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Le tournant républicain (années 1870 années 1880)

II. LA LÉGITIMATION DE L’UNIVERSITÉ

2.2. L’Alliance française et la consécration de l’enseignement

Tout semble avoir été dit sur la fondation l’Alliance française, le 21 juillet 1883, et sur ses premières années de fonctionnement416 – le contexte républicain et colonial dans lequel elle voit le jour, le messianisme culturel qui anime ses membres-fondateurs dans le cadre d’une concurrence avec l’Allemagne, l’appartenance professionnelle de ces derniers – au point qu’il ne serait plus, à lire l’un des récents historiens de l’Alliance, « possible de fouiller plus avant les conditions de cette naissance »417.

À l’aune d’une lecture sociohistorique418, il nous a cependant paru envisageable – et utile – de rouvrir le dossier en vue de restituer autrement les conditions objectives de naissance de cette institution, que nous envisagerons ici, dans le doit fil des travaux de Christian Topalov sur les « laboratoires du nouveau siècle », comme une arène de la réforme dédiée à la redéfinition du « rayonnement intellectuel » de la France, c’est-à-dire au bornage de ses horizons et de ses possibles. Notre hypothèse est que la création de l’Alliance française, nonobstant les revendications d’apolitisme et les aspirations à l’universel affichées par ses pères fondateurs – discours dont l’historien ne saurait se satisfaire, faute de pouvoir sonder les consciences –, et au-delà de son contexte très général d’émergence – ainsi résumé par François Chaubet : « le renouveau diplomatique » et ses logiques coloniales, « le renouveau intellectuel » et la diffusion du modèle des sociétés savantes (à caractère géographique en particulier)419 –, cette création de l’Alliance est le produit d’une configuration sociopolitique particulière aux années 1880 : la rencontre entre, d’une part, les figures d’une ancienne élite dirigeante, au pouvoir sous le Second Empire mais évincée des responsabilités par la République, et qui a encore soif d’influence mais ne peut désormais songer à agir que dans des secteurs où la puissance publique n’intervient pas encore, ou peu (le « rayonnement intellectuel » de la France en est un) ; d’autre part, une génération montante de républicains

416 Pour ne citer que trois publications qui font référence : Maurice Bruézière, L’Alliance française…., op. cit. ; Mariangela Rosseli, op. cit. ; François Chaubet, La politique culturelle française…, op. cit.

417 François Chaubet, La politique culturelle de la France, op. cit., p. 29. « Les "papiers d’agent" de Paul Cambon au Quai d’Orsay, par exemple, n’ont rien livré », ajoute Chaubet (Ibid.).

418 Nous voulons tenter de répondre ici à une partie du programme proposé par Blaise Wilfert-Portal, dans sa critique de l’ouvrage de François Chaubet : « D’où le caractère assez inachevé des développements sur la composition sociale de l’Alliance et ses implications : la seule variable réellement étudiée par François Chaubet est celle de la profession du noyau central des militants. Même si celle-ci était univoque – et on en est loin, sous la Troisième République –, il resterait encore à savoir non seulement si les individus évoqués étaient, dans leur profession, en situation d’ascension ou de déclin, en position dominante ou plutôt minoritaire, mais aussi s’ils avaient du bien et, pourquoi pas, leur origine sociale et celle de leurs conjoints. On aurait ainsi pu mieux cerner quels types d’élites frayaient à l’Alliance, y investissaient du temps, de l’argent et du capital symbolique, et ce qu’elles souhaitaient réellement y faire et pas seulement ce qu’elles prétendaient y faire » (Blaise Wilfert-Portal, « Librairie », Vingtième siècle. Revue d’histoire, n° 100, p. 229-231.

90 (ici principalement des diplomates et des universitaires), avide d’opportunités, pour qui « entrer en réforme » représente une occasion « de se faire un nom » et de se doter des diverses formes de capital requises pour progresser au sein de leur champ d’évolution respectif420.

A) Jeunes hommes et hommes jeunes

L’étude prosopographique des dix-huit membres-fondateurs de l’Alliance française421 permet tout d’abord de mettre en évidence leur jeunesse. La moyenne d’âge se situe en effet à 43 ans et l’âge médian à 41 ans. Quatre d’entre eux ont même moins de 30 ans (ainsi Mouttet et Reinach, 26 ans ; Jusserand, 28 ans ; Izoulet, 29 ans) et seulement trois d’entre eux ont plus de 50 ans (Tissot, 55 ans ; de Parieu, 68 ans ; Duruy, 72 ans). L’Alliance française est donc le fruit de jeunes hommes et d’hommes jeunes, une caractéristique d’autant plus à souligner qu’à la même période, la seule structure officielle occupée par l’action intellectuelle de la France à l’étranger – la Commission des voyages et des missions scientifiques et littéraires – accuse une composition générationnelle bien plus avancée en âge : l’âge moyen de ses membres est de 56 ans en 1883 (il était de 60 ans en 1879) et sur quarante-cinq membres, aucun d’eux n’a moins de 30 ans, 10% seulement ont moins de 40 ans et un tiers a plus de 60 ans422. Le seul espace d’intervention des pouvoirs publics en matière de « rayonnement intellectuel » étant déjà investi par une génération bien établie, les nouvelles générations à l’origine de l’Alliance française se sont donc dotées, avec elle, d’une scène où pouvoir se produire sans attendre.

B) Une antichambre du pouvoir ?

Un second élément caractérise la plupart de ces hommes, quelle que soit la génération à laquelle ils appartiennent : leur éloignement, plus ou moins récent, du champ du pouvoir. Bien qu’elle se proclame – et soit souvent présentée – comme une institution apolitique, l’Alliance française – tout du moins son noyau fondateur – repose en réalité sur des réseaux politiques clairement identifiables, alors situés en marge des allées du pouvoir.

420 Cf. Christian Topalov, « Entrepreneurs en réforme », dans Christian Topalov (dir.), op. cit., p. 397. 421 Nous avons constitué ici un groupe composé des personnes présentes à la réunion fondatrice du 21 juillet 1883 et des membres du premier comité d’organisation de 1884, à savoir : Antoine Bernard, Paul Bert, Paul Cambon, l’abbé Charmetant, le comte Eugène Fontaine de Resbecq, Victor Duruy, Félix Esquirou de Parieu, Pierre Foncin, Jean Izoulet, Jean-Jules Jusserand, Isidore Loeb, Louis Machuel, Alfred Mayrargues, Paul Melon, Louis Mouttet, Joseph Reinach, Emmanuel Guillaume Rey, Charles Tissot (liste établie d’après : Journal des débats, 22 décembre 1883 ; Alliance française. Association nationale pour la propagation de la langue française dans les colonies et à l’étranger, brochure de présentation, Paris, 1889, p. 3). Seul Antoine Bernard, publiciste, n’a pu être identifié.

91 Le premier groupe est celui des gambettistes, dont toute la carrière s’est faite à l’ombre du grand homme et qui, depuis l’éviction du pouvoir de ce dernier en janvier 1882 et sa mort en décembre de la même année, se retrouvent orphelins et obligés de se repositionner dans le jeu politique. C’est le cas de Joseph Reinach, qui fut le jeune chef de cabinet de Gambetta ; de Paul Bert, ancien ministre de l’Instruction publique de Gambetta ; de Jean Izoulet, secrétaire particulier de Paul Bert rue de Grenelle423 ; de Pierre Foncin, directeur de l’enseignement sous le ministère Gambetta et, depuis lors, inspecteur général de l’Instruction publique ; de Charles Tissot, proche de Gambetta et nommé sur la recommandation de celui-ci ambassadeur à Constantinople en 1880 ; de Louis Mouttet et Alfred Mayrargues, tous deux membres de la Société historique et du Cercle Saint-Simon, dont on connait les passerelles avec les réseaux de la République gambettiste424 – Joseph Reinach en fait d’ailleurs partie425. De fait écartés du pouvoir par le décès de leur leader, les gambettistes cherchent à revenir dans un jeu que domine désormais l’ancien ami et rival de Gambetta, Jules Ferry426. L’Alliance française, où l’on compte au moins deux « ferrystes » notoires – Paul Cambon, qui a commencé sa carrière auprès de Jules Ferry à la préfecture de la Seine, et Jean-Jules Jusserand, ancien chef-adjoint de cabinet dans le gouvernement Ferry entre 1880 et 1881 –, représente un des lieux possibles où opérer ce rapprochement et reprendre pied dans le débat public, en particulier en matière de politique coloniale, désormais à la une de l’actualité.

L’autre groupe politique bien identifié, quoique plus modeste, est celui incarné par les anciens du Second Empire, dont la carrière a été brisée sur l’hôtel de la République et qui ne peuvent désormais « entrer en réforme » que par le côté. Le plus fameux d’entre eux est sans conteste Victor Duruy, ancien ministre de l’Instruction publique de Napoléon III, en qui tous les réformateurs républicains de l’université voient un précurseur, sans toutefois autoriser son retour aux affaires. Il fait partie, dans la typologie topalovienne du champ réformateur, de ces « "patrons" dont l’appui est nécessaire pour cautionner une entreprise dont les "secrétaires" entendent conserver le contrôle »427. Vice-président de l’Alliance, Duruy n’y est d’ailleurs pas venu seul : un de ses anciens collaborateurs fait également partie du comité d’organisation de 1883-1884, le comte Eugène de Fontaine de Resbecq, qui fut son chef-adjoint de cabinet au ministère de l’Instruction publique, puis sous-directeur de l’enseignement primaire au temps

423 Georges Champenois, Le Sabotage officiel de l’histoire de France, Paris, Bossard, 1930, p. 105.

424 Alice Gérard, « Histoire et politique : la Revue historique face à l’histoire contemporaine (1885-1898) », Revue historique, n°255, 1976, p. 353-405.

425 Cf. Société historique et Cercle Saint-Simon. Bulletin, 1ère année, 1883, p. 4.

426 Pierre Barral, « Gambetta et Ferry, amis et rivaux », Revue historique, n°648, 2004, p. 891-919. Voir aussi, pour l’analyse des réseaux gambettistes : Jérôme Grévy, La République des opportunistes (1870-1885), Paris, Perrin, 1998.

92 de l’Ordre moral. Il n’a que 46 ans en 1883, tout comme le baron Emmanuel-Guillaume Rey, né lui aussi en 1837, chargé de plusieurs missions scientifiques en Syrie sous le cabinet Duruy et qui, depuis la République et la mise en place de la Commission des voyages et des missions scientifiques, n’a plus été investi d’aucune mission. On pourrait citer encore le nom de Félix Esquirou de Parieu, sénateur du Cantal, ancien ministre de l’Instruction publique, ancien vice- président du Conseil d’État (1855-1870), qui, pour avoir été un adversaire de Duruy sous le Second Empire, aurait bien pu prendre la place de ce dernier428 si la République, tout comme Duruy, ne l’en avait pas tenu éloigné depuis 1870.

L’Alliance française fait ainsi figure au moment de son lancement, non pas tellement d’espace apolitique où, comme elle aime à le proclamer elle-même, tout l’échiquier politique français viendrait à converger, mais de lieu investi et dominé par seulement quelques courants politiques qui ont en commun de se trouver en périphérie du champ du pouvoir – qu’ils soient dans cette position depuis longtemps ou pas, et de façon prononcée ou pas – et pour qui l’Alliance peut permettre de (re)jouer un rôle politique actif429.

Cette opportunité que représente l’Alliance – et les raisons de son programme d’action – se dessine mieux encore à la lumière de l’homologie constatée des positions sociales occupées par ses principaux acteurs au sein de leur champ d’origine.

C) Les espoirs d’une nouvelle génération de diplomates républicains

Si l’on porte tout d’abord le regard du côté des diplomates de l’entreprise, Paul Cambon et Jean-Jules Jusserand – dont le premier est présenté partout comme l’un des deux principaux fondateurs de l’Alliance française (le second étant Pierre Foncin) –, on retrouve chez les deux hommes une configuration sociale à peu près similaire, puisque l’un comme l’autre, et malgré un écart d’âge important, viennent d’entrer dans la Carrière, et qu’aucun d’eux ne fait mystère de ses ambitions, tout du moins dans sa correspondance privée.

En 1883, Paul Cambon a laissé derrière lui une carrière préfectorale de plus de dix ans, dont cinq ans comme préfet du Nord – où il s’est acquis une position dont il a tenu d’ailleurs, dans l’éventualité d’une candidature prochaine aux élections sénatoriales430, à conserver les

428 Jean-Charles Geslot, Victor Duruy, historien et ministre (1811-1894), Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2009, p. 272.

429 On pourrait faire également figurer les représentants religieux dans ce schéma : la laïcisation de l’école républicaine en France ne leur donne plus, en effet, de marge de manœuvre qu’à l’étranger où, au contraire, et en partie par l’intermédiaire de l’Alliance, ils peuvent continuer de bénéficier du soutien de la puissance publique, l’anticléricalisme n’étant pas, selon le mot fameux de Gambetta, « un article d’exportation ».

430 « Il envisageait volontiers son entrée au Sénat […]. L’un des sénateurs du Nord, M. Dutilleul, très gravement malade, laisserait la place libre et rien n’empêcherait Paul Cambon de le remplacer deux ans plus

93 bénéfices en faisant nommer son propre frère à sa succession431. C’est avec de grands espoirs d’ascension sociale qu’il s’est vu nommer, en février 1882, résident-général du protectorat de Tunisie, avec grade de ministre plénipotentiaire. Voilà deux ans au moins qu’il s’ennuyait dans la préfectorale et, comme « porte de sortie », rêvait d’entrer dans la Carrière432. De cette entrée par le haut dans le corps diplomatique, et de l’action qu’il a très vite affirmé vouloir mener en Tunisie (réformes administratives, judiciaires et fiscales, afin de consolider le nouveau protectorat de Tunisie, tout juste établi l’année précédente, en 1881), il a escompté plus qu’un nouveau départ : « J’ai 39 ans, écrit-il à sa femme au début de l’année 1882, j’ai encore l’élasticité dans l’esprit pour m’accroître et me réformer. […] Quand j’aurai passé un ou deux ans à Tunis, je pourrai entrer dans n’importe quel poste diplomatique sans être taxé d’intrus. Je serai l’égal des plus connus »433.

Il lui a cependant fallu vite déchanter. Dès son arrivée en Tunisie, Paul Cambon s’est en effet retrouvé en terrain hostile. Face à l’armée française et à certains milieux d’affaires, qui n’ont pas vu d’un très bon œil l’arrivée d’un pouvoir civil en Tunisie, et qui ont, dès le début, tout fait pour ralentir son action réformatrice434. Face aux chancelleries étrangères, ensuite, dont Paul Cambon a pu constater au quotidien la faconde et l’efficacité, à rebours de l’inexpérience de la diplomatie républicaine française :

« Quand on compare la force, l’esprit de suite, l’intelligence politique de ces Allemands à notre versatilité et à notre légèreté, on est confondu. Quant aux Anglais, leur consul est un homme fort ordinaire mais il est né ici. Son père y était consul, il a passé sa vie sur les côtés de Méditerranée. […] J’ai déjà vu des administrations, je n’en connais pas de pire que celles des Affaires étrangères de France. […] Il est désespérant de voir de si grands intérêts en de telles mains »435.

Pour affirmer son autorité, Paul Cambon a multiplié les lettres et les aller-retour entre la Tunisie et la France, afin de plaider sa cause et d’obtenir les appuis et les moyens nécessaires tout au long de l’année 1882. En vain. Il s’est vite rendu compte qu’il ne disposait pas pour accélérer les choses, des réseaux suffisants en métropole, et que ses appuis d’un jour au sein tard » (Henri Cambon, Paul Cambon, ambassadeur de France (1843-1924), par un diplomate, Paris, Plon, 1937, p. 38).

431 « Il était préoccupé de sa succession à la préfecture du Nord, et il agissait pour qu’elle fût attribuée à son frère Jules Cambon. […] [Cette] nomination à Lille présenta quelques difficultés car M. Goblet, le ministre de l’Intérieur, malgré ses bonnes dispositions, craignait que la désignation simultanée des deux frères pour deux postes importants ne fût mal interprétée. […] M. Jules Cambon fut nommé préfet le 28 février 1882 » (Ibid., op. cit., p. 39). Paul Cambon s’en félicite : « La crainte de mon influence dans le Nord disparaît du moment que mon frère me remplace. C’est le même nom, la même administration. Le lien subsiste. Pendant mes congés, je reviens dans le Nord, etc., etc. » (Lettre à Anna Cambon, Paris, 28 février 1882, citée par Laurent Villate, La République des diplomates. Paul et Jules Cambon (1843-1935), Paris, Science infuse, 2002, p. 48).

432 Cf. Laurent Villate, op. cit., p. 46-47.

433 Lettre à Anna Cambon, Paris, 16 février 1882, citée par Laurent Villate, op. cit., p. 84.

434 Voir sa correspondance des années 1881-1883, émaillée de références à ces situations de blocage (Paul Cambon, Correspondance (1870-1924), tome 1 (1870-1898), Paris, Grasset, 1940).

94 des cabinets ministériels n’étaient plus toujours le lendemain en situation de l’aider, faute de stabilité politique en France : « Avec nos changements perpétuels de gouvernement, nous ne pouvons suivre aucune politique, nous nous réduisons à l’état de spectateurs inertes des plus graves événements », s’est-il plaint en août 1882436.

C’est au cours d’un de ses voyages à Paris que Paul Cambon, à l’été 1883, a donc fondé l’Alliance française, dont la diversité de la composition professionnelle – curieux « méli-mélo d’opinions et de religions […] assez drôle »437 et bien connu des historiens438 – lui permet, de fait, d’accroître sa surface sociale en lui donnant directement accès à un vivier d’appuis haut- placés à Paris, nonobstant les changements de majorité au Parlement.

Le noyau fondateur et le premier comité d’organisation de 1884 comptent par ailleurs sans surprise nombre d’acteurs liés à la Tunisie, dont Cambon peut avoir besoin du soutien : outre Jean-Jules Jusserand (chef du bureau des affaires tunisiennes au ministère), on remarque l’abbé Charmetant, qui seconde à Tunis le cardinal Lavigerie ; Louis Machuel, un arabisant qui doit beaucoup à Cambon pour avoir été placé par lui, en mars 1883, au tout nouveau poste de Directeur de l’Instruction publique du protectorat ; Paul Melon, un rentier, ancien banquier protestant439, qui avant la création de l’Alliance « distribuait à ses frais, des livres et de l’argent aux écoles congréganistes tunisiennes »440 ; Charles Tissot, membre de l’Institut, qui incarne le volant scientifique de la politique française en Tunisie depuis qu’il a été nommé président de la Commission archéologique de Tunisie en mars 1883441. De fait, la première des actions menées par l’Alliance sera de subventionner des écoles françaises en Tunisie.

Ces actions sont très vite médiatisées. Car l’Alliance française attire les journalistes. Et Paul Cambon, bien conscient du pouvoir de la presse, s’en saisit vite comme d’une tribune où faire connaître – et reconnaître – son action tunisienne, lui qui, ne l’oublions pas, n’est venu

436 Ibid. Henri Cambon évoque également ces « lenteurs de Paris » dans la biographie qu’il consacre à son père (Henri Cambon, op. cit., p. 60).

437 Lettre à Anna Cambon, 22 juillet 1883, MAE, Papier Cambon (cité par Laurent Villate, op. cit., p. 82). 438 Nous renvoyons ici à l’ouvrage de François Chaubet.

439 Il a été difficile de retrouver la trace de Paul Melon. Plusieurs sources le présentent comme un protestant, quelques-unes seulement, à partir de la fin des années 1880, comme un ancien banquier et rentier dont Thomas de Saint-Georges d’Amstrong, Principes généraux du droit international public. De l’utilité de l’arbitrage, Paris, L. Larose et Forcel, 1890, p. 92 et p. 97. François Chaubet en fait un « universitaire protestant » (op. cit., p. 33), sans plus de précisions, mais la thèse du banquier et du rentier est plus probable : Paul Melon est en effet trésorier de plusieurs sociétés (à commencer par l’Alliance française) et il sera l’animateur-mécène du Comité de patronage des étudiants étrangers de Paris à partir de 1890 (sur ce sujet, cf. infra).

440 « Réunion du 1er mars 1884. Conférence de M. Pierre Foncin. L’Alliance française et l’enseignement de la langue nationale en Tunisie et en Algérie », Société historique et Cercle Saint-Simon. Bulletin, 2e année, 1884, p. 137.

441 Cf. Hervé Duchêne, « De Délos à Carthage ou comment Salomon Reinach devint africain », Journal des savants, n°2, 2006, p. 307-345. Le secrétaire de la Commission archéologique de Tunisie n’est autre que Salomon Reinach, frère d’un des fondateurs de l’Alliance.

95 après tout en Afrique du Nord que pour s’y faire un nom en vue d’en repartir au plus vite vers une destination plus prestigieuse. En février 1884, il écrit à d’Estournelles de Constant :

« Hier à l’Alliance française, il y avait une trentaine de personnes parmi lesquels beaucoup de journalistes et M. Duruy, qui est comme moi vice-président de l’œuvre. Je lui ai offert la présidence de la réunion. La séance n’a offert rien d’intéressant que ce que j’ai dit sur la Tunisie. J’ai raconté des choses intéressantes et amusantes sur les écoles et les projets d’enseignement du Français. Cela a paru du goût de tout le monde. J’ai été assez content de la façon dont j’ai parlé »442.