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L’action de la justice

Dans le document Crime, Rixe et bruits d'épée (Page 72-91)

démographique et judiciaire

3.2 L’action de la justice

Les tâches de police et de justice n’étant pas différenciées dans la Castille des temps modernes, nous retrouverons les mêmes person- nages en action au moment où le crime est commis et tout au long de l’enquête : d’abord ceux qui en raison de la fonction qu’ils occupent sont souvent des letrados. Ces juristes formés dans les grandes uni- versités castillanes et issus de la petite noblesse ou de la bourgeoisie prospère, piliers de la monarchie et parfaits représentants du monde des lettres qui trouvera sa consécration sous le règne de Philippe II, éloignés du monde des armes par leur culture juridique universitaire et leurs fonctions administratives2, se trouvent parfaitement à même

d’arbitrer les problèmes de violence ; en effet, comme l’affirme le cor- regidor Castillo de Bobadilla, les armes sont supérieures aux lettres, sauf quand il s’agit d’obtenir la paix3.

Les lieutenants de corregidor ou de juge ordinaire (alcalde ordina-

rio), qui sont presque toujours letrados si le corregidor se trouve être

un noble non juriste (corregidor de capa y espada), ou si l’alcalde

ordinario est un paysan analphabète — afin qu’ils soient accompa-

gnés d’un spécialiste du droit — représentent plus de 30 % des fonc- tionnaires ayant instruit les affaires que nous avons étudiées. Puis on trouve 12 % de juges du criminel de la chancellerie de Vallado- lid et 8 % d’alcaldes mayores, certainement issus des universités eux aussi. Soit au total 50 % de letrados.

Restent les corregidors, qui représentent 24 % de l’ensemble, ce qui montre qu’ils ne délèguent pas toutes les tâches peu gratifiantes à des subalternes. Viennent ensuite les juges ordinaires, soit 17 % du total, puis les alcaldes de la Santa Hermandad, soit 3 %, et, pour finir, les alguazils, qui représentent 2 % de l’ensemble.

1. Aviso LXXIV, BARRIONUEVO, Jerónimo, Avisos de don Jerónimo de Barrio- nuevo (1654-1658), Madrid, 1968, 2 vol. 358 ` 373 p.

2. PELORSON, Jean-Marc, Les letrados... op. cit. p. 27-29.

3. CASTILLO DEBOBADILLA, Jerónimo, Política para corregidores y señores de vasallos y para jueces eclesiásticos y seglares, Madrid, 1978, 2 vol., 710 et 649 p., éd. fac-similée de celle de 1704 [1reédition en 1597].

Ces chiffres nous renseignent sur le niveau de sérieux avec lequel étaient traitées les affaires criminelles d’une part, et d’autre part, sur le poids prépondérant du milieu urbain, et de Valladolid en particulier, dans notre corpus.

Soit l’autorité sera saisie par la victime, si elle est encore en état de le faire, par un proche ou un témoin de l’affaire ; soit le cadavre ou le blessé sera découvert par le magistrat lui-même, qui peut être en train d’effectuer une ronde réglementaire, comme ce juge qui par- court les rues de Peñaranda de Bracamonte le 14 février 1664 vers minuit, en compagnie de 3 alguazils, ce qui n’est pas négligeable pour un bourg qui comptait 3 500 âmes en 1591. Certes, c’est Carnaval et des mesures spéciales ont dû être prises, mais une folle agitation ne semble pas avoir gagné la cité : la plupart des personnes interrogées dorment au moment des faits.

Une fois alerté, le fonctionnaire chargé de l’enquête sera systémati- quement accompagné par le greffier (escribano) afin de coucher sur le papier les différentes démarches légales accomplies et les indispen- sables déclarations des témoins, des victimes et des coupables.

Il faut dire ici l’importance du cadre religieux, à l’instar de ce que nous avons évoqué plus haut à propos de la manière dont celui-ci pouvait influencer l’octroi du pardon par la victime. Toutes les décla- rations s’effectuent sous serment selon des formules plus ou moins complexes et que les greffiers ne reproduisent certainement pas sys- tématiquement. Cependant, nous pouvons en produire un exemple intéressant, tiré d’une affaire que nous avons déjà évoquée dans le chapitre I, à propos de la somme extraordinaire que la veuve d’un peintre renommé demandait à l’assassin. Celle-ci, convaincue de la duplicité de la justice et certaine qu’elle a partie liée avec le coupable, porte plainte et présente ses témoins, lesquels sont invités à prêter serment selon cette formule inhabituelle

Ramón Para, habitant de Burgos, duquel moi, le greffier et récepteur [du témoignage] susdit ai pris et reçu un serment en bonne et due forme sur une croix comme celle ci : ` où il posa et toucha concrè- tement sa main droite dans la mienne, moi le greffier et récepteur, en jurant au nom de Dieu notre Seigneur, de Marie, sa sainte mère et sur les paroles des quatre saints évangiles [...] qu’en tant que bon et fidèle catholique, craignant Dieu notre Seigneur et sa conscience, il dirait et déclarerait la vérité sur ce qu’il sait et lui sera demandé sur l’af- faire dans laquelle il est présenté comme témoin, et que s’il le faisait

et disait la vérité, Notre Seigneur, dans sa toute-puissance aiderait et protégerait son corps en ce monde, et son âme, dans l’autre monde où il séjournera bien davantage ; dans le cas contraire, s’il accomplis- sait mal ce qu’on lui demandait, [il agirait] tel un mauvais chrétien qui se parjure en connaissance de cause [et] jure en vain le saint nom de Dieu ; et en conclusion dudit serment, il répondit oui, je le jure et amen1.

Quand bien même il s’agirait d’une formule stéréotypée à utiliser dans un contexte précis, ce que nous n’avons pu vérifier, il semble ici qu’elle soit utilisée pour dramatiser la situation et faire pression sur des témoins pouvant devenir gênants. Si tel était le cas on verrait que le cadre religieux qui domine la procédure peut influencer les témoi- gnages, la plupart du temps dans le sens d’une plus grande véracité des déclarations, et exceptionnellement, pour faire obstacle au bon déroulement du témoignage

Quoi qu’il en soit, n’oublions pas que les buts essentiels de la jus- tice criminelle de l’époque ne sont pas le triomphe de la vérité, mais l’affirmation de l’autorité royale, l’indemnisation des victimes, la puni- tion des coupables et la pérennisation de l’institution par l’autofinan- cement à base de prélèvements sur les peines pécuniaires.

C’est à la lecture des procès que l’on comprend que l’indemnisa- tion des victimes est au centre des préoccupations de la justice. En effet, bien que la législation connue soit muette sur ce sujet, souvent, quand il y a blessure ouverte, on retrouve de manière insistante la formule « et il lui rompit le cuir et les chairs et beaucoup de sang

1. A.G.S., CaCa, leg. 1630/10 : « Ramón de Para, vecino de Burgos, del cual, yo el

dicho escribano y receptor susodicho tomé y recibí juramento en forma debida de derecho sobre una señal de cruz a tal como está ` en que corporalmente puso y tocó su mano derecha en la de mí el escribano y receptor, jurando por dios nuestro señor y por santa María su bendita madre y por las palabras de los santos cuatro evangelios [...] que como bueno, fiel y católico cristiano, temeroso de dios nuestro señor y de su conciencia diría y declararía la verdad de lo que supiere y le fuere preguntado en este caso que es presentado por testigo y que si lo hiciese y la verdad dijese, dijo nuestro señor que es todopoderoso lo ayudase y favoreciese en este mundo al cuerpo y en el otro al ánima donde más había de durar y lo contrario, haciendo se lo demandase mal y mente como a mal cristiano que a sabiendas se perjura, jura el santo nombre de dios en vano y a la fuerza y conclusión de dicho juramento, dijo y respondió sí juro y amen. »

coula1» dans les déclarations. Cette attestation de chairs meurtries et

de perte de sang délivrée par les témoins fera preuve de la gravité de la blessure et permettra à la victime, si elle en réchappe, ou à ses proches, d’obtenir une compensation financière substantielle. La jus- tice se contentera d’enregistrer les déclarations et de demander à la victime ou aux parents s’ils veulent porter plainte ou, de manière très laconique, s’ils souhaitent demander « quelque chose » pour le préju- dice subi ou parfois même les deux à la fois, comme dans cette affaire survenue à Valladolid en mai 1634 où le tripier Francisco García a tué son collègue Bartolomé de Castellanos après une plaisanterie qui a mal tourné ; avant qu’il ne décède, le juge : « lui demanda s’il vou- lait porter plainte ou demander quelque chose audit Francisco García ou à quelque autre personne2». Les autres personnes auxquelles fait

allusion le juge sont certainement des proches du meurtrier qui pour- raient se substituer à lui pour indemniser la victime. On voit ainsi que des procédures d’infrajustice sont parfaitement intégrées au déroule- ment de la procédure judiciaire. Mais nous y reviendrons.

Malgré ces finalités étranges aux yeux d’un homme d’aujourd’hui, les enquêtes sont souvent menées rondement, même dans les endroits les plus reculés : Cameno, village d’environ 300 habitants en 1591 et qui devait en compter beaucoup moins à la date du crime, en juillet 1678, situé à quelques 45 kilomètres au nord-est de Burgos et à deux kilomètres du bourg de Briviesca. Le juge ordinaire, un analphabète qui signe d’une croix, y mène l’enquête avec dextérité3; il réunit les

pièces à conviction (hachette et chemise du coupable tachées de sang) fait exhumer le corps de la victime et prend l’avis des médecins qui comparent la forme des blessures et celle de l’arme du crime suppo- sée. L’affaire est ainsi rapidement résolue.

À Arenzana de Arriba, village de l’actuelle province de Logroño, qui dépend à l’époque du corregimiento de Najera, le 31 octobre 1643, le magistrat local est averti qu’un homme a été trouvé mort par l’épée dans la rue vers 22 heures4. Il fait placer deux gardes

1. « Y le rompió cuero y carne y le salió mucha sangre ». Par exemple, dans A.G.S., CaCa, leg. 1607/9, 1625/12, 1630/10, 1633/12, 1634/16, 1634/33, 1635/2, 1771/7, 2570/34,

2570/35, 2570/39, 2656/12.

2. « Le preguntó si quería querellar, pedir o demandar alguna cosa contra el dicho Francisco García u otra cualquier persona » A.G.S., Cade Ca, leg. 2708/8.

3. A.G.S., Cade Ca, leg. 2637/5.

devant le corps et part en avertir le corregidor de Najera, devant qui il déclare le meurtre sur le coup de minuit. Subodorant qu’il s’agissait d’un règlement de compte entre jeunes gens, il avait pris soin aupa- ravant de réunir le conseil municipal et de faire l’appel de tous les jeunes hommes du village, ce qui permit de constater que pour 82 d’entre eux, l’absence ou la présence obéissait à une bonne raison. Seulement cinq individus manquaient à l’appel sans motif : le cou- pable ne pouvait être que parmi eux.

Ce cas est d’autant plus intéressant qu’on imagine habituellement des règlements infrajudiciaires à ce genre d’affaire où, les coupables, du fait de leur âge, sont protégés par la communauté1. On voit ici

que cette observation ne peut être érigée en règle, bien au contraire, puisque à Cameno, tout a été fait pour éviter que l’affaire échappe à la justice : conservation du corps de la victime, car s’il disparaissait, l’affaire pourrait être étouffée, appel à une juridiction supérieure qui ignorera les pressions locales, identification rapide des suspects.

La justice met parfois en œuvre des techniques qu’on aurait pu croire d’une diffusion plus récente : ainsi à Ségovie, en décembre 1619, pour confondre Bartolomé de Mora, assassin de Gaspar Herrero, arrêté après son crime et qui nie, les fonctionnaires le font paraître au milieu d’autres prisonniers afin qu’un témoin oculaire de l’affaire puisse le reconnaître sans ambiguïté2.

Mais ce cas est déjà presque une exception dans la mesure où le principal suspect a été arrêté. La fuite des délinquants, c’est la grande plaie de la justice de l’époque. D’ailleurs, une des premières démarches des enquêteurs, après avoir fouillé la maison du coupable et celle de ses voisins, c’est souvent d’aller visiter l’église ou le monas- tère le plus proche afin de vérifier que le suspect ne s’y est pas réfugié pour échapper à la juridiction royale3.

Lorsque la fuite est effectivement constatée, la justice peut trans- mettre un avis de recherche comme le fait le corregidor de Sala- manque en 1683, afin de retrouver un tapissier accusé de meurtre. Le 14 octobre, sept jours après l’homicide, il demande à ses col- lègues de Piedrahíta, El Barco (de Avila), Béjar, Peñaranda (de Bracamonte), Palencia, Valladolid, Guadalajara, Tordesillas, Ségovie,

1. DEDIEU, Jean-Pierre, L’administration de la foi. L’inquisition de Tolède

(XVIe-XVIIIesiècle), Madrid, 1989, p. 96-98.

2. A.G.S., Cade Ca, leg. 1760/sn.

Olmedo, Madrid, Medina de Rioseco, Burgos et Madrigal de recher- cher

Matías Ruano, homme de bonne taille, âgé de quarante ans, visage rond, pâle, moustache noire fournie, cheveux noirs courts et ondu- lés, vêtu d’un manteau de bouracan [gros tissu de laine] usé, chapeau blanc, tabard [vêtement sans manche] de drap couleur plomb, bas de laine, [?] un peu claire, vous supplie de faire les démarches néces- saires dans les auberges et autres lieux, avec le signalement de l’indi- vidu, afin que sur tous les chemins l’ordre soit exécuté, car il y va du service de Sa Majesté1.

Le signalement est précis, la sphère de recherche est très ample. Mais nous pouvons néanmoins douter que le nommé Ruano ait été un jour arrêté à cause de cette missive.

Et pourtant les forces de l’ordre n’hésitent pas à emprisonner des suspects. Si le mort a été tué par l’épée, on contrôle tous les traîneurs de rapière et on vérifie les lames : aucune trace de sang ; qu’à cela ne tienne, tout le monde en prison2! Parfois même tout un pâté de

maison, au seul prétexte que ses habitants sont riverains du lieu du crime3.

En effet, si la prison ne fait pas partie de l’arsenal des peines habi- tuelles infligées par la justice criminelle royale — les Partidas l’af- firment dès le XIIIesiècle : « la prison n’est pas faite pour punir les fautes mais pour garder les prisonniers4» — elle est très utilisée pen-

dant les enquêtes au point d’entraîner parfois la saturation des locaux et de contraindre les officiers de justice à devoir se contenter ensuite de reclure les délinquants chez des alguazils responsables sur leurs deniers de leur hôte imposé5ou d’assigner à résidence ceux qui n’y

1. A.G.S., Cade Ca, leg. 2603/14 « Matías Ruano, hombre de buena estatura, de

edad de cuarenta años, carirredondo, blanco, bigote negro poblado, de pelo negro corto ondeado, con su capote de barragán usado, sombrero blanco, anguarina de paño de color de plomo, medias de lana, franca[?] algo clara, suplico a Vuestra Mer-

ced mande hacer las prevenciones necesarias en los mesones y otras partes con las señas del sujeto para que por todos caminos no deje de ejecutárselo, que están del servicio de su majestad. »

2. Ibid.

3. A.G.S., Cade Ca, leg. 2630/17.

4. Setena Partida, Titre XXXI, Loi IV « La carcel non es dada para escarmentar los yerros : mas para guardar los presos. »

ont pas trouvé place1. C’est une chance pour eux, car la prison est

très mal supportée par les individus qui y échouent. Il est vrai que c’est un lieu inconfortable si l’on n’a pas les moyens de financer son hébergement et que les alcaides (gérants de la prison) achètent leur charges puis se paient sur la bête2. C’est aussi un endroit dangereux

où, selon les époques et le manque de bras, on risque d’être envoyé aux galères quel que soit le crime commis3. On peut voir ainsi dans

un des procès que nous avons recueillis un jeune homme se lamenter parce qu’il est emprisonné depuis trois jours, sans motif, dit-il et que cet état de fait lui cause de grands préjudices ; il supplie qu’on le laisse sortir et offre même de payer une caution4. Un autre, plus téméraire,

dont nous avons déjà évoqué le cas, Bernardo Gil, de Cervera del Río Pisuerga (actuelle province de Burgos), en fuite pour avoir tué un homme, parce qu’il a été provoqué, dira-t-il, et condamné à mort par défaut, accepte de se constituer prisonnier pour assurer sa défense. Bien lui en a pris : sa peine de mort est commuée en exil5.

Il faut dire qu’aussi dur que soit le régime pénitentiaire, l’évasion est souvent possible, même dans la capitale du royaume où Barrio- nuevo nous raconte comment, en avril 1655, tous les prisonniers des- tinés aux galères se sont enfuis par un tunnel creusé par eux6. Et la

surveillance est parfois très lâche : à Medina de Rioseco, une femme demande à l’alcaide de laisser dormir son mari avec elle, à la mai- son, une nuit. Le geôlier débonnaire laisse partir « en confiance » le prisonnier... qui file se réfugier dans une église7.

Quoi qu’il en soit, dans l’ensemble des procès que nous avons étu- diés, les demandeurs de pardon dont nous connaissons la position au moment où ils effectuent leur démarche sont en prison pour 20 % d’entre eux. Ce chiffre se réduit à 15 % si l’on tient compte des données

1. « Tener la casa por cárcel ». A.G.S., Cade Ca, leg. 2640/5.

2. HERASSANTOS José Luis de las, « El sistema carcelario de los Austrias en la Corona de Castilla », Stvdia Storica, 6 (1988), p. 523-559.

3. Sur les galériens potentiels de la prison de Léon en 1572-1573 FERNÁNDEZVAR-

GAS, Valentina, « Noticias sobre la situación penal en León en 1572 y 1573. Un docu- mento para la historia de la penalidad en España », Anuario de Historia del Dere- cho Español, XXXVIII (1968), p. 629-634 et sur ceux de Séville en 1572, COPETE, Marie-Lucie, « Criminalidad y espacio carcelario en una cárcel del Antiguo Régimen. La cárcel real de Sevilla a finales del sigloXVI», Historia Social, 6 (1989), p. 105-125.

4. A.G.S., Cade Ca, leg. 2640/5

5. A.G.S., Cade Ca, leg. 2574/10.

6. BARRIONUEVO, Jerónimo, Avisos...LXIII. 7. A.G.S., Cade Ca, leg. 2675/4.

inconnues et si l’on considère que parmi tous les cas inconnus, aucun n’est en prison ; ce qui est sûrement excessif mais pas très exagéré, car il est probable que la grande majorité de ceux dont nous ignorons la position est en fuite ou purge une peine d’exil. Ce pourcentage est à la fois élevé, car il arrive au deuxième rang des localisations des demandeurs de pardons, et faible, car il indique en creux le taux d’échec de la justice.

Ces prisonniers sont en attente d’une sentence, comme beaucoup de leurs semblables qui ont pris la fuite, d’ailleurs. Parmi les 65 % dont nous savons si leur procès est ou non arrivé à son terme, ils sont près de 18 %, à ne pas avoir été condamnés, souvent parce qu’ils ont pris la fuite ; c’est du moins le constat fataliste que fait la justice1.

La peine est le reflet de la politique et de l’idéologie d’une société2.

Pour comprendre le sens des peines judiciaires en Castille à l’époque moderne, il convient de retourner à la législation médiévale. « Les hommes doivent être corrigés pour les fautes qu’ils commettent3».

Tels sont les premiers mots de l’article introductif que les Partidas consacrent aux peines judiciaires. Le mot espagnol que nous tradui- sons par « corriger » est escarmentar, qui signifie plus précisément « s’instruire à ses dépens, tirer la leçon de l’expérience ». L’introduc-

tion se poursuit ainsi :

Comme ceux qui commettent des fautes ne sont pas tous égaux et que leurs fautes sont commises à différents moments : ainsi on est forcé d’augmenter ou de diminuer les peines [...] Nous voulons dire ici qu’en général les peines sont la récompense et l’achèvement de leurs méfaits4.

Plus loin le premier article du titreXXXI« Des peines » précise : Et les juges infligent cette peine aux hommes, pour deux raisons.

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