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SYNTHESE DU CHAPITRE

CHAPITRE 2. L’OBSERVATION DU COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR EN MAGASIN

2. Le courant quantitatif

2.2. L’enregistrement automatique des comportements

Le principe

Les recherches appartenant à ce courant utilisent des technologies sophistiquées pour ne pas avoir besoin de faire suivre le consommateur en magasin par quelqu’un. L’objectif est double : d’une part automatiser l’observation du consommateur afin de recueillir des données sur des échantillons importants, et d’autre part automatiser le transfert de ces données dans des bases de données directement exploitables par des logiciels statistiques. Ces recherches construisent alors des modèles statistiques poussés afin de modéliser les déplacements des consommateurs en magasin.

Les applications

Farley & Ring (1966) modélisent les flux des acheteurs dans un supermarché en utilisant les lois d’attraction des planètes et de la gravité. Selon eux, les zones d’un magasin exercent une attractivité plus ou moins grande sur les consommateurs se trouvant dans les autres zones. Cette force d’attraction dépend de la distance entre les deux zones, du poids de chacune des zones (en termes de chiffre d’affaires) et d’une force de rotation naturelle (les consommateurs suivent généralement un flux déterminé par l’allée principale faisant le tour du magasin). Les auteurs élaborent alors un modèle stochastique, qu’ils paramètrent à partir d’une base de données d’observations (suivis de gens dans les magasins). Ce paramétrage tient compte du nombre d’allées, du nombre de croisements entre allées, des transitions possibles entre les différentes zones et de l’emplacement de quelques rayons clés (boucherie, boulangerie,…). Les auteurs testent ensuite le pouvoir prédictif du modèle. Ce pouvoir prédictif est très satisfaisant. Ils peuvent ainsi prévoir les flux de mobilité dans des configurations différentes d’un même magasin.

70 Larson et al. (2005) utilisent la technologie RFID pour suivre les parcours des consommateurs en magasin. Des puces RFID, installées sur les chariots, émettent un signal toutes les 5 secondes et permettent ainsi de traquer les parcours de tous les consommateurs en magasin. L’objectif des auteurs est d’effectuer une segmentation des comportements en fonction du parcours en magasin, des zones visitées et du temps passé à faire les achats. Les auteurs font deux conclusions intéressantes. Tout d’abord, contrairement à ce qu’on pourrait attendre, le schéma dominant de mobilité n’est pas la déambulation continue dans chaque allée successive, mais un suivi de l’allée principale, avec quelques incursions rapides dans certains rayons.. Deuxièmement, malgré l’idée reçue que l’allée principale est visitée de façon aléatoire, au gré des rayons successifs traversés, il semblerait que cette allée principale serve plutôt de « home base », en particulier pour les trajets les plus courts.

Les atouts principaux de cet article sont d’une part le nombre très important d’observations grâce à la technologie RFID et d’autre part la méthode de segmentation utilisée (« K-medoids clustering ») qui permet de segmenter des parcours en tenant compte des obstacles aux déplacements en initiant l’algorithme de segmentation par une sélection aléatoire de parcours existants (donc possibles sans que le consommateur traverse les parois ou les rayons).

La technique de suivi des parcours par RFID se développe dans la recherche en marketing. D’autres études récentes l’ont utilisée pour y appliquer des modélisations très poussées et sont les premières à tenter de modéliser la relation entre le parcours en magasin et les achats du consommateur. Hui et al. (2009a,b,c) utilisent des données RFID et des données d’achats sortie-caisse pour créer un modèle capable de prévoir les parcours en magasin et les achats qui en découlent. Les auteurs captent trois aspects principaux du comportement : les zones du magasin visitées, la durée pendant laquelle le consommateur reste dans chacune des zones et les achats effectués dans chacune des zones. Avec un modèle individuel bayésien intégré, ils prédisent les parcours et les achats en fonction des comportements précédemment enregistrés. Ils peuvent ainsi connaître un parcours entier et les achats en fonction des premières zones visitées et des achats effectués. Leur modèle leur permet également de simuler des comportements en fonction de déplacements virtuels de catégories de produits ou de réorganisations importantes du magasin. Hui et al. (2009b) utilisent également des données issues d’enregistrement RFID pour étudier le lien entre les déplacements des consommateurs en magasin et leurs achats. Plus précisément, ils utilisent le fameux problème du vendeur itinérant pour étudier si les consommateurs sont efficaces dans leurs parcours ou non. Les auteurs trouvent que si les consommateurs sont efficients et logiques dans l’ordre

dans lequel ils prennent les produits dans les rayons, ils sont beaucoup moins efficaces dans les chemins qu’ils empruntent pour aller d’un produit à un autre. Enfin, Hui et al. (2009c) utilisent toujours ce même type de données pour tester des hypothèses sur le parcours du consommateur en magasin.

D’autres techniques d’enregistrement automatique du comportement en magasin se développent et commencent à être utilisées dans la recherche. On peut par exemple citer le suivi des consommateurs par enregistrement vidéo couplé à des logiciels de reconnaissance des formes et de modélisation des flux. Des caméras vidéo sont placées dans le magasin de façon à pouvoir filmer l’ensemble des rayons (souvent une caméra par rayon). Partout où il passe, le consommateur est donc filmé. Le logiciel de reconnaissance des formes permet de reconnaître les consommateurs, et savoir ainsi qu’il « passe d’une caméra à une autre ». Le logiciel de modélisation des flux recompose ensuite le parcours du consommateur en assemblant les différents enregistrements réalisés par chacune des caméras pour un consommateur particulier. Grâce à ce type d’outil, les chercheurs peuvent recomposer le parcours complet du consommateur. A l’aide d’une technologie de ce type Zhang et al. (2009) étudient le parcours des consommateurs en magasin et tentent de déterminer les indices comportementaux qui permettraient à la force de vente de différencier les clients venus acheter de ceux venus en simple visite. Entre autres, les auteurs font l’hypothèse qu’une plus grande sinuosité du parcours est associée à une visite plus longue et à une plus grande probabilité d’achats et que la vitesse du parcours est négativement corrélée à l’achat.

Une autre technique de recueil de données automatique apparaissant dans la recherche est la technologie GPS. Elle permet non seulement de modéliser les flux mais aussi d’étudier le processus de prise de décision et de repérage spatial, comme c’est le cas par exemple dans la recherche effectuée par Zhou et Golledge (2007). Cette technologie est encore peu utilisée dans les points de vente car elle ne permet pas encore une localisation précise rayon par rayon, mais on peut penser que ce n’est qu’une question de temps avant que ces possibilités soient offertes. Un lieu intéressant pour s’informer sur ce type de technologie est « l’échangeur » à Paris, un lieu de démonstration des dernières et nombreuses innovations technologiques liées à l’univers de la distribution.

Les limites

 La principale limite des ces recherches réside dans le manque de précision des données recueillies. En effet, les puces RFID ne captent que le parcours du chariot en magasin, et non celui des individus. Cela biaise l’observation des déplacements car le parcours du

72 chariot peut être très différent du parcours réel du consommateur qui laisse très souvent son chariot quelque part pour évoluer plus facilement, parfois même pour aller chercher des produits dans d’autres rayons, en particulier si les allées du magasin sont encombrées.  De plus, aucune information n’est donnée sur le comportement du consommateur face au rayon. Ainsi, si l’analyse des données comportementales est correcte, il existe une erreur importante dans leur mesure. Par exemple, les observations par couplage caméra vidéo-logiciel de modélisation des flux permet de reconstituer le parcours du consommateur en magasin, mais ne donne aucune information sur les gestes qu’il effectue devant les rayons, les logiciels de reconnaissance des formes n’étant pas encore capables de distinguer les actions effectuées.

 Enfin, le temps est absent de l’analyse au profit de la distance parcourue (pour comparer entre eux des parcours de durées différentes, les auteurs les ont divisés en 100 percentiles et peuvent ainsi faire des comparaisons comme si les trajets avaient tous la même durée). Or le temps est l’un des éléments fondamentaux de l'analyse du déplacement du consommateur, et doit être considéré comme une variable continue et non divisée arbitrairement.

Le tableau 2.2 récapitule les recherches du courant quantitatif.

Tableau 2.2. Récapitulatif des recherches du courant quantitatif

Méthodologie Description Sujet étudié Auteurs

Descriptif Granbois (1968)

Processus de décision

Hoyer (1984) ; Cobb et Hoyer (1985) ; Ladwein (1993) ; Areni et Kim (1994) ; Summer

et Hebert (2001) Observation

directe non exhaustive

Les consommateurs sont suivis sans le savoir et une partie limitée de leurs

faits et gestes sont notés et codés.

Parcours Groeppel-Klein et Bartmann (2008)

Enregistrement automatique

Le parcours du consommateur est enregistré par des moyens

technologiques (RFID, vidéo, etc.)

Modélisation

Farley et Ring (1968); Larson et al. (2004); Hui et al. (2009a,