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L’altérité ouverte à tous les associés

La reconnaissance de l’inégalité entre associés en droit des sociétés

Section 2. L’identification de l’inégalité entre associés

A. L’altérité ouverte à tous les associés

315. L’inégalité entre associés n’existe pas du seul fait de l’émission d’une catégorie

d’actions ou de part sociales256. Sans doute, la mise en place de la catégorie produit une

entorse à l’égalité entre les droits sociaux257. Mais pour peu que ces titres catégoriels soient

accessibles à tous les associés et dans les mêmes conditions258 ou même réservés à une catégorie d’associés259 dont les membres ne sont ni formellement désignés ni objectivement

identifiables260, il n’en résultera aucune rupture d’égalité entre les propriétaires des titres sociaux261. C’est la raison pour laquelle le législateur n’exige l’application de la procédure des avantages particuliers que la création d’actions de préférence est réservée à quelques associés identifiés ou identifiables262.

316. Constituent également de prétendues inégalités, les situations dans lesquelles une

altérité virtuellement accessible à l’ensemble des associés, se retrouve en définitive attribuée à ceux qui auront été les seuls à remplir les conditions de son obtention263. Tel est le cas lorsque la société émet des titres et ouvre un délai durant lequel les associés pourront y souscrire.

256 Elle ne serait, tout au plus, valable que si la catégorie créée ne peut être accordée qu’à certains associés du fait

de leur qualité. C’est le cas des actions spécifiques ou « goldens shares » qui ne peuvent bénéficier qu’à l’État. Dans cette hypothèse, l’inégalité entre associés existera dès la création. Sur ces actions spécifiques, voir L. RICHER et A. VIANDIER, « La loi de privatisation (loi n°93-923 du 19 juillet 1993) », JCP E 1993, n°39, 281, p. 445, spéc. pp. 450 et s.

257 Contra : voir J.-M. MOULIN, Le principe d’égalité dans la société anonyme, op.cit., n°18, p. 17, pour qui la

catégorisation des titres ne fait que réduire le champ de l’égalité.

258 T. GRANIER, v° « Avantages particuliers », Rép. sociétés Dalloz, décembre 2010, n°17.

259 Par exemple, l’article L225-138 du Code de commerce permet à l’assemblée générale de réserver une

augmentation de capital à des catégories de personnes répondant à des caractéristiques déterminées.

260 A. COURET et alii, Droit financier, 2e éd. Dalloz, 2012, p. 260, n°393. Pour la souscription à des titres

ordinaires, voir Cass. com. 24 février 1975, Rev. sociétés, 1976, p. 22.

261 CA Paris, 4 avril 1884, Journ. sociétés, 1886, p. 367, où les juges avaient décidé que les avantages attribués

aux actions privilégiées, n’étant pas le résultat d’un apport en nature ou d’une stipulation faite à leur profit par un ou plusieurs associés, ne pouvait justifier l’application de la procédure des avantages particuliers.

262 Art. L228-15 du Code de commerce

263 P. MILLET, op.cit., p. 104. Si toutefois la société fixe des conditions, tout en sachant que certains associés ne

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Dans cette hypothèse, ceux qui seront forclos seront écartés de l’opération. Il n’en demeure pas moins qu’il n’y aura pas de discrimination, puisque tous les associés sont placés sur un même pied d’égalité, à moins que certains aient été informés avant les autres264. Dans le

même esprit, quand la loi réserve la possibilité de demander une expertise de gestion dans les sociétés par actions et les SARL aux associés qui disposent, seuls ou groupés, d’un certain pourcentage dans le capital265, il n’y a point inégalité entre les associés.

N’est pas non plus discriminatoire, la possibilité offerte dans les sociétés cotées aux actionnaires détenant une participation de 5% dans le capital ou constituant une association, de requérir l’inscription dans l’ordre du jour de points ou de projets de résolution266. Le même

sort doit encore être réservé aux cas du dividende majoré267 et du droit de vote double prévus par la loi dans les sociétés par actions, étant donné que tous les associés sont appelés à en bénéficier dès lors qu’ils observent les exigences légales268. Aussi, lorsque l’article L228-29

du Code de commerce restreint-il les droits des actionnaires dont les actions ne sont pas entièrement libérées, il n’établit aucune entorse à l’égalité, à moins que la libération ne soit pas totalement libre.

317. Aussi, en cas de procédure collective, la loi dispose-t-elle que « le tribunal peut prononcer l’incessibilité des parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital, détenus par un ou plusieurs dirigeants de droit ou de fait et décider que le droit de vote y attaché sera exercé, pour une durée qu’il fixe, par un mandataire de justice désigné à cet effet. De même, il peut ordonner la cession de ces parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital détenu par ces mêmes personnes, le prix de cession étant fixé à dire d’expert »269. Malgré la distinction entre associés qui pourra

s’inférer de la mise en application de ce texte, nulle rupture d’égalité ne pourra être identifiée. Et pour cause, ce traitement désavantageux est appelé à s’appliquer à tout associé, pourvu seulement qu’il se retrouve dans la situation décrite par la loi.

318. Enfin, selon la Cour de cassation, ne crée pas d’inégalité entre associés, la réduction

264 Sous réserve toutefois du cas où ces derniers bénéficient d’un droit à une information renforcée en cas

d’augmentation de capital.

265 10% du capital pour la SARL : art. L223-37 du Code de commerce ; 5% du capital pour les sociétés par

actions : art. L225-231 du même code.

266 Art. L225-105 du Code de commerce.

267 Y GUYON, Traité des contrats : les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés, op.cit.,

n°112, p. 191.

268 Voir les articles L232-14 et L225-123 du Code de commerce. 269 Art. L631-19-1 du Code de commerce.

171 à zéro du capital social (ou coup d’accordéon)270 suivie d’une suppression du droit préférentiel de souscription des associés dans la mesure où les associés subissent le même sort271, aucun parmi eux n’étant soustrait de cette défaveur272.

En somme, si dans toutes ces situations, la première condition de l’inégalité entre associés, en l’occurrence la différence de traitement, est satisfaite, il n’en va pas de même de la seconde, puisqu’aucun associé ne se trouve a priori exclu de cette altérité. La même conclusion s’impose si l’altérité est attachée à un statut accessible à tous les associés.