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L’évolution de sa politique foncière

Dans le document Le système foncier comorien de 1841 à 1975 (Page 193-197)

PORTEE HISTORIQUE DE LA SCB (1923 – 1950)

4.1 LA SCB VERITABLE MONOPOLE COLONIAL (1923-1946)

4.1.4 L’évolution de sa politique foncière

Il semblait bien que les deux sociétés s’étaient accordées sur le principe de l’apport-fusion.

Ce qui avait permis à la SCB de réaliser une augmentation de son capital, de 15 millions à 16 330 000 f.

Au total, la SCB était sortie renforcée, après la crise de 1929. A partir de 1938, elle était un véritable « Etat dans l’Etat ». Elle était le seul maître potentiel des secteurs clés des plantations coloniales, partie intégrante de l’ensemble du système foncier comorien.

4.1.4 L’évolution de sa politique foncière

Après 1937, la SCB avait atteint la phase du stade suprême de son développement. C’était justement le moment qu’elle avait choisi pour relancer sa stratégie pour une reconquête définitive de ces anciens baux.

Ainsi, le moins qu’on puisse dire, était le fait que durant les dix années antérieures à 1937, elle avait anticipé ses négociations marathon auprès du Gouvernement Général de Madagascar pour définitivement possédait la concession des terrains domaniaux qu’elle avait en location et dont les contrats de baux devait, en principe, expirer en 1942327. C’était bien dans ce contexte favorable qu’elle était parvenue à les ranger définitivement.

Ce fut également dans ce même contexte qu’elle avait à faire face aux difficultés de la seconde guerre mondiale. Mais, surtout, elle avait également à faire face, même si elle n’était pas directement impliquée, au soulèvement populaire des travailleurs de la Société de Nioumakélé (N.M.K.L.) en 1940. Cette période coïncidait suffisamment bien avec celle de la déclaration de la seconde guerre mondiale. Ironie du sort, un tel soulèvement s’était déjà produit à la Grande-Comore lors de la première guerre mondiale.

Ainsi, comme l’avait bien mis en relief, Jean Martin : « l’on ne peut manquer d’être frappé par la similitude du contexte politique, puisque ces troubles surviennent dans l’année qui suit une

 

327 Voir séance du CA. Du 26 novembre 1940.

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déclaration de guerre et les rapports des indigènes avec une société coloniale paraissent avoir été au centre de l’affaire »328.

Il s’agit donc de mettre en exergue la nouvelle stratégie foncière de la SCB après 1937 et sa santé financière dans le contexte de la seconde guerre mondiale et du soulèvement populaire d’Anjouan en 1940.

4.1.4.1 Sa nouvelle politique foncière

Les sources329 indiquaient bien que la SCB axait prioritairement sa demande d’acquisition définitive sur les domaines de Bambao et de Pomoni et secondairement sur des domaines et zones périphériques de moindre importance. L’enjeu de l’acquisition définitive des Domaines330 était de taille pour son devenir. Si l’on se réfère au contenu d’une requête que la SCB avait adressé à Monsieur Cayla, Gouverneur Général de Madagascar, elle estimait qu’elle ne saurait, en effet, immobiliser de nouveaux capitaux pour développer ses exploitations agricoles et industrielles sans avoir obtenu la garantie de sa sécurité nécessaire et indispensable. Seule l’appropriation définitive des terres qu’elle exploitait, était sa préoccupation essentielle qu’elle demandait comme concession auprès des autorités gouvernementales331.

4.1.4.1.1 Le cas de Pomoni

Les héritiers du Sultan Salim Ben Sultan Allaoui avaient protesté auprès du Gouvernement Général, suscitant l’annulation de la demande faite par la SCB pour son acquisition définitive du Domaine de Pomoni. Ces héritiers exigeaient que le domaine de Pomoni leur soit remis sans autre forme de procès. Les documents et les arguments avancés, auxquels s’étaient basés le Gouvernement Général, donnaient raison à la SCB.

 

328 Martin Jean, Grande Comore 1915et Anjouan 1940 : Etude comparative de deux soulèvements populaires au Comores, Article paru, Etude Océan indien, vol. III, 1983, p69-100.

329 Celles de la SCB, de la correspondance échangée entre le gouvernement générale de Madagascar, le ministère des colonies.

330 Surtout Bambao et Pomoni à Anjouan.

331 Hassani-El-Barwane Mouhssini, op.cit., p77-78.

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Certains disaient que les héritiers du Sultanat avaient prêché dans le désert. Pour l’historien, ces revendications révélaient, sans ambages, l’état réel des rapports de force, en cette période de la colonisation. Comme nous l’avons si bien relevé nous insistons fortement sur l’environnement de déclin irréversible des féodaux après la perte de leur pouvoir au début de la colonisation. Ainsi, le système féodal était surtout mis devant le fait accompli de l’expropriation par les sociétés coloniales des Domaines qui appartenaient aux Sultanats332.

Ce cas de Pomoni montrait bien le renversement de tendance de la politique des colonialistes français qui servaient, purement et simplement, les intérêts de la SCB. En nous référant à la note du 16 septembre 1937, rédigée par le Directeur des Domaines de la Propriété Foncière et du Cadastre pour rejeter les revendications des dits héritiers du Sultan Salim Ben Sultan Allaoui333.

Il nous semble bien que la position du Directeur des Domaines de la Propriété Foncière, qui avait tranché ce litige en faveur de la SCB avait été neutralisé par les offres alléchantes de celle-ci.

4.1.4.1.2 Le cas de Bambao

Pour le Domaine de Bambao, ce qui nous paraisse intéressant, c’était le fait qu’en 1937, la SCB ne posait plus comme autrefois une demande d’un nouveau bail ; mais elle visait conséquemment son acquisition définitive. C’était, en tout cas, le moment où elle ne devait manquer l’occasion puisque la chance ou bien les appuis invisibles demeuraient toujours de son côté. En tenant compte de ses grands moyens de pression, cette acquisition nouvelle était bien à sa portée334.

Elle avait fait une demande d’acquisition définitive de la propriété de Bambao auprès du Gouvernement Général de Madagascar. Face à cette persistance de la SCB, les «contribuables d’Anjouan» avaient saisi le comité indigène de la section de la ligue française des Droits de

 

332 Voir chapitre I de la première partie de la présente thèse

333 Voir lettre classée dans AEC70DB, rue Oudinot.

334 Hassani-El-Barwane Mouhssini, op.cit., p80-82.

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l’Homme et du Citoyen335 pour défendre leurs revendications se rapportant essentiellement au Domaine de Bambao336.

Le fait que les autochtones, dénommés «contribuables d’Anjouan» avaient eu la possibilité de saisir la ligue dès 1937 révélait, en tout cas, l’audience et l’influence qu’elle avait gagné en tant que défenseur incontesté de ceux qui se trouvaient dans une situation d’injustice, même pour ceux qui se trouvaient dans les colonies lointaines. C’était, en fait, un exemple qui relatait le soutien mutuel entre les hommes et les femmes de bonne foi qui luttaient contre les méfaits de la politique colonialiste dans des questions ou points précis (Exemple : la question foncière) dans les colonies337.

Force est de constater que suivant les correspondances échangées, le Comité Indigène de la Ligue avait réagi à plusieurs reprises auprès du Ministère des colonies et du Gouvernement Général pour les ramener à la raison. Si l’on tient compte de la réaction courageuse et persistante de la ligue, le Gouvernement de Madagascar, et, avec la complicité directe ou non du Ministère des Colonies s’était appuyé sur les rapports de caractères unilatéraux des administrateurs locaux pour contrecarrer les intérêts des «contribuables d’Anjouan».

De ce fait, s’appuyant sur les recommandations du Gouvernement Général, les autorités locales ne lésinaient sur les moyens pour créer les subterfuges qui pourraient mettre en déroute les initiatives heureuses de la Ligue. Référons-nous à cet extrait d’une lettre de recommandation d’un administrateur local de Mayotte, datée le 22 avril 1938, destinée à la direction des affaires politiques du Ministère des Colonies : « en ce qui concerne la communication dont est saisi la Ligue pour la Défense des Droits de l’Homme et du Citoyen, il y a lieu de croire qu’elle émane d’un colon d’origine britannique, installé depuis de nombreuses années à Anjouan et dont les démêlés avec l’administration française sont légendaires »338.

 

335 Institution créée à la suite de l’affaire Dreyfus, la ligue française des droits de l’homme et du citoyen a conduit perpétuellement, depuis sa création l’engagement d’un grand nombre de gens de différents horizons. Au cours des années, elle développa, de plus en plus, une activité de grande envergure, se dotant des structures, appropriées à l’entendue de son action. Au début des années 1930, la ligue était devenue, non pas un groupe politique mais une association de pensée qui disposait des moyens d’actions beaucoup plus important. Elle avait des sections qui s’attachaient aux problèmes des colonies. En guise d’exemple, c’était le cas du comité indigènes des Comores.

336 Voir la lettre du comité indigène auprès de la ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen du 5 aoûte 1938, reportée dans le dossier Mad C 337 D 889

337 Hassani-El-Barwane Mouhssini, op.cit. p 80-83.

338. Voir affaires Economiques AE 70 DB.

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