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SECTION I : ETAT DE L’ART

II.I. 1.2. Les gestes déictiques, anaphoriques et cataphoriques

1.2.4. Le(s) geste(s) déictique(s) et les composants concernés de l’énonciation

• Le geste déictique anticipe souvent le composant concerné de l’énonciation Schegloff (2003),

• Le geste déictique tel que le ‘beat’ est un geste simultané de la parole qui lui est liée

• La phase préparatoire généralement anticipe à intervalle bref des segments liés, Kendon (1980),

• Le geste représente une forme primitive de l’énonciation McNeill (1992)

Le dernier argument mène à la théorie du ‘Growth Point’ où le segment linguistique et le geste s’articulent pour devenir une énonciation complète. Cette théorie suppose qu’il y a une intégration de deux phénomènes différents au cours de la production d’une énonciation, entre le langage qui a un sens général défini socialement et l’image particulière et concrète qu’en a le locuteur, en s’influençant réciproquement après être nés au point de croissance. Ce point n’est pas la naissance d’une combinaison de deux phénomènes, c’est celle d’une unité de représentation psychologique qui ne peut plus être séparée.

Un geste commence à la « position de repos » (‘Rest position’ ou ‘Home position’), c’est-à-dire une position neutre. Ensuite vient la «préparation» du geste (‘cocked position’) que Schegloff définit comme ‘a mouvement not being seen as a gesture but as a preparation for one’, puis la finalisation ou apogée selon Kendon (1996) (‘‘Peak’ structure (Kendon) ou

‘Stroke’ (Shegloff)) qui constitue l’élément central de la phrase gestuelle, immédiatement suivi du « close » pour revenir à la position initiale. Enfin, retour à la « position de repos ».

Geste déictique et référent

Les gestes déictiques et les mots déictiques (là, ici, ça, ceci, cela...) sont des outils utilisés par les participants pour communiquer les éléments qu’ils trouvent saillants dans la situation.

Les déictiques pointent en direction d’un référent

• Gestes déictiques concrets

• Gestes déictiques abstraits

Deux variétés de gestes de pointage (Cosnier J, 2001)

• Gestes de la deixis indexicale : ce sont les gestes de pointage qui désignent l’objet (ou sa direction réelle), synchronisation possible avec regards conjoints de l’interlocuteur dans la même direction, ainsi que d’un ajustement des postures. Souvent la deixis indexicale est précédée de déplacements corporels.

• Gestes de la deixis narrative : ce sont des gestes de pointage ou des gestes spatiaux descriptifs (spatio-graphiques) qui illustrent l’objet du discours dans un univers virtuel (détaché des coordonnées réelles), ces gestes sont accompagnés de regards mutuels ou convergents sur les mains de l’interlocuteur. Il peut s’agir d’indication de lieux, des descriptions de repères (monument, commerces…), d’accident topographiques (montée, escaliers…), ou d’indication d’action à accomplir.

Deixis in praesentia / in absentia / am phantasma

• Deixis in praesentia = montrer un objet dans la réalité extérieure du dialogue

• Deixis in absentia (ou mémorielle) = désigner un objet non présent dans la situation (parfois accessible dans la mémoire partagée)

• Deixis am phantasma = renvoyer à un objet créé par la parole, présent dans l’imagination de celui qui parle

Localisation d’un objet ou d’un événement dans l’espace du dialogue

• Soit dans l’espace partagé entre les interlocuteurs

• Soit dans un espace extérieur (à droite, à gauche)

Opération de repérage de la source énonciative et du support des constructions référentielles

Les déictiques pointent en direction du corps comme référence identitaire du Moi (je)

Par ses qualités égocentriques et projectives, le corps sert donc à situer les objets présents ou absents et à mettre en scène leur représentation.

L'implication corporelle et la place du corps dans l'activité représentative est très manifeste avec les déictiques d'auto-désignation du corps dits pour cela auto-référentiels (Vaysse, 1992).

Lorsque le parleur nomme verbalement une partie de son corps, il la désigne simultanément par un déictique.

De ces observations découle la loi de désignation de l'objet présent ou du représentant de l'objet absent (Cosnier et Vaysse 1992): le corps du parleur sert d'ancrage référentiel pour représenter l’objet présent et même absent. Ce mécanisme renvoie au plan psychologique à un processus identificatoire : la partie du corps désignée est identifiée au référent du discours.

Une autre illustration de cette place centrale donnée au corps de l'énonciateur est l'organisation des déictiques spatio-temporels où l'espace et le temps sont d'abord transférés dans un univers corpo-centrique -celui du parleur- pour être exprimés par rapport à ce corps.

Geste déictique et repères temporels

Deux cas d’utilisation de geste déictique pour symboliser différents repères temporels (Geste déictique abstraits)50

1) L’axe chronologique est situé devant le locuteur : un déictique à gauche symbolise le passé, un devant le locuteur représente le présent et un à droite le futur

2) Le passé se trouve symboliquement dans le dos du locuteur et le futur devant lui Ne pas négliger le fait que ces déictiques abstraits, qui représentent l’ordre chronologique sur un axe linéaire sont liés à une représentation du temps très culturelle (Calbris et Porcher, 1989).

Enjeux psycho-dynamiques : La construction maturative de l’empathie51

« Au plan psycho-dynamique, les processus empathiques et identificatoires supposent une modulation développementale active, corporelle plutôt que cérébrale, avant d'être psychique.

Ils sont basés sur des représentations motrices, à l'origine de repositionnements échoïsants

50Dire avec des gestes.

TELLIER (M.) (2008) In Chnane-Davin, F. & Cuq, J.P. (Eds) Du discours de l’enseignant aux pratiques de l’apprenant en classe de français langue étrangère, seconde et maternelle. Le Français dans le monde, recherche et application, 44.

51 http://gesture-lyon2005.ens-lsh.fr/article.php3?id_article=256

infra- ou sub-liminaires à la conscience, mais ils découlent des dialogues corporels mère/sujet-enfant, primordiaux dans les débuts de la vie. En effet, à la phase initiale de communion affective gestuelle et vocale (empathie d'affect) succède celle des imitations mimoposturo-gestuelles (empathie d'action) qui vont se charger d'une valeur communicative, comme par exemple les gestes déictiques qui, désignant un objet commun au sujet et à l'enfant, développe chez ce dernier une forme de représentation mentale et inaugure un partage possible (empathie de pensée) (Nadel et Decety, 2002).

Les acquis empathiques successifs se recouvrent sans s'annuler et fondent l'empathie des adultes et leur aptitude à échoïser avec autrui. Il ne s'agit pas d'un phénomène qui entraîne la confusion soi - autrui, l'autre n'apparaissant pas comme un double mais comme un semblable.

Dans une interaction, 2 univers psycho-corporels - depuis les sensations, les émotions, les images mentales jusqu'à leurs communications en particulier non verbales – vont pouvoir entrer en résonance et dans une large concordance d'ordre ontologique puisqu'ils découlent d'un système maturatif similaire ».

L’Ecouteur (un autre axe de recherches et de réflexions)

« Il est aussi souvent souligné que, lors de difficultés dans la formulation, le regard du parleur quitte celui de l’écouteur, et que les manifestations gestuelles s’accroissent notablement (gestes des mains accompagnant la recherche ou signifiant l’impuissance à dire).

Mais ce qui l’est peut-être moins, c’est de chercher à rendre compte des cas où justement les indices ne correspondent pas à ceux que l’on attend (le regard reste fixé sur l’écouteur, il n’y a pas de mouvement des mains).

Dans quelle mesure les anticipations faites par le parleur sur les réactions possibles de l’écouteur (co-énonciation), ou sur une éventuelle prise de parole de sa part (co-locution), se trouvent-elles en quelque sorte données à « entendre » et à « voir »? Comment évaluer l’impact des manifestations sonores et/ou gestuelles de l’écouteur dans la production en cours du parleur ? » (Mary-Annick MOREL52 )

L’écouteur, comprend-il toujours ce que le parleur veut dire avec ses gestes ? Pour des besoins d’illustration, M.-A. Morel distingue deux cas de figure :

• « Cas 1 (production) : une personne montre du doigt un objet apparaissant sur son écran, mais qui se trouve en réalité dans l’environnement de son interlocuteur. Ce dernier ne parvient pas à raccorder le geste qu’il découvre sur son écran avec l’objet correspondant qui se trouve pourtant à côté de lui.

Cette catégorie de problèmes gêne considérablement la production même des actions à destination d’autrui : les personnes ne parviennent pas à se référer par un geste ou par une description verbale à un objet qu’elles voient pourtant sur leur écran, mais que leur interlocuteur ne réussit pas à reconnaître dans son environnement.

• Cas 2 (reconnaissance) : un membre voit un geste de pointage apparaître sur son moniteur, mais ce geste désigne quelque chose dans l’environnement de son interlocuteur auquel il n’a pas accès. Il ne parvient donc pas à lier le geste qu’il

observe à un point de référence pertinent et ne peut comprendre ce que regarde et fait son interlocuteur. »

Quelles sont les réactions de l’écouteur qui vont influencer la suite discursive du parleur ?

La place du geste déictique dans la co-locution et la co-énonciation

Le droit à la parole est déterminé socialement, ainsi que le droit de la conserver ; dans les cas de situation égalitaire, le “gagnant du tour” s’affirmera le plus souvent en utilisant des procédés non verbaux. Ceux-ci ont été très bien décrits par Duncan et Fiske (1977).

Le parleur propose le changement en émettant un ensemble d’indices : verbaux (complétude grammaticale, syntagmes conclusifs...), vocaux (intonation descendante, syllabe prolongée) et gestuels (regard vers le partenaire, absence de geste illustratif, éventuellement geste déictique vers l’allocataire désigné).

L’écouteur de son côté peut envoyer des indices de candidature à la parole: détournement du regard, mouvements de tête, raclement de gorge et inspirations préparatoires à la parole, geste de la main à la fois “battement” et déictique, changement de posture etc ...

En fait, ce système de passage des tours est étroitement lié au système de maintenance des tours.

Quels sont les échanges gestuels qui permettent à chaque locuteur de gérer au mieux sa participation : pouvoir expliciter sa pensée, la faire comprendre et au-delà être approuvé, partager un point de vue, faire réaliser une action, persuader etc. ?

Le parleur s’efforce d’être informé sur quatre points, les “4 questions du parleur” : - Est-ce qu’on m’entend ?- Est-ce qu’on m’écoute ?- Est-ce qu’on me comprend ? - Qu’est-ce qu’on en pense ?

Le regard joue un rôle essentiel dans ce système régulateur. Le parleur a besoin du regard de l’écouteur, et met en œuvre des techniques subtiles pour le provoquer, le regard est utilisé aussi pour marquer l’engagement et le désengagement et ainsi permettre la suspension ou la reprise de la conversation, il l’est aussi pour la désignation de l’allocutaire quand l’interaction se fait à plus de deux personnes. Goodwin (1981)

Gestes anaphoriques ou cataphoriques 53

Les gestes anaphoriques ou cataphoriques sont respectivement un renvoi «en arrière» à une monstration antérieur, ou un renvoi « en avant » à une monstration à venir, de l’expression gestuelle des pensées. Ces gestes sont effectués pour pointer à nouveau à l’endroit où le

53 Les gestes anaphoriques et cataphoriques seront présentés plus largement ultérieurement

parleur a déjà pointé (ou va pointer) en faisant référence à un objet réel ou virtuel déjà (ou qui sera) mentionné gestuellement.

Selon COLLETTA54 le geste anaphorique désigne par pointage indirect des référents concrets, mais il peut également être utilisé pour désigner des référents abstraits.

On peut reprendre l’exemple de geste anaphorique analysé par M.-A. Morel :

« pour designer « Barcelone », l’endroit de ses vacances, la parleuse regarde à sa gauche et fait un geste de monstration avec sa main vers l’espace situé dans sa gauche. Ce geste est déictique.

Lors de la suite de son discours et de l’expression gestuelle de ses pensées, elle regarde à gauche et/ou refait le même geste de main, à chaque fois qu’elle se réfère à « Barcelone ». Ce geste serait donc anaphorique. »