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SECTION I : ETAT DE L’ART

II.II. 3. L’apprenti

3.1. L’apprenti, a-t-il des règles à utiliser ?

L’apprenti doit établir sa propre connaissance. Pour se faire il se sert des techniques et procédés mis en places par le formateur (voir ci-dessus), mas également, il procède à des autocorrections. Nous citons Bange à ce propos :

BANGE, P., 2002, - Qu’est-ce qu’ « utiliser une règle » ? On dira que c’est mettre en œuvre un savoir procédural. Et pour mettre en œuvre une règle, il faut pouvoir décider ce qui est en accord avec la règle et ce qui n’est pas en accord avec elle : il y a donc bien une composante épilinguistique dans tout comportement langagier.

L’activité épilinguistique est une activité de contrôle d’une opération verbale en cours, une activité qui permet notamment au locuteur de procéder à des autocorrections. (p.

25-26)

Parfois Gérard prend le rôle d’un « observateur externe » face à Arnaud. Dans l’enseignement et l’apprentissage d’une Langue Etrangère, Pierre Bange souligne :

BANGE, P., 2002, - L’observateur externe autoritaire croit qu’il transmet des informations nécessaires sur des phénomènes particuliers pour le comportement convenable du sujet-apprenti, mais il ignore que la seule chose qu’il peut faire en réalité, c’est de fournir des éléments d’orientation pour le sujet-apprenti à l’intérieur de son domaine cognitif. La connaissance est dans la dépendance du sujet. Tout apprentissage est donc nécessairement autonome. (p. 36)

3.2. La « faute » peut rendre concerné l’apprenti

Dans notre séance de formation, l’apprenti est comme tout apprenti à sa place, c’est-à-dire il peut aussi faire des « fautes » dues à son inattention.

Nous rejoignons alors la citation de Bouchard ci-dessous où ce qui nous intéresse le plus c’est le moment de la réaction de « l’élève ». Selon Bouchard, l’élève ne réagit que lorsque sa faute est corrigée par l’enseignant.

C’est pareil avec notre apprenti : s’il se rend compte de sa faute inattentionnelle, il s’auto-corrige sinon, le formateur intervient. Soit le formateur aide l’apprenti à s’auto-s’auto-corriger soit c’est lui qui le corrige. Dans les deux cas, le fait que le formateur identifie la faute de l’apprenti fait que ce dernier se sente concerné et reprenne l’interaction. Et c’est cela qui nous intéresse.

BOUCHARD, R., 2004, - Les élèves ignorent les erreurs qui vont être corrigées et même l'élève interrogé n'en a qu'une intuition partielle, sinon il les aurait évitées. 70

Par contre l'enseignant en tant qu'organisateur de l'évènement de parole se doit d'avoir préparé son cours et d'avoir prévu l'enchaînement fin des épisodes, phases, moments qui le constituent. Mais pendant l’épisode de correction, […], il « dépend» pour une large part du comportement – involontaire- de l’élève dont le travail est corrigé. Normalement ce sont seulement les erreurs effectivement accomplies par celui-ci qui pourront être l’objet d’une réaction de sa part. » BOUCHARD, R. (2004 : 50)

3.3. Le rôle des gestes dans le discours de l’apprenti

Nous commençons cette partie du deuxième chapitre par une citation de Gullberg. Ses recherches portent sur les apprenants en L2 mais elles sont aussi intéressantes pour étudier le comportement de notre apprenti en formation. Nous abordons ce sujet ici car notre apprenti fait beaucoup plus de gestes que le formateur. Nous nous posons donc les questions suivantes : L’apprenti fait-il beaucoup de gestes parce que ce qu’il veut dire dépasse son expression vocale ? Les gestes de l’apprenti concernent-t-ils tous sa relation avec le formateur ou il y a aussi des gestes qui ne concernent que la relation avec soi-même ?

3.3-1- Eclairer une ambigüité ou exprimer ce qui n’a pas pu être dit différemment

Ce qui retient notre attention dans le passage cité ci-dessous, c’est la place des gestes que Gullberg donne dans l’expression d’un apprenant en L2, notamment le rôle des gestes dans l’éclairage de l’ambigüité du discours ou dans la réaction de ceux à qui le discours est adressé.

Ainsi selon Gullberg, même si la parole des apprenants peut être ambigüe, leurs gestes ne le sont pas. De plus, grâce aux gestes, les apprenants peuvent identifier et même enlever l’ambigüité du discours, chose qu’ils ne peuvent pas faire avec la parole seule. Enfin, ceux à qui le discours est adressé montrent qu’ils arrivent à tirer l’information présente uniquement dans les gestes et à l’intégrer ensuite dans leur réaction à travers la représentation du sens des gestes :

GULLBERG, M. (2006, - Although learners’ speech is ambiguous, their gestures are not. The association between a unique referent and a locus in space is clear and unequivocal. Spatial anchoring and the repeated indication of a locus allow visual and explicit coreference to be established even in the absence of clear-cut distinctions in speech (cf. Levy & Fowler, 2000). The physical and spatial properties of gestures make them ideally suited for disambiguation. Learners could exploit them

70 Cependant l'opposition opérée entre faute et erreur en didactique des langues : On y distingue les «fautes»

dues à l'inattention et corrigeables par leur auteur et les « erreurs» dues au stade de l'apprentissage atteint et correspondant aux « règles» que s'est donné l'apprenti et en conséquence non corrigeables par celui-ci puisque

«régulières ». Ici on verra qu'il s'agit plus de «fautes ». Cité par Bouchard (2004 : 50)

to identify or disambiguate in gesture what they cannot distinguish in speech: that which is new from that which is maintained. It therefore seems plausible that learners use gestures as an interactional communication strategy to overcome problems with overexplicit and, consequently, noncohesive speech. … it seems plausible that gestures should also be exploited to disambiguate discourse. … Addressees have been shown to pick up information only present in gestures and integrate it into their meaning representations” GULLBERG, M. (2006: 162-163)

Nous nous intéressons aux gestes, ici, en forme de relance par rapport à ce que nous avons dit dans le premier chapitre, car notre apprenti rejoint les apprenants de Gullberg, en L2, sur la question des gestes justement.

Selon Gullberg, le geste vient également à l’aide des apprenants pour leur permettre de surpasser et maîtriser les difficultés de grammaire qu’ils peuvent avoir. Dans notre cas, l’apprenti ne présente pas de difficultés de grammaire. En revanche, il fait souvent appel à son expression gestuelle lorsqu’il est à la recherche de « quelque chose ».

GULLBERG, M., 1999, - Learners use gestural Communication Strategies not only to elicit lexical help, but also to overcome grammatical difficulties. (p. 61)

Gullberg précise que ses données montrent que le pointage ne co-occurre pas avec des problèmes lexicaux mais avec des difficultés de grammaire. Nous émettons alors l’hypothèse qu’une partie des gestes de notre apprenti concernent son travail de reformulation dans le sens où il cherche le bon ordre de mots pour exprimer ses pensées. Nous ajoutons aussi que le pointage, dans ce cas désigne un deixis am phantasma :

GULLBERG, M., 1999, - Our data show that pointing gestures do not co-occur with lexical problems. Instead, these gestures occur during hesitant narrative sequences where hesitations are due not to lexical, but rather to grammatical difficulties.

Moreover, a striking property of these gestures is that they do not indicate objects present in the context, but instead seem to point to empty space. (p. 64)

3.3-2- Les gestes anaphoriques à l’aide de l’apprenti

Lorsque nous parlons de l’apprenti et de ses gestes, nous essayons de savoir aussi si ses gestes concernent l’interaction ou lui-même. – Gullberg nous présente le cas de l’apprenant en L2 avec qui nous trouvons des ressemblances par rapport à l’apprenti en formation. Ainsi, selon Gullberg, l’apprenant en L2 fait aussi des gestes qui ne concernent pas directement l’interaction mais qui concernent lui-même. Ce sont les gestes anaphoriques71 qui font partie des gestes cohésifs et qui reflètent le procès relié à la production de la parole :

GULLBERG, M., 2006, - Anaphoric gestures remained present even when not visible to the addressee. This finding suggests that learners do not mainly produce these gestures

71 Nous abordons également la question des gestes anaphoriques dans le travail que nous avons effectué pour le

for the benefit of the addressee and that their existence is, therefore, not interactionally or strategically motivated. […] The question still remains of why the over explicit cohesive gestures remain when they cannot be seen. … Another possibility is that the presence of cohesive gestures reflects processes related to speech production, planning, and cognitive load. As such, anaphoric gestures might in fact be part of learners’ means to help themselves. (pp. 184-185)