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Chapitre 6 L’évaluation des conditions de l’environnement institutionnel

6.1. L’indépendance de l’ombudsman

6.1.2. Description du phénomène à mesurer

L’indépendance institutionnelle nous est révélée en observant trois caractéristiques de l’institution. Quelle place occupe-t-elle dans l’architecture politique ? Quelle est la nature du mandat de l’ombudsman et quelle preuve a-t-on de son indépendance ?

L’ombudsman gouvernemental est centralisé et il dépend directement de l’Exécutif (Abedin, 2011). Par contre l’ombudsman parlementaire dépend directement du parlement. L’indépendance à l’égard de l’Exécutif est un élément du dispositif de contrôle de l’Exécutif par le législatif. Par conséquent, l’ombudsman a une mission de contrôle des activités administratives et il rend compte de ses activités au parlement (ou l’assemblée élue à l’échelon local) (Rowat, 1992, p. 568). La forme d’institutionnalisation est définie par la constitution ou la loi.

L’évolution des ombudsmans a entrainé l’élargissement de leurs mandats qui confèrent par conséquent plus de pouvoirs à l’institution. Plusieurs exemples peuvent être cités : la Suède qui a élargi le mandat de l’ombudsman en 1986, la France aussi suite à la réforme constitutionnelle de 2008, le Danemark et le Luxembourg. Une telle évolution suggère que la nature hybride de l’ombudsman est de plus en plus l’idéal type (Reif, 2011, p. 271). La nature du mandat est prescrite ou non dans les actes de fondation de l’institution.

Plusieurs auteurs appellent à la création d’un quatrième pouvoir d’État (Ackerman, 2000; Tran et Stuhmcke, 2007). La constitution devrait également garantir à ce pouvoir un budget minimum représentant un pourcentage des recettes du gouvernement, l’objectif étant d’assurer son indépendance. Même s’il ne s’agit pas d’un quatrième pouvoir constitutionnel, l’évidence est que l’indication constitutionnelle d’une institution renforce les pouvoirs qui lui sont conférés contrairement à la législation parlementaire qui habituellement met l’organisme dans une situation de précarité face aux humeurs de la majorité parlementaire ou du gouvernement du jour. L’indication constitutionnelle est prescrite ou non.

L’indépendance personnelle nous est révélée en observant cinq caractéristiques de l’institution. Quel est le processus de nomination de l’ombudsman ? Le mandat de l’ombudsman est-il renouvelable ou non ? Quelle est la durée de ce mandat ? Le titulaire de charge bénéficie-t-il de l’inamovibilité dans l’exercice de ses fonctions et l’institution dispose-t-elle d’une autonomie budgétaire ?

L’ombudsman peut être nommé par le chef de l’État ou du gouvernement, le parlement ou la combinaison des deux. Bien entendu, la nomination par le parlement est le mode préférentiel dans le cas de l’ombudsman du secteur public dans un régime parlementaire de type Westminster (Baccigalupo, 1975, p. 362; Giddings, 2000). À ce propos, traitant de l’ombudsman du Royaume-Uni, des auteurs suggèrent qu’il doit garder sa nature parlementaire en étant la pierre angulaire du système

de justice administrative en fournissant l’assistance nécessaire au parlementaire dans le contrôle parlementaire et l’imputabilité du gouvernement (Kirkham et Gill, 2020). Dans un système parlementaire, sa nomination peut relever du chef de l’Exécutif en sa double qualité de chef de gouvernement et du principal parti représenté au parlement (Rowat, 1992, p. 568). Or, la nomination de l’ombudsman gouvernemental relève de l’autorité du chef de l’Exécutif, du gouverneur, du maire, de l’administrateur en chef, etc. (Abedin, 2011). Le processus de nomination est prescrit.

En discutant de la neutralité du directeur parlementaire du budget comme gage d’indépendance et de crédibilité de l’organisme, Tellier (2014) évoque des liens d’autorité qui nuisent à l’indépendance du surveillant de l’État notamment lorsque ce dernier est nommé par le gouvernement. Cette nomination nuit à l’organisme « surtout si ce dernier veut remplir plus d’un mandat » (Tellier, 2014, p. 44). Autrement, à défaut d’un autre mécanisme de nomination en dehors de l’Exécutif, un mandat unique plutôt qu’un mandat renouvelable garantirait mieux l’indépendance de l’agent du parlement. À ce propos, Crête soutient avec ses co-auteurs que « la clause qui ne permet pas le renouvellement de mandat vient de l’idée qu’à la fin de son mandat, le vérificateur pourrait être moins sévère à l’endroit du gouvernement qui, dans le système parlementaire canadien, jouit d’une majorité au moins relative, à l’Assemblée législative » (Crête, Diallo, Rasamimana et al., 2014, p. 78). Le terme du mandat est prescrit, il peut être unique ou renouvelable. L’idéal type serait donc un surveillant de l’État nommé pour un mandat unique.

La règle de la durée du mandat de l’agent du parlement répond au souci de lui laisser pleine indépendance au cours de son mandat, car un mandat plus long permet à l’institution d’être au-dessus de la mêlée partisane puisqu’il a la garantie de servir sous plusieurs gouvernements (Crête, Diallo et al., 2014). Un mandat plus long garantirait ainsi une plus grande indépendance du surveillant de l’État. Ribo (2006, p. 142) rapporte qu’il existe un consensus sur l’indépendance de l’institution qui serait un facteur principal de performance. Parmi les critères, figure l’inamovibilité de l’ombudsman qui permet de ne pas remplacer le titulaire sauf dans les conditions précisées par la loi comme la démission, la fin de mandat ou le décès. L’objectif visé ici est de prémunir l’ombudsman contre l’influence politique. L’inamovibilité est prescrite ou non dans les actes de fondations de l’ombudsman.

L’indépendance personnelle est mesurée par l’autonomie budgétaire et organisationnelle qui est mesurée à son tour par trois sous-indicateurs, le budget de l’ombudsman pour 100 000 habitants, le

salaire de l’ombudsman et la taille du bureau de l’ombudsman pour 100 000 habitants (Abraham, 1968; Ribo, 2006). Afin de disposer des données comparables, les deux premiers sous-indicateurs ont été mesurés en parité de pouvoir d’achat ($ US).

L’indépendance fonctionnelle nous est révélée en observant trois caractéristiques de l’institution. Le titulaire bénéficie-t-il de l’immunité de poursuite ? Dispose-t-il des pouvoirs discrétionnaires de fixer les procédures et ceux de déterminer les conclusions et les recommandations de ses enquêtes ?

Parmi les critères d’indépendance énumérés par Ribo (2006, p. 142) figure l’inviolabilité c’est-à-dire que l’ombudsman ne peut être poursuivi pour des actes posés durant son mandat. En plus de l’inviolabilité, il bénéficie aussi de l’immunité de poursuite. Si les ombudsmans bénéficient systématiquement de l’inviolabilité, certaines législations sont muettes sur l’immunité de poursuite. Or, l’immunité de poursuite consolide la discrétion dans l’exercice de la fonction de l’ombudsman et lui accorde la marge de manœuvre nécessaire pour critiquer ouvertement le gouvernement sans craindre l’ingérence politique (Paquette, 2014). L’ombudsman ne peut donc être appelé à témoigner dans un dossier. L’immunité de poursuite est prescrite ou non.

L’autonomie fonctionnelle définit par Hill (1974) est l’exercice libre du mandat sans aucune pression avec des ressources suffisantes et une marge de manœuvre accrue dans le choix du personnel par exemple (Dowd, 2015, p. 285). Le pouvoir discrétionnaire de fixer les procédures de fonctionnement du bureau de l’ombudsman est prescrit ou non.

Paquette (2014) évoque que l’ombudsman parlementaire bénéficie d’une clause privative, ce qui veut dire qu’on ne peut pas l’attaquer en justice ou l’empêcher d’agir ou en le forçant d’agir en le mettant à l’abri du contrôle judiciaire. Ce pouvoir suppose qu’il n’y a pas de révision ou des appels des avis et des recommandations de l’ombudsman. Ce privilège n’exclut pas cependant qu’un plaignant formule une plainte contre l’ombudsman lui-même auprès du bureau de l’ombudsman en cas d’insatisfaction du plaignant.

Le tableau 16 présente la synthèse des indicateurs d’indépendance de l’ombudsman. La colonne « nature de l’indicateur » indique s’il s’agit d’un indicateur qualitatif ou quantitatif. Elle détermine la technique de calibration (voir chapitre 4 pour les méthodes de calibration). La colonne « modalité » permet de catégoriser les ombudsmans. La colonne « code » indique la valeur possible de chaque

modalité pour un ombudsman donné suivant la règle établie dans l’opérationnalisation du phénomène à mesurer. Le « score » est la valeur que peut prendre chaque cas après calibration (voir la section méthodologique pour plus de détails sur la codification et la calibration des données). Un tableau synthèse similaire est présenté pour les trois autres conditions de l’environnement institutionnel. Tableau 16 : Synthèse des dimensions et des indicateurs d’indépendance de l’ombudsman

Dimensions Indicateurs Nature de

l’indicateur Modalités Code Score

Indépendance

institutionnelle d’institutionnalisation Forme Qualitative ordinale Législative Exécutive Oui Non Oui Non 0 1 Nature du mandat Qualitative

ordinale Spécialiste Générale Oui Non Oui Non 0,5 0

Hybride Oui Non 1

Acte de fondation Qualitative

ordinale Constitution Législation Oui Non Oui Non 1 0 Indépendance

personnelle nomination (mode de Pouvoir de nomination)

Qualitative

ordinale Assemblée nationale sur Assemblée nationale Oui Non 1 proposition gouvernement Oui Non 0,75

Gouvernement sur proposition Assemblée

nationale

Oui Non 0,50

Gouverneur général sur proposition de l’Assemblée

nationale ou du Gouvernement

Oui Non 0,25

Gouvernement Oui Non 0

Terme du mandat Qualitative

ordinale Renouvelable Unique Oui Non Oui Non 1 0

Durée du mandat Quantitative 7 ans Oui Non 1

6 ans Oui Non 0,66

5 ans Oui Non 0,33

4 ans Oui Non 0

Processus de

révocation Qualitative binaire Possible Oui Non 1 Pouvoir de contrôle Quantitative Budget Calibration

directe Entre 0 et 1

Quantitative Taille Calibration

directe Entre 0 et 1

Quantitative Salaire Calibration

directe Entre 0 et 1 Indépendance

fonctionnelle Immunité de poursuite Qualitative binaire Possible Oui Non 1 Révision ou appel

des avis et des recommandations de

l’ombudsman

Qualitative

binaire Pouvoir discrétionnaire de fixer les procédures Oui Non 1 Qualitative

binaire déterminer les conclusions Pouvoir discrétionnaire de et les recommandations