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Conclusion de la section

Section 2 : La naissance et l’évolution de l'Union européenne

B. l’approfondissement vertical : la Communauté européenne connut, dans les

années 70 et 80, un développement important. Un mécanisme de coopération dans le domaine de la politique étrangère fut mis en place, en 1970 ; ce mécanisme était considéré comme une plate-forme de concertation et de coordination entre les gouvernements des Etats membres au sujet de questions portant sur la politique étrangère. La mise en place de cette coopération avait pour but de construire une politique étrangère qui, sans être uniforme, resterait coordonnée entre les Etats membres du groupe.

A propos de cette expansion, un Sommet se tint, en 1972, pour discuter des moyens susceptibles de soutenir et développer le groupe de pays constitué, et ledit Sommet établit une Déclaration dans laquelle étaient identifiés les objectifs et les moyens de coopération entre les Etats membres, en particulier dans les domaines du commerce et du développement économique.

Concernant le volet de l'unité politique, la Déclaration confirmait la détermination des pays participants à transformer leurs relations en une unité européenne d’intégration. D'autre part, le Sommet de Paris, qui eut lieu en 1974, à l'initiative de la France et de l’Allemagne, prit la décision de tenir régulièrement un Sommet européen. Ainsi sont apparus les sommets européens, qui deviendront la base d'une nouvelle institution dans le cadre du mouvement d'intégration européenne et qui sera baptisée « Conseil européen », institution qui ne figurait pas dans les termes du traité de Rome. Sur un autre plan, en 1978 le système monétaire européen succéda au serpent monétaire européen de 1972 dans l’objectif de garantir la stabilité financière pour les pays membres et de créer une base solide pour l’économie européenne, chose qui se concrétisera plus tard par la naissance de la Banque centrale européenne165.

On retiendra de ce qui précède que le rythme de l'intégration économique fut plus rapide que celui de l'intégration politique. Cette différence a commencé à se faire sentir dès le début des années 70, ce qui poussa le Parlement européen à appeler à conclure un nouvel accord, nommé le « projet SPINELLI », voté par le Parlement en juillet 1982. Son but était de concilier deux objectifs de l’Union qui s’avéraient contradictoires au moment de leur application : la coopération dans le domaine politique et l’intégration dans le domaine économique. Bien que ce projet n’ait pas 165 JAWASS Hassan. La Nature de l’Union européenne. Op.cit. P.101.

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suscité un réel enthousiasme chez tous les membres, il attira, pour le moins, l’attention sur des questions essentielles telle que la nécessité de reconsidérer le traité de Rome à la lumière des changements dans la communauté et dans le contexte international166.

C’est ainsi que le Parlement européen exigea, en 1984, l’amendement de ce Traité pour les questions relatives à la suprématie de la loi européenne par rapport aux lois nationales. L’objectif visait l’unité européenne en modifiant les traités de Paris et de Rome vers un élargissement de leurs champs d’activités et un renforcement des institutions communautaires. Ce projet était plus ambitieux que celui du Conseil européen167, ce qui était à même de donner aux pays membres la liberté de disposer de

leurs ressources nationales. En 1984, le Conseil européen créa une commission appelée « Commission DODDGE » pour mettre en place des réformes institutionnelles. Cette commission était formée de représentants de chefs d’Etats et de gouvernements et devait se charger de présenter les projets susceptibles de faire évoluer l’unité européenne vers une intégration totale. En mars 1985, le Conseil européen décida de donner la priorité à la mise en place d’un Marché unique qui devait voir le jour en 1992 ; il demanda à la Commission européenne d’établir un programme clair et un calendrier détaillé. Le 14 juin 1985, la Commission européenne remet au Conseil son "Livre blanc" sur l'achèvement du marché intérieur qui dresse un calendrier des actions à mener pour réaliser le marché unique au plus tard le 31 décembre 1992. Le Conseil adopta le rapport de la Commission DODDGE qui prévoyait un Sommet intergouvernemental pour étudier les différents amendements apportés aux traités signés. En décembre 1985, il approuva également, le Traité de droit européen unique, signé à La Haye (aux Pays Bas) et au Luxembourg, entre les 17 et 27 mars 1986, en vue d’être appliqué en juillet 1987.

Le Marché unique européen vit le jour le 1er janvier 1993.168 L’un des pères

fondateurs fut Jacques DELORS, homme politique français, connu pour son engagement européen ; il fut Président de la Commission européenne à partir de 1985 et créa le « Think tank », « Notre Europe », dans le but de « penser l’unité européenne ». La mise en place du marché unique induit des modifications 166 QUERMONNE Jean-Louis. Le Système politique de l’Union européenne : des Communautés

économiques à l’Union politique. 4ème édition. Montchrestien. Paris. 2001. P.26.

167 SIDIANSKI Dusan. Du projet de traité d’Union du Parlement européen à l’Acte unique européen.

Revue d’intégration européenne. Hiver/printemps 1987. Vol X. N° 2.3. Winter/spring. P.109.

168 IMAM Mohammed Mahmoud. L’évolution des cadres institutionnels de l’Union européenne.

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institutionnelles qui marquent un retour à l’esprit communautaire et incite par la suite, à la création de l’union monétaire, le grand marché étant censé mieux fonctionner avec une monnaie unique. Jacques DELORS est également attaché aux institutions communautaires et au bon fonctionnement des organes décisionnels (Conseil, Commission, Parlement) qui constituent la base de la méthode communautaire inventée par les pères de l’Europe, dans les années 1950, sous l’impulsion de Jean MONNET169.

Nous pensons que l’Acte unique européen fut la pierre angulaire dans l'édifice de l'Union européenne de 1992, dans la mesure où il représentait la première révision du traité fondateur, à savoir celui de Rome. Ainsi l’une des dispositions du traité fut de reconnaitre explicitement et formellement le Conseil européen (auparavant, Conseil des chefs d'Etats et de gouvernements). De même, ce traité instaura la majorité dans le vote en lieu et place de l'unanimité et il changea le nom de l'Assemblée parlementaire en Parlement européen, lui octroyant le pouvoir d’accepter ou de refuser de nouveaux membres.

Concernant la procédure législative, on remarque que l'Acte unique européen a élargi le champ de travail de la Communauté pour qu’elle touche l’environnement, la technologie et les conditions de travail. Il s’est intéressé aussi au système monétaire et à la politique étrangère des pays membres. Il a également décidé de créer le Tribunal de Première instance pour alléger le fardeau de la Cour européenne de justice.

Les apports de l’Acte unique européen se présentent comme suit :

1.) Modifications institutionnelles :

Dans l’objectif d’une réalisation simplifiée du Marché intérieur, l'Acte prévoit davantage de cas où le Conseil peut statuer à la majorité qualifiée au lieu de l'unanimité. Cela simplifie le processus d'adoption des décisions en évitant les blocages relatifs à la recherche d'un accord unanime des 12 États membres. L'unanimité n'est plus exigée pour ce qui concerne les mesures qui visent à l'établissement du Marché intérieur ; sont exceptées celles qui se rapportent à la fiscalité, à la libre circulation des personnes, aux droits et intérêts des salariés.

169 BITSH Marie-Thérèse. La construction européenne, Enjeux politiques et choix institutionnels. P.I.E.

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L'Acte unique européen institue le Conseil européen, qui à son tour donne une note officielle aux conférences et aux sommets des chefs d'États et de gouvernements. Toutefois, les compétences de cet organe ne sont pas clairement énoncées. Le Conseil européen n'a aucun pouvoir de décision, et pas davantage de pouvoir de contrainte à l'égard des autres institutions170.

L’Acte unique européen a renforcé les pouvoirs du Parlement en lui donnant la possibilité d’approuver ou non les accords d'association. En outre, l’Acte prévoit l’établissement d’une coopération entre le Parlement et d’autres institutions, ce qui renforce sa position dans le dialogue en lui donnant la possibilité d'une double lecture de la législation proposée. Il faut noter que le champ d'application de cette procédure concerne exclusivement les cas où le Conseil de l’Union européenne statue à la majorité qualifiée, à l'exception du domaine de l'environnement.

L'Acte unique met au clair les dispositions déjà prises au niveau des pouvoirs d'exécution. L'article 10 modifie l'article 145 du traité CEE en prévoyant que le Conseil de l’Union européenne donne à la Commission compétence pour exécuter les actes et ce, comme règle générale, alors que ledit Conseil ne peut exécuter les actes que dans des cas spécifiques. C’est à partir de l'Acte qu’est rendue possible la création du Tribunal de première instance. Toutes les affaires peuvent être transférées à ce Tribunal à l'exception des affaires préjudicielles soumises par les États membres ou par les institutions ainsi que des questions préjudicielles171.

2.) Modifications politiques:

Le but de l’Acte apparait clairement dans l’article 8 A, à savoir établir progressivement le Marché intérieur tout au long d'une période expirant le 31 décembre 1992. Le Marché intérieur est défini en tant qu' «espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions du présent traité».

Pour ce qui est de la capacité monétaire, l'Acte n’ouvre pas la porte à une politique nouvelle, mais peut insérer d’autres dispositions car les compétences existantes contiennent déjà une convergence entre les politiques économiques et monétaires.

170 L’Acte unique européen. Consulté le 20/01/2013

http://europa.eu/legislation summaries/institutional affairs/treaties/treaties singleact fr.htm

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Ledit Acte, introduit deux nouveaux articles dans la politique sociale déjà régie par le traité CEE : l'article 118 A du traité CEE donne carte blanche au Conseil de l’Union européenne, statuant à la majorité qualifiée dans le cadre de la procédure de coopération, pour prendre des prescriptions minimales afin de promouvoir « l'amélioration du milieu de travail, pour protéger la santé et la sécurité des travailleurs ». L'article 118 B du traité CEE, quant à lui, confère à la Commission le rôle de développer le dialogue social sur la scène européenne.

L'Acte instaure une politique communautaire de cohésion économique et sociale pour compenser les effets de la réalisation du Marché intérieur sur les États membres moins développés et pour réduire les écarts de développement entre les régions. L'intervention communautaire se fait à travers le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole et le Fonds européen de développement régional.

Dans le domaine de la recherche et du développement technique, l'article 130 F du traité CEE établit comme objectif le « renforcement des bases scientifiques et technologiques de l'industrie européenne et le développement de sa compétitivité internationale ». A cet effet, l'Acte prévoit la réalisation de programmes-cadres pluriannuels adoptés à l'unanimité par le Conseil de l’Union européenne.

Le traité de Rome faisait déjà référence à la préoccupation relative à la protection de l'environnement au niveau communautaire. L'Acte y ajoute trois nouveaux articles (article130 R, 130 S et 130 T du traité CEE) qui permettent à la Communauté de préserver, protéger et améliorer la qualité de l'environnement, contribuer à la protection de la santé des personnes et assurer une utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles. Il est signalé que la Communauté ne peut intervenir en matière d'environnement que si cette action est davantage réalisable au niveau communautaire qu'au niveau des États membres.

L'article 30 de l’Acte prévoit que les États membres s'impliquent dans une bonne formulation et une mise en œuvre adéquate d’une politique étrangère européenne commune. Dans cet objectif, ils s'engagent à se consulter sur les questions de politique étrangère qui pourraient présenter un intérêt pour la sécurité des États

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membres. La présidence du Conseil est responsable de l'initiative, de la coordination et de la représentation des États membres vis-à-vis des pays tiers dans ce domaine172. Nous remarquons que l’Acte unique européen, bien qu’il ait canonisé les mécanismes de coopération politique, a surtout privilégié le volet économique dans l’Union.

§ 2. Traité instituant l'Union européenne (Traité de Maastricht, 1992)173

La communauté européenne a été influencée par les changements qu’a vécus le système international, au début des années 90. En effet, en 1989 les pays de l’Europe centrale, puis les pays de l’Europe de l’Est ont commencé à quitter le blec soviétique ; en 1990 l’Allemagne s’est réunifiée, en 1991 l’Union soviétique s’est effondrée174.

Ainsi, l’Europe s’est trouvée face à une nouvelle organisation géostratégique du monde, avec des guerres à ses portes, et notamment aux Balkans. Il fallait que les Européens soient réactifs devant ces nouvelles donnes afin, non seulement de se défendre contre un danger imminent et de garantir leur sécurité et leur stabilité, mais aussi dans le but de participer activement à la reconstitution du nouvel ordre mondial et de se créer une place dans ce nouveau système175.

Avec la fin de la Guerre froide, déjà citée précédemment, deux opinions, quant à l’avenir de l’Europe, ont pris naissance : la première avançait que la période de la Guerre froide représentait un facteur de stabilité pour le continent, dans la mesure où elle empêchait l’apparition de conflits nationaux et la deuxième, qui se voulait plus optimiste, pensait que durant les cinquante dernières années, l’Europe avait acquis une certaine immunité contre ce genre de conflits, grâce au parcours qu’elle avait effectué dans la coopération et la solidarité entre ses Etats membres. Cet état de fait

172 Cf. DESMOULIN Gil. La Communauté européenne et la protection des espaces naturels, Des

financements européens au service de l’action locale. N°1. Presses Universitaires de Limoges. Pulim. 2001. P.18.ss.

173 Journal officiel de l’Union européenne. Traités européens. Consulté le 28/01/2013

Www.eur-lex.europa.eu › EUROPA › EUR-Lex Accueil.com

174 PINDER John. The Building of the European Union. 3rd Edition. Oxford University Press. New

York. 1998. P.19.

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représentait, en soi, une barrière contre toutes les tendances nationalistes qui restaient, toutefois, minoritaires176.

Plusieurs observateurs furent surpris par la réaction positive de l’Europe face aux bouleversements que connaissait le monde de l’époque ; au lieu d’être en proie à la frayeur et de se replier sur elle-même, elle sut aller de l’avant dans sa construction et s’ouvrir sur les autres pays177.

Dans ce contexte, la France et l’Allemagne décidèrent de suivre le mouvement dans la construction de l’Europe. La France, en garantie d’un rôle important à jouer, voulait que la puissance voisine soit contenue dans cette Organisation et l’Allemagne, quant à elle, cherchait une reconnaissance de sa puissance dans le cadre d’une Europe forte, mais aussi parce qu’elle craignait la répercussion de l’instabilité qui régnait dans les pays de l’Europe de l’Est sur sa propre stabilité intérieure. Pour cela, elle essaya d’accélérer et d’approfondir les réformes au sein de la Communauté européenne pour qu’elles touchent les institutions politiques afin d’inclure les pays de l’Est et en particulier l’Allemagne de l’Est dans la construction de l’Europe. L’Allemagne voulait faire intégrer cette partie dans l’Europe mais elle se sentait incapable de le faire toute seule, en raison des séquelles ressenties à la suite d’un régime totalitaire qui l’avait gouvernée pendant un demi-siècle, sur le plan économique et politique178.

Les pays européens se sont retrouvés dans l’obligation d’unir leurs voix et de préserver leurs intérêts face à ce monde qui se transformait à une vitesse vertigineuse. C’est ainsi que deux sommets intergouvernementaux se sont tenus en 1990, le premier pour examiner l’unité économique et monétaire de la Communauté et le second pour discuter de son unité politique. De ces deux sommets est sorti, en décembre 1991, le traité de l’Union européenne, « Traité de Maastricht »179, qui incluait les textes de

l’union politique entre les Etats et l’établissement d’une union économique et

176 AYAN Clarck. La mondialisation et la dislocation. Op.cit. P.295.296. Et HOOGAN Mickael G. La

fin de la Guerre froide : ses significations et les circonstances de sa réalisation. Traduction de Mohammed Oussama al Koutelli. Publications du ministère de la culture. Damas. 1998. P.346.

177 NAFIAA Hassan. L’Europe à l’aube d’un nouveau siècle. Les horizons des changements

internationaux contemporains. Dar achourouk. Oman, Jordanie. 2002. P.78.

178 HOOGAN Mickael G. La fin de la Guerre froide : ses significations et les circonstances de sa

réalisation. Op.cit. P.318.

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monétaire dans un délai ne dépassant pas le 1er janvier 1999. La ratification de ce traité eut lieu le 7 février 1992 et il entra en vigueur le 1er novembre 1993.

Le traité de Maastricht a apporté plusieurs changements dans le processus de coopération européenne :