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L’altérité attachée à la personne

La reconnaissance de l’inégalité entre associés en droit des sociétés

Section 1. Les critères de l’inégalité entre associés

A. L’altérité attachée à la personne

258. Quand elle est jointe à la personne de l’associé, l’altérité est dite personnelle. Suivant

les cas, il s’agira d’un avantage personnel ou d’un désavantage personnel. Dans les deux hypothèses, la différence demeure intransmissible47. Dès lors, si son bénéficiaire ou son débiteur perd la qualité d’associé en cédant ses titres, elle ne pourra être ni cédée, ni transmise aux ayant-causes48 de ce dernier. À noter également que l’éventuel cessionnaire ne pourra ni en réclamer le bénéfice, ni être obligé de son exécution, au cas où elle serait négative.

259. Bien souvent, la doctrine49 confond altérité personnelle et altérité particulière. Ce

rapprochement n’est pas à l’abri de toute contestation. Car, à la différence de la seconde, la première n’implique pas nécessairement une rupture de l’égalité entre associés. L’exemple de l’avantage particulier intuitu personae suffit pour étayer le propos. Bien qu’elle demeure personnelle50, et donc en principe intransmissible51, cette altérité-avantage doit, surtout, être réservée à des associés nommément désignés ou suffisamment identifiables. Cette rupture d’égalité demeure la caractéristique essentielle de l’avantage particulier. Tel n’est pas le cas de l’altérité personnelle qui, parce qu’elle peut être ouverte à tous les associés, ne traduit pas

ipso facto une entorse à l’égalité. Quelques exemples suffisent pour étayer cette assertion. 260. Selon l’article L232-1452 du Code de commerce, « une majoration de dividendes

dans la limite de 10%53 peut être attribuée par des statuts à tout actionnaire qui justifie, à la

47 D. PORACCHIA et B. GAY, « Sociétés par actions simplifiée et actions de préférence », Journ. sociétés,

2006, n°34, p. 37, spéc. p. 42 ; P. ENGEL et P. TROUSSIERE, art. cit., n°24, p. 374.

48 P. ENGEL et P. TROUSSIERE, art. cit., p. 374, n°24.

49 J. HEMARD, F. TERRE et P. MABILAT, Sociétés commerciales, op.cit., n°736, p. 642 ; A. DALION et A.

TADROS, art. cit., n°21, p. 411.

50 Parce qu’elle est accordée intuitu personae.

51 On sait toutefois que depuis 2004, les avantages particuliers peuvent être attribués par le biais d’actions de

préférence. Or, dans cette hypothèse, le privilège se transmet avec les titres.

52 Issu de l’article 347-2 de la loi du 24 juillet 1966.

53 Sur la question des actions pouvant donner droit à cet avantage, B. PICHARD, « Quelques incertitudes sur les

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clôture de l’exercice, d’une inscription nominative depuis deux ans au moins et du maintien de celle-ci à la date de mise en paiement du dividende »54. De cette disposition, il appert une altérité-avantage qu’est la majoration du dividende55, plus connue sous l’expression « prime

de fidélité »56, laquelle est conditionnée par l’inscription nominative des titres pendant au moins deux ans ; cette inscription devant être maintenue jusqu’à la date de mise en paiement du dividende. La majorité de la doctrine considère que cette altérité demeure liée à la personne de l’actionnaire57 et non à l’action58 car, d’une part, elle reste intransmissible59 et,

d’autre part, la loi ne vise que les actionnaires60. Pourtant, aux termes de l’article L232-14 du

même code, la majoration du dividende reste accessible à tous les associés à la condition seulement qu’ils remplissent les exigences fixées par la loi.

261. Peut également venir en appui à cette distinction entre altérité personnelle et altérité

particulière, le droit de vote double61. Suivant les termes de l’article L225-123, al. 1er, du

54 Toutefois, selon ce texte « dans les sociétés dont les titres de capital sont admis aux négociations sur un

marché réglementé, le nombre de titres éligibles à cette majoration de dividendes ne peut excéder, pour un même actionnaire, 0,5% du capital de la société. La même majoration peut être attribuée, dans les mêmes conditions en cas de distribution d'actions gratuites ».

55 C’est la loi n°94-578 du 12 juillet 1994, JO du 13 juillet 1994, qui règlemente ces primes de fidélité que

plusieurs sociétés accordaient déjà en pratique à certains de leurs actionnaires.

56 Parmi une abondante littérature sur la question, voir B. PICHARD, « Quelques incertitudes sur les primes de

fidélité », art. cit. ; R. ROUTIER, « Primes de fidélité : le revers de la médaille », Bull. Joly, 1996, p. 23 ; E. DAILLY, « Le dividende majoré, une fausse bonne idée », Le figaro économique, 14 avril 1993, p. 11 ; F. PELTIER, « L’attribution d’un dividende majoré à l’actionnaire stable », art. cit. ; F. POLLAUD-DULIAN, « La querelle du dividende majoré, un aspect du principe d’égalité dans le droit des sociétés cotées en bourse », JCP G, 1993, I, 369 ; R. LASKINE, « La guerre du superdividende », La vie française, 22-28 mai 1993, p. 52 ; du même auteur, « Dividende majoré : la querelle s’envenime », La vie française, 23-29 octobre 1993, p. 41 ; H. Le NABASQUE, « Sociétés par actions. La loi autorisant le versement de primes de fidélité a été adoptée »,

JCP E, 1994, I, n°413 ; J.-C. DELVAUX, « Le dividende majoré. Solutions proposées à quelques problèmes pratiques », JCP E, 1994, I, n°414 ; A. VIANDIER et J.-J. CAUSSAIN, « Prime de fidélité, loi n°94-578 du 12 juillet 1994 », JCP E, 1994, I, n°392 ; P. ENGEL et P. TROUSSIERE, « La prime de fidélité aux actionnaires par attribution d’une majoration de dividende », JCP E, I, 1995, n°433 ; Y. GUYON, « La loi du 12 juillet 1994 sur le dividende majoré », Rev. sociétés, 1995, p. 1.

57 Voir dans le même sens, M. JEANTIN, « Observations sur la notion de catégorie d'actions », D. 1995, Chron.

pp. 88 et 89 ; Y GUYON, Traité des contrats : les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre

associés, op.cit., n°112, p. 191 ; MAGNIER, « Les actions de préférence : à qui profite la préférence ? »,

D. 2004, Chron. p. 2559, spéc. n°13.

58 Voir cependant, B. PICHARD, « Quelques incertitudes sur les primes de fidélité », art. cit. pp. 4 et 5 ; Voir

également, A. DALION et A. TADROS, art. cit., pp. 410 et 411, pour qui cet avantage s’attache aux actions et non à la personne de l’actionnaire. Ces auteurs estiment, d’une part, que si cette prérogative ne survit pas dans le patrimoine de l’associé cédant, c’est parce qu’elle n’est qu’une amplification des droits attachés aux titres et, d’autre part, le fait que le cessionnaire ne puisse l’exercer n’est pas non plus synonyme de son inexistence (selon eux cet avantage existe dès l’émission des titres), mais seulement parce que l’article L225-123 du Code de commerce suspend son exercice jusqu’à la réalisation des conditions légales. Si le premier argument paraît recevable, il n’en va pas de même du second car il nous semble que cette prérogatives naît, non pas dès l’émission des titres (du moins dans les sociétés non cotées), mais à la tenue de l’assemblée générale puisque c’est elle qui décide de la créer.

59 M. JEANTIN, « Observations sur la notion de catégorie d'actions », art. cit., p. 89. 60 B. PICHARD, « Quelques incertitudes sur les primes de fidélité », art. cit., p. 4.

61 Sur l’ensemble de la question, voir M. STORCK et T. de RAVEL d’ESCLAPON, « Faut-il supprimer les

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Code de commerce, « un droit de vote double de celui conféré aux autres actions, eu égard à

la quotité de capital social qu’elles représentent, peut être attribué, par les statuts ou une assemblée générale extraordinaire ultérieure, à toutes les actions entièrement libérées pour lesquelles il sera justifié d’une inscription nominative, depuis deux ans au moins62, au nom du

même actionnaire »63. Selon la doctrine, l’attachement de cette prérogative à la personne de l’attributaire ne souffre d’aucune contestation puisque ce privilège cesse de plein droit, nonobstant toute clause contraire, lorsque le bénéficiaire transfère ses titres ou les convertit au porteur64. La loi autorise, certes, sa transmission par succession, partage de communauté entre époux ou en cas de fusion65. Il nous semble, toutefois, que cette dérogation s’explique par le fait qu’en pareilles hypothèses, il n’y a pas véritablement de transfert, étant donné que ledit avantage reste dans le patrimoine de celui continuant virtuellement la personnalité du détenteur des titres et bénéficiant de la transmission universelle du patrimoine de ce dernier. Quoi qu’il en soit, la loi permet à chaque associé de profiter de ce vote renforcé dès lors qu’il réunit les conditions légales. Finalement, si toute altérité particulière est aussi personnelle, l’inverse n’est pas vrai.

Le premier support de l’altérité étant ainsi exposé, il convient d’aborder le second. B. L’altérité attachée aux titres sociaux

262. Si les droits ou obligations spécifiques sont insérés dans les droits sociaux, il se

forme une catégorie de titres sociaux66. À première vue, l’affirmation laisse penser que la notion de catégorie de titres ne suscite aucune difficulté. Pourtant, son étude a pu faire l’objet de quelques échanges doctrinaux. Les termes de ce débat doctrinal seront rappelés afin de dégager les éléments essentiels qui caractérisent la notion (I).

263. Aussi, si une notion unique de catégorie de droits sociaux peut-elle être établie, la

nature des éléments qui la composent varie selon que l’on se trouve dans les sociétés par actions ou dans les autres formes sociales. Cela étant, une analyse de la typologie des

62 Sur le décompte du délai de détention, voir Comité juridique ANSA, 3 février 1999, n°495, en cas de

transformation d’une société en société anonyme ; Comité juridique ANSA, 3 septembre 2008, n°08037, en cas de conversion d’actions de préférence en actions ordinaires.

63 Depuis 2014, l’attribution de cette prérogative est automatique dans les sociétés cotées, sauf si les statuts en

disposent autrement, pour plus de détails, voir J.-P. VALUET, « Le droit de vote des actionnaires en AG : le droit de vote double », Dr. sociétés, octobre 2014, p. 5.

64 Voir art. L225-124 du Code de commerce. Add. M. GERMAIN et V. MAGNIER, op.cit., n°2090. 65 Art. L225-124 du Code de commerce.

145 catégories de titres devra être envisagée (II).

I. Notion de catégorie de titres sociaux

264. L’étude de la notion de catégorie de titres est habituellement menée dans les sociétés

par actions. Si cela s’explique par la nécessité de distinguer cette notion de celle d’avantages particuliers67, c’est surtout parce que c’est dans ces sociétés que la loi dispose qu’on peut créer des catégories d’actions et prévoit une protection particulière des bénéficiaires de ces catégories68.

265. Pourtant, la catégorie de titres dépasse le cadre restreint des sociétés par actions69.

Sans parler de l’effacement progressif de la frontière entre la part sociale et l’action70, la

doctrine contemporaine ne voit aucun obstacle à la modulation des parts sociales71. Il s’en infère que la définition qui sera établie englobera aussi bien les catégories d’actions que celles de parts sociales (a).

Toutefois, si la catégorie de titres semble pouvoir être définie de manière autonome, son appréciation ne saurait se faire que relativement aux titres ordinaires. Or, dans certains cas, cette appréciation demeure délicate (b).

a. La définition de la catégorie de titres sociaux

266. Nulle part définie dans la loi72, la notion de catégorie de titres sociaux a été qualifiée

de « catégorie juridique bien curieuse »73. Le Professeur Jeantin soulignait pourtant qu’elle avait longtemps fait partie de ces notions que la doctrine tenait « pour acquise au point de

faire l’économie même de leur analyse »74. Il semble que ce renoncement doctrinal était lié au

67 Ibid.

68 À travers les assemblées spéciales d’actionnaires. Voir art. L225-99 du Code de commerce. Add.

A. PIETRANCOSTA, « La protection des titulaires de valeurs mobilières donnant accès au capital après l’ordonnance du 24 juin 2004 », RDBF, 2004, p. 373 ; P. Le CANNU, « La protection des porteurs », Rev.

sociétés, 3/2004, p. 567.

69 M. BUCHBERGER, op.cit., p. 284, n°327.

70 P. REIGNE, « Réflexions sur la distinction de l’associé et de l’actionnaire », D. 2002, p. 1330, spéc. n°13. 71 J.-M. de BERMOND de VAULX, « Les parts sociales privilégiées », art. cit. ; CANTENOT, « Catégories de

parts sociales dans les sociétés à responsabilité limitée », Journ. notariale, 1952, p. 429, art. 43794.

72 La loi du 24 juillet 1966 ne fait que l’évoquer, voir par exemple, les articles 269 et 156 à propos des

assemblées spéciales et l’article 180-3, al. 2, concernant l’émission d’une catégorie de valeurs mobilières.

73 Selon l’expression du professeur Daigre, voir J.-J. DAIGRE, « Actions privilégiées, catégories d’actions et

avantages particuliers », art. cit., p. 213.

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fait que la plupart des auteurs se contentaient de la définition proposée par Paul Cordonnier. À suivre cet auteur, la catégorie de droits sociaux n’est rien d’autre qu’une masse de titres assimilables les uns aux autres parce qu’ils jouissent de droits identiques et comportent pour leurs titulaires des obligations semblables75. Ces titres sont soumis à un régime identique et se distinguent, eu égard aux droits qu’ils confèrent et aux charges qu’ils engendrent, d’une autre classe ou de plusieurs classes de droits sociaux de la même société. Cette définition traditionnelle se contente d’une double identité des droits et des obligations originaux que comportent les titres pour admettre l’existence de la catégorie76.

267. On pourrait s’interroger sur la signification de cette double identité. S’agit-il de

prérogatives ou de contraintes strictement et formellement identiques ? Ou bien de droits et d’obligations équivalents ? Concrètement, est-il possible de mettre dans une même catégorie des titres qui confèrent, par exemple, un droit aux dividendes renforcé et d’autres qui n’engendreraient qu’une obligation réduite de participer aux pertes ? Ces questions méritent d’être posées car, selon un auteur, « il faut et il suffit, que tous les objets classés dans une

même catégorie présentent un caractère essentiel commun, toujours semblable. Il n’est nullement nécessaire que tous ces objets soient sur tous les points identiques, ni même semblables »77. Pour affiner son propos, il s’appuie sur l’extrême hétérogénéité qui caractérise les composantes des catégories de meubles et d’immeubles. Cet argument est pour le moins séduisant. Est-il pour autant possible d’appliquer cette solution à la catégorie de droits sociaux ? À la vérité, il ne le semble pas, tant, ce qui est valable pour les catégories de meubles et immeubles ne l’est guère pour celle de droits sociaux. Il ne semble pas possible de toujours établir « un caractère essentiel commun » entre les droits et obligations qui seront insérés aux titres, surtout lorsque ces droits et obligations sont de nature différente.

268. Quoi qu’il en soit, la définition proposée par Monsieur Cordonnier obéissait à une

certaine logique car, dans son acception large, la notion de catégorie renvoie à l’idée de classe où l’on range des objets de même nature. Pourtant, elle n’a pas emporté la conviction de Michel Jeantin78, pour qui cette définition comporte un élément subjectif alors qu’elle devrait demeurer exclusivement objective. Pour illustrer son propos, ce dernier fait remarquer que l’application de cette solution conduit à qualifier de catégories de titres, les actions conférant

75 P. CORDONNIER, « L’égalité entre actionnaires avant et depuis les lois du 22 novembre 1913 », Journ.

sociétés, n°10, 1924, p. 441.

76 M. JEANTIN, « Observations sur la notion de catégorie d'actions », art. cit., p. 88.

77 J. GHESTIN, « Nouvelles propositions pour un renouvellement de la distinction des parties et des tiers », RTD

civ. 1994, p. 777, spéc. n° 5, p. 780.

147 un dividende majoré ou un droit de vote double. Or selon lui, si ces avantages s’attachent aux actions, il n’en va pas de même pour les obligations légales requises pour leur attribution, qui demeurent liées à la personne du bénéficiaire79.

269. Ainsi, sans récuser la nécessité de la double identité des droits et des obligations

spécifiques, il ajoute que la catégorie de titres suppose que l’altérité soit jointe propter rem80

aux titres, de telle sorte qu’elle puisse se transmettre avec eux81. C’est cette transmissibilité de

l’altérité qui distingue la catégorie de titres de l’altérité personnelle. En dernière analyse, même si sa critique a pu être jugée trop sévère82, le professeur Jeantin a incontestablement perfectionné l’étude initiée par son prédécesseur. Aujourd’hui, son opinion, à laquelle nous souscrivons entièrement, domine largement en doctrine83. Ainsi, la catégorie de droits sociaux se définit-elle comme un ensemble de titres portant une altérité identique et transmissible. Si un seul titre porte cette différence, celui-ci constituera seul une catégorie.

Cette définition ne lève pas cependant toutes les ambiguïtés autour de la notion. En réalité, parce qu’ils doivent comporter des droits et/ou des obligations différents de ceux incorporés aux titres ordinaires84, les droits sociaux catégoriels ne peuvent-ils s’apprécier que par rapport à ces derniers. Or, il existe des cas dans lesquels la notion de titre ordinaire demeure elle-même difficile à cerner, rendant ainsi délicate l’appréciation de la catégorie.

b. L’appréciation quelquefois délicate de la catégorie de titres sociaux

270. En étudiant la minorité dans la société anonyme, Dominique Schmidt affirmait qu’il

s’agit d’une notion relative qui « ne peut être déterminée que par rapport à une majorité »85. Cette affirmation peut mutatis mutandis être transposée à la notion de catégorie de titres. Cela est d’autant plus vrai que l’on oppose les titres de catégories à ceux ordinaires86. C’est donc,

79 Il ne fait plus de doute que ces obligations sont personnellement imposées à l’actionnaire. 80 M. JEANTIN, « Observations sur la notion de catégorie d'actions », art. cit., p. 88 81 Ibid.

82 J.-M. MOULIN, Le principe d’égalité dans la société anonyme, op.cit., n°170, p. 105.

83 J. MESTRE, « La réforme des valeurs mobilières », art. cit., p. 12 ; P. ENGEL et P. TROUSSIERE, art. cit., n°3,

p. 372 ; J.-J. DAIGRE, « Actions privilégiées, catégories d’actions et avantages particuliers », art. cit., p. 217.

84 A. BOUGNOUX, « Sociétés par actions.-Formalités constitutives.-Rédaction des statuts. Contenu », J-Cl.

Sociétés Traité, Fasc. n°113-20, novembre 2010, spéc. n°88.

85 D. SCHMIDT, Les droits de la minorité dans la société anonyme, op.cit., n°6, p. 3.

86 C’est dans cette logique que la jurisprudence a, par exemple, pu considérer que le calcul de la valeur vénale

des actions ordinaires doit tenir compte de l’existence des actions de préférence et de l’altérité qu’elles offrent, voir CE 23 décembre 2011, n°327562.

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eu égard à ces derniers, qui font figure d’étalons de mesure87, que les seconds seront déterminés. Se pose alors la question de savoir ce qu’il faut entendre par titre ordinaire ou normal.

271. La réponse est aisée lorsque la loi organise clairement et formellement les droits et

obligations minima que doit porter le titre ordinaire. Tel est par exemple le cas dans les sociétés anonymes dans lesquelles une action ordinaire confère des droits et des obligations proportionnels à la fraction de capital qu’elle représente88. Matériellement, cette action offrira

un droit proportionnel, aux bénéfices, aux réserves, au boni de liquidation, au vote, et un droit arithmétique, de participer aux décisions collectives, à l’information, etc. À l’inverse, ce titre comportera une obligation proportionnelle de contribution aux pertes, etc. La situation est, en revanche, plus ardue dans les cas où la loi s’abstient de définir un standard minimum de prérogatives et d’obligations qui doivent être inclus dans un titre normal. Il en est ainsi des sociétés dans lesquelles la répartition des prérogatives et obligations entre les associés obéit essentiellement à la liberté contractuelle. En ce sens, on peut mentionner la société par actions simplifiée (SAS) à propos de laquelle la loi n’impose aucune directive en ce qui concerne la répartition des droits de vote, d’information et même des dividendes. Dès lors, comment appréhender l’action ordinaire pour en déduire ensuite celle catégorielle ? Pour y répondre, il convient de distinguer entre deux situations.

272. Si les statuts ne fixent pas les droits et obligations liés aux droits sociaux ordinaires,

la démarche qui s’impose est de les calquer sur les prérogatives et charges que la loi attache normalement aux actions89. Ce recours au droit commun se justifie par le fait qu’en tant que société par actions, la SAS est soumise au droit commun des sociétés par actions90. Partant, même si le Code civil et le Code de commerce ne permettent pas de définir le régime des droits d’information et de vote91, il sera toujours possible de déterminer un moule des droits et

obligations à mettre dans l’action ordinaire. Par voie de conséquence, les catégories regrouperont toutes les actions qui engendreront des droits et obligations différents de ceux qui composent cette matrice.

87 M. COZIAN, A. VIANDIER et F. DEBOISSY, op.cit., n°1233, p. 525. 88 Voir R. TALON, Les actions de priorité, th. Aix-Marseille, 1909, p. 7. 89 D. PORACCHIA et B. GAY, art. cit., p. 40.

90 Section II du chapitre VIII du titre II du livre II du Code de commerce. Plus précisément, voir les articles