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DES POPULATIONS ENTREPRENANTES : LE ROLE DE LA CAPACITE ADAPTATIVE ET DU CAPITAL SOCIAL

SECTION 3 : ENGAGEMENT COMMUNAUTAIRE VS ATTENUATION DES IMPACTS DE LA VARIABILITE /CHANGEMENT CLIMATIQUE

2. La Construction collective de nouveaux savoirs

2.2. L’apprentissage par « essais-erreurs »

Cette forme d’apprentissage a été théorisée par le pédagogue Célestin Freinet, à travers le concept de « tâtonnement expérimental » (1968). Dans la région de Dakar, toutes les associations sont passées par cette forme d’apprentissage, en raison du fait que rares sont ceux qui ont été formés pour gérer la question des inondations.

Au niveau des discussions, il y’a plusieurs phases, à savoir les hypothèses qui sont souvent testées les semaines qui suivent. Elles peuvent être validées ou rejetées à la lumière des discussions menées dans les semaines suivantes.

Dans la pratique également, plusieurs essais peuvent être faits avant de décider de maintenir une activité. Par exemple :

P 61: « concernant l’opportunité de faire de l’agriculture urbaine, plusieurs tentatives avaient été faites, mais elles n’avaient pas réussi du fait des moutons et chèvres qui mangeaient les plantes. Mais quand nous avons changé en introduisant d’autres types de plantes, le problème fut résolu ».

P 4: « Au début tous les remblais étaient faits à base de gravats venant des maisons détruites, mais on avait l’impression que cela aggravait le problème. C’est donc par la suite que nous avons compris que les gravats réduisaient la capacité d’infiltration de l’eau. Ensuite cela pesait fortement sur la nappe ».

Toutefois, dans la gestion des inondations, les populations ne sont pas les seules à apprendre par la logique d’essais-erreurs. C’est aussi le cas des Institutions publiques et des partenaires au développement. Pour le premier cas, concernant le Gouvernement, le PROGED a fait beaucoup d’erreurs au début de sa mise en œuvre. S’il avait associé les populations, il aurait pu l’éviter :

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P 47,62 :« Quand le gouvernement a voulu construire le bassin de Niety Mbar tout en canalisant les quartiers environnants, nous avons attiré l’attention des ingénieurs que les ouvrages bétonnés prévus sont petits comparés à la puissance des eaux. Ils n’ont pas voulu comprendre. Pendant l’hivernage qui a suivi, les ouvrages étaient eux-mêmes inondés ». Quant au projet de gestion des inondations « vivre avec l’eau » :

P 61 :« Ils ne font que des bêtises, ils sont venus donner de l’argent pour embarquer certains jeunes dans les quartiers voisins pour y étendre leurs activités. Quand ils ont proposé de mettre des dalles dans la zone, nous avons refusé. Dans les zones qu’ils ont dallées, les inondations ont empiré. Tout le sol est imperméabilisé pour une zone déjà très vulnérabilisée ».

P 62: « Moi, je suis fière de ma communauté, nous nous donnons la main pour partager d’expérience. Nous savons que la science est infuse, la vérité peut sortir de chaque bouche. Mais le plus important est de pouvoir se relever quand on tombe. L’erreur est normale, il faut juste avoir la lucidité de reprendre pour rectifier l’erreur ».

Ces extraits d’interviews montrent que l’apprentissage par l’expérience suivant la méthode d’essais-erreurs est bien connu par les populations. Il a surtout permi dans des zones comme Yeumbeul une rapide montée en compétence des populations souvent laissées à elle-même.

Dans l’ensemble les communautés objet de notre étude ont démontré un très fort engagement pour lutter contre les inondations. Malgré leur faible revenu, elles ont su prendre des mesures nécessaires pour se prémunir contre les inondations. Elles ont, à leur manière, contribué à réduire les vulnérabilités engendrées par le changement du climat associé au mauvais choix des politiques. Ces communautés sont peut-être capables d’aider à construire des digues, à améliorer le drainage et à enlever les déchets solides, mais elles ont besoin de plus de sens pour mieux comprendre le milieu naturel et s’approprier certains concepts.

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dans le discours de ces populations. Si pour le GIEC, l’adaptation est « la capacité d’ajustement d’un système face aux changements climatiques afin d’atténuer les effets potentiels, d’exploiter les opportunités et faire face aux conséquences », la motivation des populations n’est pas loin de ces vœux pieux. Pourtant, en essayant d’évaluer la capacité d’adaptation des communautés, à travers la figure 3, les résultats sont généralement négatifs. Les facteurs déterminants utilisés par le GIEC sont entre autres : les ressources économiques, la technologie, l’information et les compétences, les infrastructures, les institutions et l’équité. Or, ces derniers sont généralement jugés très faibles dans les communautés africaines, ce qui présage en soi une adaptation faible (Ribot, J. 2011).

En raison de cette approche limitative, il est généralement perçu que les communautés des pays en développement ont des capacités d’adaptation au changement climatique très faibles (Magnan, 2009). Toutefois, il faut reconnaître que l’approche habituellement admise de

l’adaptation au changement climatique « est schématiquement cantonnée à une

dimension strictement économique et technologique ». Cette vision qui tend à réduire l’évaluation de la vulnérabilité d’un territoire en fonction des données purement économique ou technique (Magnan et al, 2012) est très limitée. L’approche du GIEC met donc de côté des caractéristiques des territoires ainsi que les réalités culturelles, communautaires, sociales, sociétales, politiques et institutionnelles.

Ainsi, l’approche technico comptable, admise implicitement, de l’adaptation doit être doublée d’une connaissance fondamentale des systèmes sociaux et particulièrement les relations entre individus, groupes d’individus, entre les individus et le milieu naturel. Elle doit surtout intégrer les liens entre les facteurs sociaux, économiques, politiques et juridiques (Sanseverino-Godefrin 2011).

Les résultats de nos enquêtes montrent que les communautés étudiées sont indifférentes vis-à-vis des effets actuels et futurs des changements du climat, du moins elles en ont une autre lecture. Aussi bien dans le discours que dans le comportement, ces dernières manifestement une indifférence au changement climatique et aux conséquences qui peuvent en découler. Les causes de cette indifférence sont à rechercher dans plusieurs facteurs. Il y a surtout l’absence des programmes efficaces d’adaptation au changement climatique, d’administrations locales compétentes, prêtes à collaborer avec les communautés les plus

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menacées. Les approches top-down, en vigueur sont jugées autoritaires, inefficaces et inappropriées. Elles ont été expérimentées depuis plus d’un siècle et n’ont pas apporté de résultats tangibles.

Aujourd’hui, les communautés elles-mêmes pensent qu’elles ont assez d’expérience et de connaissances à faire valoir dans leur terroir et doivent être à la base de toute décision. Ce qui implique que ces approches doivent être bannies au profit du concept bottom-up, basé sur les contributions des individus, des ménages et des organisations communautaires, qui doivent impulser et coordonner leurs interventions avec les actions des politiques et des organismes relevant des échelons supérieurs de l’administration publique.

193 Photo N°35 Photo N°36 Photo N°38 Photo N°37 Photo N°40 Photo N°39 Planche N°5

Photo 35 : Désherbage des rebords du bassin de Yeumbeul, Photo 36 : séance de nettoyage ou set setal, Photo 37 : transformation des ordures en éco-briques petit modèle, photo 38 : transformation des ordures en éco-briques Grand modèle, Photo 39 : reconstruction du Mur de l’école avec les éco-briques, Photo 40 : Construction de bancs publics avec les écobriques.

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Photo N°41 : Aménagement des berges d’un bassin à Yeumbeul, Photo 42 : aménagement d’un espace public anciennement inondé, avec des bancs écobriques, Photo: Aménagement des berges d’un bassin à des fins agricoles, Photo 44 et 45 : plan de menthe sur les berges, Photo 46 : Tableau de classe repeint par les associations

Source : MEYS, MSDIOP, décembre 2013

Planche N°6 Photo N°42 Photo N°43 Photo N°44 Photo N°45 Photo N°46 Photo N°41

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Figure 20 : principaux déterminants de la capacité d’adaptation (d’après la référence 8)

Facteur déterminant

Explications Résultats Explications d’adaptation sur le terrain

Ressources économiques

1-Plus les ressources économiques sont riches, plus grande est la capacité d’adaptation.

2-Un manque de ressources financières limite les mesures d’adaptation.

- ;- - ; -

-Les populations sont généralement très pauvres ; -Les ressources financières insuffisantes, voire

inexistantes

Technologie

1-Le manque de technologies limite le choix des mesures d’adaptation.
 2-Les régions les moins avancées sur le plan technologique ont moins de chances d’établir et de mettre en œuvre des adaptations technologiques.

- ; - + ; -

La technologie est d’un niveau très faible, voire quasi inexistant

Informations et compétences

1-Un personnel informé, qualifié et bien formé réduit la capacité d’adaptation. 2-Meilleur est l’accès à l’information, plus grandes sont les chances de mettre en place des mesures d’adaptation

appropriées en temps opportun.

- ; + - ; -

Un manque de personnel qualifié

l’accès à l’information est limité

Infrastructures

1-Une infrastructure diversifiée peut accroître la capacité d’adaptation, car elle offre davantage de possibilités.

2-Les caractéristiques et le lieu des infrastructures influent également sur la capacité d’adaptation.

- ; + Infrastructures de mauvaise qualité.

Le réseau routier ainsi que le réseau d’évacuation des eaux usées sont dans un mauvais état

Institutions

1-Des institutions sociales bien

développées aident à réduire les impacts du changement climatique, d’où une meilleure capacité d’adaptation.

+ ; + Les populations sont très motivées à l’idée de lutter les inondations

Équité

1-Une distribution équitable des ressources accroît la capacité d’adaptation.

2-La disponibilité et l’accessibilité des ressources sont deux facteurs importants.

- ; - - ; -

Les ressources ne sont pas disponibles.

Le peu de ressource est distribué selon des considérations politiques politiciennes

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