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La forme structurelle de la transition résulte de l’échec des efforts coalisés (politiques et diplomatiques) des chefs d’État de la CEEAC, réunis à Libreville le 11 janvier 2013. En effet, le président congolais Denis Sassou-Nguesso, médiateur mandaté par la CEEAC, par cet accord, a obtenu, de fait, l’approbation circonstancielle de son contenu par les acteurs ci-dessous, ayant paraphé le document : les représentants de la majorité présidentielle (représentés par Jean Willybiro-Sako), les mouvements politico-militaires non combattants (MLCJ, CPJP et FDPC représentés par Abdoulaye Hissein), l’opposition démocratique (représentée par Nicolas Tiangaye) et la coalition Séléka (composée de la CPJP, de l’UFDR et de l’UFR295, et renforcée par la Convention patriotique pour le Salut waKodro — CPSK — représentée par Michel Am- Nondroko Djotodia)296. Cet accord a également été paraphé par le président du comité de suivi, le ministre congolais des Affaires étrangères, Basile Ikouebé, et, pour la CEEAC, par son Secrétaire général, Nassour Guelendouksia Ouaidou. Les principales clauses contenues dans cet accord portaient sur le maintien du président de la République jusqu’au terme de son mandat (2016), la libération des personnes arrêtées, le retrait de la coalition Séléka des villes occupées, la dissolution des milices à travers le pays et la formation du gouvernement d’union nationale.

S’agissant du gouvernement d’union nationale envisagé, il y est stipulé qu’il serait placé sous l’autorité d’un Premier ministre, chef du gouvernement issu de l’opposition. Ce gouvernement avait sept missions spécifiques : restaurer la paix et la sécurité ; organiser les élections législatives anticipées après la dissolution de l’Assemblée nationale ; réorganiser les forces de défense et de sécurité ; réorganiser l’administration territoriale ; réformer le système judiciaire ; poursuivre le processus de DDR et de la RSS avec le concours et l’assistance de la communauté internationale ; engager des réformes économiques et sociales.

En dépit de ces mesures et de la formation, le 3 février 2013, du gouvernement d’union nationale (33 membres) dirigé par Nicolas Tiangaye, le coup de force a été perpétré le 24 mars

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L’Union des forces républicaines (UFR) du Lieutenant Florian Ndjadder-Bedaya. 296

A. Z. Tamekamta, « Gouvernance, rébellions armées et déficit sécuritaire en RCA : Comprendre les crises centrafricaines (2003-2013) », Note d’analyses du GRIP, 22 février 2013, p.8, consultable sur http/www.grip.org/fr/node/821.

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2013. Dans la diligence inhabituelle, deux sommets extraordinaires de la CEEAC (à l’invitation du Président tchadien Idriss Déby Itno) ont été convoqués à N’Djamena les 3 et 18 avril 2013. Ceux-ci recommandaient la création du Conseil national de transition (CNT). Ce Conseil était conçu comme le creuset d’une gestion inclusive de la transition et de réunion des conditions d’une plus grande participation à l’élaboration de la Constitution et des textes législatifs indispensables au processus législatif et à la restauration de l’ordre constitutionnel.

Curieusement, le communiqué final et la déclaration dite de « N’Djamena », issus du sommet du 18 avril 2013 et de l’échec des accords antérieurs, semble faire encore référence au désuet et non respecté accord politique de Libreville du 11 janvier 2013, en ces termes : « L’Accord Politique signé le 11 janvier 2013 à Libreville est et demeure le noyau central des arrangements politiques durant la période de transition. » En revanche, les chefs d’État de la CEEAC ont reconnu/approuvé l’arrêté n° 005 du 13 avril 2013, portant création et composition du Conseil national de transition, et le procès-verbal n° 001/CNT/SG du 16 avril 2013, portant élection de Michel Am-Nondokoro Djotodia comme président de la République, chef de l’État de Transition. De même, il était assigné au CNT une durée de 18 mois et des missions spécifiques :

– restaurer la paix et la sécurité des personnes et des biens (en cantonnant tous les éléments armés incontrôlés) et veiller à la protection des populations civiles à travers tout le territoire de la RCA ;

– assister les personnes déplacées et favoriser leur retour et leur réinstallation ;

– veiller au respect strict des droits de l’homme, du pluralisme et des libertés des citoyens ;

– préparer et organiser les élections ;

– réorganiser les forces de défense et de sécurité ; – réorganiser l’administration territoriale ;

– réformer le système judiciaire ;

– poursuivre le processus de Démobilisation, Désarmement, Réinsertion (DDR) et la Réforme du Secteur de la Sécurité (RSS) avec le soutien de la communauté internationale ;

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La loi n° 13.001 promulguant la Charte constitutionnelle de transition297, a organisé le pouvoir ainsi qu’il suit :

– le Pouvoir exécutif, composé du Chef de l’État de la Transition et du Premier ministre, chef du gouvernement de Transition (article 22) ;

– le Pouvoir législatif et constituant de la République centrafricaine, exercé par le Conseil national de Transition (article 49).

– le CNT se compose de cent trente-cinq (135) membres représentant les différentes catégories politiques et socioprofessionnelles du pays (article 50)298 ;

– une Cour constitutionnelle de Transition (article 76)299 ;

– la justice qui constitue un pouvoir indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. La justice est rendue sur le territoire de la République centrafricaine au nom du peuple centrafricain par la Cour de cassation, la Cour des comptes, le Conseil d’État et les cours et tribunaux (article 85) ;

– le Haut Conseil de communication de Transition300 (article 90) est indépendant de tout pouvoir politique, de tout parti politique, de toute association ou de tout groupe de pression301.

Bien qu’étant la première personnalité du pays sous la Transition, le chef de l’État est adoubé par le CNT. La Charte constitutionnelle de transition prescrit que le chef de l’État de transition soit élu par le CNT (article 23). De même, le chef de l’État de transition prête serment en présence du CNT, devant la Cour constitutionnelle de transition.

À l’observation, depuis le 15 mars 2003, l’État peine à s’articuler et à exister. Au gré des saisons politiques, l’accalmie et les bruits de bottes alternent et rythment les séquences conflictuelles. Le dialogue politique, conçu autour de multiples accords (Syrte en février 2007,

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Charte constitutionnelle de transition, promulguée le 18 juillet 2013, se tient en 12 titres, 2 chapitres et 108 articles.

298 Cette institution était composée, au départ, de 105 conseillers issus : des partis politique (15), de l’ex-coalition Séléka (15), des groupes politico-militaires non combattants (1), des syndicats (5), des confessions religieuses (6), des professions libérales (5), du patronat (4), du secteur informel (2), du réseau des organisations des droits de l’homme (5), de l’organisation des femmes (5), de l’organisation des jeunes (5), des médias et autres (4), des représentants des préfectures (16), du représentant de la ville de Bangui (1), des chambres consulaires (4) et des diasporas (3).

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La Cour constitutionnelle de Transition est chargée de : juger de la Constitutionnalité des lois organiques et ordinaires, déjà promulguées ou simplement votées, des règlements, ainsi que du Règlement intérieur du Conseil national de Transition ; connaître du contentieux électoral ; veiller à la régularité des consultations électorales, examiner et en proclamer les résultats ; veiller à la régularité des opérations référendaires, examiner et en proclamer les résultats ; recevoir le serment du Chef de l’État de Transition et celui du président de la République élu ; trancher les conflits de compétence au sein du pouvoir exécutif, entre les pouvoirs législatif et exécutif, et entre l’État et les collectivités territoriales ; constater les défauts de promulgation des lois définitivement votées et la carence de leur promulgation de sorte à permettre leur entrée en vigueur ; interpréter la Charte constitutionnelle de Transition ; donner son avis sur les projets ou propositions de Constitution et la procédure référendaire.

300 Le Haut conseil de communication de Transition est chargé d’assurer l’exercice de la liberté d’expression et l’égal accès pour tous aux médias, dans le respect des législations en vigueur. Il est doté de pouvoirs de régulation et de décision.

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Le Haut conseil de communication de transition (HCCT), organe de régulation créé par la loi no14.002 du 20 mars 2014, n’a pas pu juguler l’incitation à la haine ou à la violence pour des motifs divers (pourtant proscrits par ladite loi).

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Birao en avril 2007, Libreville en mai 2008, Libreville en juin 2008, Libreville en janvier 2013, etc.) et des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, décrispe difficilement l’atmosphère302. En clair, l’exercice politique dans le pays depuis 2013 s’est réduit au Conseil national de transition (CNT). En l’absence des institutions connues dans la tradition républicaine, le CNT a fonctionné sur la base de la Charte constitutionnelle et a rempli les fonctions du Parlement. Toutefois, l’exercice du pouvoir politique s’est appuyé, d’une part, sur l’accord de Libreville du 11 janvier 2013 et, d’autre part, sur la charte fondamentale, laissant entrevoir une fragilité certaine entre les différents leviers du pouvoir. Aussi a-t-on noté un déficit de collaboration entre les principaux pouvoirs. La polémique au sujet de la gestion dans la plus grande opacité d’une partie du don angolais303 et le ton utilisé le 13 octobre 2014 par le président du CNT, Alexandre-Ferdinand N’Guendet, ont permis de mesurer le degré de détérioration des relations entre les différents pouvoirs étatiques : « Nous allons trouver une nouvelle date avec le gouvernement. Au cas où l’exécutif ne se présenterait pas, le Conseil national de transition prendrait ses responsabilités. »304 Dans cet environnement d’incertitudes et de reprise de la violence (une dizaine de morts et un millier de déplacés depuis le 7 octobre 2014), certains acteurs politiques305 et les deux principaux groupes armés (Séléka, anti-balaka) se sont désolidarisés du consensus politique en cours et ont réclamé, le 11 octobre 2014, la démission des personnalités clés : la cheffe de l’État de transition, le président du CNT et le Premier ministre.

Malheureusement, les événements de PK 5 et 12, en mars 2014306, et ceux intervenus à PK 10, ont constitué des éléments structurants de la dynamique du conflit dans le pays. La patrie étant réduite aux confins de l’intolérance, l’élaboration de l’éthique dans le comportement, ultime préalable au retour à l’État de droit, nécessitait une adhésion populaire à un ensemble de principes et de valeurs dont les droits personnels (droit à la vie, à la liberté, à la sûreté personnelle), les droits économiques et sociaux (droit au repos, à la santé, à la sécurité

302 A. Z. Tamekamta, « Gouvernance, rébellions armées et déficit sécuritaire en RCA », op. cit. 303

Il s’agit d’une partie du don angolais, soit 1,132 milliard FCFA, qui n’a pas transité par le Trésor public. Dans un communiqué du 11 octobre 2014, le Premier ministre avait expliqué qu’une partie de cet argent est partie dans les fonds politiques pour la présidence et la Primature. Quant à l’autre partie, elle a été dépensée sous forme d’appuis à la préparation des futures opérations de désarmement, à l’appui aux différentes composantes de la société civile et à l’aide humanitaire.

304 S. Sokambi, « Bangui : l’ultimatum du CNT au gouvernement de transition », Le Journal de Bangui du 14 octobre 2014, http://www.journaldebangui.com/article.php?aid=7444.

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Il s’agit de la plate-forme dénommée Bloc démocratique pour la reconstruction (BDR), du Parti pour la gouvernance démocratique (PGD), etc.

306 Le 29 mars 2014 à PK 12, un incident, le plus meurtrier selon Rupert Colville (porte-parole de l’ONU aux droits de l’homme) a fait 30 morts et plus de 300 blessés.

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sociale, à l’éducation…), libertés publiques et politiques (liberté de pensée, de conscience, de religion, d’opinion, de réunion…), le retour de l’administration, notamment judiciaire et pénitentiaire.

Au sujet de la gouvernance électorale, seule l’Autorité nationale des élections (ANE) a assuré la gestion du processus électoral. Ainsi, les élections présidentielles et législatives, prévues pour février 2015 (paragraphe 8 de la Résolution 2 149 du 10 avril 2014), ont connu de multiples retards, plombant ainsi un possible scrutin libre, régulier, transparent et ouvert à tous. À ce sujet, la résolution 2149, adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies à sa 7153e séance, le 10 avril 2014, a recommandé aux autorités de transition d’« accélérer les préparatifs » en vue de parvenir à un retour constitutionnel.