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L’application empirique de l’ECT dans le domaine de l’agroalimentaire

Chapitre III – Mobiliser l’Économie des Coûts de Transaction pour analyser la viabilité des

1. L’ECT : une revue de la littérature

1.4. L’application empirique de l’ECT dans le domaine de l’agroalimentaire

Depuis la publication de l’ouvrage d’O. E. Williamson « Markets and Hierarchies » (1975), l’ECT fait l’objet d’un fort intérêt de la part des économistes et est appliquée à maintes études dans plusieurs domaines scientifiques (du management à la sociologie ou aux sciences politiques). Cela s’explique par le fait que l’ECT est un outil théorique très malléable (David et Han, 2004 p. 39), qui se prête à l’utilisation dans les champs d’application les plus divers. C’est pourquoi Williamson (1996 p. 55) la définit comme « an empirical success story ».

Dans cette section, l’attention est portée sur la recherche empirique menée dans le domaine de l’agroalimentaire et mobilisant l’ECT. Après avoir illustré l’utilité de conjuguer l’ECT à l’étude du secteur agroalimentaire, nous montrons ensuite si l’ECT reçoit du support empirique par la littérature. Puis, une revue des études mobilisant à la fois l’ECT et l’approche filière dans le domaine agroalimentaire est présentée. Enfin, nous approfondissons la manière dont l’ECT prend en compte la notion de qualité.

1.4.1. Agroalimentaire : un domaine fertile pour l’application de l’ECT

L’étude du secteur agroalimentaire se conjugue particulièrement bien avec l’approche théorique de l’ECT. En effet, l’agroalimentaire se présente comme un terrain très fécond pour les chercheurs intéressés à l’analyse institutionnelle des transactions. Du côté de l’offre, l’incertitude sur la qualité et la quantité des produits est élevée, étant difficile de maîtriser et prévoir les évolutions de la production (Brousseau et Codron, 1998 p. 75). Cette difficulté découle de plusieurs facteurs, dont les plus importants sont la nature périssable des produits agroalimentaires, la fragmentation de l’offre, les contraintes climatiques et la vulnérabilité aux épidémies (Royer et al., 2016 p. 1). Du côté de la demande, des problèmes se posent aussi du fait de la variabilité et diversité des goûts des consommateurs (Brousseau et Codron, 1998 p. 75). Les problèmes de coordination et d’ajustement de la demande et de l’offre aboutissent à des coûts de transaction élevés pour les acteurs impliqués, qui cherchent à définir des stratégies leur permettant de faire face aux contraintes qui s’imposent au fur et à mesure que l’environnement évolue. C’est pourquoi les modes organisationnels qui se développent dans le domaine agroalimentaire sont exceptionnellement hétérogènes, allant des contrats « spot » à l’intégration de plusieurs maillons de la filière, en passant par des accords plus ou moins formalisés de courte ainsi que de longue durée (Ménard, 2000 p. 186). En outre, la forte intervention des institutions qui a toujours caractérisé le secteur agroalimentaire ne fait qu’enrichir cet objet d’analyse (ibid.).

Parallèlement, l’ECT est un cadre théorique permettant de prendre en compte la diversité organisationnelle du secteur agroalimentaire. De nombreuses études sont menées dans ce secteur, restant néanmoins souvent descriptives. L’approche néoclassique, quant à elle, n’offre pas d’outils analytiques aptes à prendre en compte les arrangements institutionnels mis en place dans l’agroalimentaire, tendant à les considérer comme des déviations des règles du marché concurrentiel (id. pp. 188–189). L’ECT, ainsi que l’approche néo-institutionnelle en général, permet d’approfondir davantage l’analyse de ces arrangements, grâce à des hypothèses comportementales novatrices (telles que la rationalité limitée et l’opportunisme des acteurs) et des concepts adéquats, comme la propriété et la spécificité des actifs, les mécanismes d’incitation et de contrôle, etc.

Les modes de gouvernance définies par O. E. Williamson de façon abstraite (marché, hiérarchie et formes hybrides – cf. Chapitre VI) font l’objet d’analyse de nombreuses recherches menées dans le secteur agroalimentaire. Les deux modes situés aux extrêmes du continuum de la gouvernance, à savoir le marché et l’intégration verticale, se sont révélés, d’après ces recherches, inadaptés à faire face aux caractéristiques du secteur. Si la gouvernance marchande ne pallie pas les problèmes de coordination, de contrôle de la qualité et de volatilité des prix, l’intégration verticale génère des problèmes de contrôle du comportement autrui et d’incitation (Royer et al., 2016 p. 1). C’est pourquoi le secteur agroalimentaire s’avère être un laboratoire d’expérimentation d’arrangements alternatifs, allant de mécanismes formels tels que les contrats et les accords de participation, à d’autres plus informels comme les enceintes de partage d’information ou de planification conjointe (Peterson et al., 2001 p. 151).

Ces arrangements hybrides se basent généralement non pas sur la coercition mais sur la dépendance mutuelle des parties, engendrée par la spécificité des actifs du secteur agroalimentaire. Cette dépendance fait que les relations se développent souvent sur le long terme (comme dans le cas du marché du homard étudié par Acheson en 1985 – cité par Klein, 1998 p. 475), les parties ayant intérêt à amortir les investissements effectués dans le cadre de la relation et les connaissances acquises. Il s’agit dans de nombreux cas d’accords verbaux, qui ne peuvent par conséquent pas faire recours à la puissance publique ou à de tierces parties pour la résolution des conflits. Codron et al. (2013), par exemple, observent que les échanges au sein du secteur vinicole en Argentine sont régis par des arrangements verbaux, qui ne sont guère le fruit d’un comportement archaïque ou irrationnel. La raison d’un tel phénomène résiderait dans la volonté des acteurs de garder une certaine flexibilité dans les négociations, notamment pour ce qui concerne les prix. Des contrats formels et rigides ne pourraient gérer des relations complexes impliquant, dans le cas du secteur vinicole argentin, différentes variétés de raisin, l’accès à la terre, les pratiques agricoles, les activités viticoles, etc.

Les mécanismes coercitifs reposent sur la réputation, la loyauté et l’intérêt commun des parties. Un exemple nous est fourni par Passuello et al. (2015) qui, dans le cadre des transactions entre transformateurs et distributeurs de viande de volaille en Italie, identifient dans la volonté de préserver l’image de l’entreprise l’incitation à ne pas adopter de comportements opportunistes. Un autre exemple est donné par Allen et Lueck (1993), qui étudient les contrats de métayage

entre producteurs et propriétaires terriens. Ces contrats seraient auto-coercitifs puisque les deux parties partagent les droits de propriété sur les inputs ainsi que sur les produits et sont par conséquent demandeurs résiduels. Ce type de mécanismes « dissuasifs » réduisent les coûts de coercition et de négociation que les acteurs devraient supporter en cas de recours à des moyens légaux de résolution des conflits (Wilson, 1980, cité par Klein, 1998 p. 475).

L’autonomie des parties est évidemment préservée – ne s’agissant pas de contrats d’intégration, bien que des moyens de contrôle ne soient pas exclus. À ce propos, très intéressante est l’analyse que Royer et al. (2016) font des conseils de commercialisation (marketing boards) mis en place dans le secteur agroalimentaire des pays occidentaux. Ces institutions maintiennent l’autonomie des producteurs mais sont chargés de toutes les fonctions concernant la commercialisation des produits. Elles présentent l’avantage de garder haut le niveau d’incitation des producteurs, ce qui dans le cas de l’intégration verticale serait difficilement faisable (id. p. 11).

1.4.2. Le support empirique de l’ECT : entre validation et ambiguïté

Les travaux empiriques supportent-ils les hypothèses théoriques formulées par l’ECT ? Les résultats sont mitigés et dépendent amplement de l’hypothèse en question. David et Han (2004) mènent une méta-analyse finalisée à saisir le degré de support empirique de l’ECT. À travers l’examen de 308 tests statistiques contenus dans 63 articles, ils décèlent qu’en général la recherche empirique supporte la théorie pour ce qui concerne la corrélation entre la spécificité des actifs et la gouvernance, mais non pas pour ce qui concerne l’incertitude, dont le rôle dans la détermination des modes de gouvernance reste ambigu. Soulignons, en préambule de cette section, que certains concepts théoriques reçoivent beaucoup plus d’attention que d’autres par l’ensemble des travaux empiriques fondés sur l’ECT. Si une littérature copieuse existe sur la corrélation entre, d’une part, la spécificité des actifs et l’incertitude, d’autre part le degré d’intégration verticale, d’autres propositions de l’ECT sont négligées par la littérature. Il n’a par exemple pas été démontré l’effet que la fréquence des transactions a sur la gouvernance. En outre, l’hypothèse centrale de l’ECT, à savoir la supériorité d’un mode de gouvernance sur les autres compte tenu des coûts et des attributs des transactions, jouit d’un faible support empirique, probablement à cause de la difficulté de mesurer les coûts de transaction et les variables williamsoniennes.

La littérature empirique confirme le fait que la spécificité des actifs est une variable pouvant prédire le choix entre « faire » et « faire faire » (Klein, 1998 ; David et Han, 2004). En effet, les investissements spécifiques effectués par les acteurs économiques, par exemple ceux qui concernent la réputation de la marque (Traversac et al., 2011), nécessitent des formes de protection contre le risque de comportement opportuniste. Ces formes de protection peuvent être formelles, faisant l’objet des clauses d’un contrat, ou informelles, comme lorsque les acteurs s’appuient sur la réputation dans la mise en place de leurs transactions (Codron et al., 2013). Le risque de comportement opportuniste accroît les coûts de transaction associés à la coordination par le marché (Passuello et al., 2015). Cependant, les études empiriques testent la corrélation, non pas la relation causale, entre spécificité des actifs et intégration. Elles se bornent à montrer que la probabilité d’observer un mode de gouvernance hiérarchique augmente lorsque l’on est en présence d’investissements spécifiques à la transaction (Klein, 1998 p. 478). Ces études n’expliquent toutefois pas si cette corrélation est due au fait que des investissements spécifiques accroissent les coûts de la gouvernance marchande, ou bien au fait que ces mêmes investissements réduisent les coûts de formes plus poussées de coordination et induisent par conséquent les acteurs à l’intégration verticale (ibid.).

Concernant la corrélation entre incertitude et modes de gouvernance, les résultats des recherches empiriques menées dans le cadre de l’ECT, comme le soulignent David et Han (2004), ne sont pas clairs. D’une part, certaines études confirment les hypothèses théoriques de l’ECT, en prouvant par des tests empiriques qu’un haut niveau d’incertitude associé à la transaction augmente la probabilité que les acteurs économiques choisissent l’intégration plutôt que le marché. Traversac et al. (2011), par exemple, citent l’incertitude institutionnelle parmi les causes induisant producteurs et négociants de vin en France à opter pour l’intégration verticale. Royer et al. (2016) montrent que l’incertitude caractérisant le secteur agroalimentaire incite les acteurs à abandonner la coordination par le marché et à adopter des formes de gouvernance hybride, afin de réduire la variabilité des produits, diminuer les problèmes d’observabilité et de comportement opportuniste, protéger leurs investissements et faciliter l’échange de connaissances (id. p. 10). D’autre part, d’autres études infirment les hypothèses de l’ECT à propos de l’incertitude. Par exemple, Codron et al. (2013), dans leur analyse sur le secteur

viticole argentin, parviennent à la conclusion que la volatilité des prix est une parmi les causes expliquant la flexibilité des relations contractuelles entre acteurs.

L’hypothèse d’alignement discriminatoire d’O. E. Williamson – qui implique qu’il est possible d’identifier le mode de gouvernance le plus performant en termes de réduction des coûts étant donné les attributs des transactions (cf. Chapitre V) – reçoit un faible support empirique. Frank et Henderson (1992) cherchent à vérifier empiriquement l’influence des coûts de transaction sur la gouvernance dans le secteur agroalimentaire aux États-Unis, à travers une analyse économétrique basée sur des index novateurs, et parviennent à la conclusion que la maîtrise des coûts de transaction est une des principales raisons expliquant le choix d’adopter des modes de gouvernance autres que le marché. D’autres études confirment cette hypothèse (Allen et Lueck, 1993 ; Barjolle and Chappuis, 2000 ; Codron et al., 2013 ; Royer et al., 2016), même si les résultats ne sont pas supportés par des analyses quantitatives. Toutefois, d’autres auteurs soutiennent la thèse selon laquelle les choix de gouvernance ne sont pas faits qu’en fonction des coûts de transaction, puisque les acteurs recherchent d’autres propriétés contractuelles, comme par exemple la flexibilité (Brousseau et Codron, 1998). En conséquence, plusieurs modes de gouvernance peuvent être combinés afin de satisfaire les exigences stratégiques des acteurs (id.). Materia et al. (2014), par exemple, constatent que presque 50% des entreprises étudiées au sein du secteur agroalimentaire européen optent en même temps pour l’intégration et pour la sous-traitance dans le domaine de l’innovation – nous approfondirons ce sujet dans le Chapitre VI.

1.4.3. L’approche combinée ECT-filière dans l’agroalimentaire

Comme l’affirme O. E. Williamson lui-même (1985 p. xiii), l’ECT est « often best used in conjunction with, rather than to the exclusion of, other ways of examining the same phenomena ». Les études empiriques menées dans ce domaine font fréquemment recours à d’autres approches et concepts à utiliser en combinaison avec l’ECT, comme l’approche par les capacités de la firme (Traversac et al., 2011 ; Materia et al., 2014), la théorie des contrats incomplets (Codron et al., 2013), ou les formes plurielles de gouvernance (Chaddad et al., 2013 ; Codron et al., 2013 ; Carrer et al., 2014 ; da Silveira et al., 2015). Mais la théorie qui est le plus

fréquemment utilisée conjointement avec l’ECT est l’approche filière ou chaîne de valeur32. Cette approche permet en effet de prendre en compte des facteurs qui dépassent la dimension micro de l’échange bilatéral (cf. Chapitre II).

Dans les travaux conjuguant l’ECT et l’approche filière, l’unité d’analyse n’est plus la transaction bilatérale entre un fournisseur et un acheteur, mais l’ensemble des transactions ayant lieu au sein d’une filière. Cela présente deux principaux avantages. Premièrement, cette approche combinée permet d’identifier les bénéfices et les inconvénients des modes de gouvernance mis en place au sein de la filière entière, offrant ainsi un cadre plus complet des potentialités et des contraintes qui se présentent aux acteurs. Ce faisant, Barjolle et Chappuis (2000) montrent par exemple que les formes de gouvernance adoptées dans une filière ne sont pas forcément celles qui minimisent les coûts de transaction, puisque d’autres facteurs, tels que les relations de dominance existant dans la même filière, peuvent avoir le dessus sur l’objectif de minimisation des coûts. Deuxièmement, l’approche filière considère les interactions entre différents maillons de la chaîne de valeur et résout ainsi une des limites de l’ECT, à savoir le fait de ne pas prendre en compte les « interdépendances » (Wever et al., 2012a ; b) existant entre plusieurs transactions. En effet, les décisions prises dans le cadre d’une transaction peuvent avoir des « externalités » sur d’autres transactions. De ce fait, l’échec de la gestion du risque de la part d’un acteur peut avoir des répercussions sur le fonctionnement de la filière entière. Également, des formes de prévention des risques vis-à-vis du fournisseur (acheteur) peuvent accroître les risques de la transaction avec l’acheteur (fournisseur) (id.).

Le secteur agroalimentaire est particulièrement intéressant pour l’analyse des interdépendances entre plusieurs transactions (Wever et al., 2012a p. 244). En effet, dans l’agroalimentaire les interdépendances engendrées par la nécessité de répondre aux exigences des consommateurs sont fortes et liées à des enjeux de primaire importance, comme la sécurité sanitaire des produits finaux. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’un acteur de la filière émerge comme « firme leader » grâce à la détention d’un signe de qualité et dévient dépendant du comportement des acteurs situés aux autres maillons de la filière (cf. Chapitre IV).

L’approche combinée ECT-filière est généralement appliquée à plusieurs domaines. Un premier domaine concerne l’analyse des modes de gouvernance mis en place par les acteurs d’une filière dans l’objectif de respecter des standards qualitatifs – cela fera l’objet du Chapitre IV de cette thèse. Wever et al. (2010) mobilisent l’ECT pour étudier la relation entre les systèmes de gestion de la qualité et les structures de gouvernance dans les chaînes d’approvisionnement en viande porcine de l’UE. D’autres auteurs ont analysé les transactions de la filière associée à un standard collectif (AOC, produits non génétiquement modifiés – Barjolle et Chappuis, 2000 ; Passuello et al., 2015) ou privé (Aubert et al., 2013). Ces études visent à identifier les facteurs critiques pour l’adoption d’un standard déterminé et les formes d’organisation que les acteurs mettent en place afin de faire face à ces facteurs. Des propositions sont généralement dégagées concernant l’amélioration de la performance de la filière et sa pérennisation. Un deuxième domaine d’application de l’approche ECT-filière a trait au choix entre différents canaux d’approvisionnement et de commercialisation, choix qui est au cœur des recherches en management et qui est étroitement lié à la réduction des coûts de transaction. Les études menées dans ce cadre cherchent à identifier les types de coûts de transaction qui pèsent sur les acteurs, afin de proposer des moyens de réduire ces coûts et de renforcer ainsi la compétitivité de la filière (Hobbs, 1996). Un troisième domaine de recherche explore les avantages d’une coordination verticale plus poussée que la gouvernance marchande au sein des filières agroalimentaires (Hobbs et Young, 2000). Lessassy (2007), par exemple, souligne l’intérêt pour les acteurs de mettre en place une coordination plus étroite avec l’aval de la filière dans l’objectifs de réduire les coûts de transaction associés à la commercialisation des produits. Un dernier domaine de recherche mobilisant l’approche ECT-filière vise à repérer les coûts de transaction qui empêchent les petits producteurs d’avoir accès aux actifs, à l’information, aux services et au marché et qui réduisent par conséquent leur potentiel de croissance (Delgado, 1999).

1.4.4. La notion de qualité au sein de l’ECT

La notion de qualité est « polymorphe » et peut se décliner sous différentes acceptions (Gonzalez-Diaz et Raynaud, 2007 pp. 43–44). Historiquement, elle a connu des déplacements de sens, en conséquence des changements dans les systèmes d’échange et de production33. Elle fait

33 Pour une analyse approfondie des évolutions du concept de qualité dans une perspective historique et théorique, voir Gomez (2004).

l’objet de recherche de plusieurs disciplines34. Dans le cadre de l’ECT, la qualité présente un double caractère. D’une part, elle a un caractère exogène, étant à l’origine d’incertitude et de problèmes liés à la mesure de la qualité des produits. D’autre part, elle a un caractère endogène du moment où elle représente une variable de la stratégie de la firme, qui met en œuvre une stratégie de qualité déterminé. Ci-dessous, nous allons développer ses deux caractères.

La qualité comme source d’incertitude

Lorsque la qualité du produit n’est pas mesurable au moment de l’échange, l’acheteur peut être soumis à une forte incertitude sur la qualité (Hobbs et Young, 2000 p. 134). Cela accroît les coûts de mesure des caractéristiques du produit (Klein et Leffler, 1981). Dans ce cas, le marché n’est pas le mode de gouvernance le plus approprié car il encourage l’opportunisme des agents, qui sont tentés de réduire la qualité de leurs produits afin de minimiser leurs coûts de production (Hennart, 1993). D’autres modes de gouvernance tendant vers une plus grande intégration s’avèrent plus opportuns pour gérer ce type d’incertitude (Brousseau et Codron, 1998). Par exemple, Barjolle et Chappuis (2000) attribuent aux contrats bilatéraux entre producteurs de lait et fromagers français le mérite de résoudre l’incertitude pesant sur la qualité du lait.

Parmi les caractéristiques qualitatives d’un produit, la périssabilité occupe une place centrale dans l’explication de la diversité organisationnelle (Raynaud et al., 2005b p. 852), pouvant être à la base d’incertitude sur la qualité, si celle-ci n’est pas observable au moment de l’échange, et sur la disponibilité (Hobbs et Young, 2000 p. 133). En effet, l’offre d’un produit fort périssable peut ne pas coïncider avec la demande à un moment et endroit déterminés, contrairement à un produit de longue conservation qui laisse place à une plus grande flexibilité. La périssabilité accentue par conséquent la complexité des transactions, entraînant des coûts supplémentaires de sélection, d’information et de négociation qui permettent de « establishing which party (buyer or seller) is responsible for product quality at different stages of the transaction » (id. p. 134). Les formes hybrides de gouvernance se révèlent plus efficaces dans la gestion des problèmes liés à la qualité (Delgado, 1999).

34 Pour une revue de la littérature sur la notion de qualité en sciences économiques, voir Smadja-Rakotondramanitra, 2014.

La variabilité de la qualité est également liée à l’incertitude caractérisant les transactions. Un produit sujet à une forte variabilité qualitative peut engendrer un haut niveau d’incertitude sur la disponibilité, lorsqu’il devient difficile de trouver des fournisseurs fiables, et sur les prix, si ces