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La démocratie centrafricaine, sous François Bozizé, s’est soldée par une centralisation politique de plus en plus marquée et la profusion des mouvements rebelles à la périphérie. L’entrée triomphale des Libérateurs dans Bangui, en mars 2003, a inauguré, à défaut de dupliquer, les graves exactions commises par les FACA et les groupes rebelles sur les populations civiles. Aussi note-t-on une détérioration des conditions humanitaires. Le rapport d’août 2008, élaboré par le Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies et portant sur le nombre de réfugiés centrafricains, est significatif : 104 000 (dont 56 000 au Tchad, 45 000 au Cameroun et 3 000 au Soudan) ; 197 000 personnes déplacées de force en RCA, dont 100 000 dans les seules préfectures de l’Ouham, l’Ouham-Pendé et la Nana-Grébizi.

Au sujet des exactions commises en RCA durant les premières années du régime de François Bozizé, le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Philip Alton, ayant visité la République centrafricaine du 31 janvier au 7 février 2008, a reçu plusieurs rapports :

Faisant état d’exécutions par la Garde républicaine et les FACA qui ont apparemment été perpétrées dans le contexte de tentatives d’extorsion ou de vol, de vengeance personnelle ou pour « faire justice soi-même ». Les malversations des agents des divers services de sécurité qui extorquent de l’argent au public à des postes de contrôle légaux ou illégaux et en d’autres endroits ont pris des proportions sans précédent. Cela a de graves conséquences. La libre

266 Le rapport d’évaluation indépendante à mi-parcours du Programme-cadre de gouvernance démocratique (PCGD-2008/2009) déplorait l’absence de sièges pour des institutions républicaines, la faiblesse des budgets de la composante société civile, la faible capacité technique du personnel administratif, la faible présence de l’État sur toute l’étendue du territoire et son incapacité à assurer toutes ses fonctions régaliennes.

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A. Z. Tamekamta, « Centrafrique : pourquoi en est-on arrivé là et quelle paix au-delà de Djotodia et de la MISCA ? », Note d’Analyses Politiques, n0 14, Thinking Africa (Abidjan), 23 janvier 2014, consultable sur http://www.thinkingafrica.org.

268 Système des Nations Unies en République centrafrique, « Plan d’urgence pour une assistance humanitaire à la RCA », avril 2003, p. 11.

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circulation des personnes est entravée, le commerce compromis et un fort ressentiment à l’égard du Gouvernement est perceptible.269

Quelques mois plus tard, le rapport du Secrétaire général des Nations unies, présenté au Conseil de sécurité en juin 2008, mettait en accusation prioritairement les FACA :

Les zones déchirées par le conflit, telles que les préfectures d’Ouham et Ouham-Pendé, sont caractérisées par l’absence de légalité et il est constamment fait état de l’usage excessif de la force par les unités armées gouvernementales, qui entraîne la mort de civils innocents. Les forces armées ont cessé d’incendier des villages dans le nord-ouest et le centre-ouest, mais certains éléments de la Garde présidentielle continueraient de procéder à des exécutions sommaires ou à des arrestations arbitraires à l’encontre de personnes soupçonnées de sympathie avec la rébellion ou les bandits armés. Tous ces crimes restent impunis en raison du manque de volonté politique de poursuivre les auteurs présumés, ce qui ne fait qu’entretenir le climat d’impunité270.

Outre les exactions commises par les Forces gouvernementales et dénoncées par la communauté internationale, il peut en être énuméré d’autres, non moins importantes, commises par les bandes armées et les coupeurs de route, en lutte avec le gouvernement. Dans ce registre, les exactions les plus significatives sont les exécutions extrajudiciaires commises à partir de 2006 par les rebelles de l’APRD dans la ville de Paoua et les incursions meurtrières commises dans la préfecture du Haut Mbomou (Sud-est du pays) par l’Armée de résistance du Seigneur271.

Compte tenu de l’ampleur des exactions et de la violation du droit, la CPI, dans une lettre adressée aux autorités centrafricaines, datant du 10 juin 2008, a dit « porter une attention soutenue aux actes de violences commises dans le nord de la RCA, en particulier dans les préfectures de Nana-Mambéré, Ouham, Ouham-Pendé, Nana-Gribizi, Bamingui-Bangoran, Vakaga et Haute-Koto ». En réaction à ce courrier, François Bozizé s’est fait le devoir de saisir le Conseil de sécurité des Nations unies, par lettre du 1er août 2008, dans laquelle il a affirmé que la RCA était en mesure de statuer sur les cas de violations du droit et des exactions relevant de la période allant de 2005 à 2008. Curieusement — bien que cela soit conforme aux dispositions

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Cf. Centre d’actualités de l’ONU : « République centrafricaine : l’ONU préoccupée par la prévalence de la violence sexuelle dans le nord ». 22 février 2008, consultable sur le site http://www.un.org/apps/newsFr, repris par la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) et la Ligue centrafricaine des droits de l'Homme (LCDH), « République Centrafricaine », Revue Périodique Universelle, 5e session (2009), p. 2.

270 Rapport (S/2008/410) du Secrétaire général sur la situation en République centrafricaine et les activités du bureau des Nations Unies pour la consolidation de la paix dans ce pays, publié le 23 juin 2008 ; http://www.un.org/french/docs/sc/reports/2008/sgrap08.htm.

271

Cf. Centre d’actualités de l’ONU, « Centrafrique : La majorité des violations des droits de l’homme sont commises par les forces de sécurité », 10 octobre 2008, consultable sur http://www.un.org/apps/newsFr.

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des accords de paix —, l’Assemblée nationale centrafricaine a adopté, le 29 septembre 2008, une loi d’amnistie générale, promulguée le 13 octobre par le président de la République. Celle- ci concerne l’ensemble des protagonistes des conflits en RCA depuis le coup d’État du 15 mars 2003, avec effet rétroactif jusqu’aux crimes commis en 1999. Dès lors, l’impunité a été consacrée, insidieusement, en RCA.