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Chapitre II – Analyse des chaînes laitières industrielles sénégalaises selon l’approche Chaîne

3. La chaîne de valeur du lait en poudre et celle du lait local en comparaison : une analyse

3.2. Qui sont les acteurs et où se trouvent-ils ?

Les unités de transformation que nous avons pu recenser dans les régions de Dakar et Kolda22

sont 26, dont 13 exploitant exclusivement du lait en poudre, 5 exclusivement du lait local23 et 8

22 L’analyse des chaînes de valeur qui suit est issue de nos recherches de terrain. Pour des raisons d’organisation et de structure de l’exposé, nous avons reporté la description de la méthode de collecte des données au Chapitre III (section 4 en page 162), pour que le lecteur ait la possibilité d’appréhender d’abord la question de recherche de la thèse et l’hypothèse.

23 Parmi ces 5 laiteries, il y en a 3 dont nous n’avons pas de données sûres à propos de l’utilisation exclusive de lait local.

une combinaison des deux types de lait (Tableau 4). Ces 8 dernières laiteries seront considérées comme faisant partie à la fois de la chaîne « lait en poudre » et de celle « lait local ». Il n’existe pas de données précises sur les quantités de lait transformées par l’industrie, ni sur le poids que le lait en poudre et le lait local y ont respectivement24. Il est donc impossible de déterminer de manière exacte la taille des deux chaînes sur le plan quantitatif, bien que la chaîne du lait en poudre soit manifestement beaucoup plus massive que celle du lait local.

Comme le montre la Figure 12, les deux chaînes de valeur diffèrent nettement pour ce qui concerne leur longueur à la fois dans l’espace et dans le temps. Afin de simplifier leur illustration, nous les répartissons en trois segments – amont, segment intermédiaire et aval. Une longue séquence d’activités constitue la chaîne du lait en poudre, ainsi que de nombreux acteurs qui interagissent les uns avec les autres dans un espace géographique très vaste. Dans le segment amont de cette chaîne, quatre maillons sont distincts : production, transformation en poudre, exportation (ces trois maillons étant situés à l’étranger), importation (dans le pays). Les acteurs situés à l’étranger sont très nombreux, mais parmi eux certains se distinguent par taille et réputation (Fonterra, Corlasa, Lactalis, Glanbia). L’importation peut être effectuée par des importateurs sénégalais qui revendent la poudre de lait, mais également par les laiteries elles-mêmes, lorsque leurs capacités de transformation sont telles qu’il devient intéressant de commander un ou plusieurs conteneurs de produit. Le segment intermédiaire est représenté par les maillons de la transformation et distribution. Par transformation nous entendons à la fois l’activité de réensachage de lait en poudre en conditionnements inférieurs et l’activité de transformation du lait en poudre en d’autres produits laitiers (lait liquide, yaourts, fromages, crèmes, etc.). Par le terme distribution, nous faisons référence à l’activité de commercialisation et transport qui a lieu entre l’usine et les revendeurs. Dans la plupart des cas, ce sont les transformateurs eux-mêmes qui se chargent de la distribution. Le segment aval se compose des maillons de vente en gros, demi-gros et détail. La commercialisation des produits frais (tous les produits hors poudre de lait) est effectuée à travers un échange direct entre les unités de transformation et les détaillants, en raison du défaut d’une chaîne du froid fiable. Les détaillants

24 Une source informelle atteste d’un niveau d’importations en lait en poudre s’élevant à hauteur de 49 000 tonnes/an, dont 50% seraient absorbées par l’industrie (source : nos recherches). Par rapport au lait local, G. Duteurtre évaluait en 2007 la production laitière commercialisée à environ 10 000 tonnes de lait par an à l’échelle du pays (Duteurtre, 2007).

sont extrêmement nombreux et distribués sur tout le territoire : la distance qui les sépare les uns des autres est en général moins de 200 mètres.

Contrairement à la chaîne du lait en poudre, celle du lait local se développe sur de courtes distances et les échanges en son sein ont lieu dans de brefs délais. Le lait frais est en effet un produit hautement périssable, qui exige des échanges fréquents et rapides – à défaut d’une chaîne du froid – en amont (collecte de lait cru) et en aval (vente de produits finis). La commercialisation des produits issus du lait local dépasse rarement l’espace local, à l’exception des produits de Kirène et de ceux de La Laiterie du Berger. Dans le segment amont de la filière, nous distinguons deux maillons : production et collecte. Ces deux activités peuvent être intégrées par les mêmes acteurs, lorsque ce sont les producteurs eux-mêmes qui se chargent de la livraison du lait cru jusqu’à la laiterie. En revanche, dans certaines sous-chaînes, c’est un collecteur professionnel qui fait fonction d’intermédiaire entre producteurs et laiterie. Il est également possible que ce soit la laiterie qui effectue la collecte auprès des fournisseurs. Ces derniers sont très nombreux, épars et aux faibles capacités productives. Le segment intermédiaire est représenté par les transformateurs, qui distribuent eux-mêmes leurs produits auprès des revendeurs et, le cas échéant, des consommateurs. Parmi les transformateurs, nous avons inclus deux fermes laitières de la région de Dakar (Wayembam et Past Agri), qui sont dotées d’une unité de transformation pour absorber une partie du lait qu’elles produisent. Le segment aval correspond au maillon de la vente, qui est effectuée surtout au détail, ici aussi à cause des défaillances de la chaîne du froid.

Tableau 4 – Liste et principales caractéristiques des laiteries des régions de Dakar et Kolda

Laiteries Emplacement Type(s) de lait transformé(s) Année de création Niveau de production (kL/mois)** Produits proposés

1 La Laiterie Dakaroise Dakar Lait en poudre 2004 96,6 Lait pasteurisé, lait caillé, yaourt,

bouillies, fromage blanc

2 Les Mamelles Jaboot Dakar Lait en poudre 1998 192,5 Lait caillé, yaourt, bouillies

3 Sim Dakar Lait en poudre 1993 * Lait caillé

4 Le Taïf Dakar Lait en poudre 1999 * Lait caillé

5 Milkoa Dakar Lait en poudre 1998 57,8 Lait caillé

6 Senico Dakar Lait en poudre 1999 577,5 Lait en poudre

7 Saprolait Dakar Lait en poudre 1938 * Lait caillé, yaourt

8 A.K.D. Dakar Lait en poudre * * Lait en poudre

9 Meroueh & CIE Dakar Lait en poudre 1997 1 155 Lait en poudre

10 SBMA Dakar Lait en poudre 1997 48,1 Lait en poudre

11 Satrec Dakar Lait en poudre 1992 4480,4 Lait en poudre, lait pasteurisé, lait caillé

12 STC Dakar Lait en poudre 2005-2006 * Lait en poudre

13 ISPL Dakar Lait en poudre * * Lait en poudre

14 Kirène Dakar Lait en poudre + lait local 2005 566,8 Lait UHT

15 La Laiterie du Berger Dakar Lait en poudre + lait local 2004 240 Lait pasteurisé, lait caillé, bouillies

16 Past Agri Dakar Lait en poudre + lait local 2008 60 Lait caillé

17 Wayembam Dakar Lait en poudre + lait local 1998 * Lait pasteurisé, lait caillé

18 Kosam Na’i Fuladu Kolda Lait en poudre + lait local 2004 5,4 Lait pasteurisé, lait caillé

19 Jam Jam Bantancountou (Kolda) Lait en poudre + lait local 2004 4,4 Lait pasteurisé, lait caillé

20 Fedandé Kolda Lait en poudre + lait local 2003 6,8 Lait pasteurisé, lait caillé

21 Le Fermier Kolda Lait local ? 1997 13,1 Lait pasteurisé, lait caillé, yaourt, fromage

22 Kaggu Diao Dioubayrou Bantancountou (Kolda) Lait local ? 2009 ? 0,3 Lait pasteurisé, lait caillé

23 Kosam Paaté Waaré Kolda Lait local ? 2001 * *

24 Soya Sikilo Kolda Lait local ? * * *

25 Bilaamé Pull Debbo Kolda Lait local 2002 16,5 Lait pasteurisé, lait caillé, fromage

26 Le Berger Kolda Lait local 1996 2,3 Lait pasteurisé, lait caillé

* Aucune donnée disponible

** Le niveau de production a été calculé sur la base des estimations des gérants des laiteries, qui nous ont donné parfois des chiffres annuels, d’autres fois mensuels ou encore journaliers. Lorsqu’il s’agit de lait en poudre, nous avons converti le chiffre obtenu en Équivalent Lait (EL).

Figure 12 – Les chaînes laitières industrielles au Sénégal (lait en poudre et lait local) TR A N SF O R M A TE U R S IMPORTATEURS TRADERS INTERNATIONAUX

TRANSFORMATEURS (lait liquide → lait en poudre) PRODUCTEURS GROSSISTES DETAILLANTS CONSOMMATEURS A u Sénég al Ho rs Sénég al

Chaîne « lait en poudre » Chaîne « lait local »

La Laiterie Dakaroise Les Mamelles Jaboot Le Taïf Sim Milkoa Kirène Saprolait Senico Méroueh SBMA A.K.D. Satrec ISPL

STC Past Agri Wayembam La Laiterie du Berger Le Fermier* Fédandé Bilaamé Pull Debbo Jam Jam Kaggu Diao

Dioubayrou* Le Berger Kosam Naï Fuladu Kosam Paté Waaré* Soya Sikilo*

* Aucune donnée sûre à propos de l’utilisation exclusive de lait local Lait en poudre + lait local

SEMI-GROSSISTES

Les laiteries de la région de Kolda avaient déjà été recensées par plusieurs études (voir Dieye, 2003 ; Dia, 2009 ; Corniaux et al., 2014 – cf. notamment Figure 8 en page 64). En revanche, la littérature sur les transformateurs de la région de Dakar est lacunaire et ne permet pas de repérer les acteurs. Nous proposons ici une carte (Figure 13), issue de nos recherches de terrain, qui permet de localiser les laiteries dakaroises et d’en observer les dynamiques d’apparition – et disparition – dans le temps. On peut ainsi constater que la quasi-totalité de ces entreprises sont mises en place durant les deux dernières décennies, malgré la dévaluation du franc CFA en 1994 qui a mécaniquement doublé le prix du lait en poudre. En effet, en 1990, il n’existe que deux unités transformant de la poudre (Saprolait, fondée par les colons français, et Nestlé), à côté de deux autres laiteries (nées sous l’impulsion de la recherche-développement ou de capitaux étrangers) transformant du lait local. Dix ans après, en 2000, le paysage est beaucoup plus diversifié. Parmi les nouvelles laiteries, on remarque Satrec qui se distingue par sa taille et ses niveaux de transformation, grâce notamment à un partenariat irlandais de production de lait en poudre (Glanbia). Les anciennes initiatives de transformation de lait local ont disparu. Elles ont été remplacées par l’installation d’une unité rattachée à une ferme moderne (Wayembam), une deuxième (DIRFEL) transformant du lait issu des élevages extensifs et soutenue par la coopération française, et une dernière crée par Nestlé. En 2015, on voit que le nombre de laiteries a continué d’augmenter. Cette dynamique positive va probablement se poursuivre dans les prochaines années, grâce à l’augmentation de la demande et de l’offre de lait en poudre, comme en témoigne la toute récente initiative de la coopérative danoise Arla Foods. Cette dernière vient de nouer un partenariat (joint venture) avec un entrepreneur local (Attieh Group) pour écouler au Sénégal une partie de sa production excédentaire de poudre de lait (Arla Foods, 2015), suite en particulier à l’arrêt des quotas laitiers en Europe.

Figure 13 – Évolution dans le temps de l’apparition d’unités de transformation laitière dans la région de Dakar

3.3. L’approvisionnement en lait en poudre : de nombreuses alternatives dans un vaste