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L’altérité attachée à un statut accessible à tous les associés

La reconnaissance de l’inégalité entre associés en droit des sociétés

Section 2. L’identification de l’inégalité entre associés

B. L’altérité attachée à un statut accessible à tous les associés

319. Parfois, la loi réserve à certains associés, du fait de leur statut, un traitement singulier

par rapport à leurs coassociés. Cela concerne principalement l’apporteur en industrie et l’associé commanditaire. Se pose alors la question de savoir si ces derniers subissent-ils une rupture d’égalité.

Pour y répondre, nous analyserons respectivement la situation de l’apporteur en industrie (I) et celle du commanditaire (II).

I. La situation de l’apporteur en industrie

320. Faute de moyens matériels, une personne qui souhaite entrer dans une société peut,

lorsque les statuts le prévoient273, mettre à la disposition de cette dernière son talent, son

270 Sur l’ensemble de la question, voir S. SYLVESTRE-TOUVIN, Le coup d’accordéon ou les vicissitudes du

capital, éd. PUAM, 2003.

271 Cass. com. 18 Juin 2002, Bull. civ. IV, n°108 ; D. 2002, p. 2190, note A. Lienhard ; RJDA, 2002, n°1038 ;

RTD com. 2002, p. 496, obs. J.-P. Chazal et Y. Reinhard ; JCP E, 2002, 1556, note A. Viandier ; Bull. Joly, 2002, p. 1222, note S. Sylvestre ; Dr. sociétés, 2003, comm. 72, obs. J.-P. Legros ; JCP G, 2002, II, n°10180, note H. Hovasse. Décision rendue sur pourvoi contre, CA Besançon, 2 décembre 1998, RJDA, 1999, n°1087 ;

Rev. sociétés, 1999, p. 362, note B. Lebars ; Bull. Joly, 1999, p. 943.

272 Nous pensons que cette solution ne réalise pas l’égalité, mais la rompt puisque certains associés perdront forcément

plus que d’autres, à moins qu’ils soient associés égalitaires.

273 Sur l’exigence d’une prévision statutaire, voir Cass. civ. 3e, 28 novembre 2001, D. 2002, AJ, p. 215, note

M. Boizard ; Cass. com. 14 décembre 2004, Dr. sociétés, avr. 2005, n°65, note F.-X. Lucas, où faute de prévisions statutaires, la Cour a refusé que soit pris en compte, pour l’évaluation des parts d’un associé, le travail qu’il a fourni depuis l’entrée dans la société. Plus récemment, la cour d’appel de Paris a affirmé que si l’apport en industrie n’est pas prévu dans les statuts, il sera considéré comme inexistant, voir CA Paris, 20 septembre 2011, Bull. Joly, 2011, n°12, p. 968.

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savoir-faire274. Communément appelé apport en industrie, ce type de mise peut, à l’exception des sociétés anonymes275, être effectué dans toutes les sociétés276. De plus, mis à part les associés commanditaires, il peut être réalisé par tout associé, personne physique ou morale277. Distinct du contrat de travail278, l’apport en savoir-faire permet à son auteur d’acquérir la qualité d’associé279 au même titre que les associés ayant effectué des apports en capital. Il

devrait, dès lors, subir le même traitement que ces derniers.

321. Pourtant, la réalité est toute autre, car le législateur le soumet à un régime

spécifique280. En effet, à la différence des apports en numéraire et en nature, l’apport en industrie n’est pas incorporé dans le capital social de la société281. Par conséquent, son auteur

ne peut logiquement prétendre à des droits sociaux représentant une quotité de ce capital. Partant, même si les statuts lui attribuent des titres282, ces droits sociaux, contrairement à ceux des associés en capital, n’ouvriront droit, tout au plus, qu’au partage des bénéfices, de l’actif net283 et des plus-values d’actif284. Nous remarquerons, cependant, que la jurisprudence admet

274 A. JAUFFRET, G. LAGARDE, J. HAMEL, Droit commercial, sociétés, groupements d’intérêt économique,

entreprises publiques, t. 1, 2e éd., vol. II, n°391, p. 25, par G. Lagarde. Pour une définition de la notion de savoir-faire ou de know how, voir P. MOUSSERON, « Aspects juridiques du know-how », Cah. dr. ent. 1972, p. 1.

275 Art. L225-3 du Code de commerce.

276 Art. 1843-3 du Code civil pour les sociétés civiles ; Code de commerce : art. L225-258 pour les sociétés à

participation ouvrière ; art. L222-1 pour les commandités des sociétés en commandite ; art. L227-1 pour les sociétés par actions simplifiée et art. L223-7 pour les sociétés à responsabilité limitée. Il faut ajouter que l’apport en industrie demeure envisageable dans les groupements d’intérêt économique.

277 Voir CA Paris, 3 novembre 1998, Bull. Joly, 1998, p. 359, note A. Couret, qui reconnaît la possibilité

d’effectuer un apport en industrie à une société civile professionnelle.

278 Sur la distinction entre contrat de travail et apport en industrie, notamment dans les sociétés en participation,

voir Cass. soc. 25 octobre 2005, Bull. Joly, 2006, n°3, p. 395, note B. Saintourens.

279 La Haute juridiction reconnaît, à juste titre, la qualité d’associé à l’apporteur en industrie dans un attendu

ainsi rédigé : « Attendu que pour faire droit à la demande de dissolution de la société, l’arrêt retient que celle-ci peut être prononcée lorsqu’il existe un seul associé détenteur unique des parts sociales depuis la constitution de la société, nonobstant la présence d’un associé uniquement titulaire de parts d’industrie ; Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’elle constatait qu’il co-existait un associé, fut-il titulaire de parts en industrie, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles susvisés », voir Cass. civ. 1re, 30

mars 2004, Rev. sociétés, 2005, p. 855, note D. Poracchia ; R. BAILLOD, Bull. Joly, 2004, n°7, p. 1001.

280 D. PORACCHIA, « L’apporteur en industrie est un associé au titre de l’article 1844-5 du Code civil relatif à

la dissolution d’une société unipersonnelle », note sous Cass. civ.1re 30 mars 2004, Rev. sociétés, 2004, p. 855,

spéc. n°4.

281 Art. 1843-2 du Code civil. Pour une analyse critique de cette exclusion, voir D. PORACCHIA, « L’apporteur

en industrie est un associé au titre de l’article 1844-5 du Code civil relatif à la dissolution d'une société unipersonnelle », art. cit., nos5 et s. ; L. NURIT-PONTIER, « Repenser les apports en industrie », LPA, 3 juillet

2002, n°132, p. 4.

282 L’article 1843-2 du Code civil offre cette possibilité. Pour une distinction entre les titres de capital et les titres

d’industrie, voir CA Paris, 6 juillet 2001, D. 2001, p. 2975, note A. Leinhard.

283 Sur la notion d’actif net, voir Y. REINHARD, « L’actif net des sociétés (les capitaux propres) », in Aspects

actuels du droit commercial français, études offertes à René ROBLOT, rééd. LGDJ, Lextenso, 2014, p. 297.

284 Cass. civ. 1re, 23 mai 1984, Bull. civ. I, n°169 ; Cass. com. 29 novembre 1988, Bull. civ. IV, n° 332 ; Rev.

sociétés, 1989, p. 64, note P. Le Cannu ; Cass. civ. 1re, 19 avril 2005, Bull. civ. I, n°187, 158 ; RTD com. 2005,

p. 527, obs. C. Champaud et D. Danet ; p. 785, note L. Grosclaude ; Bull. Joly, 2005, p. 1276, note J.-J. Daigre ;

173 que puisse lui être conférés des biens issus de sa prestation285.

322. Ne disposant pas de droits patrimoniaux, l’apporteur en savoir-faire ne saurait non

plus, ni transmettre ses titres286, ni en exiger le remboursement287 en cas de liquidation ou de départ de la société. Cette absence de droits patrimoniaux n’est nulle part mentionnée dans les textes mais la jurisprudence288 la déduit du caractère intuitu personae de ce type d’apport. Par ailleurs, n’ayant pas de participation dans le capital social, l’apporteur en savoir-faire se trouve exclu du bénéfice de tous les droits dont l’obtention est liée à cette participation289. Tel

est le cas du droit de demander l’expertise de gestion qui est conditionnée à la détention d’une quotité dans le capital de la société290 ou encore du droit au boni de liquidation dans les sociétés commerciales, puisque l’article L237-29291 du Code de commerce semble lier le bénéfice de ce droit à une participation dans le capital.

323. Concernant le partage des bénéfices et des pertes, l’article 1844-1 du Code civil

indique que « la part de l’associé qui n’a apporté que son industrie est égale à celle de l’associé qui a le moins apporté »292

. Le texte vise l’associé qui a le moins apporté en nature ou en numéraire. Outre ces particularités, l’apporteur en industrie demeure assujetti à une obligation d’exclusivité293 et de non-concurrence294 là où ceux en capital ne le sont que si la

nature de la société295, celle du bien apporté296 ou l’objet social297, l’imposent. La Cour de

285 Cass. civ. 1re, 30 mai 2006, RTD civ. 2006, p. 589, note T. Revet. 286 Cass. civ. 1re, 9 février 1955, bull. civ. I, n°67 ; D. 1955, somm. 73.

287 Cass. civ. 1re, 19 avril 2005, Bull. civ. I, n°187, 158 ; RTD com. 2005, p. 527, obs. C. Champaud et D. Danet ;

p.785, note L. Grosclaude ; Bull. Joly, 2005, p. 1276, note J.-J. Daigre ; Rev. sociétés, 2005, p. 111, note D. Poracchia ; D. 2005, AJ, p. 1230, obs. A. Lienhard ;

288 Cass. civ. 1re, 8 février 1955, Bull. civ. I, n°67 ; D. 1955, somm. p. 73. 289 L. NURIT-PONTIER, « Repenser les apports en industrie », art. cit.

290 Pour un rappel de cette condition, voir CA Paris, 31 mars 2000, Dr. sociétés, 2000, n°10, comm. 142 par D. Vidal. 291 Art. L237-29 du Code de commerce « Sauf clause contraire des statuts, le partage des capitaux propres

subsistant après remboursement du nominal des actions ou des parts sociales est effectué entre les associés dans les mêmes proportions que leur participation au capital social ».

292 Sur le caractère obligatoire de la rémunération de l’apport, voir Cass. com. 7 juillet 2004, Bull. Joly, 2005,

n°1, p. 42, note Y. Reinhard et F. Passot ; Sur la notion de contrepartie, voir F. M. LAPRADE, « Apport et contrepartie », Bull. Joly, 2009, p. 1170.

293 Art. 1843-3 du Code civil. Toutefois, cette obligation d’exclusivité n’interdit pas à l’apporteur d’exercer une

activité étrangère à celle de la société.

294 J.-L. NAVARRO, « L’obligation de non concurrence en droit des sociétés », Journ. sociétés, octobre 2013,

p. 39, spéc. p. 45.

295 C’est le cas des sociétés dans lesquelles l’intuitu personae est très présent, comme les sociétés civiles, les

sociétés en nom collectif ou encore les commandites simples ou par actions en ce qui concerne les associés commandités, voir en ce sens, Cass. com. 15 novembre 2011, Rev. sociétés, 2012, p. 292, note L. Godon; Bull.

Joly, 2012, n°2, p. 112, note H. Le Nabasque.

296 Les exemples topiques sont l’apport d’un fonds de commerce ou d’une clientèle.

297 L’on songe par exemple aux sociétés civiles professionnelles dans lesquelles les associés exercent en

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cassation a récemment rappelé que les associés en capital de SARL298 et de SAS299 échappent à toute obligation légale de non-concurrence à l’égard de la société. Cette solution demeure, à l’évidence, applicable à toutes les autres sociétés, sous réserve toutefois des exceptions évoquées tantôt. Enfin, lorsqu’il est réalisé dans une SAS, la loi soumet l’apport en industrie à une règle d’évaluation300. En termes clairs, le législateur impose aux associés, dans un délai

qu’ils fixeront dans les statuts, un devoir d’évaluer la valeur de cet apport. Cette évaluation devra « intervenir dans les conditions identiques à celles prévues pour les apports en nature

dans les sociétés anonymes »301, c’est-à-dire avec le concours d’un commissaire aux apports302. L’objectif est vraisemblablement de « valoriser l’action d’apport en industrie »303, pour adapter sa valeur initialement retenue à sa valeur réelle304.

324. Il apparaît, au terme de cette analyse, que la condition de l’apporteur en savoir-faire

est bien différente de celle des autres associés. Certains305 en ont déduit l’existence d’une discrimination. Cette opinion peut se comprendre car, là où les droits de l’apporteur en capital sont calculés proportionnellement à son apport, ceux de l’apporteur en industrie ne le sont que de façon forfaitaire. Cette injustice paraît d’autant plus avérée que l’apport en savoir-faire peut parfois représenter une très forte valeur ajoutée pour la société, notamment dans cette ère des nouvelles technologies. On pourrait donc retenir une inégalité, quitte à admettre qu’elle soit justifiée par une différence de situations liée aux spécificités de l’apport en industrie.

325. Pourtant, nous pensons que, dans le fond, il n’existe aucune rupture d’égalité entre

associés. Sans doute, la première condition de l’inégalité est remplie, puisque l’apporteur en industrie subit un traitement moins avantageux que celui de ses coassociés306. Cependant, le second élément de l’inégalité, à savoir l’exclusion, fait défaut. Autrement dit, il ne pourrait y avoir discrimination que si le statut d’apporteur en capital est inaccessible à l’associé en

298 Cass. com. 15 novembre 2011, préc.

299 Cass. com. 10 septembre 2013, Bull. Joly, 2013, n°11, p. 724, note J.-F. Barbièri.

300 Art. L227-1, al. 4, du Code de commerce. Sur l’ensemble de la question, voir T. MASSART, « Les apports de

savoir-faire dans la SAS » Bull. Joly, 2009, p. 1154 ; A. THEIMER, « Les apports en industrie dans une société par actions simplifiée », Dr. sociétés, n°11, novembre 2009, étude 14 ; S. SCHILLER, « Les apports en industrie dans les SAS », Rev. sociétés, 2009, p. 59.

301 D. GIBIRILA, « L’apport en industrie : du droit commun au droit spécial des SARL et SAS », Journ.

sociétés, septembre 2013, n°111, p. 31, spéc. p. 37.

302 Art. L225-8 du Code de commerce. 303 Ibid.

304 Rapport Sénat n°413 (2007-2008) de M. Laurent Béteille, Mme Élisabeth Lamure et M. Philippe Marini, fait

au nom de la Commission spéciale, déposé le 24 juin 2008.

305 Y GUYON, Traité des contrats : les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés, op.cit.,

n°112, p. 192 ; R. BAILLOD, L’apport en industrie, déclin ou renouveau, th. Toulouse, 1980, n°77, p. 80.

175 industrie. En effet, en tant que science d’organisation307, « le droit procède par

catégories »308. En opérant une distinction entre apporteur en capital et apporteur en industrie, le législateur établit des catégories auxquelles il a attaché des droits et des obligations différents309. Par cette démarche, il permet à toute personne désirant devenir associé d’une société de choisir en fonction de sa situation et de ses moyens, le statut qui lui convient le mieux. En conséquence, l’égalité sera respectée tant que cette faculté de choix entre les deux statuts est préservée310. Aussi longtemps que l’accès à la catégorie d’apporteur en capital n’est pas fermé à l’apporteur en industrie, il sera douteux que l’on puisse admettre une rupture d’égalité au sens juridique du terme. Or, à l’analyse du droit positif, il n’existe aucun principe qui empêche une personne associé311 ou souhaitant le devenir, de réaliser un apport en capital.

Ne faisant l’objet d’aucune exclusion formelle du statut d’apporteur en capital, l’associé en industrie ne semble subir aucune discrimination par rapport à ses coassociés en capital. Ce raisonnement demeure transposable à la situation des commanditaires comparée à celle des commandités.

II. La situation de l’associé commanditaire

326. Dans les sociétés en commandite simple312 ou par actions313, la loi distingue deux

types d’associés. Il existe, d’une part, les commandités qui sont dotés de la qualité de commerçant314 et dont la responsabilité est illimitée315 et, d’autre part, les commanditaires, dépourvus de cette qualité et dont les engagements sont limités aux apports. Trait essentiel de la commandite, cette dualité des statuts de l’associé en fait une société hybride composée

307 J. PAILLUSSEAU, « Le droit est aussi une science d’organisation (et les juristes sont parfois des

organisateurs juridiques) », RTD com. 1989, p. 1.

308 A.-F. ZATTARA-GROS, « N’est pas tiers qui veut ! - À propos de l’associé d’une société civile, prêteur à

celle-ci... », JCP G, 2012, p. 992.

309 P. MAZIERE, op.cit., nos351 et s. 310 Ibid., n°388.

311 Au contraire, dans certaines formes sociales, telles que les sociétés civiles professionnelles, la loi permet aux

apporteurs en industrie de se muer en apporteur en capital à l’occasion d’augmentations de capital par incorporations des réserves et des plus-values d’actif. Pour un exemple de transformation, voir Cass. civ. 1re, 16

juillet 1998, Defrénois, 15 janvier 1999, n°1, p. 3, note Y. Guyon. Il faut cependant noter que cette hypothèse trouve une limite de taille dans le fait qu’en pratique les autres associés peuvent refuser à l’apporteur en industrie de réaliser un apport en capital.

312 Articles L222-1 à L222-12 du Code de commerce. 313 Articles L226-1 à L226-14 du Code de commerce.

314 Articles L226-1 et L222-1 du Code commerce. Les commanditaires n’ont pas cette qualité. C’est d’ailleurs au titre

de cette exigence que la qualité de commandité est fermée aux mineurs, même émancipés, et aux majeurs protégés.

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d’une société à risque limité et d’une autre à risque illimité316. Si elle est par actions, la

commandite fait figure de mélange d’une société en nom collectif et d’une société anonyme, et dans sa forme dite simple, elle apparaît comme la réunion d’une société à responsabilité limitée et d’une société en nom collectif.

327. Dans les deux cas, la loi confère aux commandités une sorte de primauté317 sur les

commanditaires. D’ailleurs, la jurisprudence estime que si la qualité de commanditaire d’un associé n’est pas spécifiée dans les statuts, alors ce dernier sera réputé commandité318. Aussi,

la loi319 réserve-t-elle aux seuls commandités la possibilité d’effectuer des actes de gestion320. Les commanditaires ne sont habilités à en faire ni directement ni par procuration321. Cette interdiction légale, communément appelée « défense d’immixtion »322, est assortie de

sanctions très sévères323. Dans le même esprit, le législateur refuse aux commanditaires, contrairement aux commandités, la possibilité d’effectuer des apports en industrie324. Les

commanditaires325 ne disposent pas non plus d’un droit spécial à l’information326, alors que

les commandités en bénéficient lorsqu’ils ne sont pas dirigeants. De plus, là où une simple majorité des commanditaires est requise lors des modifications statutaires327, l’unanimité des commandités demeure exigée. Enfin, le décès, la liquidation judiciaire, l’interdiction ou l’incapacité d’exercer une activité commerciale du commandité entraine en principe la dissolution de la société328. Tel n’est le cas pour le commanditaire329. Cette analyse montre que ce dernier subit une nette différence de traitement en comparaison au commandité. N’est- il pas alors permis d’en déduire l’existence d’une inégalité entre eux ?

316 Voir en ce sens, E. THALLER et J. PERCEROU, Traité élémentaire de droit commercial, op.cit., n°489. 317 Une société en commandite ne peut exister sans associé commandité, mais un seul suffit. C’est pourquoi, en

cas de décès du commandité, la société est dissoute si les statuts ne prévoient pas de stipulations contraires.

318 CA Paris, 5 décembre 2001, Dr. sociétés, n°4, 2002, comm. 63, note J. MONNET et D. VIDAL ;Bull. Joly,

2002, n°4, p. 536, note L. Godon.

319 Art. L222-6 du Code de commerce.

320 Sur les justifications de cette règle, voir Lamy Sociétés commerciales, op. cit., n°2981. 321 M. GERMAIN et V. MAGNIER, op.cit., n°1750.

322 P. PIC, « La défense d’immixtion du commanditaire », D. 1933, Chron. 21.

323 Selon l’article L222-6, al. 2, du Code de commerce, en cas d’inobservation de cette prohibition « l’associé

commanditaire est tenu solidairement avec les associés commandités, des dettes et engagements de la société qui résultent des actes prohibés. Suivant le nombre ou l'importance de ceux-ci, il peut être déclaré solidairement obligé pour tous les engagements de la société ou pour quelques-uns seulement ».

324 Art. L222-1, alinéa 2, du Code de commerce.

325 Ce dernier dispose des mêmes droits à l’information et de contrôle que les actionnaires de la société anonyme,

voir art. L222-7 du Code de commerce.

326 Art. L221-8 du Code de commerce.

327 Sauf concernant les modifications qui emportent une augmentation de leurs engagements pour lesquelles

l’accord de chaque commanditaire doit être obtenu.

328 M.GERMAIN et V. MAGNIER, op. cit., n° 1739, p. 191. 329 Art. L222-10 du Code de commerce.

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328. Nous ne le pensons pas. Et pour cause, les mêmes raisons qui ont justifié la réfutation

d’une discrimination entre associé en industrie et associé en capital, demeurent applicables ici. Il convient, par conséquent, de se rapporter à nos développements consacrés à ce point330.

Maintenant que nous avons identifié les situations relevant des fausses inégalités entre associés, reste à déterminer celles constitutives de vraies inégalités.

§ 2. Les vraies situations d’inégalité entre associés

329. Les réelles inégalités correspondent à toutes les situations dans lesquelles un ou

certains associés retirent de la société un gain non partagé avec les autres, ou supportent une charge non endossée par ces derniers.

Il en va ainsi lorsque des avantages particuliers (A) ou des désavantages particuliers (B) sont attribués ou imposés à un ou certains associés.