectuels et leur pilotage, quelque chose entre un minus habens et un suspect.

Alors qu’il devrait être un acteur à part entière. Non seulement en tant que destinataire final de l’évaluation … et bénéficiaire potentiel – et non éliminable – de ce qu’elle détermine comme valeur. Mais aussi :

x En droit et pas seulement comme vague ayant-droit par assimilation ou protection : en tant qu’individu

apprenant, en tant que personne s’éduquant ou se formant. Au nom de ce que la langue française appelle l’auto-apprentissage et qui est mieux désigné par l’expression anglo-américaine de self directed learning : « l’apprentissage dont on est le pilote » qui évite le glissement du préfixe auto du côté de l’apprentissage solitaire ou de l’autodidaxie.

x En théorie pédagogique et didactique, car il est de plus en plus évident que si l’élève est seulement évalué,

objet passif d’évaluation, il ne progresse guère dans son apprentissage alors que s’il est acteur de son apprentissage, les progrès et les résultats, la qualité de la procédure s’augmenteront d’eux-mêmes. »94 L’auteur détaille la non-reconnaissance de l’élève comme acteur de l’évaluation : « il n’a pas encore de rôle reconnu dans l’évaluation » ; « il reste […] quelque chose entre un minus habens et un suspect ». Il explique ensuite pourquoi cela lui est préjudiciable : « objet passif de l’évaluation, il ne progresse guère dans son apprentissage ». Ainsi, cette prise de position suggère que l’on sait ce qu’il faudrait faire pour permettre aux élèves de jouer un rôle actif dans l’évaluation.

D’autres contributions défendent l’idée que l’élève est (évidemment) acteur de l’évaluation et plus souvent de son évaluation : Allal (2002), Gérard (2006) et Scallon (2007).

x Allal (2002) est assez représentative de la façon dont la recherche au début du XXIe siècle, considère le rôle (« l’implication active ») de l’apprenant dans le processus d’évaluation, limitant celle-ci à l’élaboration du jugement évaluatif et s’appuyant sur les recherches sur la métacognition.

« L’implication active de l’apprenant dans le processus d’évaluation peut se réaliser selon trois modalités […] : l’autoévaluation au sens strict […] ; l’évaluation mutuelle […] ; la co-évaluation […] »95

94 Lecointe, M. (1997). Les enjeux de l’évaluation. Paris ; Montréal : L’Harmattan. pp. 180-181. 95

Allal, L. (2002). Acquisition et évaluation des compétences en situation scolaire. In Dolz, J., & Ollagnier, E. (Eds.). (2002). L’énigme de la compétence en éducation (1re éd). Bruxelles : De Boeck Université. pp 77-94. p. 88.

x Gérard (2006) passe par l’usage d’un outil, le portfolio, pour trouver comment l’élève peut être acteur de son évaluation. Il complète sa présentation par une référence au sens que l’élève donne à l’évaluation, ce qui est une approche plus large et plus ambitieuse que la simple utilisation du portfolio.

« Par définition, le portfolio fait de l’élève un acteur de son évaluation, dans une démarche de « co-construction de sens », qui peut inclure non seulement l’enseignant et l’élève, mais aussi ses parents. Ce rôle de l’élève acteur de son évaluation est moins présent dans le cadre des épreuves d’évaluation des compétences par situations complexes […]. »96

x Scallon (2007) diverge assez peu de cette position, en titrant « La participation de l’élève à l’évaluation et l’autoévaluation ».

« Traditionnellement l’élève est relativement passif une fois qu’il a remis une copie d’examen ou achevé un travail complexe. L’évaluation suit une certaine mise en scène et incombe intégralement à l’enseignant. Une telle pratique est étroitement associée aux démarches d’évaluation sommative. »97

Scallon admet implicitement l’existence d’un élève actif, mais n’en fait pas pour autant un objet de recherche : « l’élève est relativement passif une fois qu’il a remis […] », ce qui sous-entend qu’avant il est actif…, mais il ne donne aucune indication sur la façon dont il est alors acteur.

3.5.3.2.

Conclusion intermédiaire :