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L’Allemagne, un ennemi distant dans les romans de la terre québécois : Ma cousine

Chapitre 2 : Dynamique de la fiction : de l’histoire à l’imaginaire fictionnalisé

2.3 L’Allemagne ennemie : politique, militarisme et pouvoir

2.3.4 L’Allemagne, un ennemi distant dans les romans de la terre québécois : Ma cousine

québécois : Ma cousine Mandine, Deux du 22

e

Bataillon, Bertha et Rosette et

Trente arpents.

Parmi les dix œuvres au corpus, quatre sont des romans de la terre : Ma cousine Mandine, Deux du 22e Bataillon, Bertha et Rosette et Trente arpents321. Ces quatre romans comportent

tous au moins une référence les liant à l’Allemagne, de manière souvent accessoire, tout en ayant un ancrage dans la ruralité.

L’idéologie traditionaliste de la fin du dix-neuvième siècle322 trouve un terreau fertile

dans le discours social des années 1930. Un des chefs de file de l’idéologie traditionaliste québécoise de l’entre-deux-guerres est le chanoine Lionel Groulx. Il se porte défenseur d’un nationalisme à caractère ethnique323. Ce discours traditionnel puise dans les racines rurales,

la religion catholique et la famille, le tout dans l’esprit de la survivance du peuple canadien-français. Ce retour aux racines conservatrices et traditionnelles s’explique en partie

320 C. Corneloup, La coccinelle du 22e, op.cit., p. 12.

321 L’idéologie traditionaliste est au cœur de leur trame narrative de Ma cousine Mandine, Deux du 22e Bataillon,

Bertha et Rosette, mais elle est déconstruite dans Trente arpents.

322 F. Dumont, « Les années 30. La première révolution tranquille », Idéologies au Canada français : 1930-1939,

Chicoutimi, J.-M. Tremblay, 2011 [édition originale, 1978], p. 1-20.

par la crise économique sévissant dans les années 1930 au Québec. En effet, le phénomène de l’exode rural, amorcé au dix-neuvième siècle au Québec, est freiné par la crise et réactivé par la guerre324. La France de l’époque, marquée par les années folles et le surréalisme, connait aussi

la résurgence d’un mouvement régionaliste fondé en partie sur la tradition catholique325, avec

des auteurs comme Ernest Pérochon et Maurice Genevoix326.

Le monde occidental de l’époque est par ailleurs culturellement dominé par les États-Unis, figure de proue du cinéma et de la radio327. L’influence américaine est davantage

perceptible au Canada qu’en Europe : « L’expansion soutenue du capitalisme américain en terre canadienne durant les années qui suivent la guerre de 1914-1918 y favorise encore davantage la diffusion de la culture de cette nation328 ». Ainsi, la présence américaine, topoï du discours social

québécois des années 1930, travaille plusieurs des textes publiés à l’époque. Certaines des valeurs que représente l’Amérique, le capitalisme et le libéralisme économique notamment, sont discréditées au profit d’une invitation à se resserrer autour de valeurs traditionnelles. À l’inverse, les États-Unis représentent aussi la terre de tous les possibles dans l’imaginaire québécois329. La fiction de l’époque reprend de grands thèmes qui témoignent de préoccupations

sociales, comme les mariages mixtes de Canadiens français avec des Anglais/Américains/Canadiens anglais. Grâce à l’omniprésence d’une culture de masse – radio,

324 Voir à ce sujet P.-A. Linteau et al., L'histoire du Québec contemporain, tome 2 : Le Québec depuis 1930,

Montréal, Boréal, 1986, 739 p.

325 D. Saint-Jacques et M. Lemire (dir.), La vie littéraire au Québec v.6 : 1919-1933, op. cit., p. 10. 326 Ibid., p. 15.

327 Ibid., p. 9. 328 Ibid., p. 23.

329 Voir à ce sujet notamment Y. Lamonde et E. Trépanier (dir.), L’Avènement de la modernité culturelle au Québec,

Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1986, 319 p., et G. Michaud et É. Nardout-Lafarge,

Constructions de la modernité au Québec : actes du colloque tenu à Montréal les 6, 7 et 8 novembre 2003,

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musique et cinéma –, les symboles américains revêtent une importance particulière dans le discours social du Québec des années 1930. C’est moins le cas pour l’Allemagne, avec laquelle le Québec entretient certes une relation, mais à distance, tant géographiquement que politiquement, socialement et culturellement.

Nous avons déjà analysé les caractéristiques physiques associées aux Allemands dans le roman Ma cousine Mandine : le personnage de Mandine est blond, grand, aux yeux bleus. L’Allemagne dans ce roman de la terre apparait seulement lorsqu’il est question des origines du personnage de Mandine, de son vrai nom Allemandine à cause de ses racines allemandes, et qui a des parents adoptifs canadiens-français. L’Allemagne n’est pas proprement un ennemi dans ce roman. La jeune femme est un personnage observé par le narrateur canadien-français et non un personnage à qui l’on donne la parole pour raconter sa version des faits. Dans Ma cousine Mandine, le narrateur passe ses vacances à la ferme de son oncle et de sa tante qui ont adopté plusieurs années auparavant une jeune Allemande, Mandine. La jeune fille possède un talent artistique et musical. Mandine épouse un ami du narrateur, malgré le refus catégorique du père de celle-ci. La jeune fille déménage en ville pour rejoindre son époux et développe un goût marqué pour le luxe. Elle noue une amitié avec un célibataire anglais qui ne se soucie pas des bonnes mœurs. Elle est jugée sévèrement par son entourage canadien-français. Mandine retrouve cependant ses racines rurales simples et honnêtes à la suite du suicide de son mari délaissé. Elle entre ainsi au couvent pour quelque temps. La jeune femme retourne ensuite à la campagne, épouse Paul et se fait pardonner par son père. Son repentir est sincère. Il n’est pas question de guerre dans ce roman. Toutefois, dès le début du roman, le personnage de Mandine se croit supérieur aux Canadiens français : « elle était certainement d’une race, d’un sang, plus

pur, plus noble330 ». La famille adoptive, au contraire, traite Allemandine comme une des siens :

« S’il [le père adoptif, l’oncle Toine] pensait à son origine, c’était pour se rappeler les misères qu’il avait eues auprès des autorités légales et administratives pour obtenir la possession légale de l’orpheline331 ». Ainsi, Mandine est canadienne-française dès le début du récit pour les

Canadiens français, ce qui lui évite d’être représentée par de nombreux stéréotypes associés aux comportements de personnages allemands.

L’Allemagne n’apparait que de manière très épisodique dans Trente arpents, comme dans Ma cousine Mandine. On y trouve de brèves mentions de la guerre de 1914-1918, lorsque des personnages lisent les journaux. Le récit de Trente arpents porte sur la vie d’un agriculteur nommé Euchariste Moisan, depuis son héritage de la terre familiale lors de son mariage, à la fondation de sa famille jusqu’à sa chute personnelle : sa femme meurt, un de ses fils, prêtre, meurt aussi et deux de ses enfants quittent la terre familiale pour aller s’établir en ville. Qui plus est, Moisan perd ses récoltes dans un feu. Il perd également un procès contre son voisin, et son notaire prend la poudre d’escampette avec toutes ses économies. Moisan cède finalement à contrecœur sa terre à son fils qui utilise des techniques d’agriculture trop modernes à son goût. Il se rend aux États-Unis pour rendre visite à son autre fils, mais il ne comprend pas la langue. Ses petits-enfants ne parlent d’ailleurs qu’anglais. Moisan devient finalement gardien de sécurité de nuit pour gagner un peu d’argent. C’est la fin officielle de sa vie québécoise liée à l’agriculture traditionnelle. Moisan n’a pas su s’adapter au monde qui changeait autour de lui.

La trame narrative de Trente arpents revient de manière ponctuelle à la guerre et à ses effets économiques sur la vie américaine et québécoise. L’Allemagne apparait moins souvent

330 N.-M. Marthé, Ma cousine Mandine, op. cit., p. 4. 331 Ibid.

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dans le discours que les mentions de la Grande Guerre : il n’y a que deux brèves mentions de l’Allemagne dans le roman. L’Allemagne apparait pour la première fois dans le récit avant que la guerre ne soit déclarée. Il s’agit d’une famille voisinant la ferme de Moisan qui a un « nom bizarre : les “Six”332 ». Cette famille est de descendance allemande. Le nom de famille des

Schiltz s’est transformé chez les Canadiens français en Six, puisqu’il était « trop difficile à prononcer333 » :

Dans quelques générations, qui se souviendrait qu’un peu de sang différent coulerait dans leurs veines? Ils étaient aussi canadiens que quiconque, puisque comme les autres ils peinaient sur la terre laurentienne et vivaient d’elle. La patrie, c’est la terre, et non le sang334.

Ce passage s’apparente à ce que pense le personnage de l’oncle Toine à propos des personnes d’origine allemande dans Ma cousine Mandine : il ne faut pas s’arrêter aux origines d’une personne, même si ces origines sont allemandes. La famille Six est canadienne-française selon ce que donne à lire le roman, au même titre que les personnages principaux : c’est « la terre et non le sang » qui prévaut. Nous sommes bien loin ici de la série de stéréotypes habituellement associée à la race allemande, comme dans Le talisman du pharaon. L’Allemagne apparait une seconde fois dans Trente arpents lorsque les personnages lisent le journal :

– Quiens, une nouvelle, dit-il, i’paraît qu’i va y avoir la guerre dans les vieux pays. Les vieux pays c’était tout ce qui n’est ni le Canada ni les États-Unis, tout ce qui est loin et dont parlent les histoires qu’on apprend à l’école335.

Les personnages discutent entre eux des pays en présence qui s’opposent, en l’occurrence l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne. L’Allemagne est ainsi dans une liste; elle est

332 Ringuet, Trente arpents, op. cit., p. 51. 333 Ibid.

334 Ibid. 335 Ibid., p. 138.

présentée dans l’actualité comme un pays ennemi qui s’oppose à la France et à la Grande-Bretagne. Ce renvoi est plutôt historique et ne présente pas l’Allemagne de manière stéréotypée. L’Allemagne, qui fait partie des « vieux pays », est représentée comme un pays exotique pour les agriculteurs du récit, contrairement aux États-Unis, pays qui a une frontière avec le Canada.

Bertha et Rosette est aussi un roman qui se déroule au Québec, cette fois dans la région du Saguenay. Le personnage d’Augustin est fiancé à une jeune femme de la campagne, Bertha. Augustin s’enrôle en 1917. C’est par le thème de la Grande Guerre que l’Allemagne apparait dans le récit, quoique la présence de cette dernière soit tout de même secondaire. Contrairement à Trente arpents, la guerre est ici un conflit qui concerne directement les personnages, puisque Augustin part combattre en Europe. Pendant que le jeune homme est à la guerre, un Américain en visite tente de voler le cœur de Bertha, qui, malgré la tentation, reste fidèle à son fiancé canadien-français. L’Américain jette alors son dévolu sur la cousine de Bertha, Rosette. À l’image de plusieurs romans de l’époque, Rosette se laisse américaniser et suit son nouveau compagnon aux États-Unis, sans être mariée. Rosette est abandonnée par son compagnon américain et se transforme au fil du temps en une femme de mœurs légères, selon la perception de l’Église catholique. Par opposition à Rosette qui succombe à la tentation américaine, Bertha, la vertueuse, épouse Augustin qui revient au pays après s’être évadé d’un camp allemand. Dans le roman, Augustin décrit longuement la vie de camp pendant son internement et la manière dont les Allemands traitaient les prisonniers. Le conflit est plus concret dans ce roman que dans Trente arpents, puisqu’un personnage canadien-français y connait l’expérience des tranchées336.

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On assiste aussi à un rapport direct entre le Canada français et l’Allemagne, par l’intermédiaire d’Augustin qui a été interné dans un camp de prisonniers à la suite de sa capture par les Allemands337.

On ne rencontre pas dans Bertha et Rosette de désir de vengeance à l’endroit des Allemands de la part des personnages canadiens-français, comme c’était le cas dans Les aventures extraordinaires de deux Canayens, Le talisman du pharaon et La coccinelle du 22e.

L’Allemagne est tout de même un pays ennemi dans Bertha et Rosette. Le premier passage qui évoque l’Allemagne dans le récit se donne à lire comme une mise en contexte du début du conflit :

La guerre éclatait. Depuis longtemps, elle était inévitable. Les grandes puissances qui se jalousaient, s’y étaient préparées depuis des années. L’Allemagne voulait de l’espace; ses maîtres étaient avides de gloire, de grandeur, de domination. Le peuple français avait encore le souvenir de 1870; les jeunes grandissaient au refrain d’une revanche à prendre. L’Angleterre, continuant son jeu séculaire, entendait se faire l’arbitre maintenant l’équilibre entre les puissances rivales, afin de garder sa suprématie mondiale338.

L’accumulation des noms « gloire », « grandeur » et « domination » renforce l’idée que les Allemands sont un peuple conquérant. La bataille de Sedan, associée à la défaite française dans la guerre franco-allemande, mentionnée dans Les aventures extraordinaires de deux Canayens, se retrouve aussi dans ce passage : « le souvenir de 1870 ». Le verbe « se jalouser » impute d’ailleurs la responsabilité du conflit non seulement à l’Allemagne, mais aussi à la France et à l’Angleterre. La description des deux autres puissances est donc également négative. Ce passage est à l’image du reste de la trame du roman : les personnages canadiens-français sont contre la conscription, car la guerre ne les concerne pas. L’enrôlement d’Augustin se fait d’ailleurs à la

337 L. Barré, Bertha et Rosette, op. cit., p. 165-177. 338 Ibid., p. 36.

suite d’une beuverie et non par un choix délibéré. Les personnages allemands dans Bertha et Rosette ne sont pas dénigrés même s’ils représentent l’ennemi.

En outre, l’Allemagne est représentée dans Bertha et Rosette par des militaires dans un camp. Aucun personnage allemand singulier n’attire l’attention dans la narration, comme dans Trente arpents. Même si l’Allemagne est peu dénigrée dans Bertha et Rosette, on y trouve un stéréotype : l’organisation allemande inégalée est évoquée. Tout doit être en ordre pour les militaires allemands, même les tranchées : « Quatre soldats [allemands] sortirent de la tranchée et vinrent ramasser les corps. Question de savoir à qui on avait affaire, et surtout la grosse raison pour les Allemands, c’est qu’ils ne tenaient pas à laisser deux cadavres pourrir en face de leur tranchée. Et voilà339 ». Le désir de contrôle de l’environnement par les Allemands est un motif

récurrent dans le récit. Même si les deux personnages canadiens-français qui sont prisonniers dans un camp allemand parviennent à s’enfuir, rien dans le texte ne laisse entendre que les Allemands se font facilement berner. C’est surtout l’agilité des Canadiens français qui est mise en relief. L’Autre sert ici à valoriser le Soi : les Canadiens français ont déjoué les Allemands.

L’Allemagne apparait à la fin du roman Deux du 22e bataillon. Ce roman de Simon

raconte l’histoire d’une famille franco-canadienne, les Desurmon, et d’une famille américaine, les Maclagan. Le récit se déroule en trois temps. Dans un premier temps, la famille Desurmon, dont le chef de famille est décédé, se trouve endettée et risque de perdre sa maison à la campagne. Un généreux donateur, un homme d’affaires nommé Maclagan, offre d’acquitter la dette de la famille québécoise, même s’il ne les connait pas personnellement. Madame Desurmon refuse, car les Maclagan ne sont pas catholiques, leurs valeurs sont trop différentes.

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Dans la deuxième partie, le lecteur découvre que la mère de la famille américaine Maclagan est d’origine française et n’a jamais pu pardonner à son mari d’avoir élevé sa famille dans l’athéisme associé dans le roman aux valeurs américaines. La mère meurt en se confessant à ses deux enfants qui développent chacun une curiosité pour la religion catholique : ils ont honte de ne pas avoir été élevés dans la foi. La troisième partie du roman débute en 1914, moment où l’Allemagne apparait dans le récit. Roger, le fils Desurmon, s’enrôle volontairement. En 1916, Estelle, qui est devenue infirmière militaire, se fiance au fils Desurmon. Il est blessé au front, est trouvé par le frère d’Estelle devenu prêtre et revient au Québec.

L’Allemagne est représentée directement dans trois passages de ce roman de la terre, à chaque fois en lien avec la Grande Guerre. La première référence est faite lors de la déclaration de guerre, ce qui rappelle l’exemple tiré du roman Bertha et Rosette qui expose ainsi les bases du conflit :

Le 4 août la France était officiellement aux prises avec l’Allemagne, et se demandait avec anxiété quelle serait l’attitude de la Grande-Bretagne. Vaillamment celle-ci se rangea à ses côtés invitant ses dominions à marcher sur ses traces. D’un élan aussi généreux que spontané, le gouvernement du Canada télégraphiait à Londres cette fière et noble décision : Tout le Dominion du Canada se jettera dans la mêlée aux côtés de la mère patrie pour vaincre ou pour périr340.

Ce n’est pas cette fois l’esprit de vengeance de la part de la France qui domine, c’est plutôt l’engagement volontaire de la part de la nation canadienne qui prévaut. Les adjectifs « généreux » et « spontané » mettent en relief le fait que le Dominion se donne volontiers à la cause. D’ailleurs, Deux du 22e Bataillon décrit la conscription de manière positive, ce qui est

l’inverse du roman Bertha et Rosette. On lit sur la même page : « Mais pour défendre le droit,

il faut la force : sept semaines avaient suffi pour organiser un premier contingent qui comptait 33 000 hommes, dont 25 000 volontaires341 ». L’Allemagne est un ennemi, mais les premières

mentions à ce sujet sont essentiellement factuelles et ne présentent pas de jugement explicite. Le terme « Allemagne » ne réapparait pas dans le récit après cette référence à la déclaration de guerre. L’Allemagne revient deux fois dans le récit sous une autre appellation, celle d’« ennemie » : « L’artillerie anglaise ayant ce jour-là réduit au silence les batteries ennemies342 »; « les salves ennemies343 ». Puisque la dernière partie du roman se déroule au

front, il va de soi que les Canadiens français combattent l’Allemagne. Cependant, l’accent dans le récit n’est pas mis sur les représentations de l’adversaire. Les principaux thèmes du récit sont la foi et le patriotisme québécois. La guerre, comme trame de fond narrative, permet d’accentuer les thématiques liées à ces deux traits. Ainsi, même si l’Allemagne est un pays à vaincre, on ne trouve dans la narration aucune stratégie énonciative qui déprécie de manière marquée le pays ennemi.

Le véritable ennemi dans Deux du 22e Bataillon est le danger que représentent certaines

valeurs américaines, en l’occurrence le capitalisme et l’absence de foi religieuse. L’américanisation est incarnée dans Deux du 22e Bataillon par la famille Maclagan et plus

précisément par le personnage du père qui a mené sa famille sur la voie de l’athéisme. Les deux enfants Maclagan sont justement déchirés, constatant – selon la trame du récit – l’importance de la religion catholique et de la dévotion à Dieu pour tout être sur terre. L’ennemi principal dans ce roman n’est donc pas l’Allemagne, mais bien le manque de foi des Américains. Le père

341 J.-F. Simon, Deux du 22e Bataillon, op. cit., p. 96.

342 Ibid., p. 102. 343 Ibid., p. 105.

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Maclagan se convertit d’ailleurs à la toute fin du roman, ayant compris que le peuple québécois était dans le droit chemin.

L’Allemagne est présentée presque seulement de manière factuelle dans les romans de la terre : elle sert de référent temporel. Dans le texte d’introduction au dossier sur la guerre dans la littérature québécoise de la revue Voix et images, Michel Biron et Olivier Parenteau affirment que « [l]es guerres du XXe siècle ne cadrent pas avec le discours de l’enracinement auquel on

associe l’essor de la littérature québécoise344 ». Deux du 22e Bataillon, Bertha et Rosette et

Trente arpents ne correspondent pas à cette affirmation, puisqu’ils allient discours de l’enracinement et combat à l’étranger. La Grande Guerre nourrit dans ces trois romans de la terre le discours traditionnel qui porte sur l’attachement éprouvé par les Canadiens français pour