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L’approche intermédiaire : cible collective, stratégie individuelle

Chapitre 1 – Problématique et enjeux conceptuels

2.5 Choisir l’approche qui répond le mieux aux besoins et critères de l’organisation

2.5.2 L’approche intermédiaire : cible collective, stratégie individuelle

L’objectif poursuivi ici est de recruter des nouveaux donneurs en tenant compte de l’apport des nouvelles vagues migratoires, en maintenant les mêmes stratégies utilisées pour le recrutement de donneurs provenant de la population majoritaire. Les principes qui définissent le don de sang respectent toujours une philosophie universaliste standard : don individuel, geste citoyen, altruiste et anonyme. Le sang est bien considéré comme une substance biologique neutre, sans connotation symbolique spécifique.

Qui peut être ciblé par une telle approche ? Les immigrants qui correspondent aux critères suivants :

 Pays d’origine soumis à peu d’interdictions permanentes ou temporaires pour le don de sang au Canada

 Vagues d’immigration les plus importantes en volume

 Pays d’origine dont le système sanitaire et le système d’approvisionnement en sang sont les plus proches de ceux du Canada

 Catégories d’immigration privilégiées : immigration économique (travailleurs qualifiés) et regroupement familial plutôt que réfugiés

 Origine des immigrants : plus urbaine que rurale, classe sociale plus élevée

 Concentration résidentielle dans le pays d’accueil

Cette cible correspond aux objectifs de la diversification du recrutement. On sait déjà que, quel qu’en soit le pays d’origine, la moyenne d’âge des immigrants est plus jeune que la moyenne de la population du pays d’accueil (Bourdabat et Boulet, 2010). Compter sur l’immigration répond ainsi aux objectifs habituels de renouvellement générationnel des donneurs de sang. Les immigrants économiques ciblés par le Québec ont un niveau d’éducation très élevé et proviennent souvent des milieux urbains (Gouv. du Québec, MICC, 2010; Juteau 1999). Les plus jeunes, les plus éduqués et les personnes provenant des milieux urbains sont les moins sensibles aux tabous culturels concernant le transfert de sang entre étrangers et les aspects symboliques du sang (Erwin et coll., 2012; Murphy et coll., 2009; Ownby et coll., 1999).

Les travailleurs qualifiés et les arrivants dans le cadre du regroupement familial ont moins de difficultés d’intégration dans le pays d’accueil que ceux qui sont arrivés comme réfugiés (Bourdabat et Boulet, 2010); ils seront ainsi plus rapidement disponibles pour s’engager dans une pratique éventuelle de don de sang. Les travailleurs qualifiés maîtrisent mieux les langues officielles que les réfugiés ou les investisseurs (Gouv. du Québec, MICC, 2012). Ils correspondront plus facilement aux critères exigés pour donner du sang.

Un volume important d’immigrants en provenance d’un même pays et une concentration résidentielle dans le pays d’accueil sont des conditions nécessaires pour espérer recruter suffisamment de nouveaux donneurs issus d’un même groupe d’immigrants pour une même collecte. Il est important de cibler des immigrants qui ont été familiarisés avec un système d’approvisionnement et de collectes comparable à celui du Canada et qui ont développé un niveau de confiance suffisant dans le système sanitaire dans leur pays d’origine. Cela réduira le risque qu’ils soient influencés par des principes de don différents et qu’ils aient développé une méfiance à l’égard du système

sanitaire, souvent responsable des collectes dans d’autres pays. On peut penser ici que dans des pays où a été ou est encore présente la Croix-Rouge (ou le Croissant-Rouge), les personnes seront plus familières avec un modèle d’organisation de collectes qui se rapproche de celui du Canada. On peut prendre l’exemple de Hong Kong et Taiwan, qui ont imité le système britannique, en comparaison avec la Chine qui a développé un système très différent.

Comment peut-on suivre l’évolution des vagues migratoires ? Le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles publie chaque année des statistiques sur les principaux pays d’origine des arrivants au Québec qui permettent de suivre cette évolution sur plusieurs années, et ce, par catégorie d’immigration. Par exemple, entre 2007 et 2011 (Gouv. du Québec, MICC, 2012), les principaux pays d’origine des travailleurs qualifiés ont été : l’Algérie, le Maroc, la France, la Chine, le Liban, la Colombie, Haïti, la Moldavie, la Roumanie et le Cameroun. Pour la même période, les principaux pays d’origine des personnes arrivées dans le cadre du regroupement familial ont été : Haïti, le Maroc, l’Algérie, la Chine, la France, les États-Unis, le Liban, l’Inde, le Mexique et la Tunisie. Les réfugiés sont surtout arrivés de la Colombie, d’Haïti, du Mexique et du Congo. D’autres pays ont été à l’origine de l’arrivée de réfugiés au Canada (Iraq, Afghanistan, Bhoutan, Inde, Burundi et Pakistan), mais leurs effectifs sont très petits.

Quelle approche standard peut être utilisée pour recruter ces vagues de nouveaux immigrants ? Il s’agit d’organiser des collectes dans les quartiers où ils s’installent en plus grand nombre. Selon l’ENM 2011, les arrondissements suivants sont ceux qui ont accueilli le plus de nouveaux arrivants entre 2006 et 2011 :

 Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce

 Villeray-St-Michel-Parc-Extension

 Ahuntsic-Cartierville

Nous savons aussi que les immigrants provenant d’un même pays peuvent avoir tendance à se regrouper dans le même quartier de résidence ou dans quelques quartiers limitrophes. Pour la même période (2006-2011), une forte proportion d’immigrants d’un même pays s’est en effet retrouvée dans cette situation, dans les cas suivants :

 En provenance d’Algérie : Saint-Léonard, Ahuntsic-Cartierville, Rosemont-Petite- Patrie, Villeray-St-Michel-Parc-Extension

 En provenance du Maroc : Ahuntsic-Cartierville, Villeray St-Michel-Parc- Extension, Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, Saint-Laurent

 En provenance du Liban : St-Laurent, Ahuntsic-Cartierville, Ville-Marie, Montréal- Nord

 En provenance de Roumanie : Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, Ahuntsic- Cartierville, St-Laurent, Anjou

 En provenance de l’Inde : Villeray-St-Michel-Parc-Extension, Lasalle, Pierrefonds- Roxboro

Des collectes plus fréquentes pourraient donc être organisées dans ces arrondissements. Une diffusion plus large de la publicité annonçant les collectes existantes pourrait être réalisée. Il faudra réfléchir au développement de nouvelles collaborations qui ne cibleraient pas un groupe en particulier. Des associations à vocation multiethnique pourraient, par exemple, être sollicitées.

Selon les données qu’Héma-Québec a compilées sur les donneurs prélevés entre décembre 2010 et décembre 2011 qui ont déclaré leur origine ethnique, ces donneurs ont effectué leur premier don dans la région socio-sanitaire de Montréal dans une proportion de 44 % et de 16 % en Montérégie et 10 % à Laval. Des collectes ciblées pourraient donc aussi être organisées dans ces régions de la banlieue montréalaise. Il faut rappeler, une fois de plus, que l’interdiction pour cause de vMCJ empêche le recrutement des Français, très nombreux parmi les travailleurs qualifiés immigrants. Il faudra aussi étudier la possibilité de s’intéresser aux immigrants qui arrivent d’Europe

de l’Est (Roumanie, Moldavie) ou encore de l’Inde, et qui ne sont pas considérés au titre de groupe ethnique dans la présente étude.

Certaines régions du monde fournissent des contingents d’immigrants depuis suffisamment longtemps pour que ceux-ci aient eu le temps de développer, localement, des communautés ethniques importantes. Pour recruter de nouveaux donneurs sur la base de leur appartenance à un groupe ethnique, il faut progressivement quitter le terrain rassurant des approches les plus standards et s’engager dans le développement d’approches qui s’adressent à des groupes spécifiques, avec des messages plus personnalisés, des stratégies qui tiennent compte de particularités culturelles ou religieuses et qui conduisent à collaborer avec des associations qui peuvent même utiliser la cause du don de sang à leurs propres fins. C’est ce à quoi réfère l’approche collective.