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Chapitre 6 L’évaluation des conditions de l’environnement institutionnel

6.3. L’accessibilité de l’ombudsman

6.3.1. L’opérationnalisation de l’accessibilité

Dans un État de droit, l’ombudsman est accessible à tous les citoyens et à toutes les autorités (Mohammed, 1991). Parmi les nombreux arguments avancés pour sa mise en place, il y a la réponse à la complexité du système judiciaire et en même temps, à l’expansion de la bureaucratie. Le désir du législateur est de faire en sorte que les plaignants aient satisfaction par un recours direct à l’institution, sans autorisation préalable, de façon simple et sans formalité (Dowd, 2015, p. 288). L’accessibilité est l’une des caractéristiques qui rendent attractive l’institution et qui expliquent sa prolifération ces dernières années. L’accessibilité est mesurée par une seule dimension. Dans les prochaines lignes, la mesure de l’accessibilité est présentée. Par la suite, une agrégation des mesures pour la définition de l’indice d’accessibilité de chaque ombudsman est également analysée.

6.3.2. La description du phénomène à mesurer

Pour exprimer l’accessibilité, nous avons observé six caractéristiques de l’ombudsman. Le service de l’ombudsman est-il gratuit ou payant ? Le mode de contact de l’institution est-il élargi ou restreint ? Sa juridiction est-elle étendue ou restreinte ? L’ombudsman dispose-t-il d’un pouvoir d’enquête fort ou faible ? La nature de sa compétence est-elle forte ou faible ? Et l’ombudsman a-t-il le pouvoir d’agir de sa propre initiative ? L’ensemble des réponses à ces questions sont prescrites ou non dans la loi de fondation de l’institution.

Dans la plupart des démocraties parlementaires, la saisine de l’ombudsman est directe et gratuite pour l’utilisateur lorsqu’on la compare à d’autres mécanismes de résolution des plaintes comme la justice (Reif, 2004, p. 404). De plus, l’ombudsman est rapide dans la résolution des plaintes (Giddings, 2000, p. 462). Toutefois, dans certaines juridictions, l’accès est indirect. L’une des critiques formulées à l’encontre du Commissaire parlementaire pour l’administration de la Grande-Bretagne a été la restriction d’accès à l’institution. Seuls les parlementaires sont autorisés à transmettre les cas au Commissaire pour investigation (Gregory et Pearson, 1992, p. 475).

Afin de renforcer l’accessibilité, l’institution peut réaliser des brochures, des publicités à la radio comme à la télévision. Elle peut aussi disposer d’une ligne téléphonique gratuite. Elle doit également disposer des bureaux décentralisés et faire des visites sur le terrain (Reif, 2004, p. 404). Il existe plusieurs modes de contacts dont les deux principaux sont la plainte écrite et la plainte verbale. Dans l’idéal type, les deux modes de contacts doivent coexister afin de permettre au plus grand nombre, y compris ceux qui ne savent ni lire ni écrire de communiquer avec l’organisme.

L’ombudsman du secteur public est mis en place au niveau national, infranational ou municipal (Reif, 2004, p. 26). Lorsque la juridiction couvre au moins deux niveaux, elle est étendue et favorise l’accessibilité aux citoyens tandis qu’elle est restreinte lorsqu’elle se limite à un seul niveau. La juridiction est définie dans l’acte constitutif de l’ombudsman.

L’ombudsman ne peut changer les décisions, mais il peut formuler des critiques et des recommandations. Il a le pouvoir de conduire des enquêtes sur sa propre initiative, mais il n’a pas la compétence d’une cour administrative pour juger des mérites d’une décision prise par le secteur public. Par conséquent, il ne peut poursuivre un fautif (Seneviratne, 2002, p. 15-16). Il s’agit de modèles d’ombudsmans qui disposent de faibles pouvoirs. Il peut rapporter publiquement ses conclusions et

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recommandations, mais il ne peut changer une décision administrative (Hill, 1974, p. 1077). D’autres ombudsmans ont un pouvoir plus renforcé comme le droit d’inspection, d’amener des actions concrètes devant la cour constitutionnelle, de participer aux procédures de la cour administrative ou de poursuivre ou de recommander la poursuite des fonctionnaires (Reif, 2011, p. 271). Il s’agit de modèles d’ombudsmans qui disposent de pouvoirs forts d’enquête qui permettent à l’ombudsman de contrainte toute personne à fournir les informations nécessaires à l’exécution de son mandat.

Tableau 23 : Synthèse des indicateurs d’accessibilité de l’ombudsman

Dimensions Indicateurs Nature de

l’indicateur Modalités Code Score

Accessibilité

Coût des services Qualitative

binaire Gratuité des services Oui Non 1 Type de contact Qualitative

ordinale Restreinte Étendue Oui Non Oui Non 1 0 Juridiction Qualitative

ordinale Restreinte Étendue Oui Non Oui Non 1 0 Pouvoir d’enquête Qualitative

ordinale Faible Fort Oui Non Oui Non 1 0 La nature de la

compétence Qualitative ordinale Faible Fort Oui Non Oui Non 1 0 Pouvoir d’agir de

sa propre initiative Qualitative binaire Possible Oui Non 1

La compétence peut être restreinte ou étendue. Dans l’idéal type, « une compétence étendue, sans restriction, ni limite, portant sur tous les actes ou omissions de l’instance sous compétence, sur l’ensemble, du personnel et des dirigeants de celle-ci, dans la sphère d’activités de l’entité pour laquelle il est nommé, contribue à la fois à l’accessibilité et à l’efficacité de l’ombudsman » (Paquette, 2014, p. 65).

La définition de l’ombudsman suggère que l’institution agit de sa propre initiative avec le pouvoir d’enquêter, de recommander des mesures correctives et d’adresser des rapports au parlement dont il dépend (International Bar Association, 1974 citée par Hill, 1982, p. 408 et Carl, 2012, p. 205). Il s’agit là d’une caractéristique essentielle qui mérite là d’être évalué.

6.3.3. L’indice d’accessibilité de l’ombudsman

Avec le score 1, les ombudsmans d’Hawaii, de Queensland et de l’Irlande du Nord (18 %) constituent l’idéal type pour l’accessibilité des ombudsmans. La Colombie-Britannique, le Danemark, l’Écosse, la Finlande, la Nouvelle-Galles du Sud, la Nouvelle-Zélande et la Suède (41 %) obtiennent le score de 0,833 pour l’indice d’accessibilité des ombudsmans (IAO). Le Royaume-Uni est le seul ombudsman dont le score est inférieur à 0,500. L’indice moyen d’accessibilité est de 0,775 avec un écart-type de 0,167.

L’allure du graphique 14 sur l’accessibilité des ombudsmans s’explique par le fait que les six indicateurs de l’IAO sont binaires. Comme nous pouvons le voir, aucun ombudsman n’est complètement inaccessible.

En premier lieu, le coût des services ne varie pas d’un ombudsman à un autre. Il ne permet pas ainsi de discriminer les ombudsmans sauf lorsqu’on compare l’accès des citoyens à l’institution et à celui de la justice. Par essence, la difficulté d’accès à la justice par les citoyens est l’une des raisons pour lesquelles l’organisme a été créé. Par conséquent, il se devrait de se rapprocher de l’ensemble des citoyens par tous les mécanismes.

Au stade actuel de leur évolution, la définition de l’ombudsman inclurait toujours la gratuité de ses services.

Graphique 14 : Indice d’accessibilité des ombudsmans (n=17)

Le mode de plainte quant à lui varie d’un ombudsman à un autre. La plainte écrite est le mode utilisé par les plaignants. Certains législateurs comme le Québec, la Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Galles du Sud, l’Ireland du Nord, l’Arizona, Hawaii et le Queensland ont élargi le mode de plainte en y incluant la plainte orale. Lorsqu’on observe bien nos cas, on se rend compte qu’aucun ombudsman dont la

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juridiction s’étend au palier fédéral n’inclut la forme de plainte orale. Elle demeure donc au palier provincial/étatique. L’implication serait une meilleure accessibilité des citoyens aux services de l’ombudsman tout comme on peut le constater avec les trois ombudsmans les plus accessibles qui couvrent les paliers provincial et municipal.

Tableau 24 : Synthèse des scores des indicateurs d’accessibilité (n=17)

Ombudsmans Score gratuité des services Score type de contact Score

juridiction pour le Score pouvoir d’enquête

Score

compétences Score du pouvoir d’agir en son propre chef RU 1,00 0,00 0,00 1,00 0,00 0,00 QBC 1,00 1,00 0,00 1,00 0,00 1,00 FRA 1,00 0,00 1,00 1,00 0,00 1,00 AUS 1,00 1,00 0,00 1,00 0,00 1,00 ARZ 1,00 1,00 0,00 1,00 1,00 0,00 ALB 1,00 0,00 1,00 0,00 1,00 1,00 AFS 1,00 0,00 1,00 1,00 0,00 1,00 SUD 1,00 0,00 1,00 1,00 1,00 1,00 NZD 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 0,00 NSW 1,00 1,00 1,00 1,00 0,00 1,00 FIN 1,00 0,00 1,00 1,00 1,00 1,00 ECO 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 0,00 DNK 1,00 0,00 1,00 1,00 1,00 1,00 CLB 1,00 0,00 1,00 1,00 1,00 1,00 IRN 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 QLD 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 HAW 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00

Tous les ombudsmans à l’exception de l’Alberta (94 %, 16 sur 17) ont un pouvoir d’enquête suffisant c’est-à-dire qu’ils ont le pouvoir de contraindre toute personne détenant de l’information relativement à une investigation à coopérer en vue de fournir les informations et les documents nécessaires. Le cas de l’Australie illustre nos propos. En effet, l’article 9 (Power to obtain information and documents) de la section de l’Ombudsman act 1976 en Australie stipule : lorsque l’ombudsman a des raisons de croire qu’une personne est capable de fournir des informations ou de produire des documents ou d’autres dossiers pertinents pour une enquête menée en vertu de la présente loi, l’ombudsman peut, par un avis écrit signifié à la personne, exiger que cette personne, au lieu, dans le délai, à la date et à l’heure précisés dans l’avis de fournir, par un écrit signé par cette personne ou, dans le cas d’une personne morale, par un dirigeant de cette personne morale, toute information de ce type.

Les ombudsmans les plus accessibles ont une compétence forte et peuvent agir de leur propre initiative. 65 % (11 sur 17) des ombudsmans ont une compétence forte. À l’exception du Royaume- Uni, de l’Arizona, la Nouvelle-Zélande et l’Écosse, tous les ombudsmans ont le pouvoir d’agir de leur propre initiative. Au Royaume-Uni, les auteurs du Manifesto for ombudsman reform suggèrent clairement comme premier principe de réforme législative, la possibilité d’élargir les compétences de l’ombudsman en le dotant du pouvoir d’autosaisine (Kirkham et Gill, 2020). L’initiative personnelle ou l’autosaisine permet à l’ombudsman d’exercer son pouvoir d’influence. Généralement, l’autosaisine est relative aux plaintes systémiques c’est-à-dire celles dont l’impact concerne plusieurs personnes à la fois. L’exemple le plus complet de l’autosaine est inscrit dans la Loi du Public Services Ombudsman Act (Irlande du Nord) 2016 au chapitre 4 et qui définit le pouvoir d’investigation sur initiative propre de l’ombudsman, les critères et la procédure d’investigation ainsi que la publication du rapport. Nous pouvons y lire que l’organisme peut enquêter sur une question pour laquelle aucune plainte n’a été déposée, ou une ou plusieurs plaintes ont été déposées, si les conditions du présent article sont remplies. L’affaire doit porter sur une mesure prise par une ou plusieurs autorités figurant sur la liste. L’affaire doit pouvoir faire l’objet d’une enquête et l’ombudsman doit avoir un soupçon raisonnable — qu’il y a une mauvaise administration systémique, ou qu’une injustice systémique a été commise en raison de l’exercice d’un jugement professionnel. Les critères pour les enquêtes d’initiative sont déterminés par l’ombudsman et il doit publier et tenir compte de ces critères. Sur la procédure d’enquête, avant d’ouvrir une enquête, l’ombudsman doit préparer une proposition d’enquête, et soumettre cette proposition à toute autorité figurant sur la liste dont il est proposé qu’elle fasse l’objet d’une enquête. Cette proposition d’enquête doit exposer les raisons de l’enquête proposée, et la manière dont les critères visés ont été remplis. L’ombudsman devra publier un rapport d’enquête.