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L’absence de sanction systématique de l’atteinte à l’égalité apparaît, au premier chef,

Conclusion du chapitre liminaire

Section 1. Un principe introuvable parmi les principes généraux du droit positif

B. Un principe non consacré par la jurisprudence actuelle

99. L’absence de sanction systématique de l’atteinte à l’égalité apparaît, au premier chef,

dans la jurisprudence relative aux abus du droit de vote. Il est vrai que, selon une doctrine autorisée150 proche de l’école de Strasbourg, la construction jurisprudentielle de la théorie des abus du droit de vote demeure la sanction la plus remarquable de l’égalité entre associés. D’après elle, en sanctionnant ces déloyautés, la jurisprudence viserait avant tout à réprimer les ruptures d’égalité151et, d’une certaine façon, à affirmer l’existence du principe opposé. Cette

opinion ne résiste guère à l’analyse car, à la vérité, la rupture de l’égalité ne constitue pas le critère exclusif des abus du droit vote, loin s’en faut.

100. Rappelons qu’il existe trois types d’abus de la prérogative de vote : celui de majorité,

de minorité152 et d’égalité. Alors que le premier a été défini dans l’arrêt Picquard153comme le

16 novembre 1903 sur les pouvoirs des assemblées générales extraordinaires pour la modification des statuts »,

Journ. Sociétés, 1906, p. 97.

146 Voir par exemple, Req., 29 décembre 1896, préc. Pour plus de détails sur cette jurisprudence, voir

P. CORDONNIER, « L’égalité entre actionnaires avant et depuis la loi du 22 novembre 1913 », art. cit., p. 418, spéc. n°9, pp. 432 et 433.

147 E. THALLER, « Des divers emplois possibles d’actions de priorité », Journ. Sociétés, 1912, pp. 385 et s. 148 A. WAHL, « Commentaire de la loi de 1913 modifiant le régime des sociétés par actions », Journ. Sociétés,

1914, p. 4, spéc. n°39, p. 84.

149 Tels qu’en cas de réduction de capital ou en ce qui concerne les droits d’ordre public comme le droit de

participer aux décisions collectives et celui de ne pas voir ses engagements augmentés. Et là aussi, force est de noter que des aménagements discriminatoires sont possibles si les associés l’acceptent.

150 D. SCHMIDT, Les conflits d’intérêts dans la société anonyme, nouvelle version, op.cit., n°325, p. 319 ;

A. LYON-CAEN, Le contrôle de la croissance des entreprises par les autorités publiques, th. Paris II, 1975, pp. 733 et s. ; J. MESTRE, « L’égalité entre associés, (aspects de droit privé) », art. cit., p. 404 ; C. PRIETO, La

société contractante, préf. J. Mestre, éd. PUAM, 1994, n°236, p. 157.

151 Lamy Sociétés commerciales, op.cit., n°2773 ; P. BISSSARA, « L’intérêt social », Rev. sociétés, 1999, p. 5,

spéc. p. 29 ; R. KADDOUCH, Le droit de vote de l’associé, th. Aix-Marseille, 2001, p. 86.

152 Sur la sanction de cet abus, voir J.-F. BARBIERI, « Retour sur les sanctions de l’abus de minorité », in Mél.

offerts à D. Schmidt, éd. Joly, 2005, p. 51.

153 Cass. com., 18 avril 1961, D. 1961, p. 661, S. 1961, p. 257, note Dalsace ; JCP 1961, II, 12164, note Bastian;

RTD com., 1961, p. 634, obs. R. Houin, cassant Paris, 28 février 1959, JCP G, 1959, II, 11175, note D.B. ; S. 1959, jur., 134, note A. Dalsace ; D. 1959, p. 353, note E.N. Martine ; RTD com. 1960, p. 99, obs. J. Rault.

61 fait pour les majoritaires d’adopter une résolution « contrairement à l’intérêt général de la

société et dans l’unique dessein de favoriser (leurs intérêts) au détriment (de ceux) de la minorité »154, le deuxième est constitué, selon la Cour de cassation, chaque fois que les minoritaires bloquent155 une décision collective au détriment de l’intérêt social et des intérêts des majoritaires et dans le dessein exclusif de favoriser leurs intérêts personnels156. Quant au troisième, il n’est qu’une variante du précédent157, même s’il tend progressivement à se

singulariser158. Au regard de ces définitions traditionnelles, il semblait bien établi que chacun des aspects de l’abus du droit de vote exigeait la réunion de deux conditions159 : une rupture

de l’égalité entre associés et une atteinte à l’intérêt social160.

101. Pourtant, une jurisprudence est venue conforter l’opinion doctrinale évoquée ci-

dessus, en consacrant l’unicité du critère des abus en faveur de l’entorse à l’égalité entre associés. L’arrêt Cambier du 16 octobre 1963 est la première décision à s’inscrire dans ce registre. Dans cette affaire, la Cour de cassation avait approuvé une cour d’appel d’avoir considéré « que, s’ils n’ont pas à se substituer à l’assemblée générale dans la gestion du patrimoine social, les juges n’en doivent pas moins contrôler les décisions de cette assemblée

add. Les grandes décisions de la jurisprudence, Les sociétés, par Y. CHARTIER et J. MESTRE, éd. PUF, 1988, n°12, p. 52.

154 Sur l’ensemble de la question, voir P. COPPENS, L’abus de majorité dans les sociétés anonymes, th. Paris,

1945 ; NEUBERGER, Le détournement de pouvoir dans la société anonyme, th. Paris, 1936 ; J. L. RIVES- LANGE, « L’abus de majorité », RJ Com. 1991, n° spécial « La loi de la majorité », p. 65 ; D. TRICOT, « Abus de droit dans les sociétés : abus de majorité et abus de minorité », RTD com. 1994, p. 617 ; CORDELIER,

L’abus en droit des sociétés, th. Toulouse I, 2002 ; N. LESOURD, « L’annulation pour abus de droit des

délibérations d’assemblées générales », RTD. com. 1962, p. 1.

155 L’abus de minorité peut aussi se traduire par une décision sociale obtenue par surprise, voir PH. MERLE et A.

FAUCHON, op.cit., n°665 ; ou par une action en justice abusive intentée par un ou plusieurs minoritaires, voir sur ce point, P. Le CANNU, « L’abus de minorité », Bull. Joly, 1986, p. 429, spéc. p. 430.

156 Voir Cass. com. 14 janvier 1992, D. 1992, Jur. 337, note Bousquet; JCP E, 1992, II, n°302, p. 125, note

A. Viandier ; RTD com. 1992, p. 636, obs. Y. Reinhard ; Rev. sociétés, 1992, p. 44, note Ph. Merle ; Bull. Joly, 1992, p. 273, note P. Le Cannu. À rapprocher, Cass. com., 15 juillet 1992, arrêt six, Bull. Joly, 1992, p. 1083, note Paul Le Cannu ; JCP E, II, 1992, p. 375, note Y. Guyon ; JCP G, II, 1992, p. 21944, note BARBIERI ; Rev.

sociétés. 1993, p. 400, note Ph. Merle. Sur l’ensemble de la question, voir P. Le CANNU, « L’abus de

minorité », art. cit., p. 429 ; D. SCHMIDT, Les droit de la minorité dans la société anonyme, op.cit., 1970 ; PH. MERLE, « L’abus de minorité », RJ Com. 1991, n° spécial « La loi de la majorité », p. 81 ; M. BOIZARD, « L’abus de minorité », Rev. sociétés, 1988, p. 365.

157 Cass. com. 8 juillet 1997, Bull. Joly, 1997, p. 980, note E. Lepoutre ; Cass. com. 24 janvier 1995, Bull. civ.

IV, n°27 ; Rev. sociétés, 1995, p. 46, note M. Jeantin. Add. LAMY, Sociétés commerciales, op.cit., n°2832.

158 E. LEPOUTRE, « Vers une singularisation de l’abus d’égalité ? », Bull. Joly, 1997, p. 980.

159 Voir D. TRICOT, « Abus de droit dans les sociétés : abus de majorité et abus de minorité », RTD com. 1994,

pp. 622 et 223 ; P. Le CANNU, « Le minoritaire inerte (Observations sous l’arrêt Flandin) » Bull. Joly, 1993, p. 537, spéc. 538.

160 Sur ce dernier critère, Monsieur Cabrillac faisait remarquer que, malgré la similitude des formules employées

par les juges pour définir les deux types d’abus, ce serait une erreur que de se référer aux solutions dégagées en matière d’abus de majorité pour apprécier cette condition dans l’hypothèse de l’abus de minorité, voir M. CABRILLAC, « De quelques handicaps dans la construction de l’abus de minorité », Mélanges offerts à

A. Colomer, éd. Litec, 1993, p. 109, spéc. n°20, p. 116. Voir également sur ce point, A. DANA, « L’expression dualiste de la méconnaissance de l’intérêt collectif des associés », Rev. sociétés, 1979, p. 715, spéc. p. 725, qui pense que l’abus de minorité n’est pas le contraire de celui de majorité.

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acquise dans des conditions qui risquent de fausser, au profit de quelques actionnaires les règles établies(…) pour la protection de tous »161. Cette décision s’appuyait visiblement sur

l’unique rupture d’égalité162. Dans le même esprit, on peut citer un arrêt du 6 juin 1990 dans

lequel les hauts magistrats de l’ordre judiciaire avaient confirmé une décision d’une cour d’appel qui avait retenu un abus de majorité, au motif que « l’affectation systématique des

bénéfices aux réserves163 (n’avait) répondu ni à l’objet ni aux intérêts de la société Huber et que ces décisions ont favorisé les associés majoritaires au détriment des associés minoritaires

»164.

102. Peut également être évoqué, un arrêt de la cour d’appel de Paris dans lequel les juges

avaient précisé que « les décisions des assemblées générales des sociétés peuvent être

annulées pour abus de droit, lorsqu’elles ont été prises sans égard pour l’intérêt de la société, mais uniquement en vue de favoriser l’intérêt d’un associé ou d’un groupe d’associés majoritaires au détriment des membres de la minorité »165. Dans les commentaires de cette décision, un auteur a fait remarquer que l’emploi de la conjonction de coordination « mais » par la cour d’appel devait être interprété comme synonyme de « c’est-à-dire »166. Autrement

dit, les magistrats auraient estimé que « pour échapper à toute critique, il ne suffit pas que les

décisions prises par l’assemblée ne méconnaissent pas l’intérêt social ; mais qu’elles doivent encore n’avoir pas été prises uniquement dans l’intérêt de la majorité ou de l’un de ses membres au détriment des associés minoritaires »167.

103. Par ces différentes décisions, les juges sont donc venus appuyer les défenseurs de la

rupture de l’égalité entre associés comme unique critère des déloyautés dans l’exercice du

161 Cass. com. 16 octobre 1963, Bull. civ. III, n°423 ; D.1964, Jur. 431-432 ; JCP, 1964. II. 13459, pp. 431 et

432, note P.L. ; Rev. sociétés, 1964, p. 37, note J. Autesserre.

162 Voir par exemple, P. FEUILLET, « Rapport sur l’atteinte à l’intérêt collectif apprécié à partir de la rupture

d’égalité entre les actionnaires », art. cit, p. 706. Contra : voir R. CONTIN, Le contrôle de la gestion des sociétés

anonymes, op.cit., n°686, pp. 465 et s., qui pense que cet arrêt retient non pas une seule mais les deux conditions de l’abus du droit de vote.

163 Sur l’ensemble de la question, E. MASSIN, L’absence abusive de distribution de bénéfices, RJ com. 1978,

p. 197 ; E. LEPOUTRE, « Autofinancement des entreprises et abus de majorité », Bull. Joly, 1996, p. 189.

164 Cass. com. 6 juin 1990, SARL Huber et Cic. c. Lamps, Bull. Joly, 1990, p. 782, note P. Le Cannu ; Rev. sociétés,

1990, p. 606, note Y. Chartier. Avec une motivation différente, voir Cass. civ. 1re, 13 avril 1983, Société civile de

gestion Vendôme c. Monot, Bull. Joly, 1983, p. 512 ; Gaz. Pal. p. 1983, panorama, 239, note J. Dupichot ; RTD

com. 1984, 202, obs. E. Alfandari et M. Jeantin, cassant Paris, 25 nov. 1981, Defrénois, 1983, p. 574, obs. J. Honorat.

165 CA Paris, 7 novembre 1972, Assael c/ Société Union Hôtelière parisienne, JCP, 1973, II, 17448, note

Y. Guyon.

166 G. SOUSI, L’intérêt social dans le droit français des sociétés commerciales, th. Lyon III, 1974, n°326, p. 316. 167 A.-L. CHAMPETIER de RIBES-JUSTEAU, op.cit., n°284, p. 207.

63 droit de vote168. Selon Dominique Schmidt, « on ne peut convenir que la rupture d’égalité

constitue le ‘deuxième élément’ caractéristique de l’abus (de majorité) : elle en est et ne peut en être que le seul »169 et que l’abus de minorité serait « une notion insaisissable si l’on tente

de l’expliquer autrement que par la rupture d’égalité »170. Signalons que la rupture d’égalité

comporte un critère objectif et un autre subjectif. Le premier existe lorsque la société refuse un avantage à certains associés alors qu’elle l’attribue aux autres171 ou leur impose

exclusivement un désavantage172 ou une charge collective173. Le second, qui était traditionnellement assimilé à l’intention de nuire174, semble désormais réduit à une simple

conscience de s’avantager personnellement175.

104. Cette précision étant faite, encore faut-il signaler que, conscient du fait que le critère

de la rupture d’égalité manque de précision, puisque la notion d’égalité entre actionnaires s’est elle-même délitée176, le chef de file de l’école de Strasbourg lui a substitué celui de

l’atteinte à l’intérêt commun177. Selon lui, en tant que simple contrat ou « nœud de

contrats »178, la société ne saurait être « constituée en vue de satisfaire un autre intérêt que

celui des associés, qui ont seuls vocation à partager entre eux le bénéfice social »179. De ce fait, l’abus du droit de vote est constitué dès lors que la résolution ou la décision de ne pas voter est prise dans l’unique dessein de favoriser certains associés car, dans ce cas, elle sera nécessairement contraire à l’intérêt commun180 ; d’où l’inutilité, d’après lui181, de la référence

à l’intérêt social. Pour l’auteur, la référence à l’intérêt social manque de pertinence et demeure

168 D. SCHMIDT, Les droits de la minorité dans la société anonyme, op.cit., n°202 ; A. PIROVANO, art. cit.,

p. 189 ; M. GERMAIN, « L’intérêt commun des actionnaires », art. cit., p. 13 ; D. SCHMIDT, « De l’intérêt commun des associés », JCP, 1994, I, n°3793 ; du même auteur, « Considération des intérêts des actionnaires dans les prises de décisions et le contrôle du juge », RJ com. 1997 p. 257 ; Th. HASSLER, « L’intérêt commun », RTD com. 1984, p. 581 ; B. SAINTOURENS, note sous CA Paris, 3 décembre 1993, Bull. Joly, 1994, n°79, p. 299.

169 D. SCHMIDT, note sous Cass. com. 22 avril 1976, Rev. sociétés, 1976, p. 483.

170 D. SCHMIDT, Les droits de la minorité dans la société anonyme, op.cit., n°208, p. 155. 171 Cass. com. 29 mai 1972, JCP, 1973, II, 17337, note Y. Guyon.

172 Cass. com. 24 janvier 1995, Bull. Joly, 1995, pp. 321 et 303, note P. Le Cannu. 173 J.-M. MOULIN, Le principe d’égalité dans la société anonyme, op.cit., n°1060, p. 550. 174 Cass. com. 6 févier 1957, JCP, 1957, II, 10325, note D.B.

175 J. HÉMARD, F. TERRÉ et P. MABILAT, Sociétés commerciales, op.cit., n°388, p. 332. 176 D. SCHMIDT, Les conflits d’intérêts dans la société anonyme, op.cit., n°325, p. 319.

177 Voir art. 1833 du Code civil qui dispose que « Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans

l'intérêt commun des associés ». Pour une définition jurisprudentielle de l’intérêt commun, voir Cass. com. 10

octobre 2000, Dr. sociétés, 2001, comm. n°20, obs. Th. Bonneau.

178 A. COURET, « Les apports de la théorie micro-économique moderne à l’analyse du droit des sociétés », Rev.

Sociétés, 1984, p. 243.

179 D. SCHMIDT, « De l’intérêt social », JCP E, 1995, p. 361 ; « De l’intérêt commun des associés », art. cit., p. 204. 180 D. SCHMIDT, Les conflits d’intérêts dans la société anonyme, op.cit., n°325, p. 319.

181 D. SCHMIDT, note sous, Cass. com. 30 mai 1980, Dame Picard, Rev. sociétés, 1981, p. 313 ; note sous Cass.

com. 20 mars 2007, Société Hexagone c/ La Roseraie, Bull. Joly, 2007, p. 745 ; D. SCHMIDT, Les conflits

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inopportune, étant donné qu’elle favoriserait l’immixtion des juges dans la gestion de la société182. Il reconnaît toutefois que toutes les ruptures d’égalité n’emportent pas une violation de l’intérêt commun183. Il en est ainsi de l’octroi d’avantages particuliers à certains associés

ou encore de la suppression du droit préférentiel de souscription184 au profit d’actuels ou de futurs associés. Ces opérations ne font que servir cet intérêt commun et les intéressés ne participent pas au vote185. Quoi qu’il en soit, cette opinion est combattue par une autre partie de la doctrine.

105. Suivant un autre courant doctrinal, proche de l’école de Rennes186, la jurisprudence

sur les abus du droit de vote repose sur la seule atteinte à l’intérêt social. Sous cette conception, la rupture d’égalité devient superfétatoire187 et ne joue aucun rôle dans la

détermination des abus. Nous verrons que la notion d’intérêt social reste controversée et renvoie selon les auteurs à l’intérêt général188, l’intérêt de l’entreprise189, à une notion

analysée par référence à la réalisation de l’objet social190, à une notion variable191 ou encore à

l’actif social192. Au reste, à l’image de la thèse précédente, cette opinion a pu bénéficier d’un

certain soutien jurisprudentiel.

106. À ce propos l’arrêt Fruehauf c/ Massardy193 rendu par la cour d’appel de Paris est l’exemple classique le plus cité. En l’espèce, la société Fruehauf France, qui travaillait sous licence américaine et dont le capital social était détenu à hauteur de 60% par le groupe américain Greyhound, spécialisé dans la construction d’autocars, avait conclu en 1964 un important contrat avec la société des Automobiles Berliet, portant sur la fourniture de semi-

182 D. SCHMIDT, Les conflits d’intérêts dans la société anonyme, op.cit., n°325, p. 319. 183 D. SCHMIDT, « De l’intérêt commun des associés », art. cit., n°48, p. 404.

184 Pour une étude générale de cette prérogative, voir A. COURET, Le droit préférentiel de souscription de

l’actionnaire, th. Toulouse, 1978. Voir aussi infra, nos522 et s.

185 D. SCHMIDT, « De l’intérêt commun des associés », art. cit., pp. 535 et 536.

186 J. PAILLUSSEAU, La société anonyme, technique d’organisation de l’entreprise, éd., Sirey, 1967, pp. 86 et

196 et s. ; C. CHAMPAUD, Le pouvoir de concentration de la société par actions, op.cit. ; R. CONTIN, Le

contrôle de la gestion des sociétés anonymes, op.cit., n°684, pp. 464 et s.

187 A.-L. CHAMPETIER de RIBES-JUSTEAU, op.cit., n°276, p. 198.

188 B. SAINTOURENS, note sous CA Paris, 3 décembre 1993 Serfati c/ Chriqui ès-esqualités et autres, Bull.

Joly, 1994, p. 299, spéc. p. 307 ; C. CHAMPAUD, « Contribution à la définition du droit économique »,

D. 1967, Chron., p. 215.

189 R. CONTIN, Le contrôle de la gestion des sociétés anonymes, op.cit., n°686. 190 M. GERMAIN et V. MAGNIER, op.cit., n°2130.

191 D. PORACCHIA, La réception juridique des montages conçus par les professionnels, op.cit., n°617, p. 361. 192 J.-M. MOULIN, Le principe d’égalité dans la société anonyme, op.cit., n°123, p. 81.

193 CA Paris, 22 mai 1965, Société Fruehauf-Corporation c/Massardy, D. 1968, Jur. 147-150, note R. Contin ;

JCP, 1965, II, 14274 bis ; Gaz. Pal. 18 Août 1965, Jur. 86-90 ; RTD com. 1965, 619-620, n°2, obs. R. Rodière. add. M. BOUCHON, « Rapport sur l’atteinte portée à l’intérêt collectif appréciée à partir de la méconnaissance de l’intérêt social » in L’expertise judiciaire en matière d’abus du droit de majorité, rapports présentés au XVIIe

congrès national de la compagnie nationale des experts judiciaires en comptabilité, Rev. soc., Journ. Soc. 1979, p. 26, spéc. p. 692.

65 remorques destinées à la Chine communiste. Cet accord assurait un plan de charges important pour les usines françaises de Fruehauf. Ayant estimé que ce contrat était contraire à l’intérêt national des États-Unis et de leur politique de blocus contre la Chine, le groupe américain majoritaire s’était opposé à la réalisation de ce marché. Le groupe français minoritaire s’était alors rebellé, car la résiliation de ce contrat allait entrainer des conséquences sociales, juridiques et économiques dramatiques pour la société Fruehauf. Saisi d’une demande de nomination d’un administrateur dont la mission devait consister à faire exécuter le contrat avec le concours des usines Berliet, le tribunal de commerce de Corbeil accepta cette demande dans un jugement du 16 février 1965 et la cour d’appel de Paris confirma leur décision. Dans cet arrêt, les juges du second degré se sont exclusivement fondés sur l’intérêt social perçu comme celui de l’entreprise pour retenir « un abus de domination du patrimoine

social commis par les administrateurs majoritaires »194.

107. Un autre arrêt de la Chambre commerciale rendu le 22 avril 1976195 s’inscrit dans ce

sillage. En l’occurrence, la Cour de cassation avait retenu le grief d’abus de majorité au motif que « l’affectation systématique de la totalité des bénéfices à la réserve extraordinaire n’a répondu ni à l’objet, ni aux intérêts de la société, la cour d’appel a relevé le premier élément dont l’existence est nécessaire, sinon suffisante pour caractériser l’abus du droit de majorité ; en constatant que les décisions litigieuses favorisaient les deux associés majoritaires et nuisaient au contraire à [l’associé minoritaire], la Cour d’appel a relevé le deuxième élément caractéristique de l’abus du droit de majorité ». Cette décision consacre la violation de

l’intérêt social comme élément prépondérant196, sinon unique, de l’abus du droit de vote

puisque la Cour de cassation ne vise que le préjudice de la société197.

108. L’arrêt SARL Contact sécurité c/ Sté Delattre-Levivier du 21 janvier 1997198 est un

194 R. CONTIN, note sous CA Paris, 22 mai 1965, Société Fruehauf-Corporation c/Massardy, D. 1968, Jur. p. 149. 195 Cass. com. 22 avril 1976, D. 1977, pp. 4-7, note J.-Cl. Bousquet. add., M. GERMAIN, « L’abus du droit de

majorité. À propos de l’arrêt du 22 avril 1976 de la Cour de cassation », art. cit., p. 157 ; Rev. sociétés, 1976, p. 479, note D. Schmidt ; A. DANA, « Rapport sur l’expression dualiste de la méconnaissance de l’intérêt collectif des associés », art. cit. ; RJ com. 1977, pp. 93-96, note Ph. Merle. Sur la même affaire, Trib. com. Paris 14 mai. 1973, Rev. Sociétés, 1974, p. 71, note E. Du Pontavice ; RJ com. 1973, p. 260 ; CA Paris, 21 novembre 1974, Rev. Sociétés, 1975, p. 466 ; RJ com. 1975, p. 60.

196 PH. MERLE, RJ com. 1977, p. 93 - plus hésitant, M. GERMAIN, « L’abus du droit de majorité. À propos de

l’arrêt du 22 avril 1976 de la Cour de cassation », art. cit. ; Contra : A. DANA, « Rapport sur l’expression dualiste de la méconnaissance de l’intérêt collectif des associés », art. cit., 722, pour qui cette décision consacre l’exigence des deux critères.

197 D. PORACCHIA, La réception juridique des montages conçus par les professionnels, op.cit., n°317, p. 362, note 389. 198 Cass. com. 21 janvier 1997, SARL Contact sécurité c/ Sté Delattre-Levivier, Bull. civ. IV, n°26 ; Bull. Joly,

1997, p. 312, note P. Le cannu ; D. 1998, Jur., p. 64, note I. Krimmer ; D. 1998, somm. p. 181, obs. J.-Cl. Hallouin ; D. Affaires, 1997, p. 292 ; Dr. et patr. 1997, p. 76, n°1636, note J.-P. Bertrel ; JCP, 1997, II, 22960,

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autre exemple significatif. Dans cette décision, la Haute juridiction précise que « le gérant de

la société avait vocation à agir au nom de la société, sur le fondement des pouvoirs légaux qui lui sont conférés, pour faire constater par la juridiction compétente la nullité des conventions litigieuses et l’atteinte portée à l’intérêt social par les agissements de son ancien gérant [...], constitutifs d’abus de majorité »199. Selon les magistrats, l’abus de majorité est

constitué dès lors que l’atteinte à l’intérêt social est caractérisée. Ce type de déloyauté vise, dans ces conditions uniquement, à protéger la société, il peut donc être invoqué par celle-ci. Même si un auteur200 a retenu que cette décision ne tranche qu’une question d’ordre procédural, à savoir la qualité pour agir du dirigeant, force est d’admettre que l’analyse contractuelle sort ébranlée de cet arrêt201, puisque, c’est en tant que gardien de l’intérêt social, que le gérant s’est vu reconnaître la qualité pour agir202.

109. Cette tendance à réduire l’abus à la seule méconnaissance de l’intérêt social se