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INONDATIONS SUR LES POPULATIONS ET LE MILIEU NATUREL

Carte 4 : Les Bas-fonds et zones inondables de Dakar

2. Une Géomorphologie particulière

Comme étudié précedemment, la morphologie de la région de Dakar est complexe et reste marquée par plusieurs formes de reliefs. Il y a les cordons dunaires qui culminent autour de 15 à 20 m, et entre lesquels se trouvent les couloirs interdunaires et les dépressions où affleure

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la nappe phréatique. L’ensemble de ces dépressions et couloirs constituent ce qui est communément appelé « Niayes ». Cette région naturelle occupe toute la Grande Côte sénégalaises (cf. carte 3).

Les dunes sont stériles et actives sur la côte (dunes vives blanches), mais se stabilisent progressivement à mesure qu'on se dirige vers l'intérieur (dunes rouges) avec l'apparition d'une couverture végétale très fragile. Trois types de dunes (figure 1) prédominent et alternent avec des dépressions longitudinales (Michel P. 1965):

ü les dunes blanches, également appelées dunes vives à cause de leur mobilité, sont précédées par des plages de sable coquillier constamment repris par le vent. Elles ne possèdent qu’une couverture végétale clairsemée essentiellement composée d’essences halophiles adaptées à l’atmosphère ;

ü les dunes jaunes, ou dunes semi-fixées s’étendent parallèlement à l’arrière-plan des dunes vives. Par endroit, elles sont interrompues par des lacs, dans la région de Dakar tels que les lacs Retba, Mbeubeuss et Malika, mais aussi par de nombreuses mares temporaires. Une partie de ces dunes a tendance à être ravivée par la déflation éolienne due aux alizés maritimes,

ü les dunes ogoliennes rouges ou dunes continentales forment un important erg depuis le sud-ouest de la Mauritanie jusqu’à l’ouest du Sénégal (Michel P. 1965).

Dans cette classification, il est important de préciser que les niayes sont généralement localisées dans les dépressions interdunaires. Ce qui permet de distinguer différents types de niayes parmi lesquelles on peut citer :

- les grandes « niayes » ou « khours » (figure 1) : elles s’articulent autour d’une série de lacs plus ou moins salés et des vestiges d’un ancien réseau hydrographique. Ces dépressions ont été progressivement coupées de la mer par l’avancée des dunes vives puis colmatées par des apports de ruissellement. On peut citer les Niayes de Mbaouane, Wouyoy, Warouwaye au niveau desquelles la partie inondée constamment humide permet de réaliser la culture de décrue durant la saison sèche.

- Les petites « niayes » ou « Ndiouki » (figure 1) constituent des dépressions entre les différents systèmes dunaires qui se juxtaposent. Les dépressions des Ndioukis sont moins profondes et moins étendues que les précédentes. A la différence avec les « khours » le

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fond est inondé pendant l'hivernage, alors que pendant la saison sèche, elles perdent de l’humidité, l’agriculture n’est possible que pendant une période.

Il faut aussi remarquer que l’évolution des Niayes dépend de beaucoup de facteurs, notamment des vents. En réalité, les vents qui y soufflent sont les principaux facteurs d’érosion des sols. Ils érodent l’humus du sol et ensevelissent les cuvettes maraîchères avec du sable marin impropre à la culture. En fonction de la vitesse et de l’intensité des vents, les dunes se déplacent, il arrive qu’elles ensablent certains lacs, dépressions littorales, voire même envahir les routes d’accès à la mer. La vitesse de ces vents est faible pendant la saison des pluies donc durant la période de juillet à septembre avec une vitesse moyenne de 3 m/seconde. Alors que pendant la saison sèche notamment de janvier à mai la vitesse des vents peut atteindre un maximum de 5 m/seconde. Le vent est le premier facteur de décapement et de l’érosion des sols (Ndao Mariétou, 2012).

Figure 1 : Coupe représentative d’une Niaye

Source : www.crdi.sn

L’érosion de la zone des Niayes a été particulièrement complexifiée par la succession des sécheresses qui ont favorisé la salinisation des sols avec la baisse de la nappe phréatique. Les vents forts ont, par effet d’entraînement, accéléré l’avancée des dunes de sable. Ce phénomène destructeur de l’écosystème des Niayes a été à la base de la mise en place de politiques de plantation des dunes amorcées vers les années 1940. Une plantation de bandes de filaos de plus grande envergure a été reconduite en 1990.

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P 52, 59 : « pendant la période qui précède la sécheresse des années 1970, les niayes étaient abondantes, beaucoup d’entre elles étaient poissonneuses, d’autres permettaient de réaliser des rendements très élevés en produits maraîchers (…). Après la sécheresse, beaucoup d’entre elles ont été ensevelies à cause de l’érosion. Les plantations de filao permettent de stabiliser les dunes, mais vous voyez, aujourd’hui, ces arbres sont en train d’être coupés ». Du point de vue géomorphologique, ces Niayes ont connu une évolution complexe dans la période du quaternaire. L’hydromorphie qui caractérise les sols remonte de la période très pluvieuse du quaternaire récent. Cette période humide est marquée par une stabilité climatique et une pédogenèse très poussée. Le quaternaire est connu par deux grandes évolutions majeures anciennes et récentes. La période ancienne correspond à un réajustement topographique des bassins hydrographiques du fleuve Sénégal et du fleuve Gambie. Le quaternaire ancien a également donné place à la formation de glacis suite à la poursuite des mouvements du tertiaire. La période récente est quant à elle marquée par deux bouleversements majeurs que sont : les variations du niveau de la mer et les changements du climat. De même, des formations superficielles et des dépôts varies ont été observés pendant cette période. (DIOP Y., DIANDY I., 1990 ; DIOP A., 2006)

C’est la raison pour laquelle plusieurs auteurs s’accordent sur le fait que le quaternaire a été le théâtre de phénomènes dont le rôle sur l’évolution géomorphologique des Niayes a été tout à fait déterminant. A la lumière de ce qui précède, il est important de retenir que les Niayes sont des unités géomorphologiques solidaires, modelées par une hydrographie et une topographique qui évoluent en fonction des dépressions et des massifs dunaires.

De nos jours, la plupart des lacs sont temporairement inondés et sont souvent asséchés pendant la saison sèche. Les dépressions sont le plus souvent exploitées par les maraîchers en raison de la faible profondeur de la nappe phréatique et à la remontée des eaux capillaires. Toutefois, l’augmentation progressive des teneurs en sel de la nappe et du sol s’avère comme une menace réelle pour l’avenir de l’horticulture dans la zone. Les risques de salinisation pèsent sur toutes les activités sociales. En définitive, la zone des niayes entretient un important équilibre social au sens où elle concentre d’importantes potentialités de pâturage pour le bétail, pour les domaines du maraîchage, de la pêche et de la riziculture. Au plan économique, les niayes permettent de couvrir la majeure partie des besoins horticoles du Sénégal. Elles représentent les terres les plus utilisées pour l’agriculture irriguée en raison de

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la nappe phréatique peu profonde et accessible avec des ouvrages relativement simples comme les puits ou les « céanes6 ». (Ndao M., 2012).

2.1. La grande niaye de Pikine

Il existe de nombreuses niayes dans la région de Dakar, M. NDAO 2012 en a dénombré près de 389. Selon les différentes études réalisées sur la question, celle de Pikine est la plus importante et est localisée au centre de l’agglomération urbaine (cf. photo 1 et 2). Les sols de cette niaye sont à l’image des celles décrites à travers la figure 1 . Les sols sont hydromorphes et voués aux cultures maraîchères. Cette Niaye qui est limitée au sud par le quartier de la Patte d’oie, au nord par Guédiawaye, à l’est par le Département de Pikine et à l’ouest par la commune de Cambérène, est la plus grande de la région de Dakar. Elle constitue la jonction entre le chapelet de lacs du littoral et la niaye des Maristes. Elle a une forme évasée qui permet une présence permanente de l’eau, toute l’année. La niaye de Pikine est surtout marquée par une présence d’une végétation luxuriante, que l’on retrouve généralement dans la partie sub-guinéenne du Sénégal (Basse-Casamance) avec le palmier à huile « Elaeis guineenis », le cocotier « Coconuis nicifera », des espèces graminèennes telles que le mbarax « Fragmites vulgaris », un tapis herbacé de nénuphars « Phyloxerux vernicularis nguphea lotus ». En outre, le reste du paysage est de type azonal identique celui du sud du pays en raison des conditions écologiques. Cette Niaye dispose de sols minéraux hydromorphes qu’on retrouve dans la partie inondée, alors que sur les parties exondées, le sol est de type Dior. Il est caractérisé par une texture très poreuse et une végétation de type sahélien, pas exigeante en eau (Michel P. 1965).

6 Les céanes sont des puits peu profonds qui permettent de recueillir l’eau de la nappe affleurantes à des fins agricoles.

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Carte 5: Localisation de quelques Niayes de la région de Dakar

En ce qui concerne la topographie, elle est marquée par une certaine complexité avec trois niveaux. Il y a d’abord les zones de basses altitudes ou la végétation y est aquaphile. Il y a ensuite une zone intermédiaire moins basse, mais caractérisée par la fluctuation des immersions d’eaux et dédiée à l’horticulture. En dernier, il y a les sables dunaires élevés ou la végétation est steppique. Du point de vue de la géomorphologie, la grande Niaye de Pikine est surplombée par les cordons dunaires de Cambérène et de Pikine qui abritent une forte densité de la population (Michel P. 1965).

Du point de vue économique, la niaye de Pikine joue un rôle de premier ordre dans l’approvisionnement de Dakar. Une grande partie des légumes, des plantes ornementales, des fruits et des produits de l’aviculture consommée dans l’agglomération dakaroise proviennent de la zone. En effet, la topographie, l’insularité, la nappe peu profonde, les influences climatiques, la structure géomorphologique et la biodiversité en ont fait une zone très spéciale. Ces caractéristiques ont ainsi rendu cet écosystème très attrayant. Elle est ainsi

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devenue fortement convoitée par les habitations, les activités humaines et le multi-usage de l’espace, occasionnant sa vulnérabilité. La multiplication de facteurs naturels et anthropiques souvent antinomiques semble présager une disparition lente, mais progressive des Niayes. La grande niaye de Pikine est ainsi menacée par l’urbanisation galopante. Plusieurs projets et programmes ont déjà empiété dans la zone. Il y a notamment les programmes d’habitation tels que la cité Fayçal, la construction de la Technopole et des infrastructures à l’image de l’autoroute à péage, des routes secondaires, de la station d’épuration d’eau de Cambérene, du golf de Guédiawaye, entre autres. Dans la zone de Dagoudane à Pikine, les dunes ont été plus ou moins aplanies, du fait de la déflation éolienne. Aujourd’hui, elles sont complètement démantelées, loties et servent d’habitation. L’extension considérable de l’agglomération de Pikine explique l’importance du ravivement des dunes semi-fixées de Cambérène.

D’ailleurs, d’après M. M. DIENG, habitant Yeumbeul :

P 37: « Il y a de cela quelques décennies, personne n’osait habiter dans ces Niayes. De nos jours, elles ont été totalement démantelées à des fins d’habitations. Aujourd’hui l’équilibre de la région est complètement menacé parce que la Grande Niaye de Pikine était le bassin principal qui recevait une grande partie des eaux pluviales ».

Dans les Départements de Pikine et de Guédiawaye, les dépressions inter dunaire jouaient le rôle de réceptacles des eaux pluviales et servaient de couloirs de transmission vers les grandes Niayes. La circulation de l’eau était fluide. Aujourd’hui, une grande partie des niayes ont disparu à cause l’urbanisation, obstruant toutes les voies d’eaux naturelles. L’écosystème des Niayes passe ainsi d’une zone naturelle à un milieu très anthropisé. Le lac de Mbeubeuss ancienne niaye en est une illustration parfaite, il est aujourd’hui la première décharge d’ordures du Sénégal.

2.2. Le lac de Mbeubeuss

Le lac de Mbeubeuss est situé à 25 km au nord de Dakar, dans le même écosystème que les Niayes de Keur Massar et Malika. La sécheresse des années 1970 a entraîné le tarissement du lit du lac. Ainsi, avec la fermeture de la décharge de Hann en 1968, il avait été pris la décision, à travers le Plan Ecochard de 1967, d’ériger à Mbeubeuss une décharge publique qui

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ne devait recevoir que les déchets domestiques. Le choix de cette zone, mal calculé, pourrait être imputé, à l’époque, à l’urgence de trouver un substitut à la décharge de Hann, saturée en raison de sa petitesse, à la faiblesse des contraintes environnementales et à l’absence d’exigences écologiques rigoureuses.

L'étude de la physico-chimique de la nappe a révélé une forte pollution avec des concentrations élevées en nitrates sur certains points de prélèvement, dépassant les valeurs de concentrations maximales admissibles définies pour l'eau de boisson par les organismes nationaux et internationaux (SONES, SDE et O.M.S.). La pollution de la nappe de Thiaroye en nitrates a eu comme conséquence l’arrêt du pompage de la Nappe (Diawara A.B., 2009, SECK M, 1997)