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SECTION I : ETAT DE L’ART

II.II. 2. Le Formateur

2.4. Les commentaires cognitifs, une ressemblance des relations formateur-apprenti et

Nous avons rencontré les «commentaires cognitifs » dans l’article de Bigot (2002). Selon elle, ils sont définis par la mise en discours des activités cognitives de l'apprenti

BIGOT, V., 2002, - Il nous est en effet apparu que l'enseignant, dans le cadre de la tutelle pour communiquer et pour apprendre qu'il offre aux apprentis, prend très fréquemment comme objet de discours les activités cognitives des apprentis ou le résultat de ces activités, dans des énoncés que nous avons provisoirement nommés « commentaires cognitifs. (p. 68)

Dans la formation, c’est dans le cas de la formation action que nous trouvons les

«commentaires cognitifs ». Comme nous l’avons cité ci-dessus « La formation-action prend

appui sur les situations de travail réellement rencontrées par les apprenants. Cette situation de travail sert de terrain d'observation, d'analyse et d'action pour l'apprenant ».

Dans l’enseignement en classe, ainsi que dans la formation il existe une certaine tutelle exercée par l’enseignant ou le formateur. Cette tutelle est adressée à l’apprenti dans les deux cas :

BIGOT, V., 2002, - La tutelle pour communiquer et pour apprendre que l'enseignant exerce peut être comparée aux comportements tutélaires qu'adopte tout locuteur expert engagé dans une interaction exolingue, mais elle présente également un certain nombre de spécificités qui manifestent le statut de locuteur « didactiquement expert » de l'enseignant. La tutelle pour communiquer s'exerce également au moment où les risques de malentendus surgissent. (pp. 68-69)

En formation, selon Noyé et Piveteau, le formateur doit exercer une certaine pression pour que le travail soit fait :

NOYE, D. & PIVETEAU, J., 2009, - Le formateur adopte ici une position de compromis ; pour lui, […] il faut être attentif aux besoins des personnes, faciliter l’expression et l’autonomie des stagiaires, mais aussi il faut exercer une certaine pression pour que le travail soit fait. (p. 206)

Dans le discours de Gérard nous trouvons les deux cas cités ci-dessus. Plus en détail nous trouvons ce qui suit :

BIGOT, V., 2002, - un certain nombre de comportements langagiers caractéristiques du discours enseignant […] En effet, la gestion de la circulation de la parole, la structuration de l'interaction (ouverture et clôture des séquences, gestion des thèmes), les injonctions de dire (parlez, parlez mieux, parlez encore ... ) […] peuvent apparaître comme des comportements tutélaires, facilitant l'intercompréhension et/ou organisant la communication, que l'enseignant assume au nom de son statut institutionnel. […] (pp. 70-71)

Dans les deux cas des relations enseignant-élève et formateur-apprenti, l’enseignant et/ou le formateur apparaissent donc comme les garants de la mise en œuvre des moyens nécessaires au développement de la compétence de communication des apprentis, et comme les gérants de ce développement. Ils indiquent ce qui est su ou devrait être su, ce qui est en cours d'acquisition, ce qui sera appris, ce qui doit être appris, ce qui est facile ou difficile, important ou non.

Etant donné que nous ne reprendrons pas cet aspect de la structure du dialogue dans la section II, nous pensons utile d’introduire ici un parallèle entre le comportement de l’enseignant en situation pédagogique avec celui du formateur en situation de dialogue avec un apprenti.

2.4-1- Un parallèle entre le comportement de l’enseignant en situation pédagogique avec celui du formateur en situation de dialogue avec un apprenti.

Nous présenterons ici, des cas concrets qui concernent le comportement de notre formateur, Gérard, en situation de dialogue avec l’apprenti, Arnaud (exemples extraits du corpus d’étude) et le comportement de l’enseignant en situation pédagogique (exemples cités par Bigot).

2.4-1-1- Clôtures et ouverture de séquence et de séance

Gérard valide la compréhension / l’accord de ce qu’il explique à Arnaud et ensuite il évalue pour passer au sujet / scénario suivant

BIGOT, V. (2002, - Nous avons indiqué que la tutelle pour communiquer qu'offre l'enseignant passe entre autres par un « balisage» explicite de l'interaction qui lui permet de gérer unilatéralement sa structuration et de prendre en charge « les ouvertures et les clôtures » […] l’évaluation est non seulement l'acte « qui permet à l'élève de savoir si sa réponse était adéquate » mais aussi celui qui « crée la base pour continuer» (Ici Bigot cite Bange 1992b : 71) :

(2)

P : ( ... ) alors c'est clair pour tout le monde association société? bien alors maintenant on va voir ce qui nous intéresse dans ce cours ce sont les + les XXX et les buts lucratifs hein d'accord ?

Corpus Se3

[…] Les marqueurs d'ouverture et de clôture peuvent s'appuyer sur des commentaires cognitifs jusque dans la clôture de l'ensemble de l'interaction-cours comme le montre l'extrait (3) où sont transcrites les dernières paroles publiques de l'enseignant pour ce cours-là:

(3)

P : eh bien écoutez je vous félicite c'est très bien vous avez bien fait l'exercice Pour clore cette longue séquence, on retrouve encore une fois l'évaluation qui apparaît quasiment comme un pré requis de la clôture. (p. 72 - 74)

2.4-1-2- Motiver l’apprenti

Gérard dit : « on va le voir » - pour motiver Arnaud de le suivre.

BIGOT, V., 2002, - Dans le cadre d'une histoire interactionnelle didactique, c'est la pratique de telle ou telle activité didactique, l'étude de telle ou telle partie du programme qui motivent les rencontres ».

Ex.

(4)

P : nettoyage industriel ++ le commerce c'est pas le service + hein + le commerce c'est ce qu'on va voir jeudi (p. 74)

2.4-1-3- Les répétitions

Gérard répète ce que dit Arnaud : «A : la performance ; G : la performance/ oui » ainsi que les questions-réponses et les silences de Gérard

BIGOT, V., 2002, - Les silences ou les réponses inadéquates qui peuvent faire suite aux sollicitations d'un enseignant provoquent l'enchâssement d'une séquence […]. L'initiateur emploie alors des stratégies diverses: répétition, suggestion après des répliques incorrectes ou incomplètes, simplification et décomposition de l'acte incitatif, jusqu'à obtenir la réplique attendue par son initiative de départ» (Ici Bigot cite Bange 1992b : 71) : L’enseignant met (alors) en place une stratégie interactionnelle pour obtenir la réponse attendue. Il fait emprunter à l'apprenti des chemins de traverse passant par une réflexion métacognitive […]. Suite à une réponse non conforme d'un apprenti, l'enseignant peut ainsi chercher à développer la fonction régulatrice des apprentis […]

(5) P : …

M : hm ++ il Y a cent et trois kilomètres P : cent trois? où est-ce que tu vois cent trois M : euh ++ je ne sais pas

P : où est-ce que tu vois cent trois Maria (p. 76)

2.4-1-4- Les remémorisations

Gérard dit « Souviens-toi »

BIGOT, V. (2002, - Une autre stratégie s'appuyant sur des commentaires cognitifs […] consiste à initier une séquence de remémorisation d'apprentissages antérieurs :

(6)

P : filiales + ça s'appelle comment d'ailleurs? + le chiffre d'affaire de toutes les filiales? c'est loin ça hein + c'est très loin ++ vous vous souvenez + hein ++ c'était dans: l'exercice lacunaire sur les petites annonces …

Ici l'absence de réponse à la question directe « ça s'appelle comment » incite l'enseignant à formuler une autre requête (se souvenir) qui est une demande indirecte de dire et s'appuie sur un commentaire cognitif (vous vous souvenez ?). Pour faciliter l'accomplissement de la tâche de souvenance, l'enseignant produit alors d'autres commentaires cognitifs qui recontextualisent l'émergence du savoir pour en favoriser la résurgence. (p. 76-77)

2.4-1-5- La « tutelle »

Gérard dit : « d’accord / et ça tu ne l’a pas cité… »

BIGOT, V., 2002, - Il arrive très souvent que les comportements tutélaires anticipent la difficulté et apportent un soutien préventif à la réalisation d'une tâche. […]

(7)

P: l'objet du cours ce sont les sociétés commerciales + d'accord c'est ce qui nous intéresse mais il faut quand même savoir qu'il existe des sociétés civiles et des sociétés commerciales ++ alors dans les sociétés commerciales on va trouver trois types de sociétés +++ ( ... ) ça vous ne l'aviez pas vu encore on va l'étudier ensemble c'est compliqué vous ne l'aviez pas dans le livre hein ? et puis on va voir la différence les sociétés de capitaux on a la société anonyme et la société en commandite par action

Corpus Se3

Ainsi, ce passage (constitué de deux extraits d'une très longue intervention où l'enseignant commente des transparents) illustre deux des fonctions de tutorat que peuvent remplir les CC sur le plan de la métacognition. Il s'agit, pour le premier commentaire, de l'obtention de l'adhésion, ou de son maintien […]. La fonction de la deuxième série de commentaires recouvre ce que Bruner appelle « le contrôle de la frustration» […] (Bruner 1983 : 278). Ici, il s'agit notamment de ménager la face des apprentis (et leur frustration) face au sentiment d'échec qui les guette. (p. 78-80)

Gérard corrige mais soutient :

176-G- mais là §§ c’est déjà écouter pour comprendre (h) § 176-A- pardon § d’accord alors

177-G- mais t/ tu §§ as raison / t’as raison hein on va les mettre dans l’ordre

BIGOT, V., 2002, - Le recours à des CC chargés d'une valeur modale appréciative est très fréquent également dans les comportements visant le contrôle de la frustration. Dans

l'extrait suivant, l'enseignant vient d'introduire une nouvelle activité (correction d'un exercice) et elle produit, avant d'interroger le premier étudiant, trois CC successifs, qui visent tous à réguler la frustration des étudiants face aux difficultés et à l'éventuel échec qu'ils ont pu rencontrer :

(9)

P : alors c'est très difficile + c'est une des leçons le plus les plus difficiles du cours + Aa hein? après on fera des choses plus faciles hein + si vous n'avez pas trouvé c'est pas grave ++ si on n'a pas trouvé la réponse c'est pas grave

Corpus Se3

Les modalités dont sont chargés ces commentaires sont soit opposées à celles utilisées pour obtenir ou renforcer l'adhésion (c'est pas grave dont le but est de minimiser l'impact de l'échec), soit situées sur des axes différents (axe difficile/facile ou axe bien/mal). Ces C.C. manifestent la sympathie (au premier sens du terme) de l'enseignant. (p. 78-80)

2.4-1-5- Le silence et la valorisation de la face de l’apprenti

Le silence

Concernant le silence, il est vu du côté de l’apprenti par Noyé et Piveteau. Il peut être ainsi plein ou creux. Mais dans les deux cas, le formateur doit savoir le gérer et relancer la participation de l’apprenti :

NOYE, D. & PIVETEAU, J., 2009, - Tout formateur sachant former distingue deux sortes de silences: le silence plein et le silence creux. Le silence plein est un moment d'intense réflexion dans le groupe où chacun prépare ce qui va être dit ou médite ce qui a été entendu. Le silence creux n'a pas la même valeur pédagogique. Il arrive que certains participants, sinon tous, soient saisis par la fatigue ou l'ennui; […] ou un participant est impressionné par ses collègues, un autre est contrarié par la façon dont on a traité sa contribution, un troisième voudrait être ailleurs ...

- Confronté à des silences, le formateur doit s'attacher à les comprendre et à mettre à jour les phénomènes qui se produisent. […] de quelle façon peut-on faciliter la participation ? - […] l'accueil de la parole d'autrui et surtout, l'utilité des questions. (p. 127)

Bigot, quant à lui voit le silence aussi bien du côté de l’apprenti que du formateur. Mais pour lui aussi, le silence fait suite aux questions :

BIGOT, V., 2002, - Le silence qui fait suite bien souvent aux « questions de classe », où il est demandé à l'apprenti d'exhiber un savoir, présente une menace pour les faces positives des apprentis (leur silence étant un aveu implicite de leur ignorance) et de l'enseignant (l'absence de réponse à un acte directif est toujours menaçante pour celui qui a produit l'acte et, pour les enseignants se réclamant des

approches communicatives, le silence révèle souvent un dysfonctionnement dans l'interaction qu'il est censé gérer). (p. 82)

Notre question maintenant est de savoir comment le formateur fait sortir du silence l’apprenti :

Gérard dit : « J’ai bien aimé/ tout à l’heure tu as dit … »

BIGOT, V. (2002, - En introduisant (ou en reformulant) sa sollicitation par un commentaire cognitif (vous vous souvenez? comme dans l'extrait (6)) l'enseignant offre « une porte de sortie» aux apprentis, ménageant ainsi leur face et la sienne. […]

Il s'agit des commentaires à valeur appréciative qui ne représentent pas une menace mais au contraire viennent flatter la face positive des apprentis.

(10)

P : hein d'accord alors je voudrais qu'on revienne sur une définition vous allez la trouver avant de continuer ++ vous m'aviez fort bien trouvé une définition sur l'entreprise ce qu'est une entreprise + hein vous m'aviez dit ++ bon si je vous dis qu'est ce que c'est qu'une … (p. 82)

Corpus Se3

2.4-1-6- Vérifier explicitement l'intercompréhension

Gérard dit : « Ca te parle tout ça » / « Est-ce que c’est clair »

BIGOT, V., 2002, - Dans l'extrait (12), l'enseignant vérifie explicitement l'intercompréhension par une question répétée puis reformulée, suivie enfin d'un silence qui montre qu'il ne s'agit pas d'une simple question rhétorique. Par son insistance, l'enseignant manifeste ses doutes sur la capacité des apprentis à identifier leurs problèmes de compréhension. Dans l'extrait (12) comme dans le suivant, l'enseignant manifeste une gestion unilatérale de l'intercompréhension où l'inégalité de la relation est renforcée par le contrôle qu'il semble en droit d'exercer sur le degré de compréhension des apprentis.

(12)

P : est-ce que vous avez des questions sur mes corrections est-ce que vous avez des questions sur mes corrections? quelque chose que vous ne comprenez pas ++

Corpus Se3 (13)

P : c'est une question que je pose pour savoir si vous avez bien compris

Corpus Se3

[…] Pour bien comprendre les modes de construction de la relation enseignant-apprenti, il faut alors s'interroger sur les réactions que suscite ce positionnement chez les apprentis. Provoque-t-il une « lutte des places» ? (p. 83)

2.4-1-7- La façon dont le formateur est vu par l’apprenti

Le formateur / enseignant exerce un contrôle sur les acquis et sur le degré de compréhension de l’apprenti. Mais ce contrôle n'est pas perçu comme menaçant pour l’apprenti dans les deux relations formateur-apprenti et/ou enseignant-apprenti :

160-G- c’est quoi les deux premiers mots / tu peux les donner ou / on va les donner ensemble / pour démarrer un dialogue ça va être quoi / le fameux dialogue dont tu parlais § 160-A- le fameux dialogue dont § tu par/

161-G- ouais §§

161-A- e:::: e:: tu / §

162-G- première chose qu’il va falloir avoir entre deux/ deux êtres humains § 162-A- ben c’est / c’est un dialogue donc § justement §

163-G- oui c’est un dialogue (hochement de tête) § 163-A- c’est/ c’est une §§ conversation §

164-G- oui §

164-A- c’est une écoute §

165-G- oui et/et/et ça va être basé sur quoi § 165-A- ben sur e/ sur la compréhension § 166-G- la compréhension §§

166-A- le fait de / de de de / du besoin du client en fait §

167-G- voilà §§ et ça va être basé sur la confiance / bon le mot qu’on cherche § 167-A- oui la confiance (h) pardon §

BIGOT, V., 2002, - on constate que les apprentis ne remettent jamais directement en cause le rôle interactionnel qu'occupe l'enseignant. […] On peut imaginer que ce qui pourrait être perçu, dans les extraits […] (13) comme menaçant la face négative des interlocuteurs, est en fait compris, en raison du caractère institutionnellement didactique de l'interaction, comme un procédé d'évaluation (des acquis et du degré de compréhension), activité généralement reconnue comme faisant partie du rôle interactionnel de l'enseignant.

- Dans l'extrait suivant, la gestion de l'intercompréhension pourrait, dans un autre contexte, être perçue comme menaçante car elle enfreint une règle ordinaire de politesse.

(13)

P: vous retenez bien ça c'est le PROPRE de l'action l'action est librement

+ négociable on avait vu le terme le verbe négocier hein négocier on a vu qu'il y avait plusieurs SENS hein? négocier qu'est-ce que ça veut dire? +

As : discuter

P : discuter ça veut dire discuter là?

As: non non

P: non qu'est-ce que ça veut dire? ++ on avait vu deux sens - oui ou non?

++ non? on n'avait pas vu ce terme avec deux sens?

Af: vendre

P: vendre+ d'accord hein? j'avais dit négocier néGOCIATEUR Corpus Se3 (p. 85)

Nous remarquons donc que le formateur ainsi que l‘enseignant n’apportent pas directement le matériau linguistique nécessaire à la compréhension. Ils relancent la requête et retiennent l’information afin de faire trouver le sens d'un mot plutôt que de le donner. Le but de cette démarche est de favoriser la tâche d'apprentissage. Dans notre corpus, Gérard, le formateur incite souvent Arnaud, l’apprenti, à trouver la réponse qu’il attend de lui. Parfois Arnaud y arrive / parfois non. Ce n’est donc que dans les cas où l’apprenti n’arrive pas à trouver la réponse, et où il se décourage que le formateur la fournit.

En résumé, dans les relations formateur-apprenti ainsi qu’enseignant-apprenti (ou élève), le rôle de la mise en discours par l'enseignant des activités cognitives de l’apprenti est intéressant. Suivant le contexte où les commentaires cognitifs interviennent et les modalités dont ils sont chargés, ils peuvent avoir des contributions importantes à trois niveaux selon Bigot (2002 : 85-86) :

1) dans la gestion temporelle de l'interaction

2) dans les activités de tutelle pour mener à bien la communication 3) dans la construction de la relation