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En 2015, la littérature s’accorde pour considérer que des interactions sont présentes dans le processus évaluatif. Ces interactions sont mouvantes parce que relevant d’arrangements successifs (Merle, 1998) : elles dépendent en premier lieu des intentions du professeur (Morrissette, 2010) mais également de la réceptivité des élèves, de leur acceptation et de leur compréhension au moment considéré. La dissymétrie des rôles dans les interactions amène les chercheurs à focaliser les professeurs et à se désintéresser des élèves.

Au niveau des classes, les abus de pratiques évaluatives qui confondent l’élève et sa production sont stigmatisés, ce qui amène les professeurs à mieux faire la distinction entre l’élève et sa performance. Cette tendance s’accompagne d’une demande sociale d’objectivité et d’équité évaluatives36

. Dès lors, les productions évaluées sont progressivement décontextualisées et dépersonnifiées.

En fait, le constat de dissymétrie unanimement partagé prend le pas sur la conception interactive du processus évaluatif qui est monopolisé par les professeurs. La situation du processus interactif évaluatif devient donc paradoxale puisque l’un des protagonistes est exclu du champ des observations, mis à part les cas (très) particuliers d’auto-évaluation et de co-

évaluation.

Ce paradoxe pose la question de la réalité des interactions dans un processus où l’un des deux acteurs génériques n’est pas pris en compte.

35 Perrenoud s’alarme de la dénégation du sujet. Voir, p 70, note de bas de page, 91.

36 Il s’agit entre autres, de maîtriser les biais que la docimologie a mis en évidence : effet de halo, effet de

2.5. Le processus évaluatif interactif appliqué

à l’évaluation des compétences

« La question de l’évaluation des compétences est très épineuse (Depover et Noël, 1998). Elle restera insoluble si l’on veut la calquer sur le modèle de l’examen de connaissances. Alors que si l’on interroge un maître d’apprentissage, un maître de stage, un formateur qui a l’expérience du métier, un chef de clinique ou son équivalent dans d’autres métiers, évaluer les compétences d’un apprenti, d’un stagiaire, d’un étudiant ou d’un débutant ne paraît pas si “ sorcier ”. »37

« L’évaluation des compétences constitue une problématique émergente. »38

« Ce n’est probablement pas un hasard si les pratiques d’évaluation des compétences tournent en rond depuis plusieurs années : on cherche à évaluer un état alors qu’il s’agit de processus. »39

Perrenoud, Figari et Le Boterf considèrent l’évaluation des compétences, comme une problématique particulière, en insistant dans des termes différents mais de façon convergente sur sa nouveauté.

En France en 2006, la publication du premier socle commun des compétences et des connaissances40 marque le choix d’une approche curriculaire des contenus d’enseignement, intégrant les compétences. Les questions liées à l’évaluation n’y sont pas traitées et n’apparaissent que dans un second temps.

Aucun nouveau cadre n’est proposé aux enseignants pour évaluer les compétences : l’agencement général des épreuves d’évaluation ne change pas alors que celles-ci « sont habituellement conçues pour fournir une mesure statique de l’état des capacités, des connaissances ou des compétences atteint à un moment donné par un apprenant »41, ce qui n’est pas cohérent avec la dynamique induite par la notion de compétence. En revanche, les interrogations sur l’usage de la note refont leur apparition, et parallèlement sur celui des grilles de compétences pour remplacer la notation chiffrée, et du livret de compétences pour se substituer aux bulletins scolaires. Les questions que pose l’évaluation des compétences se concentrent donc sur les outils pour communiquer le jugement évaluatif.

37 Perrenoud, P. (2001). Évaluations formative et certificative : postures contradictoires ou complémentaires ? In Formation professionnelle suisse. n° 4. 25-28.

38 op. cit.

39 Le Boterf, G. Évaluer les compétences. Quels jugements ? Quels critères ? Quelles instances ? In Education permanente n°135/1998-2. 143-151.

40 Décret n°2006-830 du juillet 2006. BO n°29 du 20 juillet 2006.

41 Allal, L. (2002). Acquisition et évaluation des compétences en situation scolaire. In Dolz, J., & Ollagnier, E.

2.5.1.

L’évaluation certificative des compétences

L’obligation faite aux enseignants de la scolarité obligatoire (école élémentaire + collège) de statuer sur le niveau de maîtrise des compétences et des sous-compétences du socle commun à partir de 2009, les amène à se poser des questions inédites : qu’est-ce qu’un niveau de compétences ? Sur la base de quelle(s) performance(s) peut-on affirmer qu’une compétence est acquise ? Toutes les compétences sont-elles équivalentes ? Ont-elles la même valeur ? Peut-il exister un système de compensation entre les compétences ? Comment évaluer une compétence ?

Deux éléments clés des compétences considérées dans des phases d’apprentissage apparaissent comme incompatibles avec des épreuves d’évaluation certificative traditionnelles : la situation doit être complexe et inédite. Mais plus largement, c’est le respect du contrat didactique qui se pose dans ce questionnement : est-ce conforme au contrat didactique, de demander à un élève de résoudre une tâche qui n’a pas été « enseignée » puisqu’elle est inédite ?

Rey (2012) ne répond pas directement à ce questionnement, mais en revanche il propose une analyse complète de la double problématique de l’apprentissage et de l’évaluation des compétences. Concernant le versant évaluation,

x il définit trois niveaux de compétences : la compétence élémentaire ; la compétence élémentaire avec cadrage ; la compétence complexe :

x il explique comment l’évaluation peut être organisée en trois phases pour permettre de connaître le niveau de maîtrise des élèves au regard des trois niveaux définis ;

x enfin, il détaille la façon dont on peut procéder pour « construire une épreuve selon ce modèle ».

« […], les épreuves d’évaluation qui satisfait à cet ensemble d’exigences comprennent systématiquement trois phases : Phase 1 : on demande aux élèves d’accomplir une tâche complexe, exigeant le choix et la combinaison d’un nombre significatif de procédures qu’ils sont censés posséder à la fin d’un cycle. […]

Phase 2 : on propose à nouveau aux élèves la même tâche. Mais cette fois, la tâche complexe est découpée en tâches élémentaires dont les consignes sont explicites et qui sont présentées dans l’ordre où elles doivent être accomplies pour parvenir à la réalisation de la tâche complexe globale. […]

Phase 3 : on propose aux élèves une série de tâches simples décontextualisées, dont les consignes sont celles qui sont utilisées ordinairement dans les apprentissages des procédures qu’on propose à l’école. […] »42

Dans sa présentation, Rey ne mentionne ni les séquences d’apprentissage qui précèdent l’épreuve dont il décrit l’élaboration, ni la correction en classe. Or, la connaissance de celles- ci peut modifier le placement d’une compétence dans la classification qu’il propose. Par ailleurs, il n’est pas sûr que la complexité d’une tâche puisse caractériser le niveau de maîtrise d’une compétence (Sayac & Grapin, 2014) et assurer une évaluation équitable entre les élèves. D’autres paramètres interviennent : le contexte et l’habillage des tâches prescrites constituent des écrans entre la tâche prescrite et l’activité attendue de la part des élèves, pouvant ainsi modifier la réalité du niveau de maîtrise.

2.5.2.

La difficulté à évaluer des compétences, un