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Espace et violence

Dans le document Crime, Rixe et bruits d'épée (Page 152-156)

Nous considérerons maintenant l’espace dans lequel s’est déroulé le crime, tant sur l’ensemble du territoire géographique de la Vieille- Castille et du Léon qu’à l’intérieur de ses villes, de ses villages et de ses terres inhabitées. On se référera, en fin de volume (Annexe 3) aux cartes provinciales qui situent les endroits où a eu lieu au moins un homicide pour lequel une demande de pardon a été déposée. Une carte d’ensemble est présentée à la p. 153.

1 Répartition géographique et découpage par provinces

Tout autant que les données temporelles, les informations spatiales sont recueillies dans les procès criminels avec le plus grand soin. Les plus grandes difficultés auxquelles se trouve confronté le lecteur sont celles de l’homonymie des lieux. Par chance, des éléments contex- tuels nous ont permis d’élucider la situation géographique exacte de chacun des homicides. Ainsi par exemple, dans la province de Ségo- vie, deux villages se nomment Aldehuela del Codonal. Nous saurons que celui où s’est produit un homicide est situé le plus au nord, car la victime vient d’un lieu proche nommé Aldeanueva del Codonal et ces deux villages se trouvent près d’Arevalo, centre urbain auquel il est fait allusion dans le procès1. Ce type d’indications suffit habi-

tuellement à lever les ambiguïtés. Le seul lieu qui n’a pu être situé précisément est l’auberge (venta) de Fonfría, dont on sait seulement qu’elle est proche de la ville de Ségovie2.

La répartition entre les différentes provinces du lieu des crimes ayant entraîné une demande de pardon n’est pas régulière. La carte d’ensemble (infra : Carte no2 p. 153) nous permet d’en dégager les

1. A.G.S., CaCa, leg. 2676/27.

grands traits. Les homicides pardonnés se concentrent principalement dans la province de Valladolid (dans la capitale et dans les deux pôles commerciaux de Medina del Campo et Medina de Rioseco), le long de la vallée du Douro, dans les capitales de province et leurs environs, y compris Toro qui est à la tête de l’ancienne province du même nom, mais à l’exception de Soria, qui ne compte qu’un homicide.

Cela nous indique que les demandes de pardon sont liées à deux facteurs : la taille des lieux où sont commis les homicides et leur rôle administratif, leur plus ou moins grand isolement géographique. Une fois encore, il s’agit d’une des nombreuses manifestations du « poids du nombre » des hommes dont parle Fernand Braudel1. D’où cette

évidence qu’il convient néanmoins d’énoncer : pour trouver un grand nombre de demandes de pardon, il faut que beaucoup d’homicides se soient produits — même si l’on ne peut pas chiffrer ce rapport — ce qui nécessite une population abondante. Mais cela n’est ni une condition suffisante, ni une règle absolue.

On constate immédiatement2que la province de Valladolid domine

les autres zones géographiques de Vieille-Castille (graphique 13 p. 155). Deux homicides ayant entraîné une demande de pardon sur cinq s’y sont déroulés. Cela tient en premier lieu au rôle que joue sa capitale, la ville la plus peuplée de toute la région, le plus grand centre administratif au nord du royaume. Seule, elle compte pour près de 22 % des homicides réunis dans les demandes de pardon. Mais, comme le montre la carte, ce n’est pas seulement la capitale, c’est l’en- semble de la province qui est représenté. N’oublions pas la densité et la proximité des conseils juridiques qu’on peut y trouver, car Vallado- lid est bien reliée au reste du territoire et elle exerce elle-même une influence sur les contrées qui lui sont proches de telle sorte que Bar- tolomé Bennassar a pu parler à son propos d’un « empire urbain3».

La suprématie de la ville du Pisuerga culminera entre 1601 et 1606, période pendant laquelle la Cour y séjournera. La décadence qui suivra le départ du monarque, de sa suite et de son administration

1. BRAUDEL, Fernand, Civilisation matérielle, économie et capitalisme.XVe-

XVIIIesiècle, Paris, 1993, t. I, p. 19-108. [1reédition en 1979]

2. Pour visualiser plus précisément chaque province et lire les toponymes, on se reportera aux cartes de l’annexe 4. Le grand cercle correspond aux 80 km autour de Valladolid dont nous parlons plus bas.

3. BENNASSAR, Bartolomé, Valladolid au Siècle d’Or : une ville de Castille et sa campagne auXVIesiècle, Paris-La Haye, 1967, p. 26-31.

Car te 2. — Localisation des demandes de par don pour homicide en Cas tille e t Léon

pour une installation définitive à Madrid1ne changera pas le rapport

des forces urbaines à l’intérieur de la Vieille-Castille et du Léon car les autres cités souffriront dans des proportions fort inégales, mais sans qu’aucune en sorte indemne, de la crise urbaine que connaît l’Espagne du XVIIe siècle2. Les foules continueront d’être attirées à

Valladolid pour y suivre un procès ou y chercher leur subsistance en répondant à la demande toujours importante de personnel de mai- son. Voilà sans doute des raisons pour expliquer l’importance sans égale qu’elle prend dans notre collection de procès. Ce phénomène est semblable, dans une bien moindre mesure, à ce qui peut être observé à Madrid, du fait de la présence permanente de la cour, et à Séville, qui tire son dynamisme démographique des échanges trans- atlantiques. Toujours dans la même province, on remarque les deux Medina qui, malgré le déclin des foires, continuent de jouer leur rôle de pôles régionaux secondaires. Mais, au total, ce sont trente-neuf localités qui sont concernées par les pardons pour homicides.

Bien après Valladolid, se situe la province de Burgos qui a été le théâtre d’un homicide sur sept environ. Leur répartition géogra- phique ne couvre pas tout le territoire mais se concentre dans trois zones : au sud, la vallée du Douro, autour d’Aranda ; à l’ouest, la val- lée du Pisuerga et la capitale ; au nord-est, la Bureba et la haute vallée de l’Èbre. Les affaires provenant de la province de Burgos se répar- tissent dans 35 lieux, 37 si l’on ajoute les deux dossiers concernant l’actuelle province de Logroño.

Ensuite, nous trouvons l’actuelle province de Ségovie où, parmi ceux qui ont fait l’objet d’une demande de pardon, un peu plus d’un homicide sur dix a été commis. Lesquels sont principalement regrou- pés dans le sud-ouest de la province, dans la capitale et autour d’elle. Après ces trois provinces toutes remarquables par le nombre de cas qu’elles présentent. Au-delà de leurs disparités, on rencontre un ensemble de quatre provinces : Léon (37 cas), Salamanque (35), Palen- cia (34) et Zamora (32), où environ un homicide pardonné sur douze ou quatorze a été commis. Malgré leurs diversités géographiques, ces quatre entités administratives présentent des traits relativement simi-

1. GUTIÉRREZ ALONSO, Adriano, Estudio sobre la decadencia... op. cit. p.129- 139.

2. FORTEAPÉREZ, José I., « Les villes de la couronne de Castille... », art. cit. MAR-

COSMARTÍN, Alberto, España en los siglosXVIe,XVIIeyXVIIIe. Economía y socie- dad, Barcelone, 2000, p. 41-46.

1 Répartition géographique et découpage par provinces

Avila

4%

Salamanque

7,7%

Palencia

7,5%

Léon

8,2%

Burgos

14,4%

Ségovie

10,4%

Soria

1,3%

Valladolid

39,4%

Zamora

7,1%

Bien après Valladolid, se situe la province de Burgos qui a été le théâtre d’un homicide

Dans le document Crime, Rixe et bruits d'épée (Page 152-156)