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L’analyse complète de l’articulation programmatique et opérationnelle de l’armée centrafricaine post-indépendance ne peut se départir de l’influence dominante de la France, ayant agi par l’intermédiaire des accords de défense. Se voulant implicitement « gendarme en/de l’Afrique », la France n’a pas ainsi soldé le passif colonial. Pierre Messmer, dans un article paru en mai 1963 dans la Revue de défense nationale, dégageait quatre axes prioritaires de la politique militaire française en Afrique :

– la sécurité intérieure est à la charge des autorités locales. Sur demande expresse de ces dernières, la France peut, toutefois, prêter sur ce plan un concours exceptionnel ;

– les forces armées françaises ont conjointement une mission de défense globale et de coopération technique. Elles peuvent constituer un moyen d’action supplémentaire en cas d’agressions locales ou de menées subversives ;

– l’infrastructure de défense comprend des bases principales et secondaires, des garnisons de sûreté aux confins sahariens et des escales aériennes. Compte tenu de l’hostilité de l’OUA à l’égard des installations étrangères, le système doit pouvoir être modulé et « varienté » ;

– sur place, la France dispose de forces légères et mobiles, et maintient en état une organisation de commandement, de transmissions et de renseignements permanents.339

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P. Dabezies, « La politique militaire de la France en Afrique noire sous le général de Gaulle », in « La politique africaine du général de Gaulle, 1958-1969 », actes du colloque organisé par le Centre bordelais d’études africaines, le Centre d’étude d’Afrique noire et l’Institut Charles-de-Gaulle, Bordeaux, 19-20 octobre 1979, p. 239.

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Toutefois, compte tenu de l’évolution des mentalités et de la conjoncture sécuritaire internationale, la France s’est voulue dynamique en engageant un chantier de rénovation de ces accords de défense à travers une boutade expressive : « Autres temps, autres mœurs… » C’est dans ce sillage que s’inscrivent les propos de Nicolas Sarkozy, président de la République, devant les parlementaires sud-africains au Cap, le 28 février 2008 :

(…) La présence militaire française en Afrique repose toujours sur des accords conclus au lendemain de la décolonisation, il y a cinquante ans ! Je ne dis pas que ces accords n’étaient pas à l’époque justifiés. Mais j’affirme que ce qui a été fait en 1960 n’a plus le même sens aujourd’hui. La rédaction est obsolète et il n’est plus concevable, par exemple, que l’armée française soit entraînée dans des conflits internes. L’Afrique de 2008 n’est pas l’Afrique de 1960 ! La France en tirera toutes les conséquences avec ses partenaires africains.

Au sujet des relations militaires conventionnelles entre la République centrafricaine et la France, elles sont régies par l’accord de défense du 15 août 1960, les accords particuliers et l’accord d’assistance militaire technique du 8 octobre 1966. L’un des accords particuliers, datant du 15 août 1960 et signé à Brazzaville, liait la France à la Centrafrique et aux deux autres anciennes colonies de la France (Congo-Brazzaville et Tchad). L’article 1 dudit accord stipule que ces trois pays « conviennent d’organiser avec la République française un système commun afin de préparer et d’assurer leur défense et celle de la Communauté dont elles font partie » et « se prêtent à cet effet aide et assistance et se concertent d’une manière permanente sur les problèmes de défense »340. L’article 4 évoque les conditions d’établissement des bases militaires françaises dans les trois pays en ces termes : « Chacune des parties contractantes s’engage à donner aux autres toutes facilités et toutes baies nécessaires à la défense et en particulier à la constitution, au stationnement à l’emploi des forces de défense […] afin de permettre à la République française d’assumer ses responsabilités dans la défense commune et à l’échelle mondiale, [ses trois partenaires] reconnaissent aux forces armées françaises la libre disposition des bases qui leur sont nécessaires. »341 Ce qui a fait dire à Pierre Dabezies, ancien colonel des parachutistes et sociologue militaire français :

Si le concept de défense, par nature politique, se révèle évolutif et mouvant, il en va de même pour celui d’assistance militaire technique. Cette dernière, en effet, est non seulement source de liens étroits et permanents, mais, perdant sa connotation administrative, se traduit tout

340 Article 2 de l’accord de défense du 15 août 1960, repris par l’Assemblée nationale de la République française, Rapport (n° 3308, n° 3309 et n° 3310) de la commission des affaires étrangères portant sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement de la République française et les gouvernements de la République du Cameroun, du Togo et de la Centrafrique instituant un partenariat de défense, 5 avril 2011, p. 9 ; http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rapports/r3309.pdf.

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naturellement dans l’armée en termes concrets d’appartenance et de complicité ; de hiérarchie ou de camaraderie, de promotion ou d’ancienneté. La personne du général de Gaulle, l’attachement culturel des élites et sa spécificité militaire, voilà peut-être, depuis l’indépendance, les trois fondements majeurs de notre réussite et de notre pérennité en Afrique342.

S’agissant des Forces armées Centrafricaines (FACA), les missions qui leur sont assignées sont contenues dans les textes organiques et législatifs suivants : la loi no 99.107 du 24 octobre 1999 ; la loi no 99.018 du 24 octobre 1999 (qui établit le Conseil suprême de la défense nationale [CSDN], présidé par le chef de l’État) et le décret no 00.230 du 3 octobre 2000. Ces missions ont été spécifiées dans le décret présidentiel no 00.032 du 20 janvier 2000 :

– garantir en tout temps, en toutes circonstances et contre toute forme d’agression, l’intégrité du territoire national ainsi que la sécurité des personnes et des biens ;

– assurer, sur réquisition, tout autre service public ou humanitaire concourant au maintien ou au rétablissement de la sécurité générale ;

– participer en temps de paix à l’effort de développement socio-économique de la nation ;

– se préparer en vue de participer aux opérations de maintien de la paix.