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L’approche par les traits : Le modèle de Petrides et Furnham

émotionnelles Introduction

2.2 L’approche par les traits : Le modèle de Petrides et Furnham

Cette seconde approche par les traits (Petrides, 2001, 2009; Petrides et Furnham, 2001, 2003)considère l’intelligence émotionnelle comme un trait de personnalité, envisageant l’intelligence comme «la façon habituelle et préférentielle de l’individu à appréhender ses émotions et celles d’autrui» (Brasseur et Grégoire, 2010, p. 63). En ce sens, les auteurs Furnham et Petrides (2003, p. 817) définissent l’intelligence émotionnelle comme «un construit de différentes dispositions permettant aux individus d’éprouver, prêter attention, identifier, traiter et utiliser une information affective de nature intra-personnelle (management de ses propres émotions) ou interpersonnelle (management des émotions d’autrui)».

Il s’agit dans cette perspective, de mettre en évidence l’existencedu phénomène d’intelligence émotionnelle comme «un phénomène cohérent, non contingent, universel et distinct d’autres

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phénomènes liés à l’intelligence et à la personnalité, ayant un pouvoir de discrimination et de prédiction des comportements» (Letor, 2006). Par conséquent, cette approche s’intéresse à la manière dont un individu utilise ses aptitudes ainsi que ses tendances propres comme l’optimisme ou l’estime de soi par exemple.

Par ailleurs, cette approche contrairement à l’approche par les habiletés «s’écarte de la référence à une norme attendue» (Brasseur et Grégoire, 2010, p. 63), dans le sens où Petrides et Furnham (2000) ont pris le parti d’investiguer l’intelligence émotionnelle dans une perspective empirique et psychométrique en proposant d’utiliser un auto-questionnaire intitulé le ‘Trait Emotional Intelligence Questionnaire’(TEIQue) pour «mesurer» la présence de différents traits. En ce cens la mesure de ces différents traits semble démontrer «des qualités psychométriquesqui invitent à considérer ces dimensions comme des traits relativement stables chez les individus» et qui présentent l’avantage de «prédire des comportements plus ou moins performants» (Letor, 2006, p. 6). Dans cette perspective, Petrides (2001) propose de changer le nom d’intelligence émotionnelle en «auto-efficacité émotionnelle»(Brasseur, 2013, p. 66).

Enfin, Petrides et Furnham (2001) identifient quinze facettes constitutives de l’IE trait dans leur questionnaire ‘TEIQue’.

Le tableau ci-après représente les quinze facettes constitutives de l’IE trait identifiées par Petrides et Furnham (2001).

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Tableau 4-1: Description des facettes de l’IE trait selon le TEIQue de Petrides et Furnham

(2001)

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2.3 L’approche « mixte» de l’intelligence émotionnelle

Adoptant une perspective «mixte» de l’intelligence émotionnelle, plusieurs auteurs (Bar-On, 1997, Cooper et Sawaf, 1997, Saarni, 1999, Weisinger, 1998, Dulewicz et Higgs, 1999, Boyatzis et al., 2000; Goleman 1998, 2002) présentent le construit d’intelligence émotionnelle comme un inventaire d’habiletés, de comportements et de traits permettant d’expliquer la réussite des individus dans des situations de la vie quotidienne, sociale et professionnelle (Letor, 2006). En ce sens, dans leur inventaire, on y retrouve aussi bien des compétences particulièrement «émotionnelles» comme la prise de conscience et la compréhension de ses émotions, mais aussi des «habiletés sociales» telles que la capacité de prendre des initiatives, la gestion des conflits, la confiance en soi et le leadership.

Par ailleurs, la plupart des partisans du «modèle mixte» présentent le point commun, qui est d’afficher la conviction que les compétences émotionnelles peuvent s’apprendre (Goleman, Boyatzis et McKee, 2003, p.132; Latour et Hosmer, 2002, p.29).

Ainsi, nous allons passer en revue les deux principaux modèles dits «mixtes» de l’intelligence émotionnelle.

A) Le Modèle de Bar-On

Le modèle théorique de Bar-On (1997) est considéré comme un modèle mixte de l’intelligence émotionnelle. Dans ce modèle l’intelligence émotionnelle est considérée comme «un ensemble de capacités, de compétences et d’habiletés non cognitives qui influencent la capacité d’une personne à faire face aux exigences et aux pressions de l’environnement» Bar-On (1997, p. 12). Par la suite le terme de «capacités non cognitives» a été remplacé par «compétences émotionnelles et sociales». En ce sens, Bar-On propose une définition du ESI (Emotional Social Intelligence) «l’intelligence émotionnelle et sociale» comme étant «un ensemble représentatif des compétences, aptitudes et facilitateurs émotionnels et sociaux interdépendants qui déterminent l’efficacité avec laquelle l’individu se comprend et s’exprime; comprend les autres et entre en relation avec eux; et fait face aux exigences quotidiennes» (Bar-On, 2006, p. 3).

185 Bar-On (1997)a été à l’origine d’une des premières mesures de l’intelligence émotionnelle en utilisant l’expression «Quotient émotionnel (QE)» (Bobot, 2010). En ce sens, l’armée de l’air US aurait beaucoup économisé en embauchant des recruteurs obtenant un score élevé sur l’échelle de Bar-On (Coulon et Lafitte, 2016, p. 129).

Le modèle de Bar-On (1997) distingue cinq composantes de l’intelligence émotionnelle: (1) l’intrapersonnel, (2) l’interpersonnel, (3) l’adaptabilité, (4) la gestion du stress et (5) l’humeur générale en incluant la capacité à (Coulon et Lafitte, 2016, p. 127):

- Être conscient de soi, à se comprendre et à s’exprimer,

- Être conscient des autres, à les comprendre et à entretenir des rapports avec eux,

- Faire face à des émotions fortes,

- S’adapter au changement et à régler des problèmes de nature sociale ou personnelle. Bar-On considère que l’intelligence émotionnelle se développe avec le temps et peut être amélioré par la formation et la thérapie (Bar-On et al., 2002).

Par ailleurs, Bar-On suggère que l’IE et l’intelligence cognitive «contribuent autant l’une que l’autre à l’intelligence générale» d’un individu (Bobot, 2010) et fournissent une image équilibrée de celle-ci (EQ +QI =QI équilibré) (Mayer et al., 2000). Néanmoins, Bar- On affirme d’une part, que les individus possédant un QE supérieur à la moyenne réussissent mieux à faire face aux exigences et aux pressions de l’environnement. Et d’autre part, une déficience dans l’intelligence émotionnelle peut entraver la réussite d’une personne et traduire l’existence de problèmes psychologiques (Bobot, 2010).

Tableau 4-2: Modèle de l’Intelligence Émotionnelle selon Bar-On (1997)

Adapté de Coulon et Lafitte (2016, p. 127)

Composantes Sous-composantes

Intrapersonnelle Connaissance de ses émotions Affirmation de soi, assertivité

Indépendance Estime de soi Accomplissement de soi Interpersonnelle Empathie Responsabilité sociale Relation interpersonnelle Adaptabilité Réalisme Flexibilité Résolution de problèmes Gestion du stress Tolérance au stress

Contrôle des impulsions, inhibition

Humeur générale Optimisme

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B) Le modèle de Goleman

Daniel Goleman, né le 7 mars 1946, ancien élève de David McClelland à Harvard, très connu dans les écoles de management, pour sa théorie du «besoin de réalisation (1961)» (Chanlat, 2003), docteur en psychologie et journaliste scientifique pour le New York Times, a donné à travers ses livres et articles une reconnaissance mondiale au concept d’intelligence émotionnelle. Il est co-président du Consortium de recherche sur l’intelligence émotionnelle dans les organisations, basé à l’Université Rutgers, qui recommande les meilleures pratiques pour développer les capacités de l’intelligence émotionnelle, et son application liée à l’efficacité en milieu du travail et cofondateur du Collectif pour l’apprentissage de l’intelligence émotionnelle au Centre d’études sur l’enfant de l’Université de Yale dont la mission est d’aider les écoles à introduire des activités développant l’intelligence émotionnelle chez l’enfant. Daniel Goleman définit l’émotion comme étant «un composé hétéroclite» (Artaza Abaroa, 2006), étant à la fois «un sentiment et les pensées, les états psychologiques et biologiques particuliers, ainsi que la gamme de tendances à l’action qu’il suscite» (Goleman 1997, p. 357). L’auteur considère que les émotions nous mènent à la réussite et influencent notre vie et notamment, nos performances ou nos échecs. En effet, il explique que les émotions peuvent «bloquer ou amplifier notre capacité de penser, de planifier, de viser un but ou de résoudre un problème» (Goleman, 1997, p. 109). Ainsi, les émotions définissent «les limites de notre aptitude à utiliser nos capacités mentales innées et décident alors de notre avenir» (Ibid.). C’est En ce sens, que l’intelligence émotionnelle est «une aptitude maîtresse qui influe profondément sur toutes les autres en les stimulant ou en les inhibant.» (Goleman, 1997, p. 109).

Dans le même sens, pour montrer l’influence des émotions sur l’aspect cognitif durant toute la vie, Goleman cite les résultats du célèbre test des bonbons intitulé «test du Marshmallow»

administré par le professeur Walter Mischel à des jeunes enfants de quatre ans dans une garderie de Stanford. Ce test consiste à expérimenter les comportements d’enfants de quatre ans, face à un choix cornélien: avoir un seul bonbon immédiatement, ou attendre un moment pour en avoir deux. La majorité des enfants se rue sur le bonbon, incapable de patienter, alors que d’autres enfants résistent à leur impulsion en fournissant un effort contraignant pour justement ne pas céder à la tentation. Il convient de préciser que ce test a une valeur prédictive, dans la mesure où douze à quatorze ans plus tard, les différences entre les enfants qui ont su attendre contre ceux qui s’étaient rués sur les bonbons sont nombreuses prouvant ainsi que «l’autorégulation affective permet de réussir ce que l’on entreprend» (Ibid.). Les résultats du

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«test des bonbons» montrent que les enfants sachant attendre étaient «devenus des

adolescents prêts à affronter la vie en société: efficaces, sûrs d’eux et capables de surmonter les déboires de la vie. Ils connaissaient moins le doute, la peur et l’échec, savaient conserver leur sang-froid et gardaient l’esprit clair lorsqu’ils étaient soumis à des pressions. Ils acceptaient les épreuves et s’efforçaient d’en venir à bout au lieu de baisser les bras; ils se montraient confiants et dignes de confiance. Ils prenaient des initiatives, se lançaient dans des projets et, plus de dix ans après le test, étaient encore capables de remettre à plus tard une récompense» (Goleman, 1997, p. 110) […] «et pour couronner le tout, leurs résultats aux examens d’entrée à l’université étaient supérieurs d’environ 20% de ceux de leurs camarades» (Ibid., p. 111).

Walter Mischel (2015) explique que « le self-control, et plus spécifiquement différer une gratification immédiate au profit de bénéfices futurs, est une compétence qui s’apprend […] cette compétence se développe pendant la petite enfance, est mesurable et a un impact profond sur notre bien-être, notre santé mentale et physique au fur et à mesure que nous vieillissons».2

Ensuite, Goleman (1997) ne s’arrête pas là, il avance d’autres arguments au sujet de

2 Pendant des années, le "test du marshmallow" a été cité comme la preuve de l'importance de la compétence du « self-control ». Néanmoins, l'étude est aujourd'hui remise en question. En effet, le test a été reproduit par Tyler Watts, Greg Duncan et Hoanan Quen en 2018, et dont les résultats ont été publiés dans la revue « Psychological Science ». Les chercheurs ont mené une nouvelle expérience, en augmentant le nombre d'enfants testés (918) et en veillant que l’échantillon soit plus représentatif de la société américaine (contrairement à l’échantillon choisi par Walter Mischel qui était particulièrement homogène). Ils ont réparti les enfants en deux groupes : des enfants dont la mère est diplômée et d’autres enfants issus de mères sans diplôme. D’un côté, les enfants dont la mère a un diplôme universitaire ont réussi à patienter sept minutes, contre 45 % dans le deuxième groupe. En conclusion, les principaux facteurs identifiés dans cette étude sont : le milieu social des enfants, la rareté et la pauvreté des

parents. En effet, la façon d’envisager le risque lié à l’attente est différent. En ce sens,

l’expérience de la vie quotidienne des enfants, fait que celui issu d’un milieu relativement favorisé a acquis l’assurance que la promesse sera tenue par les parents, contrairement aux familles dont les ressources sont faibles. Ainsi les enfants issus d’un milieu moins favorisé choisiront la gratification immédiate considérant qu’il y a un véritable risque à attendre. Nous trouvons que cette étude fait particulièrement écho aux travaux de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron (1964, 1970, 1993, 1994, 1996) sur la reproduction sociale et notamment la reproduction des élites. Pour plus de détails nous vous invitons à vous référer à l’article de Watts et al., (2018).

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l’importance de l’intelligence émotionnelle dans nos vies et en particulier l’impact des

dispositions d’esprit négatives sur la pensée. En effet, il montre que l’anxiété peut engendrer un immobilisme cognitif et par conséquent «miner l’intellect» (Ibid., p.112). L’auteur explique

que cet immobilisme est dû au fait que toute l’attention du sujet «est captée par son anxiété et

donc ne peut pas être dirigée vers la tâche à faire» (Ibid.) constituant ainsi une entrave à la

pensée, même s’il reconnaît qu’un certain niveau de stress ou d’anxiété peut être un

«stimulateur» pour atteindre certains buts (Ibid.).

D’autre part, Goleman (1997) estime que le rendement d’un individu est étroitement lié au degré d’optimisme, d’espérance ou de confiance que l’on a en soi et que la différence entre la réussite et l’échec est la même qui existe entre l’optimiste et le pessimiste. En ce sens, il souligne l’importance d’une pensée positive et libérée en suggérant par exemple, de

«raconter une histoire drôle pour aider quelqu’un à surmonter une difficulté, car le rire libère la pensée et facilite les associations d’idées» (Goleman, 1997, p. 114). Pour cela, il s’est basé sur une étude montrant que des «personnes qui viennent d’assister à des contenus humoristiques résolvent plus facilement un problème supposant de l’imagination et la créativité» (Ibid., p. 115).

Par ailleurs, Goleman (1997) souligne le bénéfice ultime de l’état de «fluidité» ou «la zone» qui correspond au moment où «l’excellence ne demande plus d’effort» (Ibid., p. 121) et «[…] où nous avons l’impression que les choses les plus difficiles sont faciles et que les performances exceptionnelles sont tout à fait naturelles.» (Ibid., p. 123). Il s’agit du «summum de l’intelligence émotionnelle» (Ibid., p. 121) où les émotions sont au service de la performance ou de l’apprentissage.

Enfin, tous ces arguments présentés par Goleman abondent Dans le même sens, : que c’est l’intelligence émotionnelle qui détermine la qualité de l’action et performance.

Ainsi, il convient de préciser que le modèle d’intelligence émotionnelle de Goleman a rencontré un grand succès commercial, et où il a adapté les travaux de Salovey et Mayer (1990) pour obtenir une version qui permettrait de comprendre les talents qui ont de l’importance dans la vie professionnelle (Goleman, 1998, p. 317).

À travers son modèle, Goleman (1995) considère l’IE comme "des capacités […] qui comprennent la maîtrise de soi, de contrôler ses pulsions et de retarder la gratification, la persévérance et la capacité de se motiver" (Goleman, 1995, p. xii). En effet, basé sur un

189 ensemble de compétences émotionnelles et sociales qui contribuent à la performance managériale, ce modèle (1995) décrivait à l’origine l’intelligence émotionnelle comme un concept composé de cinq dimensions: la conscience de soi, la maîtrise de soi, l’auto-motivation, la perception et la compréhension des émotions d’autrui et la gestion des relations humaines (Meyer et al., 2000).

Le modèle proposé par Goleman (Boyatzis, Goleman et Rhee, 2000; Goleman, 2002) s’est

développé par la suite en réduisant ces cinq groupes de compétences et en incluant les questions de leadership notamment. En effet, le nouveau modèle gravite autour de quatre principaux concepts de l’IE: (1) La conscience de soi, consistant à comprendre ses émotions et à reconnaître leur incidence. (2) La maîtrise de soi, correspond à la maîtrise de ses émotions et impulsions et à la capacité de s’adapter en fonction des situations. (3) La conscience sociale, comprend la capacité à détecter et à comprendre les émotions des autres et à y réagir tout en comprenant les réseaux sociaux. Enfin (4), la gestion des relations, renvoie à la nécessité à inspirer et à influencer les autres tout en favorisant leur développement et en gérant les conflits (Goleman, 1998). Ainsi, ce modèle est qualifié de «modèle mixte d’IE» dans la mesure où il comprend un mélange «de traits de personnalité, de capacités cognitives et de compétences émotionnelles » (Mayer et al., 1997).

Wexler (2000) soutient que l’œuvre de Goleman a joué un rôle majeur dans l’entrée du concept d’IE dans le contexte du travail. En effet, Goleman s’est inspiré de la documentation sur la gestion du savoir, afin de montrer l’importance que revêtent les compétences émotionnelles dans la nouvelle économie, pour la création des conditions permettant la confiance et le partage des connaissances nécessaires à la formation des équipes fonctionnelles (Bobot, 2010). Dans ce sens Goleman et ses collègues soutiennent que les compétences émotionnelles ne sont pas des capacités innées, mais qu’il s’agit plutôt de capacités apprises (Goleman, Boyatzis et McKee, 2002; Latour et Hosmer, 2002) que l’individu doit développer pour atteindre une meilleure performance (Saarni, 1999; Boyatzis,

1999; Boyatzis, Goleman et Rhee, 2000; Cherniss et Goleman, 2002; Goleman, 2002). Par

conséquent, cette conceptualisation a participé à l’émergence d’une vague de formations approfondies sur l’IE. En effet, les recruteurs prennent en compte, de plus en plus, les compétences émotionnelles, sans oublier que certaines grandes écoles incluent des tests d’Intelligence Émotionnelle dans leurs critères de sélection (Coulon et Lafitte, 2016, p. 129). Dans le même sens, Coulon et Lafitte (2016) citent une enquête de CareerBuilder réalisée en 2011 auprès de 547 dirigeants en Europe, montrant que 77% privilégient l’Intelligence

190 Émotionnelle d’un employé par rapport à son quotient intellectuel (Ibid.).

Toutefois, «la combinaison de science et de croyance optimiste dans le potentiel humain a attiré une bonne couverture médiatique mais n’a pas eu le même écho dans le milieu de la recherche» (Bobot, 2010, p. 410). En effet, certains scientifiques ont ouvertement critiqué les propos de Goleman; comme par exemple, ses affirmations consistant à énoncer que «l’IE conférerait un avantage dans n’importe quel domaine de la vie, que ce soit dans les relations amoureuses et intimes ou dans l’acquisition des règles tacites qui régissent le succès en politique organisationnelle" (Goleman, 1995, p. 36); ou "Au mieux, le QI contribue à environ 20% au succès dans la vie, ce qui laisse 80% à d’autres facteurs" (Goleman, 1995, p. 34); en s’interrogeant notamment sur la validité de ses conceptualisations (Mayer, Salovey et Caruso, 2000) et considérant que les résultats avancés ne sont pas tous prouvés (Bobot, 2010). Le tableau ci-dessous représente le modèle conceptuel de l’intelligence émotionnelle selon Goleman et les compétences émotionnelles correspondantes.

Tableau 4-3: Inventaire des Compétences Émotionnelles selon Boyatzis,

Goleman et Rhee (2000)

Adapté de Coulon et Lafitte (2016, p. 128)

Conscience de soi Conscience sociale

Connaissance

Connaissance de ses émotions Auto évaluation réaliste

Confiance en soi

Empathie Souci du service

Compréhension organisationnelle

Gestion de soi Compétences sociales

Régulation

Gestion de ses émotions Honnêteté Conscience

Flexibilité Motivation

Initiative

Formation d'autrui Influence Communication Gestion des conflits

Leadership Agent de changement Compétence relationnelle

Travail en équipe et collaboration

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2.4 Le modèle intégratif de l’IE: vers une définition des compétences

émotionnelles

La nature et le nombre des compétences émotionnelles varient selon les différents modèles de l’intelligence émotionnelle (Mayer et Salovey, 1997; Bar-On, 1997; Boyatzis, Goleman et Rhee, 2000; Goleman, 2002; Petrides et Furnham, 2003). Ainsi, il est difficile d’apporter une définition des compétences émotionnelles qui fait consensus, ce qui «n’a rien de surprenant» surtout que plusieurs décennies de recherches «n’ont pas non plus abouti à une définition consensuelle de l’intelligence générale ni de la personnalité» (Mikolajczak, 2014, p. 7).

Dans ce sens, en dépit des différences entre les auteurs et leurs définitions, et des critiques opposées aux liens supposés entre l’intelligence émotionnelle et la performance personnelle et professionnelle. Certains chercheurs, pour sortir de ces différents débats théoriques, se sont penchés sur les différents travaux issus des différentes approches afin de dégager un relatif consensus dans l’objectif de créer un modèle intégratif de l’IE (Mikolajczak 2008, 2009; Mikolajczak et al., 2009; 2014) offrant une approche plus appropriée de la conceptualisation et de la mesure de l’IE (Mikolajczak et al., 2009; Dosseville, Laborde et Allen, 2016).

Ainsi, les auteurs distinguent cinq compétences de base, qui semblent former le cœur autour duquel s’articulent toutes les autres compétences, à travers la définition suivante: «Les compétences émotionnelles font référence aux différences dans la manière dont les individus identifient, expriment, comprennent, utilisent et régulent leurs émotions et celles d’autrui» (Mikolajczak, 2009, p.7). Ces compétences émotionnelles se déclinent tant au niveau intrapersonnel qu’au niveau interpersonnel. La Figure ci-après représente le modèle intégratif des compétences émotionnelles.

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Figure 4-2: Le modèle intégratif des compétences émotionnelles

Adaptée de Kotsou (2016, p. 52)

Les concepteurs du modèle intégratif optent pour le terme de «compétences», initialement proposé par Carolyn Saarni (1990), et repris ensuite par (Goleman, 2002) qui à juste titre, fait une distinction entre intelligence et compétences émotionnelles, en précisant que ces dernières renvoient aux aptitudes personnelles et sociales, et constituent des indicateurs de la performance au travail: «Les compétences émotionnelles sont une capacité apprise fondée sur l’intelligence émotionnelle entrainant une performance remarquable au travail» (Goleman, 2002).

En effet, ce terme de «compétences», offre un double avantage: tout d’abord, il permet de dépasser les débats sur la nature historiquement opposée de l’intelligence et des émotions.

193 Ensuite, il met en évidence le caractère évolutif des compétences émotionnelles et de la possibilité de l’apprentissage et du développement de ces compétences à travers la formation, l’expérience et l’entrainement (Kotsou, Nellis et Mikolajczak, 2011).

Dans la même perspective Mikolajczak et ses collègues (2014) proposent d’envisager les «compétences émotionnelles» (CE) en trois niveaux différents: (1) le premier niveau étant