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ALGERIEN ET DE SON SECTEUR PUBLIC

1.3. L’ETAT SELON LES DOCUMENTS OFFICIELS

1.3.2. L’ETAT SELON LA CHARTE D’ALGER

La charte d’Alger reprend et développe l’essentiel du programme de Tripoli dans une perspective organisationnelle, autogestionnaire et idéologiquement marxisante 3. L’objectif de la charte d’Alger est la construction d’un Etat fort, centralisé et planificateur, avec la participation des travailleurs.

Les décrets de mars 1963 et la Charte d’Alger d’avril 1964 tendent à fonder l’autogestion non seulement en mode d’organisation des relations de travail mais également en mode d’organisation de la société globale 4. Si cette charte paraît reposer sur un consensus assez large5, c’est parce que chacun y voit une réponse à des interrogations divergentes, qu’il s’agisse de lui conférer un caractère d’utopie motrice ou qu’il s’agisse de l’utiliser seulement comme un procédé tactique,

1

A. Bouyacoub, La gestion de l’entreprise industrielle public en Algérie, volume 1, Editions OPU. Alger 1987, p. 22

2

Idem, p. 22 3

M. Ecrement, Indépendance politique, libération et économique. Un quart de siècle du développement d’Algérie, Editions P UF, Grenoble 1996, p.19.

4 W. K. Ruf, J. C. Vatin, M. Camau, H. Michel et K. Bouguerra L. Talha, H.Flory, B.Atallah, Rapports de dépendance au Maghreb, Editions Centre National De La Recherche Scientifique Paris, 1976, p. 172.

5

L’efficacité du système politique algérien doit s’alimenter du plus vaste consensus populaire possible et les premières conséquences de sa stratégie de développement lui imposent, à cet effet, de mettre en place des relais, des corps intermédiaires, susceptibles de démultiplier son action.

comme une machine de guerre pour bloquer l’évolution socio politique qui se dessine et la réorienter vers un socialisme plus authentique. Le développement progressif du rôle de l’Etat vers 1966 dans l’industrialisation du pays par la prise en charge directe des branches de production et de services et l’intégration de la planification laissent prévoir la monopolisation du pouvoir politique par le nouvel Etat qui est appréhendé comme l’organisateur principal de l’économie et de la société.

Les dispositions de la charte d’Alger précisent que l’Etat doit être l’instrument principal de gestion du pays, un puissant facteur d’unité et un moyen de lutte efficace contre les tentatives de porter atteinte à l’intégrité du territoire national.

La proclamation du 19 juin 1965 et la déclaration du 5 juillet 1965 qui la complète ne se démarquent radicalement ni du programme de Tripoli ni de la Charte d’Alger 1. Après le 19 juin 1965, l’Etat est ressenti comme un instrument nécessaire, voire indispensable pour instaurer l’ordre suivant une morale révolutionnaire. Le 1er novembre 1965 le Président Boumediene a exprimé explicitement cette question: « s’il est une vérité que l’histoire a consacré, c’est qu’un pays ne peut rien entreprendre de durable sans un appareil étatique stable et efficace » 2. C’est en ces termes qu’est énoncée l’idéologie étatiste. A. Brahimi affirme que le programme de Tripoli et la Charte d’Alger, se situant au début du processus d’édification de l’économie nationale, ont tenté d’imaginer des éléments de politique de développement du pays dans le cadre d’une démarche globale et cohérente3.

Mais l’étatisme du 19 juin, visant à bâtir un Etat de fonctions multiples, se doit d’être fort, capable de nationaliser et de récupérer les biens et les richesses de la nation. Cependant la clarté des options de la Charte d’Alger n’est pas révélatrice

1

C. Benakezouh, La déconcentration en Algérie du centralisme au déconcentralisme, Editions OPU, Alger 1984, p. 142

2

Idem p. 143 3

de la situation politique en Algérie entre 1962 et 1965 1. Ce n’est qu’à partir de 1966 que le modèle de croissance de l’économie algérienne reçoit sa formulation définitive et se matérialise par une politique d’investissement cohérente2.

Le programme, arrêté et suivi le 19 juin 1965, insiste sur la nécessité de la volonté populaire et de la légitimité révolutionnaire, l’Etat Algérien ne pouvant être qu’un Etat socialiste 3.

Dans la charte d’Alger, adoptée par le congrès du FLN en avril 1964, le développement économique est fondé sur le nécessaire renforcement du secteur public, véritable moteur de la vie politique et économique du pays. Pour jouer pleinement un rôle actif, le secteur public doit disposer des principaux leviers de la vie économique du pays 4. C’est dans cette charte que la vision étatiste de l’Algérie apparaît le mieux. Elle précise la volonté de l’Etat de s’appuyer sur un important secteur public qui serait le moteur du développement et elle insiste sur la nécessité de faire fonctionner la machine économique.

Il est clair que le coup d’Etat du 19 juin 1965 véhicule un pouvoir politique et économique plus dirigiste. Ce dernier retient l’avis d’experts du Gosplan Soviétique qui suggèrent l’adoption d’un modèle de développement dénué de critères de performance décentralisé et porteur, comme en URSS, d’une gestion centralisée (adaptée au régime d’un parti unique)5. La stratégie de développement choisie s’est structurée autour d’une organisation économique et sociale fondée sur le monopole de l’Etat.

L’Etat renforce sa position par la monopolisation progressive de toutes les actions politiques, sociales, mais surtout économiques en utilisant trois types de

1 M.E. Benissad, Economie du développement de l’Algérie, sous développement et socialisme, Editions Economica, 1979, p. 20.

2

Idem, p. 20 à 21. 3

L’Etat socialiste, pour le Président Boumediene est un lien organique entre l’Etat et la révolution que le peuple a menée.

4

A. Brahimi, L’économie algérienne, Editions OPU, Alger 1991. p. 40. 5

H. Benissad, La réforme économique en Algérie ou l’indicible ajustement structurel, Editions OPU, Alger 1991, p. 15.

méthodes: La nationalisation des moyens de production des biens et services, la centralisation de la propriété et de la décision économique.

Ainsi, depuis 1968, l’Etat confie le monopole de la distribution des hydrocarbures à la SONATRACH. En 1971, il décide la nationalisation des intérêts étrangers dans les hydrocarbures. Grâce à ces nationalisations, l’Etat algérien contrôle désormais 51% des intérêts étrangers (notamment français) dans la production de pétrole brut, 100% des réserves gazières et tous les moyens de transports des hydrocarbures 1. S. Goumeziane souligne que la constitution d’une telle base productive, l’appropriation de la rente pétrolière par l’Etat a donc pour objectif la constitution d’une base productive nationale. Il s’agit pour cela de réaliser l’industrialisation en profondeur2.

Les textes doctrinaux algériens se donnent d’ailleurs pour objectif une industrialisation en profondeur qui doit assurer en priorité une base sociale pour la fabrication des biens de production. L’Etat a donc renforcé sa position pour la monopolisation de toutes les activités économiques. Nous constatons que cette démarche se traduit au milieu des années 1970, par la prédominance du secteur public dans toute l’économie. Après l’Etat parti et l’Etat administration, l’on voit ainsi apparaître l’Etat entrepreneur et investisseur.

Depuis 1967, nous assistons à une étatisation qui s’élargit par saccades, mais se tient à une application planifiée pour une large part dans l’industrie d’abord, puis tardivement dans le commerce, en particulier le commerce intérieur. Cette planification permet la construction du socialisme sur la base d’une « industrie- industrialisante ». L’Algérie inculque à ses grandes décisions économiques une direction qui rappelle celle des pays socialistes3. Le système de planification exige

1 S. Goumeziane, Le mal Algérien, Economie politique d’une transition inachevée 1962-1994, Editions Librairie Arthème Fayard, Paris 1994, p 35.

2

Idem, p..35. 3

M.E. Benissad, Economie du développement de l’Algérie, sous développement et socialisme, Editions Economica, Paris 1979, p. 42.

la construction d’une société socialiste pour atteindre les objectifs de développement économique et social.

Sur le plan politique, la planification implique notamment deux aspects 1: - l’indépendance à l’égard de l’étranger, y compris le recours aux « planifications étrangères » dans la conception et la définition des priorités;

- la participation consciente et active des opérateurs économiques tant en ce qui concerne l’élaboration du plan qu’en ce qui concerne son exécution, en veillant à ce que la planification ne soit pas étouffée par la prolifération bureaucratique.

Autrement dit, le processus de nationalisation des intérêts étrangers et l’extension du secteur public a créé une dynamique politico-économique favorable à la consolidation de l’Etat. L’Etat a désormais les moyens institutionnels et financiers de mener son grand projet économique ainsi que la refonte de l’ensemble des rapports sociaux.

1.3.3. L’ETAT SELON LA CHARTE NATIONALE ET LA