• Aucun résultat trouvé

Section 4. L’encastrement cognitif

4.2. La performation des activités économiques

4.2.2. L’action performative des dispositifs

Au cours des dernières décennies, de nombreux travaux ont souligné l’influence qu’exercent différents « dispositifs137 » dans la construction des échanges. Parmi les sociologues, on peut citer les recherches menées par M. Akrich (1987) ou bien encore par B. Latour qui considèrent que les objets : « ne sont pas de simples moyens mais des médiateurs au même

titre que les autres actants » (Latour, 2007, p. 56). On peut aussi faire référence à la

sociologie du : « travail marchand » de F. Cochoy & S Dubuisson-Quellier qui cherche à mettre en relation les acteurs et les dispositifs pour comprendre leurs modes d’articulation (Cochoy & Dubuisson-Quellier, 2000). Du côté des économistes, la prise en compte des objets est surtout réalisée par les théoriciens conventionnalistes. Ainsi, A. Orléan poursuit une perspective d’analyse qui conduit : « à considérer un encastrement de l’économie qui ne

passe pas seulement par les réseaux de relations personnelles mais également par la

137 La notion de « dispositif », qui trouve son origine dans l’œuvre de Foucault (1975), a vu sa notoriété grandir depuis les années 1990, au point de devenir un élément lexical très souvent mobilisé en sciences sociales (Beuscart & Perbaye, 2006, p. 3). Ce retour au premier plan s’explique selon F. Cochoy, par le rapprochement : « des travaux des anthropologues des sciences et des techniques et des spécialistes de la cognition située qui ont,

tout au long des années 1990 et chacun à sa manière, contribué à rendre justice au rôle des objets dans l’action » (Cochoy, 2004, p. 18). Si ces dispositifs sont très nombreux et variés, il est possible de les regrouper

autour de trois catégories : les dispositifs techniques, cognitifs et institutionnels (Dubuisson-Quellier, 2006, p. 255). Les dispositifs techniques, appelés aussi : « agencements sociotechniques » (Muniesa & Callon, 2009, p. 296) correspondent aux différents instruments et autres éléments techniques qui agissent sur les comportements, à l’image des porte-clefs incitant les vacanciers à laisser les clés à l’accueil (Latour, 1993). Les dispositifs cognitifs quant à eux prennent différentes formes afin de donner un niveau de connaissances supérieur aux individus, qu’il s’agisse de labels, guides, prix littéraires (Karpik, 2009, p. 172) ou bien encore d’emballages (Cochoy, 2002). Enfin, les dispositifs institutionnels rassemblent de leur côté, les contrats, les règles d’organisation du travail, etc. (Beuscart & Perbaye, 2006, p. 3).

médiation des objets » (Orléan, 2005, p. 283). De leur côté, L. Boltanski et L. Thévenot

entendent montrer : « la façon dont les personnes font face à l’incertitude en s’appuyant sur

des objets pour confectionner des ordres » (Boltanski & Thévenot, 1991, p. 31).

Selon S. Dubuisson-Quellier, ces travaux abordent les dispositifs à travers différents angles d’approches. Certains dissèquent en profondeur le processus de fabrication des dispositifs. D’autres étudient les effets produits par ces mêmes dispositifs. D’autres enfin analysent les : « opérations en jeu dans cette médiation » (Dubuisson-Quellier, 2006, p. 255). Nous proposons de notre côté d’aborder ces différents dispositifs en distinguant ceux qui servent à : « équiper » (Cochoy, 1998) les acteurs pour améliorer leur connaissance avant la vente (a) et ceux qui conditionnent la réalisation des échanges en créant une architecture marchande spécifique (b).

a) Des dispositifs pour préparer le choix.

Si l’on regarde de plus près la situation préalable à la réalisation des échanges, on s’aperçoit que les dispositifs agissent afin de simplifier le processus décisionnel des agents économiques. Les labels, les étiquettes et les catalogues constituent divers outils dont la fonction est d’orienter l’estimation courante des objets en vente par les acheteurs. Ainsi, le label apporte la garantie au consommateur, au moment d’effectuer son choix, que le produit a répondu de façon positive aux exigences d’un cahier des charges prédéfini. Il correspond à l’accomplissement d’une sélection préalable menée dans l’intérêt du consommateur qui, confronté à des produits complexes, n’a plus le temps et les compétences pour distinguer les différentes offres entre elles. De son côté, l’étiquette fournit une série d’informations ayant pour but de réaliser une qualification technique objective du bien décrit. Enfin, les catalogues en raison de leur fonction d’informateur jouent : « en faveur d’une égalisation des

connaissances des objets proposés » (Bonnain-Dulon, 2001, p. 516). Dans le cadre

d’enchères, le catalogue est d’autant plus important qu’il assure aux futurs acheteurs l’authenticité des objets, ce qui le positionne comme un des dispositifs clé des enchères138. On peut y lire à l’intérieur les caractéristiques des objets (origine, composition, dimension, état) et y trouver parfois des estimations sur leur valeur. Rédigé par l’expert et le commissaire-priseur, cet outil commercial peut prendre des formes plus ou moins luxueuses selon la valeur

138 La loi déclare que les précisions portées à la connaissance du public sur le catalogue engagent la responsabilité des sociétés de vente sous réserve de rectification annoncée au moment de la présentation de l’objet. Il existe cependant des exceptions à ce principe comme dans le cas des ventes de bois public réalisées par l’ONF.

des biens mis en vente, ce qui constitue une première source d’informations pour les acheteurs139.

Ces dispositifs représentent, pour l’individu en situation d’incertitude, des : « procédures

susceptibles d'équiper son choix, et même de l'équiper au préalable, avant même que la rencontre sujet-objet n'ait lieu » (Cochoy, 1998, p. 9). Ils apportent aux agents économiques

une aide cognitive qui leur permet d’éviter l’accomplissement de décisions aléatoires140

. Ces dispositifs résolvent la problématique de : « l’embarras du choix » (Cochoy, 1999, p. 145) présente dans la métaphore de l’âne de Buridan. Ils permettent de : « sauver l’âne de

Buridan » (Cochoy, 1998, p. 5) car ils instrumentent son comportement en lui fournissant les

arguments pour aller vers la droite ou la gauche avant même que celui-ci rencontre son problème de choix entre deux quantités de nourriture identiques.

Toutefois, pour que ces dispositifs techniques soient un réel moyen de performation, ils doivent être reconnus par les différents acteurs, ce qui implique qu’ils soient au préalable traduits en fonction de leurs propres intérêts. Par exemple, dans la perspective du développement durable, la directive européenne141n°94/2/CE du 22 septembre 1992 prévoyait l’apposition d’une étiquette142 rapportant le niveau de consommation en kWh/an sur les

139

Les catalogues édités lors de ventes prestigieuses ressemblent à de véritables livres d’art. Certains catalogues sont d’ailleurs aussi recherchés que les œuvres décrites et font même l’objet de ventes aux enchères (Colboc, 2004, p. 96) Ils sont imprimés sur du papier glacé, on peut y voir des photos des biens avec un certain nombre de précisions. Envoyé plusieurs semaines avant la vente, le catalogue qui représente la carte de visite du commissaire-priseur donne une certaine idée de la valeur des biens proposés. (Bonnain-Dulon, 2001, p. 516).

140

Ces dispositifs sont d’autant plus précieux que les marchés portent sur des « singularités » (Karpik, 2007) à l’image des biens culturels, des grands vins, des œuvres d’art mais aussi des prestations d’avocats, etc. pour lesquels le critère de la qualité prime dans la décision d’achat sur la question du prix. Dans ce type d’économie où les biens ne sont pas standardisés, il existe en effet une incertitude sur la qualité (Karpik, 1989, p. 206). Ainsi, alors que pour les biens standardisés, le prix : « représente le trait différentiel le plus pertinent pour fonder les

choix économiques et assurer la régulation entre les quantités offertes et les quantités demandées » (Karpik,

1989, p. 203), cette deuxième catégorie de biens suppose qu’en raison d’une offre qui varie selon le niveau de qualité : « le choix ne peut se faire que par un jugement dont la validité dépend des mécanismes qui, comme le

réseau et la confiance, permettent de réduire l'incertitude de la qualité » (Karpik, 1989, p. 203). Sur ce type de

« marché-jugement », les acteurs peuvent alors mobiliser différents dispositifs de jugement qui doivent leur donner une connaissance : « orientée et crédible » (Karpik, 2009, p. 173) pour former leur choix. Parmi ces dispositifs de jugement, L. Karpik distingue les dispositifs « personnels » qui se développent au sein de réseaux sociaux et les dispositifs « impersonnels » qui prennent la forme d’« appellations » visant à désigner les produits, de « cicérones » correspondant aux critiques et aux guides, aux « classements » effectués en fonction de critère d’expertise et enfin de « confluences » cherchant à assurer l’ajustement final des biens aux clients (Karpik, 2009, p. 173).

141

La directive européenne n°94/2/CE du 22 septembre 1992 a été reprise en droit français le 7 juillet 1994 dans le décret n°94-566.

142 L’étiquette comporte une partie fixe commune à tous les fabricants sur laquelle figure une échelle colorée et graduée de A à G précisant la catégorie de performance énergétique de l’appareil : A = couleur verte pour les appareils économes et G = couleur rouge pour les appareils peu économes.

réfrigérateurs, congélateurs et appareils combinés143. Or, face à ce « programme d’action144 »

qui devait permettre d’impliquer l’ensemble des acteurs dans la réduction de la consommation énergétique, le risque était de voir des « anti-programmes » apparaître pour contourner la fiabilité de l’étiquette. On se trouvait face à une problématique identique à celles décrites par M. Callon (1986) et B. Latour (1993) dans le modèle de la traduction145. L’objectif pour les instances européennes était alors d’arriver à traduire en intérêts propres la réglementation sur l’étiquetage à des acteurs aux rationalités multiples146

. Malgré un bilan mitigé sur les débuts de la réglementation (Beslay & al., 1996, p. 109), on peut considérer qu’aujourd’hui la généralisation de l’étiquetage aux lave-linges, sèche-linges et à l’éclairage laisse penser que cet objet a depuis obtenu un rôle plus conséquent dans la performation du marché des produits électroménagers. A travers cette illustration, on constate que les objets participent de façon permanente au processus de performation de l’économie mais que ceci se fait à la condition préalable d’avoir été traduit en intérêt auprès des acteurs du marché.

Ceci étant dit, le travail d’analyse de la performation réalisée par les objets ne se limite pas à la seule construction de dispositifs d’objectivation marchande réalisée en amont (Orléan, 2005, p. 293) mais nécessite en plus d’étudier les autres appareillages matériels qui conditionnent les objets proposés et concourent à l’organisation de la vente.

143

Les résultats de cette recherche, à laquelle nous avons pris part dans le cadre d’une enquête-école, ont donné lieu à un rapport de recherche : « Le vendeur clandestin du rayon froid : affichage énergétique et logiques

d’acteurs dans l’électroménager éco-protecteur » réalisé sous la direction de C. Beslay, F. Cochoy & M-C.

Zelem (1996).

144 Les concepts de « programme d’action » et d’« anti-programme » sont empruntés à B. Latour (1993).

145

Un des exemples emblématiques du modèle de la traduction reste l’étude réalisée par M. Callon sur les Coquilles Saint-Jacques (CSJ) dans la baie de Saint-Brieuc. Il s’agissait d’arriver à fédérer les marins pêcheurs sensibles à la raréfaction de la CSJ avec des chercheurs étudiant ce mollusque, alors même que leurs intérêts n’étaient pas identiques. Cela passa par la construction d’un laboratoire en mer dans lequel les pêcheurs et les scientifiques furent tous impliqués à travers des missions différentes et qui au final permit de créer un réseau et d’améliorer la diffusion des connaissances (Callon, 1986).

B. Latour a proposé de nombreux exemples du modèle de la traduction. Nous proposons de retenir deux illustrations. Le premier porte sur le « fardeau moral d’un porte-clés » : Alors que l’énoncé à l’impératif « rapportez vos clés à la réception SVP » rédigé sur un écriteau n’a guère de succès, le fait de rajouter aux clés un poids incite la majorité des clients à rapporter la clé à la réception. Cette simple innovation a permis de déplacer l’énoncé et à le rendre plus explicite pour les clients. Dans la même idée, l’exemple du « gendarme

couché » démontre qu’au passage d’un ralentisseur, on réduit sa vitesse moins par respect des piétons traversant

la voie que pour la sauvegarde de ses amortisseurs. Là aussi, grâce à la traduction, l’individu passe d’un programme difficile à respecter qui est d’obéir au code de la route et de ralentir à un autre programme « ne

défoncez pas vos amortisseurs » bien plus parlant (Latour, 1993)

146 Pour se rendre indispensable à la diffusion de cette innovation, l’alliance entre tous les acteurs devait être profitable à chacun d’eux : « Améliorer leurs capacités à innover, à produire plus et mieux, à définir l’identité de

leurs appareils pour réinventer un marché jusque là saturé, pourrait être profitable aux constructeurs. Pour les distributeurs ce pourrait être de nouveaux arguments de vente sur des produits qui ne bénéficient pas d’une image très technologique. Pour le consommateur, ce serait un complément d’informations utile à la décision d’achat » (Beslay & al., 1996, p. 7)

b) Le lieu de vente : situer l’objet et organiser la vente.

Sur les marchés, les lieux de vente147 (foirail, halle, centre commercial ou salle des ventes) sont généralement choisis en fonction des caractéristiques des objets vendus. Toutefois, ce choix conduit à entraîner dans le même temps le conditionnement des objets. Par exemple, la commercialisation des tirages photographiques dans des lieux de diffusion traditionnels du marché de l’art a permis à la photographie d’être reconnue en tant qu’objet d’art. En effet, : « un galeriste d’art vend nécessairement une œuvre d’art » (Moureau & Sagot-Duvauroux, 2003, p. 5). De même, comme le démontre A. Quémin, en choisissant de proposer à Drouot Montaigne les biens les plus prestigieux, à Drouot-Richelieu le mobilier et les œuvres d’art plus usuels et à Drouot-Nord les objets bas de gamme, les commissaires-priseurs produisent une : « multitude d’indices […] notamment spatiaux, qui informent sur la qualité des biens

mis en vente, en même temps qu’ils donnent forme à cette qualité » (Quémin, 1994, p. 54). On

voit bien avec ces exemples de marchés que le lieu agit directement sur la qualité des biens et par conséquent sur le futur prix obtenu lors de l’échange marchand. A travers cette affirmation, il est donc permis de remettre en question le modèle néoclassique basé sur un cadre abstrait et dont la forme la plus pure reste l’enchère (Quémin, 1994, p. 55).

Au-delà de la réduction d’incertitude sur la qualité des objets proposés à la vente, le lieu de vente peut participer à la performation des activités économiques en amplifiant de plusieurs manières le jeu de concurrence.

Tout d’abord, le fait de choisir de réaliser les ventes dans un seul et même lieu permet l’apparition d’un effet de concentration chez les acheteurs favorable à la concurrence. Comme le souligne L. Walras la concurrence, condition d’un marché bien organisé, sera plus forte dans les criées que dans les boutiques éparpillées dans les villes : « La valeur d’échange

laissée à elle-même se produit naturellement sur le marché sous l’empire de la concurrence. Comme acheteurs, les échangeurs demandent à l’enchère, comme vendeurs, ils offrent au rabais, et leur concours amène ainsi une certaine valeur d’échange des marchandises tantôt ascendante, tantôt descendante et tantôt stationnaire. Selon que cette concurrence fonctionne plus ou moins bien, la valeur d’échange se produit d’une manière plus ou moins rigoureuse. Les marchés les mieux organisés sous le rapport de la concurrence sont ceux où la vente se fait à la criée, par l’intermédiaire d’agents tels qu’agents de change, courtiers de commerce,

147

crieurs, qui les centralisent, de telle sorte qu’aucun échange n’ait lieu sans que les conditions en soient annoncées et connues et sans que les vendeurs puissent aller au rabais et les acheteurs à l’enchère. Ainsi fonctionnent les bourses de fonds publics, les bourses de commerce, les marchés aux grains, au poisson, etc. A côté de ces marchés, il y en a d’autres où la concurrence, quoique moins bien réglée, fonctionne encore d’une manière assez convenable et satisfaisante : tels sont les marchés aux fruits et légumes, à la volaille. Les rues d’une ville où se trouvent des magasins et des boutiques […] sont des marchés d’une organisation un peu plus défectueuse sous le rapport de la concurrence » (Walras, 1926, p.

44).

Par ailleurs, l’architecture du lieu de vente peut jouer elle-même un rôle considérable car elle donne la possibilité d’affecter diverses missions à différentes aires, obtenues suite au découpage de l’espace marchand. Par exemple, dans le cadre des enchères d’art, il est fréquent d’avoir au sein même de l’hôtel des ventes des salles où se déroulent les transactions et des salles utilisées pour présenter aux acheteurs potentiels les biens mis en vente148. Ce type de salle d’exposition s’avère crucial pour la réussite de la vente car il favorise la prise d’informations par les acheteurs potentiels (Smith, 1990, p. 115). A Drouot, il est même possible, dans la salle où les biens sont exposés, de prendre des renseignements auprès des clercs, experts représentant la société de ventes volontaires, et auprès des commissionnaires. Ce type d’antichambre à la scène marchande proprement dite renforce la condition de transparence présente dans la situation de marché parfait.

On peut également citer le découpage spatial à l’œuvre au palais Brongniart au moment de son étude par J-P. Hassoun. L’auteur précise que la salle de l’Eurofloor est composée de plusieurs pits149 encadrés par des gradins sur lesquels sont placés les boxemen150. Grâce à cette organisation, la passation des ordres est très rapide. Le boxeman transmet l’ordre au flasheur par geste ou cri, puis ce dernier passe l’ordre par chuchotement ou écrit au négociateur situé juste dans son dos. Ce type d’arrangement spatial contribue grandement à améliorer la qualité de l’information sur le marché car les commentaires des boxemen permettent au final de mieux : « sentir le marché » (Hassoun, 2000, p. 11).

148

Ce découpage des espaces se rapproche du découpage en région proposé par E. Goffman (1973, p. 110). Dans ce cas là, on pourrait considérer que la « région antérieure » correspond à la salle des ventes proprement dite, où les protagonistes essaient de contrôler les impressions données. La salle d’exposition ressemblerait plus, quant à elle, à la « région postérieure », car les acteurs sont moins tenus à garder la face. Il n’est pas inhabituel, par exemple, d’y voir un commissaire-priseur plaisanter ou discuter longuement avec des acheteurs.

149

Un pit est une aire de négociation octogonale où sont présents des flasheurs et des négociateurs. Il est intéressant de noter que les professionnels du Matif la surnomme : « la fosse », « la mine », ou « le trou » (Hassoun, 2000, p. 10).

150

Les boxemen sont chargés d’effectuer la liaison avec les autres salles de marché situées dans Paris ou à l’étranger.

Enfin, l’analyse de l’espace de vente passe par la description des dispositifs techniques présents dans la salle et dont le but est de favoriser le jeu de la concurrence. Parmi ces instruments, on peut citer le pupitre du commissaire-priseur positionné au devant de la scène. Généralement surélevé, il donne au commissaire-priseur une position idéale qui lui permet de visualiser rapidement les offres dans la salle et l’autorise alors à accélérer le tempo de l’enchère pour provoquer un sentiment d’urgence afin de déclencher l’adjudication (Rémy, 1993, p. 572). A cela s’ajoutent les dispositifs technologiques qui sont porteurs d’un design organisationnel et qui viennent directement impacter la réalisation des échanges marchands (Alsène, 1995, p. 302). Leur mobilisation vise notamment à construire un espace qui contribue à réduire l’influence des relations sociales dans les échanges marchands (Debril & De Saint-Laurent, 2003). Tel est le cas des panneaux électroniques présents dans les salles des ventes qui garantissent une plus grande visibilité de l’information aux participants en proposant en continu et en temps réel la cotation des cours des produits (Hassoun, 2000, p. 11). Ce type de dispositif réduit les déséquilibres informationnels liés à la place obtenue par les acheteurs dans les salles et participe une nouvelle fois à rapprocher le fonctionnement du marché du modèle de concurrence pure et parfaite. Il constitue bien la preuve que l’appareillage matériel est un véhicule de la performation tout aussi efficace que la conviction rhétorique.

Dans cette section consacrée à l’encastrement cognitif, nous avons rappelé que les résultats des actions économiques doivent être interprétés comme le fruit de décisions prises par des individus à la rationalité limitée. Nous avons ensuite pointé du doigt toute la difficulté pour un observateur de prédire les comportements économiques dans la mesure où les problèmes sont construits de façon subjective par les individus. Enfin, nous avons indiqué dans quelle mesure la problématique de la performation s’avère être essentielle pour les recherches en sociologie