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La performance des institutions parlementaires : analyse quali – quantitative comparée de dix-sept ombudsmans

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Academic year: 2021

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(1)

La performance des institutions parlementaires :

Analyse quali – quantitative comparée de dix-sept

ombudsmans

Thèse

Seyive Wilfried Affodegon

Doctorat en science politique

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

(2)

La performance des institutions parlementaires

Analyse quali – quantitative comparée de dix-sept ombudsmans

Thèse

Seyive Wilfried Affodegon

Sous la direction de :

Francesco Cavatorta, directeur

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Résumé

Pour sa survie, la démocratie a besoin d’institutions parlementaires performantes. Des surveillants de l’État comme l’ombudsman se sont multipliés dans les années 1960 avec l’État-providence. Leur évolution est plus récemment ancrée dans les vagues de réformes des services de l’État. De nos jours, face au déficit démocratique, on assiste à un regain d’intérêt pour ces surveillants de l’État démocratique. S’appuyant sur le néo-institutionnalisme dans les organisations, la thèse éprouve la littérature qui soutient que c’est un ensemble de facteurs de l’environnement institutionnel marqué par l’indépendance, l’impartialité, la crédibilité et l’accessibilité qui expliquerait la performance de l’ombudsman. Grâce à l’analyse quali – quanti comparée basée sur les ensembles flous, à partir de la comparaison de dix-sept ombudsmans du secteur public dans les démocraties libérales (Afrique du Sud, Australie, Canada, Danemark, États-Unis, Finlande, France, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni et Suède), la thèse opérationnalise le concept de la performance par un indice. Les résultats suggèrent qu’il n’existe pas d’ombudsman complètement performant. À contrario, il n’existe pas d’ombudsman complètement non performant. La performance varie d’un ombudsman à un autre. Les résultats démontrent également que les ombudsmans ne sont pas complètement indépendants, impartiaux, crédibles et accessibles; de même qu’ils ne sont pas complètement dépendants, partiaux, non crédibles et non accessibles. Cette thèse démontre en définitive que l’accessibilité est la condition nécessaire à la performance d’un ombudsman.

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Abstract

Parliamentary officers, such as ombudsmen, sprang out and developed in the 1960s with the emergence of the welfare state. Their evolution followed the general movement towards the reform of public services. Faced with a democratic deficit, there is a resurgence of those state overseers to ensure the supremacy of democracy. For its survival, democracy needs parliamentary institutions that perform well. In fact, democracy can only prevail with efficient parliamentary institutions. Drawing on the example of these Parliamentary officers, this thesis conceptualises and clarifies the necessary conditions for the performance of the ombudsman in any advanced liberal democratic country. Based on neo-institutionalism theory in organization, the thesis assesses the literature which affirms that it is a set of factors such as independence, impartiality, credibility and accessibility that justify the efficiency of ombudsmen. Relying on qualitative comparative analysis based on fuzzy sets theories of seventeen parliamentary ombudsmen from liberal democracies such as Australia, Canada, Denmark, Finland, France, New Zealand, United Kingdom, United States, Scotland, South Africa and Sweden, this thesis redefines their efficiency on a single metric. The research demonstrates that there is neither an absolutely efficient ombudsman, nor a completely inefficient one. From a neo-institutional perspective, the research demonstrates that ombudsmen are not completely independent, impartial, credible or accessible. Ultimately, this thesis breaks new ground by showing that accessibility is a necessary condition but not sufficient for an ombudsman to be more efficient.

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des figures, tableaux, illustrations ... vii

Liste des abréviations, sigles, acronymes ... x

Remerciements ... xiv

Introduction Le parlement et les surveillants de l’État ... 1

Le déficit démocratique et les surveillants de l’État ... 1

La place des surveillants de l’État dans le contrôle parlementaire ... 6

La performance des surveillants de l’État ... 10

L’organisation de la thèse ... 11

Chapitre 1 Le développement de l’ombudsman ... 13

1.1. Le concept ... 14

1.2. L’institutionnalisation ... 16

1.2.1. La protection des citoyens ... 17

1.2.2. Le renforcement de la démocratie ... 18

1.2.3. La démocratisation ... 21

1.3. Les caractéristiques ... 21

1.3.1. La taxonomie ... 22

1.3.2. Des spécificités du secteur public ... 29

1.4. La sphère de régulation ou la sphère de surveillance de l’État ... 30

1.4.1. L’espace de conflit ... 31

1.4.2. Les fonctions de régulation ... 34

1.4.3. Les instruments de régulation ... 38

Chapitre 2 L’arène de traitement des plaintes ... 45

2.1. L’émergence ... 45

2.2. Les fonctions ... 46

2.3. Le traitement ... 48

2.4. Les pratiques de médiation ... 51

2.5. Les outils de traitement ... 51

(6)

Chapitre 3 La recension des écrits sur l’évaluation de la performance ... 55

3.1. La performance dans le secteur public ... 55

3.1.1. La performance et la bureaucratie ... 55

3.1.2. La performance et le public choice ... 57

3.1.3. La performance et la nouvelle économie institutionnelle ... 59

3.2. L’évaluation de la performance de l’ombudsman ... 61

3.2.1. La performance et la clientèle ... 62

3.2.2. La performance et l’administration publique ... 63

3.2.3. La performance et le parlement ... 65

3.2.4. La performance et les médias ... 66

3.2.5. La performance et le bureau de l’ombudsman ... 66

3.3. Les facteurs explicatifs de la performance de l’ombudsman ... 68

3.4. Le bilan des approches d’étude de l’ombudsman ... 71

3.5. La question, l’hypothèse et la pertinence de la thèse ... 74

Chapitre 4 Proposition de modèle d’analyse de la performance des ombudsmans ... 76

4.1. Un modèle systémique d’analyse de la performance de l’ombudsman ... 76

4.2. Le devis de recherche : l’analyse comparée et la méthode quali-quanti ... 86

4.3. La technique de mesure, les données et les cas ... 88

4.3.1. La calibration et l’indexation du résultat et des conditions ... 88

4.3.2. L’analyse des données ... 92

4.3.3. Les sources des données ... 93

4.3.4. La codification des données ... 93

4.3.5. La sélection des cas à l’étude ... 94

Chapitre 5 La performance des ombudsmans ... 96

5.1. L’opérationnalisation du résultat ... 96 5.2. La pertinence ... 102 5.3. La prestation de services ... 105 5.4. L’efficacité ... 108 5.5. L’efficience ... 110 5.6. L’indice de performance ... 112

Chapitre 6 L’évaluation des conditions de l’environnement institutionnel ... 115

6.1. L’indépendance de l’ombudsman ... 115

(7)

6.1.2. Description du phénomène à mesurer ... 115

6.1.3. L’indice d’indépendance de l’ombudsman ... 120

6.2. L’impartialité de l’ombudsman ... 129

6.2.1. L’opérationnalisation de l’impartialité ... 129

6.2.2. La description du phénomène à mesurer ... 129

6.2.3. L’indice d’impartialité de l’ombudsman ... 130

6.3. L’accessibilité de l’ombudsman ... 135

6.3.1. L’opérationnalisation de l’accessibilité ... 135

6.3.2. La description du phénomène à mesurer ... 136

6.3.3. L’indice d’accessibilité de l’ombudsman ... 138

6.4. La crédibilité de l’ombudsman ... 140

6.4.1. L’opérationnalisation de l’impartialité ... 140

6.4.2. La description du phénomène à mesurer ... 141

6.4.3. L’indice de crédibilité de l’ombudsman ... 143

6.5. Transparence et confidentialité de l’ombudsman ... 148

Chapitre 7 L’explication de la performance des ombudsmans ... 152

7.1. L’analyse des conditions nécessaires à la performance ... 153

7.1.1. L’estimation des paramètres ... 154

7.1.2. L’accessibilité en tant que condition nécessaire ... 155

7.2. L’analyse configurationnelle ... 160

7.2.1. L’analyse des combinaisons nécessaires ... 160

7.2.2. La solution parcimonieuse suffisante à la performance ... 163

Conclusion ... 168

Références bibliographiques ... 173

Annexe A Liste des ombudsmans sélectionnés ... 190

Annexe B Caractéristiques des rapports ... 191

Annexe C Synthèses des critères, indicateurs et sous-indicateurs de performance ... 194

Annexe D Synthèses des indicateurs et sous-indicateurs des facteurs institutionnels ... 196

(8)

Liste des figures, tableaux, illustrations

Figure 1 : Taxonomie des ombudsmans ... 25

Figure 2 : Espace de conflit ... 32

Figure 3 : Effets potentiels de l’ombudsman sur la performance de l’administration ... 35

Figure 4 : Imputabilité légale de l’ombudsman ... 37

Figure 5 : Arbre de décision de traitement des plaintes ... 50

Figure 6 : Paradigme de la performance ... 78

Figure 7 : Cadre d’analyse de la performance de l’ombudsman ... 79

Figure 8 : Relation hypothétique entre la performance et l’environnement institutionnel de l’ombudsman ... 152

(9)

Graphique 1 : Nombre de pays de l’OCDE disposant des lois sur les institutions

d’ombudsman (1960-2008) ... 13

Graphique 2 : Sous-indice de pertinence de l’ombudsman (n=13) ... 102

Graphique 3 : Proportion de personnes s’étant adressées au bureau pour 100 000 habitants (n=13) ... 103

Graphique 4 : Sous-indice de prestation de l’ombudsman (n=13) ... 105

Graphique 5 : Nombre de plaintes reçues pour 100 000 habitants (n=13) ... 106

Graphique 6 : Proportion de plaintes rejetés par rapport au nombre de plaintes reçues justifiées (n=13) ... 106

Graphique 7 : Sous-indice d’efficacité de l’ombudsman (n=13) ... 108

Graphique 8 : Sous-indice d’efficience des ombudsmans (n=13) ... 110

Graphique 9 : Indice de performance des ombudsmans (n=13) ... 112

Graphique 10 : Indice d’indépendance des ombudsmans (n=17) ... 120

Graphique 11 : Budget de l’ombudsman en PPA ($ US) pour 100 000 habitants (n=12) . 126 Graphique 12 : Salaire de l’ombudsman en PPA (n=11) ... 127

Graphique 13 : Indice d’impartialité des ombudsmans (n=17) ... 131

Graphique 14 : Indice d’accessibilité des ombudsmans (n=17) ... 138

Graphique 15 : Indice de crédibilité de l’ombudsman (n=17) ... 143

Graphique 16 : Âge du bureau de l’ombudsman (n=17) ... 145

Graphique 17 : Nombre d’années d’expérience du titulaire (mois) (n=17) ... 148

(10)

Tableau 1 : Fonctions de l’ombudsman hybride ... 44

Tableau 2 : Différents types d’approche d’étude des ombudsmans ... 73

Tableau 3 : Proposition d’une approche d’étude des ombudsmans ... 75

Tableau 4 : Ensembles binaires versus ensembles flous ... 89

Tableau 5 : Liste des cas à l’étude ... 95

Tableau 6 : Synthèse des indicateurs et des sous-indicateurs de pertinence ... 97

Tableau 7 : Synthèse des indicateurs et des sous-indicateurs de prestation de services ... 99

Tableau 8 : Synthèse des indicateurs et des sous-indicateurs d’efficience ... 101

Tableau 9 : Synthèse des indicateurs et des sous-indicateurs d’efficacité ... 101

Tableau 10 : Synthèse des scores des indicateurs de pertinence ... 104

Tableau 11 : Synthèse des scores des indicateurs de prestation de services ... 107

Tableau 12 : Synthèse des scores des indicateurs d’efficacité ... 109

Tableau 13 : Synthèse des scores des indicateurs d’efficience ... 111

Tableau 14 : Synthèse des scores des sous-indices et de l’indice de performance ... 113

Tableau 15 : Matrice des coefficients alpha de Cronbach ... 113

Tableau 16 : Synthèse des dimensions et des indicateurs d’indépendance de l’ombudsman ... 119

Tableau 17 : Synthèse des scores des indicateurs d’indépendance institutionnelle (n=17) ... 122

Tableau 18 : Synthèse des scores des indicateurs d’indépendance personnelle (n=17) ... 123

Tableau 19 : Comparaison de quelques indicateurs d’indépendance personnelle (n=17) ... 124

Tableau 20 : Synthèse des scores des indicateurs d’indépendance fonctionnelle (n=17) ... 128

Tableau 21 : Synthèse des indicateurs d’impartialité de l’ombudsman ... 130

Tableau 22 : Synthèse des scores des indicateurs d’impartialité (n=17) ... 134

Tableau 23 : Synthèse des indicateurs d’accessibilité de l’ombudsman ... 137

Tableau 24 : Synthèse des scores des indicateurs d’accessibilité (n=17) ... 139

Tableau 25 : Synthèse des indicateurs de crédibilité de l’ombudsman ... 143

Tableau 26 : Synthèse des scores des indicateurs de crédibilité institutionnelle (n=17) ... 144

Tableau 27 : Synthèse des scores des indicateurs de crédibilité personnelle (n=17) ... 147

Tableau 28 : Domaines et niveaux d’études des ombudsmans ... 148

Tableau 29 : Synthèse des indicateurs de transparence et confidentialité de l’ombudsman ... 149

Tableau 30 : Synthèse des indices des conditions ... 150

Tableau 31 : Synthèse des indices des conditions et de l’indice de performance des ombudsmans ... 154

Tableau 32 : Statistiques descriptives des variables étudiées ... 156

Tableau 33 : Ajustement des paramètres pour les conditions de performance ... 156

Tableau 34 : Ajustement des paramètres de la négation de chaque condition de performance ... 157

Tableau 35 : Résultats des combinaisons nécessaires ... 161

Tableau 36 : Résultats de la négation des combinaisons nécessaires et/ou suffisantes ... 162

Tableau 37 : Table de vérité ... 163

(11)

Liste des abréviations, sigles, acronymes

ABA : Association américaine du barreau

AFS : Afrique du Sud ALB : Alberta

AQQC : Analyse quali-quanti comparée ARZ : Arizona AUS : Australie CLB : Colombie-Britannique DNK : Danemark ECO : Écosse FIN : Finlande FRA : France HAW : Hawaii

IAO : Indice d’accessibilité des ombudsmans IBA : Association internationale du barreau ICO : Indice de crédibilité des ombudsmans IMO : Indice d’impartialité des ombudsmans

INDH : Institution nationale des droits de l’homme ou de la personne INDO : Indice d’indépendance des ombudsmans

IRN : Irlande du Nord

IOI : Institut international d’ombudsman IPO : Indice de performance des ombudsmans ND : Non documenté

NSW : Nouvelle-Galles du Sud NZD : Nouvelle-Zélande

OCDE : Organisation pour la coopération et le développement économique ONG : Organisation non gouvernementale

OP : Organisme public PPA : Parité pouvoir d’achat

QBC : Québec

QLD : Queensland RU : Royaume-Uni

SIEFO : Sous-indice d’efficience des ombudsmans SIEO : Sous-indice d’efficacité des ombudsmans SIPO : Sous-indice de pertinence des ombudsmans

SIPSO : Sous-indice de prestation de services des ombudsmans

SUD : Suède

(12)

À mes enfants, Maria-Friedhel, Helfried et Lindsey! Sachez et croyez fermement que pour l’heure et jusqu’à mon dernier souffle, je serai votre bouclier et votre rempart.

(13)

À mon épouse! La vie s’arrête lorsqu’on arrête de rêver.

(14)

À ma mère et à mon père! J’ai tout reçu de vous, sans aucune contrepartie.

(15)

Remerciements

En ce jour du 19 janvier 2013, lorsque de façon solitaire, j’ai pris la décision de traverser l’Atlantique, à la rencontre du savoir, du savoir-faire et du savoir-être, j’avais la certitude que l’aventure serait très enrichissante. Dans mon ancienne vie d’agronome, j’ai appris qu’avant de germer et de porter de belles fleurs, la graine mise en terre meurt. C’est peut-être, là aussi, un processus naturel d’accomplissement de la destinée. Avouons-le, sans aucune gêne et surtout pour la postérité, l’accouchement de la thèse n’a pas été un long fleuve tranquille. Heureusement qu’il eut fallu deux savants qui l’ont accouchée. Envers eux, j’ai ainsi un devoir de reconnaissance éternelle. J’ai tenu à prendre le clavier et à écrire ces lignes de réflexion en guise de remerciement à l’intégrité des Professeurs Francesco Cavatorta et Jean Crête. Leurs conseils ont été d’une valeur inestimable.

Je remercie l’ensemble des membres du jury qui ont consacré leur temps à la lecture et à l’évaluation de cette thèse. C’est le lieu également de remercier Madame Geneviève Tellier, Professeure titulaire à l’Université d’Ottawa qui a accepté, malgré ses multiples occupations d’évaluer cette thèse. La nature s’arrange pour que nous soyons là où nous devrions être, pour l’accomplissement de notre destinée et celle des gens que nous croisons. La venue de la Professeure Sule Tomkinson que j’ai rencontrée, pour la première fois, en avril 2017, au département de science politique de l’Université Laval aura contribué à l’histoire de cette thèse. Elle a en effet, présidé le comité d’examen prospectif qui a évalué mon projet de thèse. Un remerciement spécial au Professeur Jean Mercier qui a présidé le comité lors de mon examen rétrospectif et dont les enseignements nourrissent mes réflexions en politiques et management publics.

Je remercie Maman Joyce Dogba, Professeure agrégée à la faculté de médecine familiale de l’Université Laval, qui m’a encouragé et soutenu. À travers toi et ton conjoint, je remercie l’ensemble de ceux qui étaient en union de prières avec moi durant ce parcours.

Mes remerciements également à l’endroit de Olivier Sossa, Ph.D. dont les encouragements constants m’ont permis de traverser cette aventure. J’ai tenu à terminer mes travaux en signe d’une amitié sincère à ton égard.

(16)

Que dire de mon beau-frère Abdelaziz Tidjani Serpos! Dans mes doutes les plus profonds, tu me sortais de l’abime du désespoir, et tu faisais planer comme l’épée de Damoclès sur ma tête, le spectre du modèle de réussite que nous devons demeurer, malgré tout.

Je remercie enfin, tous ceux que j’ai côtoyés à l’Université Laval, en général, et au département de science politique, en particulier. Ils sont nombreux et, je ne voudrais pas commettre l’impair d’en oublier un. J’espère qu’ils se reconnaitront lorsque piqués par la curiosité intellectuelle, et qu’ils jetteront un coup d’œil sur ces pages.

(17)

Introduction Le parlement et les surveillants de

l’État

Dans ce chapitre introductif, les arguments de l’intérêt aux surveillants de l’État sont présentés en évoquant le contexte du déficit démocratique. Ensuite, les rôles des surveillants de l’État à travers le contrôle parlementaire sont décrits. Enfin, plus particulièrement l’intérêt pour la performance des surveillants de l’État et plus spécifiquement celui de la performance de l’ombudsman est présenté.

Le déficit démocratique et les surveillants de l’État

L’être humain a le réflexe de surveiller ce qui lui est précieux. Le berger surveille son troupeau afin qu’il ne s’égare pas ou qu’une tête ne se fasse pas apprivoiser par un prédateur. Dans la cellule familiale, les parents surveillent le comportement des enfants afin de veiller sur eux. Surveiller ce qui nous appartient est un instinct de protection. Crête (2014, p. 1) se demandait, pourquoi faut-il dans une société démocratique surveiller l’État ? Pour la simple raison que l’État appartient au citoyen, répond-il. Pour reprendre sa formule, pourquoi, faut-il que les autorités pénitentiaires surveillent les prisonniers au même titre que la police surveille les hors la loi de la société ? Plus court, pourquoi faut-il que l’État survefaut-ille les citoyens ? La réponse est tout aussi simple ; parce qu’

« aucun système économique, social ou politique ne peut garantir que les individus, les entreprises et les organisations en général agiront toujours de manière fonctionnelle et auront constamment une conduite efficace, rationnelle, respectueuse de la loi et de la morale. Même dans une société dotée des meilleures institutions du monde, il est inévitable, ne serait-ce que pour une multitude de raisons accidentelles, que le comportement de certains agents sociaux ne réponde pas à celui que l’on attend d’eux. Dans la vie de toute société, on rencontre une certaine proportion de comportements déviants ou dysfonctionnels. Pour que ces derniers par leurs effets cumulés n’entraînent pas un déclin général, la société doit rassembler ses forces pour ramener le plus grand nombre possible de ses membres à des comportements compatibles avec son fonctionnement normal » (Hirschman, 1972, p. 7).

(18)

Pour contrer ces dysfonctionnements qui ne sont ni plus ni moins qu’une forme de détournement de l’État démocratique, on a dû construire une infrastructure de régulation des comportements des agents publics (Crête, 2014, p. 2). Les surveillants de l’État ou agents du parlement tels que le directeur parlementaire du budget, le vérificateur général, la direction générale des élections, le commissaire au lobbyisme, etc. au Canada par exemple, font partie de cette infrastructure de contrôle parlementaire dont le but est la régulation du comportement des titulaires de charge publique. Tout comme Bell (2006) et Crête (2014), de préférence, le terme « agent du parlement » ou « surveillant de l’État » est utilisé afin d’éviter la confusion avec les « hauts fonctionnaires du parlement » tels que les greffiers qui servaient déjà à la Chambre des communes et la Chambre des lords en Grande-Bretagne et dont la tradition remonte à 1363 (Bell, 2006). En effet, au Canada par exemple,

« un agent du parlement est tout bureau dont la loi habilitante prévoit la délivrance d’une commission revêtue du grand sceau à cet agent. Les candidatures ou les nominations à ce poste sont approuvées par la Chambre des communes et le Sénat, ou l’une des deux chambres. Ainsi le candidat à ce poste obtient une garantie légale que son mandat durera au moins cinq ans, le cabinet étant obligé d’obtenir une résolution de la Chambre et du Sénat, ou de l’une des deux chambres pour le destituer. L’agent du parlement présente au moins une fois par année un rapport au Parlement par l’entremise des présidents de la Chambre et du Sénat ou du président de l’une des deux chambres. Il soumet également le budget des dépenses de son organisme au Parlement lui-même (par l’entremise du président) plutôt que par le truchement d’un ministère, où son budget est établi de manière indépendante et d’une autre façon, l’agent au lieu du gouvernement nomme le personnel de l’organisme, mis à part les fonctionnaires désignés dans la loi ; le salaire de l’agent est fixé ou déterminé selon un critère prévu par la loi plutôt que d’être laissé à la discrétion du cabinet » (Bell, 2006, p. 15).

Pourquoi devrait-on parler des surveillants de l’État au XXIe siècle ? Simplement, parce qu’ils permettent de prémunir les comportements déviants qui sont aussi vieux que l’humanité. Il faut s’en remettre toutefois, à la réponse formulée par Tellier (2014) à cette interrogation. En analysant le dernier avatar du contrôle parlementaire, elle écrit à propos du directeur parlementaire du budget du Canada que :

(19)

« si l’épisode du scandale des commandites a été un élément qui a influencé directement la création du poste de directeur parlementaire du budget, ce poste est aussi une réponse à l’accroissement du déficit démocratique auquel font face les gouvernements. La population semble de plus en plus cynique vis-à-vis des choix des gouvernements jugés trop opportunistes, et réclame davantage d’ouverture et de transparence de la part des dirigeants élus » (Tellier, 2014, p. 26).

La multiplication des agents du parlement serait donc une réaction à une opinion de plus en plus défavorable aux institutions politiques. En effet, plusieurs évènements politiques comme la déconvenue du gouvernement britannique à propos du Brexit, ainsi que la déconfiture des grands partis politiques américains avec l’élection du Président Donald Trump, laissent entrevoir que la confiance des citoyens à l’égard des gouvernants s’érode. D’un côté, le Brexit a été la principale raison de la démission de l’ex-première ministre anglaise Theresa May face à la défiance de la majorité conservatrice à Westminster. De l’autre côté, pour la troisième fois dans l’histoire des États-Unis, le Président en exercice a fait l’objet de la procédure d’« impeachment » pour entrave aux travaux du Congrès et abus de pouvoir. Dans le même registre, la désaffection des partis politiques a entrainé en France, l’éclatement des deux partis traditionnels de gouvernement sous la Ve République : le parti socialiste et le parti des républicains, ayant pour corolaire l’élection d’Emmanuel Macron. Au Québec, les deux plus vieux partis ont perdu les élections en octobre 2018, au profit de la coalition avenir Québec de François Legault. Plus récemment, lors des élections générales au Canada, le gouvernement de Justin Trudeau a perdu sa majorité au profit d’un gouvernement minoritaire dirigé par le premier ministre sortant.

Plusieurs travaux avaient déjà montré que les orientations des citoyens à l’égard des démocraties avancées ont fondamentalement changé, au point d’impliquer des répercussions sur les institutions et possiblement sur l’avenir des démocraties représentatives (Dalton et Wattenberg, 2000; Pharr et Putnam, 2000; Dalton, 2004, 2006; Norris, 2011). L’objectif n’est pas de faire la démonstration du déficit démocratique mais d’utiliser des données factuels et scientifiques pour présenter le contexte de notre propos, soit l’importance des surveillants de l’État pour la survie de la démocratie.

Durant les deux dernières décennies du XXe siècle, les citoyens, les groupes d’intérêt et les élites ont montré une décroissance de la confiance à l’égard des institutions et des processus de gouvernement représentatif (Dalton, 2004; Dalton, Scarrow et Cain, 2004). Nous faisions preuve d’un optimisme béat,

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lors du passage au XXIe siècle, en espérant un tournant positif dans les orientations des citoyens à l’égard des institutions politiques car, les récents écrits sur le soutien politique ont renforcé le scepticisme de ceux qui estimaient que les institutions politiques sont condamnées, dans une certaine mesure (Norris, 2011). Lorsqu’on parle de confiance, il faut distinguer le soutien politique et le soutien au régime (Dalton, 2006). Le soutien étant perçu comme étant le moyen par lequel une personne juge un objet politique tel que les autorités (les titulaires de charge publique), les institutions politiques (les institutions et les autres bureaux de l’État, les procédures gouvernementales) et la communauté ou le régime politique (les liens avec la nation et le système politique derrière les institutions du gouvernement) à travers ses attitudes ou comportements (Easton, 1975, p. 436).

Selon Dalton, à l’aide des données à l’appui, il existe des sentiments négatifs des citoyens vis-à-vis des régimes politiques. Par exemple, « l’enquête Eurobaromètre de 1998 révèle que 48 % des Européens déclarent être en désaccord avec le processus démocratique dans leur État [Notre traduction] » Dalton (2004, p. 39). En d’autres termes, il y a des raisons de penser que le soutien au régime politique s’érode, quand bien même il faut reconnaitre la difficulté de prouver la satisfaction des citoyens à l’égard des normes et procédures démocratiques. Il faut préciser que, malgré les mécontentements, les fondements démocratiques ne sont pas remis en cause (Dalton, 2006). Par ailleurs, le soutien politique présuppose que les citoyens sont suffisamment sensibilisés à la politique pour être capables d’associer leur satisfaction et leur mécontentement aux perceptions qu’ils ont des comportements de leurs autorités, qu’il s’agisse des comportements sous la forme identifiable d’actions ou qui sont attribuables à la performance générale (Easton, 1975, p. 439). L’accroissement du scepticisme à l’égard de l’élite américaine est perceptible. Le soutien politique au gouvernement était à son niveau le plus élevé en 1958 (autour de 70 %) et il a diminué en raison de la guerre du Vietnam et de l’affaire Watergate dont l’une des implications majeures est la démission de Nixon en 1972. Entre 1980 et 1984, il a rebondi avec l’administration Reagan, mais a rapidement chuté jusqu’en 1994 où il a atteint son record de chute s’établissant en dessous de 30 %. C’est précisément à ce moment que Bill Clinton fit face à la procédure d’impeachment. Suivant les données du American

national election studies 1958 – 2004 (ANES survey), cette tendance à la baisse se poursuit depuis

1994 (Dalton, 2006, p. 250). Même si l’on note une remontée à la suite des attentats du 11 septembre 2001, le soutien politique s’est établi rapidement à partir de 2003 à sa tendance d’évolution. Il était de

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31 % en janvier 2001 et il est passé à 55 % en octobre 2001 pour redescendre à 36 % au milieu de janvier 2003 (Dalton, 2006, p. 252).

Cette situation n’est pas contextuelle qu’aux États-Unis. Bien qu’il n’y ait pas de généralisation, elle s’étend néanmoins à l’échelle de plusieurs démocraties avancées. C’est ainsi qu’en France, 53 % de personnes sondées pensent que le gouvernement fait ce qu’il promet en 1977 contre 19 % en 1997 Dalton (2004, p. 28). Les données d’Eurobaromètre 87 indiquent qu’en France, 85 % des citoyens tendent à ne pas faire confiance aux partis politiques (Commission européenne, 2017). Il y a un déclin de confiance des citoyens à l’égard des politiciens dans 14 des 16 pays occidentaux pour lesquels les données longitudinales existent (Dalton, 2006, p. 252). Par exemple, entre 1965 et 1997, la proportion de Canadiens qui estimaient que les politiciens se préoccupaient de leurs opinions est passée de 52 % à 32 % [Notre traduction] (Dalton, 2004, p. 28). Plus récemment, les données d’Eurobaromètre 87 indiquent qu’en Allemagne 59 % des citoyens tendent à ne pas faire confiance aux partis politiques alors que cette proportion est de 73 % au Royaume-Uni (Commission européenne, 2017).

Au minima, les mécontentements des citoyens sonnent l’alerte pour relever des défis de gouvernance, d’où la voie des réformes managériales privilégiée par plusieurs pays (Aucoin, 1990; Hood, 1991; Pollitt, 2001; Pollitt et Bouckaert, 2011). D’abord, les réformes prennent la forme du renforcement des occasions de délibération collective et d’implication directe des citoyens dans le processus de prise de décision. Nous avons ainsi assisté à un essor des mécanismes de démocratie directe notamment avec l’augmentation des initiatives de référendum dans les pays développés (Dalton, Scarrow et al., 2004, p. 125-129; Norris, 2011, p. 238). À l’opposé des mesures de participation, des réformes plus radicales notamment les révisions des mécanismes de démocratie représentative, les révisions constitutionnelles et les réformes du processus électoral sont mises en œuvre. Par exemple, actuellement plus de 40 États des États-Unis ont opté pour l’organisation des primaires, ce qui n’était pas le cas au milieu du XXe siècle (Dalton, Scarrow et al., 2004, p. 125-129; Norris, 2011, p. 238). Depuis l’élection du gouvernement libéral au Canada en 2015, plusieurs voix se sont levées pour demander la réforme du système électoral. Elle fut une promesse électorale du Premier ministre canadien. Mais une fois élu, il a choisi de l’abandonner. Au cours des 30 dernières années, multiples efforts dont des référendums pour modifier le mode de scrutin dans plusieurs provinces canadiennes ont été entrepris. C’est également un enjeu de gouvernance au Québec depuis plusieurs années.

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Enfin, des réformes plus modérées portent sur la transparence et l’imputabilité dans la gouvernance et favorisent ainsi une forme de démocratie plaidante notamment par le renforcement d’entités comme les institutions de lutte contre la corruption, les commissions électorales, les institutions d’ombudsman et les organisations des droits de la personne (Dalton, Scarrow et al., 2004, p. 125-129; Norris, 2011, p. 238).

Puisqu’aucun signal ne semble indiquer une tendance au renforcement de la confiance à l’égard des institutions politiques, et si les surveillants de l’État auxquels on fait appel (Crête, 2014) ne remplissent pas convenablement leurs rôles, la démocratie court le risque de tomber dans un cercle vicieux de création indéterminée de surveillants de l’État, en réaction à une opinion publique continuellement défavorable aux institutions politiques à l’image du directeur parlementaire du budget au Canada et la création du directeur parlementaire du budget annoncé parmi les réformes parlementaires par le gouvernement Legault — opinion publique défavorable — création de surveillants de l’État — surveillants de l’État non performants — opinion publique de plus en plus défavorable — création de surveillants de l’État.

La place des surveillants de l’État dans le contrôle parlementaire

Le fonctionnement des surveillants de l’État est intimement lié à celui du parlement. En 1989, l’un des critères recommandés par le comité des finances et du budget du parlement néozélandais suggérait : pour être mis en place, un surveillant de l’État doit exercer des fonctions qu’aurait pu exercer le parlement lui-même s’il en éprouvait le besoin (Beattie, 2006). En d’autres termes, le surveillant est une délégation directe de pouvoir du parlement qui lui-même est la délégation directe de pouvoir par les citoyens. Par transitivité, le surveillant de l’État serait une délégation indirecte de pouvoir des citoyens. Par conséquent, on ne peut parler des surveillants de l’État sans mentionner en premier lieu les fonctions des parlementaires. Bien qu’il puisse exister des différences à travers le monde, citons en exemple le modèle parlementaire de type Westminster canadien. Il est reconnu aux parlementaires qu’ils sont des représentants (députés), législateurs (députés et sénateurs), contrôleurs (députés et sénateurs), intercesseurs (députés) et fiduciaires (députés et sénateurs) (Bourgault, 2005).

Le premier concerne l’élection du parlementaire dans une circonscription donnée. Puisque le député représente au parlement une partie des citoyens, il est ainsi mandataire d’une partie de la population.

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En cohérence avec cette représentation, il est un intercesseur des électeurs dont il porte la voix auprès de l’administration gouvernementale. En tant que législateur, il a l’initiative des textes de loi. Et, bien qu’il représente sa circonscription électorale, il siège dans le lieu de débat par excellence des enjeux qui touchent l’ensemble de la société. En participant aux débats qui dessinent le dessein du peuple, il joue le rôle de fiduciaire de l’intérêt national. Enfin, le dernier, et non des moindres, est le rôle de contrôleurs de l’État à travers les divers votes de non-confiance, les questions en chambre, la législation, les comités parlementaires et les agents du parlement qui représentent les cinq mécanismes de contrôle (Bourgault, 2005). L’objectif du contrôle parlementaire est avant tout la promotion de la reddition de compte des élus et des fonctionnaires ainsi que l’assurance que les lois mises en œuvre sont conformes à la volonté du parlement. En examinant les crédits budgétaires et les rapports annuels de performance des ministères et organismes publics (OP), le parlement promeut la valeur ajoutée des dépenses publiques et s’assure de l’économie, de l’efficience et de l’efficacité des programmes publics (Thomas, 2003). Le propos s’intéresse au mécanisme de contrôle parlementaire, en l’occurrence celui des surveillants de l’État.

« Tout comme la bureaucratie fournit une expertise neutre à ses dirigeants politiques, les surveillants sont des organes indépendants de leur “clientèle” partisane afin de pouvoir fournir au parlement non seulement des renseignements utiles qui tiennent compte des réalités politiques, mais aussi des connaissances expertes sur la bureaucratie et ses dirigeants — et sur les parlementaires eux-mêmes, dans le cas des institutions du “pouvoir démocratique”. Car, à titre de “volet administratif [en évolution] du pouvoir législatif”, ils sont en train de tranquillement renforcer le Parlement et chacun d’entre eux se concentre sur un domaine particulier des politiques publiques » (Bell, 2006).

Smith (2004) écrit que ce n’est pas un nouveau phénomène. Déjà, Norman Ward a longuement écrit sur le Vérificateur général et le Directeur général des élections. Ce qui a changé depuis, c’est qu’alors qu’ils étaient, à une époque, les serviteurs du Parlement, ils en deviennent aujourd’hui les maitres et risquent de devenir la conscience du gouvernement (Smith, 2004). Au parlement canadien, il existe neuf surveillants de l’État : le vérificateur général, le directeur général des élections, le commissaire aux langues officielles, le commissaire à l’information, le commissaire à la protection de la vie privée, le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique, le commissaire au lobbying, le commissaire à l’intégrité du secteur public et le directeur parlementaire du budget.

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Le directeur parlementaire du budget est la dernière créature institutionnelle des parlementaires canadiens. Deux raisons principales ont concouru à son émergence : l’écart souvent observé entre les prévisions budgétaires et les budgets réels et l’insuffisance d’expertise des parlementaires pour l’établissement d’un budget (Tellier, 2014). Plusieurs modèles de reddition de compte budgétaire en amont de la planification budgétaire tout comme le directeur parlementaire du budget existent au Royaume-Uni (Scrunity Unit créé en 2001 et l’Office for Budget Responsability en 2010), de même que le Parliamentary Budget Office en Australie (Tellier, 2014).

Au Québec, parlant du dernier né des gardiens de l’État, Contet et Ouimet (2007) évoquent la création du commissaire au Lobbyisme comme étant d’abord la reconnaissance d’une activité légitime qui pendant longtemps est restée secrète, malgré son importance dans le processus décisionnel. Conformément à la Loi sur la transparence et l’éthique qui touche non seulement l’institution parlementaire et les institutions gouvernementales telles que les ministères et les OP, le rôle du commissaire au lobbyisme est la surveillance et le contrôle des activités de lobbyisme auprès des titulaires de charges publiques.

De son côté, l’ombudsman dans la majorité des pays où il est implanté dénonce les dysfonctionnements de l’administration gouvernementale, lorsque celle-ci tend à porter préjudice aux citoyens. Il fait partie des surveillants de l’État dont le but ultime est de veiller à l’amélioration de la performance de l’administration ainsi que celle de la responsabilité du gouvernement envers le public (Reif, 2004, p. 2; Kirkham, 2006, p. 347). Il est un bureau prévu par la constitution ou par l’action de la législature ou du parlement. Il est dirigé par un fonctionnaire indépendant de haut niveau qui reçoit des plaintes de personnes lésées contre des organismes gouvernementaux, des fonctionnaires et des employés. Il agit de sa propre initiative avec le pouvoir d’enquêter, de recommander des mesures correctives et d’adresser des rapports au parlement dont il dépend (International Bar Association, 1974 citée par Hill, 1982, p. 408 et Carl, 2012, p. 205).

Les agents du parlement agissent dans l’ensemble de façon indépendante en fonction de leurs propres impératifs institutionnels (Pond, 2010, p. 25). Ils seraient, un mécanisme de renforcement de la responsabilité gouvernementale et par conséquent une mesure de reddition de compte législative (Bell, 2006). Ces chiens de garde sont des agences statutaires dont la fonction première est de scruter les actions du secteur public et de produire des rapports indépendants (Wilkins, 2016).

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La multiplication des surveillants de l’État serait aussi un élément factuel qui indique l’affaiblissement du parlement (Bell, 2006). Ils sont devenus incontournables dans le fonctionnement du parlement au point que certains auteurs suggèrent dans certains États, la création de la branche constitutionnelle de l’intégrité afin de leur accorder plus de pouvoirs (Ackerman, 2000; Tran et Stuhmcke, 2007). En Australie par exemple, Tran et Stuhmcke (2007) évoquent trois arguments pour soutenir cette idée. Le premier est relatif aux précédents qui existent à l’international. Dans certains pays, le pouvoir est réparti entre plus de trois branches. Au Costa Rica par exemple, il existe un tribunal suprême des élections ainsi qu’un bureau du contrôleur général qui sont des branches séparées de l’exécutif, du législatif et du judiciaire. En plus des trois branches traditionnelles de pouvoirs, Taïwan dispose de deux autres à savoir : le contrôle dont les rôles sont similaires à ceux de certains ombudsmans et la vérification. Le deuxième argument est relatif à l’existence d’un mouvement international de reconnaissance des systèmes d’intégrité. Dans cette veine, en Australie, le rapport de recherche publié en 2005 et financé conjointement par Transparency international et le Key Centre for Ethics Law Justice and Governance perçoit les agences et systèmes d’intégrité dans ce pays comme un nouveau moyen pour évaluer le gouvernement. Enfin, l’imputabilité démocratique du gouvernement vis-à-vis les citoyens s’exerce grâce à la doctrine du gouvernement responsable qui repose sur une séparation des pouvoirs de l’État. Ackerman (2000) suggérait la création de la branche d’intégrité qui serait dotée de pouvoirs et d’incitations pour exercer une surveillance continue et ses membres devraient bénéficier de salaires très élevés. Ils doivent être protégés contre les coupures législatives et avoir la garantie d’un avancement dans leur carrière afin d’éviter de servir plus tard auprès de fonctionnaires dont ils sont chargés d’enquêter avec probité. La constitution devrait également garantir à cette branche un budget minimum représentant un pourcentage des recettes du gouvernement (Ackerman, 2000).

Ce sont des arguments assez convaincants qui suscitent néanmoins un questionnement. Les surveillants sont-ils assez performants au point qu’il devient impératif de créer une autre branche de pouvoir constitutionnel ? Cette question est d’autant plus vraie que l’on en sait très peu sur l’impact du contrôle parlementaire sur la performance de l’administration (Thomas, 2003). Si, en soi, le contrôle parlementaire produit très peu de résultats, et si les chiens de garde qui jouent un rôle dissuasif ne sont pas performants, autant alors renoncer à la promotion d’institutions qui encadrent la reddition de compte gouvernementale : le contrôle parlementaire étant à priori voué à l’échec.

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La performance des surveillants de l’État

La performance des surveillants de l’État préoccupe les parlementaires en premier lieu. Par exemple, le parlement néozélandais a créé un comité des agents du parlement dont le principal rôle est d’assurer le contrôle du financement octroyé aux surveillants de l’État. L’objectif étant de protéger l’indépendance de chaque bureau d’agent du parlement contre l’influence politique. À sa création en 1989, les fonctions du comité étaient l’examen des crédits budgétaires et l’avis sur la création d’un bureau d’agents du parlement. Les rôles et fonctions du comité ont évolué depuis (Beattie, 2006). C’est ainsi qu’il délibère notamment sur la nomination d’un auditeur ou vérificateur des bureaux d’agents du parlement, le développement d’un code de pratiques, l’examen des votes et la revue financière, la nomination d’un agent du parlement, les planifications de gestion et la proposition de projets de règlement et d’instruction pour les rapports (Beattie, 2006). Le moins que l’on puisse dire est qu’il s’agit de pratiques méconnues par les citoyens. La mesure de la performance d’un surveillant est plus complexe que le simple examen de ses comptes de gestion.

Par exemple, en épluchant plusieurs rapports annuels de gestion, il appert que dans l’ensemble, les ombudsmans eux-mêmes s’en remettent à la mesure de la satisfaction des plaignants pour évaluer leur propre performance. Au Royaume-Uni, en 2016-2017, le Parliamentary health service

Ombudsman a sondé 24 % des plaignants et 3 % des plaignants dont les plaintes sont fermées. Il

conclue que 81 % des sondés affirment être satisfaits de ses services. Ces résultats étaient de 92 % pour l’année 2015-2016 (Parliamentary and Health Service Ombudsman, 2017). Dans le même temps, l’ombudsman d’Arizona soutient qu’il est important de recevoir la rétroaction des plaintes afin d’évaluer sa performance pour l’amélioration des services. Il réalise une enquête de satisfaction qui porte sur six points : équitable, courtoisie et respect, promptitude, fournir autant que possible une réponse complète, des solutions utiles et pertinentes à la plainte de l’ombudsman. Le taux de satisfaction des points varie de 82 % à 100 % pour les items évalués (Arizona Ombudsman-Citizens’ Aide, 2017). Les résultats publiés en novembre 2016 par le Scottish public services ombudsman, indiquent que 74 % des plaignants sont d’accord que les services fournis par l’ombudsman sont en adéquation avec leur besoin (Scottis public services ombudsman, 2017).

Dans les faits, les ombudsmans s’en remettent à la satisfaction de la clientèle en raison de la complexité de leurs activités. Stuhmcke (2018) suggère les raisons de l’intérêt à la mesure de la performance de l’ombudsman et les écueils qui se dressent face à l’exercice en ces termes :

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« effective evaluation improves stakeholder understanding of an ombudsman office and the roles it performs and amplifies scrutiny of its operations. However, while individual offices generally evaluate their own individual operations there is an absence of shared generic measures to account for the contributions – both tangible and intangible – that the institution of the ombudsman makes to the system within which it operates » (Stuhmcke, 2018).

Cette thèse vise à combler cette lacune théorique et empirique. Avant tout, elle cherche à analyser la performance d’un ombudsman, d’un point de vue managérial et sous l’angle de l’évaluation des politiques publiques (Knoepfel et Varone, 1999; Fowlie, 2008; Van Roosbroek et Van de Walle, 2008; Pollitt et Bouckaert, 2011; Gill, Mullen et Vivian, 2020). Perçue comme étant le succès des surveillants de l’État, elle cherche à conceptualiser la performance, la mesurer pour enfin l’expliquer au plan théorique à partir de conditions nécessaires et/ou suffisantes qui sont liées à son environnement institutionnel.

L’organisation de la thèse

La thèse est structurée en 7 chapitres. Le premier chapitre présente l’institutionnalisation de l’ombudsman à partir d’éléments contextuels historiques et socio-politico-économiques sous-jacents à son émergence et à son développement. Nous proposons une typologie afin de mieux cerner l’objet d’évaluation qui est l’ombudsman parlementaire ou du secteur public.

Le deuxième chapitre évoque l’arène de traitement d’une plainte puisqu’elle est le principal déclencheur de l’action de l’ombudsman. Dès qu’elle est formulée, elle déclenche une batterie d’interaction de plusieurs acteurs. Ce chapitre présente ainsi ses fonctions, les rôles de chaque acteur dans le processus de sa résolution. Il décrit l’arbre décisionnel de résolution des plaintes et formulons des questions d’évaluation qui permettent de standardiser les critères d’évaluation.

Le troisième chapitre aborde la recension des écrits sur la performance dans le secteur public. Il présente, par la suite, une recension des écrits sur la problématique de la performance des ombudsmans. Il discute des résultats des travaux antérieurs, en identifiant les indicateurs de mesure de la performance ainsi que des facteurs explicatifs théoriques. Dans le même temps, il relève les

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limites des travaux sur la mesure de la performance. Après avoir présenté le bilan des approches de recherche sur l’ombudsman, il est postulé qu’une approche systémique d’évaluation de la performance permet d’adresser ces limites.

Le quatrième chapitre propose un cadre théorique de la performance de l’ombudsman ainsi qu’un modèle d’analyse sous-jacent à ma démonstration. Il présente la méthodologie de la recherche en justifiant le choix d’une étude comparative et le choix de l’analyse quali – quanti comparée non seulement en tant qu’approche de recherche, mais aussi en tant que technique d’analyse.

Dans le cinquième chapitre, chaque critère d’analyse est décrit et l’indice de performance pour 13 ombudsmans parlementaires en raison des données disponibles est présenté. Des explications sur les spécificités de chaque cas à l’étude sont fournies et la robustesse de l’indice de performance est testée.

Dans le chapitre six, les conditions de l’environnement institutionnel sont décrites puis opérationnalisées. Les indices de chaque condition de l’environnement institutionnel sont élaborés à partir de la comparaison de 17 ombudsmans.

Le septième chapitre explique la performance de l’ombudsman à travers la mise en relation de l’indice de performance et des indices des facteurs de l’environnement institutionnel de 13 ombudsmans parlementaires pour lesquels l’indice de performance a été calculé.

Enfin, la conclusion discute des contributions conceptuelle, méthodologique et théorique de la thèse ainsi que de ses apports pratique, social et politique. Il fait un retour sur les limites de la thèse et formule des perspectives de recherche.

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Chapitre 1 Le développement de l’ombudsman

L’ombudsman dans le jardin des institutions démocratiques s’appuie sur un terreau fertile de résolution des plaintes. Il se nourrit de la plainte qui est la sève qui entretient dès lors sa vie. Car « la prise de parole [plainte] est avant tout une fonction principale de la vie politique » (Hirschman, 1972, p. 36). L’ombudsman est central au fonctionnement de l’État.

Cette institution, dans certains cas, s’est enracinée dans la constitution ; dans d’autres, dans les lois ou encore dans les réglementations qui forment l’arsenal politico-juridique d’un État. Dans les démocraties avancées, l’ombudsman a atteint sa maturité, au point où il convient de se demander s’il a tenu les promesses d’une meilleure gestion publique. C’est d’ailleurs pour cette raison que les écrits s’intéressent de plus en plus à sa performance plutôt qu’à sa description et aux prescriptions pour son institutionnalisation (Stuhmcke, 2006).

Le graphique 1 présente l’évolution du nombre de pays au sein de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) qui dispose d’une loi sur les institutions d’ombudsman. En 1960, seuls la Suède, la Finlande et le Danemark disposaient d’un ombudsman. En 2008, 90 % des membres ont un ombudsman ou une institution équivalente. La Suisse, la Turquie et les États-Unis au niveau fédéral sont les membres de l’OCDE qui ne disposent pas de législation pour l’institution d’ombudsman (OCDE, 2009).

Graphique 1 : Nombre de pays de l’OCDE disposant des lois sur les institutions d’ombudsman (1960-2008)

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L’institut international d’ombudsman (IOI) dénombre plus de 945 ombudsmans (étatique, non étatique, nationale et locale) dans 140 pays qui se retrouvent dans 34 pays en Afrique, 13 en Asie, 9 au Pacifique, 29 aux Caraïbes et en Amérique latine, 53 en Europe et 2 en Amérique du Nord (Ayeni, 2014).

Il n’est point possible d’aborder la performance de l’ombudsman sans décrire sa trajectoire. Pour cette raison, dans les lignes qui suivent, l’institutionnalisation tout en situant le lecteur sur le concept d’ombudsman sera présenté. Ensuite, une taxonomie est présentée afin de situer l’ombudsman dans l’architecture institutionnelle des États démocratiques en le présentant comme un surveillant de l’État régulateur de l’éthique.

1.1. Le concept

Il y a un amalgame conceptuel autour de l’ombudsman. Il résulte moins d’une volonté des chercheurs d’exprimer des réalités différentes que de son expansion rapide et de sa multiplication à travers le monde. Tout comme l’exprime Carl (2012, p. 203-204), nous avons assisté dans les années 60 à une ascension fulgurante de l’institution dans tous les secteurs d’activités donnant ainsi naissance à une pléthore de concepts (secteur public, secteur privé, traditionnel, classique, parlementaire, législatif, exécutif, spécialiste, spécifique, mandat multiple, hybride, organisationnel, corporatif, défenseur, umbuds, ombuds, ombudsman, ombudsmen, ombudsinstitution, ombudspeople) qui expriment certainement des différences étymologiques, mais qui parfois, désignent la même institution. La première définition connue est celle de l’Association internationale du barreau (IBA) qui le définit en tant qu’un

« bureau prévu par la constitution ou par l’action de la législature ou du parlement et qui est dirigé par un fonctionnaire de haut niveau et indépendant, qui est responsable devant la législature ou le parlement, qui reçoit des plaintes de personnes lésées contre des organismes gouvernementaux, des fonctionnaires et des employés ou qui agit de sa propre initiative, et qui a le pouvoir d’enquêter, de recommander des mesures correctives et d’adresser des rapports » (IBA, 1974 citée par Hill, 1982, p. 408 et Carl, 2012, p. 205; [Notre traduction]).

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Une telle définition puise son essence dans ce qu’il convient d’appeler le modèle scandinave dont le prototype le plus représentatif est l’ombudsman danois à cause de son enracinement constitutionnel, d’une part. Et, d’autre part, en raison de sa double cible : l’exécutif et les fonctionnaires d’État. Suivant cette définition, un ombudsman ne peut exister en dehors du secteur public. Or, non seulement l’« ombudsmania » a conquis tous les secteurs d’activités publiques, mais aussi privées et parapubliques. Une autre caractéristique de cette définition est qu’elle sépare le bureau d’ombudsman du titulaire. Or, dans quasiment toutes les juridictions, le bureau d’ombudsman est confondu au titulaire. C’est pourquoi il n’est pas rare de voir aussi bien le bureau que le titulaire, désigné par le même terme ombudsman. Se fondant sur cette définition, Hill (1974, p. 1074) relève que l’ombudsman classique est : (1) légalement établi (2) autonome dans son fonctionnement (3) externe à l’administration (4) indépendant opérationnellement aussi bien de l’exécutif que du législatif (5) spécialiste (6) expert (7) non partisan (8) normativement universaliste (9) centré sur la clientèle, mais pas anti-administration (10) aussi bien accessible que visible.

À la recherche d’une congruence conceptuelle, face à la multiplication de l’organisme, et pour freiner l’hémorragie conflictuelle sur ce qu’est l’ombudsman, l’Association américaine du barreau (ABA) désigne par un ombudsman « une personne autorisée à recevoir des plaintes ou à questionner de façon confidentielle les actes allégués, les omissions, les irrégularités et les problèmes systémiques plus vastes dans la juridiction définie de l’ombudsman et pour aborder, enquêter ou examiner ces questions de manière indépendante et impartiale » (IBA, 1974 citée par Hill, 1982, p. 408 et Carl, 2012, p. 205; [Notre traduction]). Remarquons qu’ici l’énoncé en question parait neutre et plus large et inclut de ce fait la définition de l’IBA, car il est applicable à toutes les formes d’ombudsman, quelle qu’elle soit (Carl, 2012, p. 206). Bien qu’étant neutre et confondant l’institution à la personne du titulaire, elle ajoute néanmoins à la confusion née de l’apparition de l’ombudsman dans plusieurs domaines d’activités, car la tentative de réunir des organismes qui ont parfois des raisons d’être différentes et des modes d’opération différents, entravent tout effort intellectuel tendant à mieux cerner ses caractéristiques.

C’est dans cette perspective que Carl (2012) suggère la dichotomie ombudsman du secteur public et ombudsman du secteur privé pour son opérationnalisation. Très tôt, mes propos dans le cadre de cette thèse visent les ombudsmans du secteur public. Par conséquent, l’on peut retienir avec Sabine Carl que :

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« l’ombudsman est une institution du secteur public qui, aux fins de la protection des droits individuels et de la défense des droits fondamentaux de la démocratie tels que les droits civils et de la personne, est autorisée par le parlement, un ministère ou une subdivision de celui-ci (fondement légal) à enquêter de manière indépendante à la fois de sa propre initiative ainsi que sur les plaintes des citoyens à propos d’allégation présumée d’omissions, d’irrégularités et de problèmes systémiques plus généraux des actes de l’Administration/Exécutif, et dont les seuls outils — en raison du fait qu’ils ne sont investis d’aucun pouvoir exécutoire — sont l’autorité personnelle, les recommandations, les rapports annuels et spéciaux et les médias » (Carl, 2012, p. 214; [Notre traduction]).

À la suite de la présentation de la définition de l’ombudsman, j’évoque la trajectoire de son institutionnalisation. Remarquons qu’au demeurant, il existe plusieurs modèles d’ombudsman dont les caractéristiques des uns ont contaminé celles des autres. J’utilise la raison d’être de l’ombudsman pour délimiter les vagues ou les générations d’ombudsmans. J’ai procédé ainsi, car en réalité, cette thèse vise entre autres l’évaluation de la performance de l’ombudsman qui est une tâche qui suggère en premier lieu l’identification de la raison d’être de l’objet d’évaluation. Ainsi, la protection des droits individuels correspond à l’émergence de l’ombudsman, le renforcement de la démocratie est la raison principale de son expansion et la démocratisation soit le besoin de démocratie est l’objet principal de sa multiplication dans les pays tiers (Bousta, 2007; Abedin, 2011; Ayeni, 2014).

1.2. L’institutionnalisation

Les contextes et les attentes des acteurs étatiques contribuent à l’apparition de plusieurs modèles d’ombudsman. Le moins que l’on puisse dire est que chaque adaptation conceptuelle a créé davantage de termes techniques pour le définir et par conséquent, il subsiste des confusions dans l’objet d’étude. De même, s’il y a une certitude, c’est que les ombudsmans n’ont pas connu les mêmes trajectoires. Parfois, il a fallu de vives critiques internes aux élites pour moduler l’ombudsman et l’adapter à son contexte d’implantation. Dans cette sous-section, nous discutons des conditions d’émergence de l’ombudsman notamment, les révolutions suédoise et finlandaise. De plus, nous décrivons son expansion dans le monde, d’abord dans le contexte du développement de l’État providence et par la suite, dans le processus de démocratisation de certains pays.

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1.2.1. La protection des citoyens

Le modèle de l’ombudsman contemporain est une conséquence de la révolution suédoise et il traduit la volonté populaire de substituer de nouvelles formes de régimes politiques à l’absolutisme monarchique (Legrand, 2011). Son choix est la réponse aux pressions d’une classe moyenne suédoise qui suspecte une collusion entre l’Exécutif et l’utilisation partisane de la justice (Chapman, 1960, p. 303). Il convient de signaler que la Suède du XVIIIe siècle serait marquée par l’abus du pouvoir, l’arbitraire, l’erreur et la négligence des autorités avec une omniprésence des souverains sur l’appareil administratif de l’État. Une telle situation ne laisse toute même pas indifférent la cour royale qui propose des voies de recours aux citoyens. Par exemple, en cas d’injustice administrative, le citoyen a le droit d’appel à l’autorité supérieure — dans ce cas-ci le gouvernement ou la Cour suprême. Poussant plus loin la législation, la monarchie insiste sur la responsabilité pénale des fonctionnaires et des juges en cas de manquement (Bexelius, 1967) pour une administration publique neutre et impartiale au service des citoyens. Dans l’idéal absolu, l’intervention de l’ombudsman vise l’amélioration de l’administration publique qui est responsable de la planification, de l’organisation, du recrutement, de la supervision des processus, de la coordination, du reportage et de la budgétisation (Gow et Dufour, 2000). L’administration publique est perçue comme étant l’ensemble « des activités, des institutions, des personnes et des connaissances qui touchent la préparation et la mise en application des décisions des autorités politiques à tous les niveaux d’un État » (Gow, 1993, p. 7). Il faut remonter en 1713 pour voir l’embryon de l’ombudsman avec la mise en place du chancelier de la justice par le Roi et dont le principal rôle était de superviser les fonctionnaires. Le chancelier de la justice devrait, pour ainsi dire, traiter des plaintes contre les officiels de la cour royale (Bexelius, 1967; Abedin, 2011). Plus tard, la loi en 1766 permit de rendre publics tous les documents ayant servi à la prise d’une décision administrative afin de contraindre les fonctionnaires à une meilleure reddition de compte (Bousta, 2007). À la faveur de la révolution de 1809 pour déposer le Roi Gustave IV, les constituants mettent en place la JustitieOmbudsman1 en tant que représentant du Rikstag2 (Bousta, 2007). L’ombudsman s’est ainsi enraciné dans la constitution et devient un instrument de protection des droits des citoyens face à l’omniscience et l’omnipotence des monarques (Carl, 2012, p. 211). Encore aujourd’hui, au Québec, l’institution a pour mission d’assurer le respect des droits des citoyens et des citoyennes, qu’il s’agisse d’individus, d’entreprises ou d’associations, dans leurs relations avec l’administration 1 Terme suédois pour désigner l’ombudsman

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publique. Elle agit quotidiennement pour corriger et prévenir les abus, les erreurs, la négligence, le non-respect des droits ou l’inaction des services publics (Protecteur du citoyen, 2017).

Le moins qu’on puisse dire est que les révolutions sont porteuses de grands bouleversements. Elles sont la libération de l’énergie du peuple pour changer l’ordre établi. Les révolutions dessinent le destin des peuples. À partir de 1809, l’ombudsman rentre dans une phase de dormance ou d’incubation jusqu’à la révolution finlandaise. Les mêmes causent produisant les mêmes effets, la constitution du 17 juillet 1919 instaure la Riksdagens JustitieOmbudsman (Bousta, 2007; Abedin, 2011; Ayeni, 2014). En substance, la Finlande choisit de mettre en place aussi bien l’ombudsman que le chancelier de la justice. Le rôle de ce dernier étant de s’assurer que les autorités et les fonctionnaires respectent la loi et qu’ils accomplissent leurs tâches tandis que le rôle du premier est de veiller entre autres au respect de la loi dans les procédures des tribunaux (Seneviratne, 2002). À partir de ce moment, l’institution va s’éclore et exporter sa philosophie dans plusieurs pays nordiques avant de progresser vers l’occident à la recherche de conditions politico-juridiques favorables à son expansion.

1.2.2. Le renforcement de la démocratie

Curieusement, de 1919 en Finlande, il faut attendre la fin de la Deuxième Guerre mondiale pour qu’apparaisse celui du Danemark. C’est à la faveur de la révision constitutionnelle du 5 juin 1953 que ce pays instaure le Folketingets3 ombudsman. Les chercheurs sont unanimes sur le fait que ce modèle a inspiré quasiment tous les autres modèles d’ombudsman — nous reviendrons plus tard sur les caractéristiques de ce modèle — en premier lieu, la Norvège qui confirme ainsi en 1962, la tradition nordique de l’ombudsman (Bousta, 2007). La même année, la Nouvelle-Zélande devient le premier pays du droit coutumier (Common law) a adopté le principe (Seneviratne, 2002). C’est ainsi que Sir Guy Powles fut le premier ombudsman à porter dans l’espace anglo-saxon, un titre d’origine suédoise, et qui grâce à son abnégation a fait la promotion d’un organisme qui doit faire face aux hostilités des politiciens et des fonctionnaires de son pays (Kirby, 2017). Nous situons l’expansion de l’ombudsman juste à la fin de la Deuxième Guerre. Nous relevons une coïncidence historique entre son expansion et le développement de l’État providence. Avant d’aller plus loin dans l’expansion de l’organisme, il est

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utile de s’arrêter et de présenter les fondements politiques et les caractéristiques de l’État providence. Lorsque nous parlons d’État-providence, il faut y voir

« une connotation religieuse [c’est-à-dire que], l’État prend le relai de la providence divine en assurant l’individu contre une série de risques redéfinis comme sociaux : les accidents du travail, la vieillesse, la maladie, le chômage… La référence à la providence renvoie à une dépendance passive de l’individu […]. La connotation est également politique : l’expression “État-Providence” apparaît à l’époque du Second Empire sous la plume de libéraux, comme Émile Ollivier, pour dénoncer l’accroissement des attributions de l’État » (Hassenteufel, 1996, p. 168).

En effet, le développement de mesures sociales pour freiner l’expansion de la classe ouvrière et le socialisme en Allemagne au XIXe siècle (Hassenteufel, 2011; Brasseul, 2012) donne naissance à l’État-providence. Sous l’impulsion de Bismarck, le 17 novembre 1881, l’empereur Guillaume 1er donne le ton de la mise en place de mesures générales d’assurances sociales. Le parlement allemand vote le 15 juin 1883 une loi sur l’assurance maladie et en même temps la rend obligatoire dans l’industrie et l’artisanat. De nouvelles lois sont successivement prises, l’une le 6 juillet 1884, l’autre en 1886 et une autre le 22 juin 1889 : la première en vue de généraliser les mesures prises dans la loi de 1883 en élargissant son champ d’application aux ouvriers agricoles, la deuxième concerne l’assurance accident tandis que la dernière crée l’assurance invalidité-retraite (Brasseul, 2012, p. 76-78). Dans le même temps, des systèmes d’assurances collectives pour les accidents de travail sont mis en place en Angleterre en 1897 et en France dès 1898. Ces mesures déplacent la responsabilité individuelle des citoyens vers une responsabilité collective de la société tendant à la création de nations unifiées et corporatistes. L’État providence correspond par conséquent à la mise en œuvre des politiques redistributives (Kvist, 1999; Hassenteufel, 2011). L’État se substitue à la providence divine pour la création d’un État égalitaire pour tous les citoyens. Face à la reconstruction des sociétés qu’engendrent la première et la Deuxième Guerre mondiale, cette forme d’État prend de l’ampleur. Sur un autre plan, la crise économique mondiale de 1930 (la grande dépression) remet en cause l’économie de marché et promeut plutôt la nécessité de l’intervention de l’État (Hassenteufel, 2011). Par le vote des lois, l’État prend des proportions. Bien qu’il existe des spécificités dans chaque pays, la convergence est que les gouvernants ou l’administration joue le rôle de planificateur en fournissant aux citoyens des services collectifs gratuits ou à des coûts inférieurs à ceux du marché. C’est ainsi que des services d’éducation,

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