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Section 1. Analyse sociologique des mécanismes d’enchères de bois publics

1.1. Définition du système d’enchères et spécificités des enchères bois publics

1.1.1. Définition du système d’enchères

Dans la littérature économique de langue anglaise, le terme « auction215 » fait référence à un système d’allocation des biens, fondé sur un prix obtenu lors de la mise en concurrence d’acheteurs cherchant à détenir les droits de propriété des biens mis en vente (Cassady, 1967, p. 8). En France, ce mode de vente porte le nom d’« enchère216 » ou bien encore d’« adjudication217

».

Un mécanisme d’enchère est essentiellement défini par deux règles : une règle d’allocation qui détermine à qui sera attribué le bien mis aux enchères (c’est presque toujours celui qui propose la meilleure offre) et une règle de paiement qui fixe le montant qui devra être versé par chacun des participants à l’enchère (en général seul le vainqueur de l’enchère paie quelque chose).

Dans le langage juridique, la notion d’enchère est parfois utilisée dans un sens plus restreint que celui donné par les économistes afin de définir une forme particulière d’adjudication (Mauger-Vielpeau, 2002). Dans ce dernier cas, l’enchère y est décrite comme une procédure permettant d’obtenir la plus forte offre, ce qui la distingue de la procédure du rabais où l’attribution du bien intervient alors que le prix de départ a été diminué par des rabais successifs. Néanmoins, les deux notions peuvent être assimilées si l’on considère que dans le cas de la vente au rabais, malgré le fait que le prix final ait pu baisser par rapport au prix de départ, c’est bien celui qui s’est comporté comme un enchérisseur en effectuant l’offre la plus intéressante qui est déclaré vainqueur. Cette affirmation a d’ailleurs été confirmée sur le plan juridique par une décision rendue par la Cour de cassation : « si l’enchérisseur est le plus

ordinairement celui qui offre un prix supérieur, cette expression est également applicable à tous ceux qui concourent par leurs offres aux adjudications, alors même que ce concours a lieu par voie de rabais sur une somme préalablement fixée ; qu’en effet dans ce cas, l’offre d’un rabais plus ou moins étendu équivaut à celle d’une somme d’argent plus ou moins considérable et que celui qui fait l’offre la plus avantageuse est déclaré adjudicataire, qu’il agit donc comme un véritable enchérisseur » (Mauger-Vielpeau, 2002, p. 42). Par conséquent,

215 Le mot « auction » trouve son origine dans le mot latin « auctio » qui recouvre plusieurs significations : « 1.

Enchère, vente publique, encan. 2 [rare] Augmentation, accroissement » (Gaffiot, 1934, p. 184).

216 On peut citer plusieurs origines latines pour le mot « enchère » : on trouve le mot « auctio » mais aussi le mot « carus » que l’on peut traduire par « cher, coûteux, précieux » (Gaffiot, 1934, p. 269).

217

Le mot « adjudication » est tiré du latin « addictio » ou « adjudicatio » qui font référence à la mise en vente de biens dans le cadre d’une décision de justice (Quicherat & Chatelain, 1958, p. 29)

il apparaît légitime d’utiliser la notion d’enchère dans un sens plutôt générique au même titre que la notion d’adjudication218.

Cette première précision étant faite, la définition de la vente aux enchères requiert à présent de souligner les éléments qui différencient ce mode de vente des autres modes existants (a) et deuxièmement de présenter les caractères spécifiques donnant lieu à différents types d’enchères (b).

a) Les caractéristiques propres aux enchères.

L’enchère constitue un mode de vente qui se distingue de la vente de gré à gré et de l’appel d’offres de marchés publics à cause de la mise en concurrence imposée par un seul agent en situation de monopole et de la détermination indirecte de l’acheteur par le seul critère du prix. Le premier élément de distinction porte sur l’existence d’un : « agent inactif en position de

monopole (cas de la vente d’un bien) ou de monopsone (cas de l’attribution d’un contrat) face à plusieurs acheteurs ou plusieurs entreprises en concurrence pour l’obtention d’un bien ou la fourniture des biens ou des services faisant l’objet du contrat » (Naegelen, 1988, p. 8). A

travers ce premier critère, il est possible de discerner la vente de gré à gré dans laquelle le vendeur possède la liberté de choisir librement son cocontractant, sans qu’il y ait pour autant une compétition préalable entre les acheteurs, de la vente aux enchères où la mise en concurrence des participants est requise.

La seconde caractéristique se situe au niveau de la détermination directe ou indirecte du cocontractant. La vente de gré à gré se définit comme la faculté donnée au vendeur de retenir l’acheteur selon ses propres critères. A l’inverse, la vente aux enchères se distingue par le fait que le vendeur ne peut choisir directement le futur acheteur, mais doit attendre la fin de la procédure de mise en concurrence pour que soit donc établie de manière indirecte l’identité du cocontractant.

218 Les économistes utilisent rarement le terme d’adjudication, préférant parler d’enchère. Ainsi, dans son ouvrage sur les mécanismes d’enchères, F. Naegelen utilise le terme d’enchère qui décrit à la fois l’enchère anglaise (montante) et l’enchère hollandaise (descendante) (Naegelen, 1988, p. 7).

Enfin, le dernier élément concerne le critère retenu pour sélectionner le cocontractant. Si dans le cadre d’une vente de gré à gré, le vendeur désigne selon différents critères celui avec qui il envisage de contracter, la vente aux enchères impose au vendeur de réaliser l’échange avec celui qui est désigné vainqueur à la fin de la procédure a effectué selon la règle d’allocation. Presque toujours cette règle désigne comme vainqueur celui qui a effectué la meilleure offre219. Ce dernier critère permet d’ailleurs de dissocier les ventes aux enchères des procédures d’appel d’offres dans les marchés publics qui intègrent plusieurs critères de sélection à côté de celui du prix. Toutefois, dans le cas des ventes de bois publics, il est possible d’assimiler la procédure d’appel d’offres à celle de l’enchère étant donné que le règlement des ventes de l’ONF précise que : « la vente par appel d'offres est une vente aux

enchères avec publicité et appel à la concurrence220 ».

Ainsi, la vente aux enchères correspond à un mécanisme de mise en concurrence, organisé par le vendeur afin d’obtenir le prix le plus élevé, qui concourt à la : « désignation automatique et

objective de la personne de l’acquéreur et du prix » (Mauger-Vielpeau, 2002, p. 49).

Néanmoins, si les ventes aux enchères ont en commun de donner l’espoir aux propriétaires de maximiser son revenu, plusieurs formes d’enchères adaptées aux caractéristiques des acheteurs et des objets ont été élaborées pour essayer d’atteindre cet objectif.

b) Classification des types d’enchères.

Le terme générique d’enchère permet de définir une pratique marchande caractérisée par un vendeur en situation de monopole mettant en concurrence des acheteurs pour l’obtention d’un bien dont l’attribution est effectuée par le seul critère des offres de prix. Si cette définition assure la distinction de l’enchère des autres modes de vente, elle ne donne aucune précision sur les procédures mises en place pour assurer la réalisation de l’échange marchand. Afin de présenter ces types d’enchères, nous pouvons reprendre la classification proposée par C. Smith qui repose sur les modalités de : « forme dans laquelle les offres sont faites et des

règles définissant la séquence d’offres » (Smith, 1993, p. 177).

219 A la différence de la vente de gré à gré conclue « intuitu personae », la vente aux enchères est conclue « intuitu pecuniae ».

220 Information relevée le 3 septembre 2011 dans la rubrique « Acheter du bois à l’ONF » sur le site de l’ONF, à

l’adresse suivante :

http://www.onf.fr/filiere_bois/sommaire/informations/procedure_ventes/appel_offre/20091216-135224-585076/@@index.html.

La première caractéristique porte sur la procédure de transmission des offres entre les enchérisseurs et le directeur de la vente. Ainsi, les enchères peuvent être réalisées de façon orale ou écrite. Dans le premier cas, l’enchère est réputée orale car l’information sur les différents tarifs221 est donnée en temps réel à l’ensemble des acheteurs potentiels présents dans la salle222. Notons que le caractère oral n’implique pas pour autant que le candidat soit tenu de s’exprimer en prenant la parole (Smith, 1990, p. 17). Il lui suffit dans bien des cas de manifester son accord par un ensemble de gestes, comme a pu l’observer J. Rémy : « Avant la

vente, certains vont voir le crieur et lui précisent par quel geste (se gratter le menton, etc.) ils vont enchérir. Les plus sobres se contentent d’un clignement de paupières pour signifier leur entrée dans les enchères et demeurent l’œil fixé sur le crieur, sans faire le moindre signe tout le temps qu’ils participent à la compétition, détournant simplement le regard lorsqu’ils cessent d’enchérir » (Rémy, 1993, p. 574).

L’enchère écrite se caractérise, quant à elle, par la rédaction de soumissions qui doivent être généralement remises au bureau de vente dans une enveloppe cachetée, et ce dans un délai fixé, à la suite de quoi, elles sont ouvertes pour déterminer le gagnant. L’enchère écrite se différencie de l’enchère orale sur le fait qu’elle donne la possibilité aux candidats de ne pas être présents lors de la vente et surtout elle n’implique pas d’indiquer en temps réel l’ensemble des offres proposées au public. A ce titre, les enchères orales ont un aspect dynamique qui n’existe pas dans les enchères écrites, même si pour ces dernières persistent une date et une heure limite pour soumissionner ses offres.

Une deuxième caractéristique conduit à distinguer, parmi les enchères orales, les procédures où la séquence d’enchères successives est ascendante avec un prix annoncé systématiquement plus élevé que le précédent et les procédures où la séquence est descendante avec un prix de départ qui est diminué jusqu’à ce qu’un preneur se manifeste ou que le bien soit retiré.

Il existe de nombreuses procédures d’enchères différentes223

. Toutefois, on distingue quatre procédures qui sont particulièrement connues et étudiées :

221 Le tarif s’apparente à une grille de prix, ascendante ou descendante, sur laquelle le crieur ou le commissaire-priseur s’appuie lors de l’annonce des prix à la salle. Il est néanmoins possible d’avoir des enchères orales où les acheteurs annoncent eux-mêmes les offres de prix, mais là aussi, une règle est généralement précisée avant la vente pour fixer l’intervalle entre les offres.

222 A la différence des enchères écrites, l’acheteur est tenu d’être présent dans la salle pour acheter. Il peut cependant, grâce à l’introduction des téléphones dans la salle, être représenté par une tierce personne. Ce dispositif technique garantit aux acheteurs leur anonymat au moment de la vente.

L’enchère anglaise, appelée aussi enchère orale montante, ou bien encore enchère ouverte dans laquelle, à partir d’un prix de départ fixé par le directeur de la vente, les

enchérisseurs ont la possibilité de faire une offre de prix qui doit être toujours supérieure au prix précédent. Le vainqueur de l’enchère est celui qui a effectué la meilleure offre.

L’enchère hollandaise, appelée aussi enchère orale descendante ou enchère au rabais,

qui fonctionne selon une procédure inverse à l’enchère anglaise. Le directeur de vente diminue successivement le prix de vente de départ jusqu’à ce qu’un acheteur se porte acquéreur du bien au prix annoncé.

L’enchère au premier prix sous pli cacheté est une enchère écrite dans laquelle chaque

acheteur potentiel rédige une soumission qu’il transmet au directeur de la vente sans pouvoir prendre connaissance des offres des concurrents. La meilleure offre emporte la vente au prix proposé.

L’enchère au second prix sous pli cacheté, appelée aussi enchère de Vickrey est une

variante de l’enchère précédente qui se différencie par la règle de paiement. Celui qui a fait la meilleure offre écrite gagne l’enchère mais s’acquitte du montant inscrit sur la deuxième meilleure offre. Ce type d’enchères incite fortement l’acheteur à révéler sa réelle estimation de la valeur du bien, étant donné que s’il vient à gagner l’enchère, il n’est pas tenu de payer le prix rédigé dans sa soumission mais bien la deuxième meilleure offre.

C’est au vendeur de déterminer la procédure d’enchères qui correspond le mieux aux circonstances rencontrées sur le marché car il n’existe pas une procédure d’enchères unique qui serait applicable quel que soit le bien vendu garantissant un résultat efficace (Mougeot, 2001, p. 65).

Ainsi, il importe à présent de préciser que les bois publics constituent un objet de vente particulier dont les caractéristiques ont un impact significatif sur le format d’enchères à privilégier et par conséquent sur les résultats obtenus au cours des ventes.