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L’approche catégorielle des émotions

d’étude Introduction

3.1 L’approche catégorielle des émotions

Les tenants de l’approche catégorielle, considèrent que les émotions appartiennent à des catégories différentes et peuvent être organisées au sein de ces catégories. Ainsi, les processus

émotionnels peuvent être expliqués par un ensemble d’émotions «basiques» ou

«fondamentales» (Ortony et Turner, 1990). Ces émotions seraient innées et universelles (Darwin, 1872) à toutes les cultures. En ce sens, les expressions faciales correspondant à ces «émotions fondamentales» constituent une sorte de «langage émotionnel commun» (Ekman, 1972; Mikolajczak et al. 2009) permettant la socialisation des individus. Ainsi, l’observation des expressions faciales comme les mouvements de la bouche par exemple, permet de détecter les émotions de joie et de peur; l’observation des yeux, permet de reconnaître la colère, la peur et la tristesse (Dario et al., 2013). Néanmoins, des facteurs tels que la personnalité, la nature de la relation sociale, l’intention et l’environnement compliquent l’interprétation.

Dans la continuité des travaux de Darwin, plusieurs théories incluant les conditions pour définir «les émotions de base» ont été développées (Izard, 1971, 1977; Plutchik, 1977, 1980, 1984; Tomkins, 1980; Ekman, 1982, 1984, 1992; Panksepp, 1989; Damasio, 1995). En effet, chaque auteur possède sa propre liste de dimensions affectives dont le but est d’exprimer de la manière la plus complète l’éventail des possibles émotionnels. Néanmoins, il convient de préciser que tous ces auteurs se rejoignent sur l’énumération de six émotions fondamentales: la tristesse, la joie, le dégoût, la peur et la colère et la surprise. En ce sens, Sroufe (1979), explique que ces émotions apparaîtraient très tôt dans le processus du développement humain et seraient donc communiquées à partir des «expressions faciales

160 universelles».

Le tableau ci-après synthétise les différents travaux sur les émotions «basiques» ou «fondamentales» selon chaque auteur:

Tableau 3-3: Les émotions primaires selon différents auteurs

Adapté, traduit et enrichi de Ortony et Turner (1990) Emotions fondamentales ou primaires

James (1884) Peur, Chagrin, Amour, Colère

Mcdougall

(1926) Colère, Dégoût, Exaltation, Peur, Sujétion, Tendresse, Emerveillement

Watson (1930) Peur, Amour, Colère,

Arnold (1960) Colère, aversion, courage, découragement, abattement, désir, désespoir, peur, haine, espoir, amour, tristesse.

Mowrer (1960) Douleur, plaisir

Izard (1971) Colère, mépris, dégoût, tristesse, peur, culpabilité, intérêt, joie, honte, surprise.

Plutchik (1980) Acceptation, colère, anticipation, dégoût, joie, peur, tristesse, surprise.

Gray (1982) Rage, terreur, anxiété, joie

Panskepp (1982) Attente, peur, colère, panique

Ekman

et al., (1982) Colère, Dégoût, Peur, Joie, Tristesse, Surprise

Tomkins (1984) Colère, intérêt, mépris, dégoût, détresse, peur, joie, honte, surprise

Weiner et

Graham (1984) Joie et tristesse

Frijda 1986 Désir, joie, intérêt, surprise, émerveillement, tristesse

Oatley et Johnson-laird

(1987) Colère, Dégoût, Anxiété, Joie, Tristesse

Panksepp (1989) Espoir, peur, rage, panique, colère, dégoût, tristesse, intérêt.

Maclean (1993) Désir, colère, peur, tristesse, joie, affection

161 Ainsi, il n’existe pas de consensus quant au nombre et à la nature des émotions fondamentales (James, 1884, p.57). Cependant, le nombre des émotions fondamentales semble varier de cinq à seize selon les auteurs, les différentes données empiriques et les critères qui sont utilisés dans leur définition.

Par ailleurs, les combinaisons des émotions primaires seraient à l’origine des émotions

complexes ou secondaires et des différentes nuances de l’expérience émotionnelle. En ce sens, Plutchik (1980, 1984), à travers son modèle, compare les émotions à une palette de couleurs sur la base des émotions fondamentales afin de créer un dictionnaire des émotions. En effet, pour Plutchik (1980 «on pourrait faire correspondre une science de l’émotionométrie à une science de la colorométrie », (de Bonis, 1996, p. 14). Par conséquent, Plutchik (1980) a répertorié, sous la forme d’un «modèle circomplexe multidimensionnel», vingt-quatre émotions, en huit catégories de trois niveaux d’intensité variable. Ainsi, dans cette «roue des émotions», les émotions s’organisent autour de deux dimensions principales:

- L’angle d’orientation par rapport au centre de la roue: détermine le type de

l’émotion identifiée, sachant que les différents types d’émotions sont classés par similarité tout autour du centre, par conséquent deux émotions antagonistes auront des positions opposées sur la roue;

- La distance par rapport au centre de la roueou la dimension verticale du cône (si

l’on considère le volume en haut à gauche sur la figure): permet de définir l’intensité des émotions. Ainsi, les émotions les plus fortes en termes d’intensitésont: l’extase, l’admiration, la terreur, l’étonnement, le chagrin, l’aversion, la rage et la vigilance. La figure ci-dessous représente le modèle de Plutchik (2001).

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Figure 3-3: Le modèle circomplexe multidimensionnel des émotions

Adaptée de Plutchik (2001, p. 349)

De ces huit émotions «primaires» ou «fondamentales» vont découler des émotions secondaires, qui correspondent à des prototypes de toutes les émotions et qui peuvent s’opposer par paires: joie/tristesse, acceptation/dégoût, peur/colère, surprise/anticipation. Les termes désignant les émotions à leur intensité maximale se retrouvent au sommet.

Dans le même sens, Plutchik (1980) a défini les règles d’association des émotions fondamentales règles fondées sur la méthode des dyades (de Bonis, 1996) pour constituer des émotions «complexes» ou «mixtes». Ainsi, les combinaisons des émotions primaires seraient à l’origine des émotions «complexes» et des différentes nuances de l’expérience émotionnelle. Par conséquent, la joie et la confiance donneraient un composé primaire qui est

163 l’amour par exemple,; le mépris découlerait de la combinaison de la colère et le dégoût. La figure ci-dessous représente les différentes combinaisons d’émotions primaires par dyades.

Figure 3-4: Les émotions primaires et complexes

Adaptée de Plutchik (1977, 1984)

Par ailleurs, même si l’approche catégorielle des émotions a été l’objet de remise en question à plusieurs reprises (Ortony et Turner, 1990; Russell, 1991; Panksepp, 1992), notamment par Russell (1991), qui souligne que l’étendue de l’élaboration et de la distinction des états émotionnels varie selon les cultures. Dans le même sens, De Bonis (1996) fait remarquer que le modèle de Plutchik (1980) fait état de limites empiriques. Malgré cela l’approche catégorielle semble garantir une certaine validité théorique et empirique (Niedenthal et al., 1999; Power et Dalgleish, 1997).