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L’étendue des premières confiscations

PHOTO N° 1 : ZAWIYA CHADHULI MORONI ILE DE LA GRANDE-COMORE

1.4 UNE COLONISATION DANS LA DOULEUR (1841-1975)

1.4.2 La Colonisation proprement dite

1.4.2.2 La dépossession des terres

1.4.2.2.2 L’étendue des premières confiscations

A la Grande Comore, le sultan ntibe Said Ali ne faisait guerre de difficulté pour se plier aux conditions du traité susmentionné. D’une manière concrète, les engagements auxquels Saïd Ali souscrivait, étaient pourtant des plus lourds. Sans doute, comme nous venons de le souligner, cet acte mettait à la disposition de Léon Humblot toutes les terres que ce dernier voudrait exploiter ; sans égards pour les propriétés privées ni pour les terroirs villageois. Il avait les mains libres pour exploiter toutes les richesses qu’il souhaitait mettre en valeur.

1.4.2.2.2 L’étendue des premières confiscations

La première société coloniale qui se donnait pour but de mettre en valeur les domaines agricoles de Mayotte était constituée à Paris, en 1845, sous la raison social de société des Comores.

Elle disposait à elle seule plus de 3600 hectares, dont 1600 à Dembeni, 1000 à Kaweni 1000 autres à Dzoumogné45.

Les dispositions relatives à l’occupation de la terre à Mayotte laissaient les mains libres aux colons pour occuper tous les terrains même habités et mettaient sous l’autorité du gouvernement français toutes les terres non reconnues comme propriété particulières. Pratiquement toutes les terres qui paraissaient inoccupées dans l’île y compris celles de défrichements temporaires devenaient en quelque sorte domaniale. Il est vrai que Mayotte était alors effectivement peu peuplée, car à la suite des invasions malgaches, la population s’était regroupée sur les îles de Dzaoudzi et de Pamandzi sur la petite terre. « Seuls Mtsapéré, Mamoudzou et Chingoni étaient des centres de population notable, abritant quelques cultivateurs indigènes dont il convenait de respecter leurs lopins de terres, d’ailleurs exiguë46». Toutes les procédures d’appropriation, depuis l’ordonnance du 21 octobre 1845 jusqu’au texte de 1865, avaient accordé aux planteurs la possibilité d’accéder à la propriété de leurs concessions. Les témoignages oraux recueillis à Mayotte montraient bien comment les mahorais avait mal perçu les appropriations abusives dès le départ.

A Mohéli, dans le contexte du passage du protectorat à la colonisation effective, Joseph Lambert s’était sérieusement préoccupé d’obtenir de la Reine, Djoumbé Fatima, la signature d’une

 

45 SIDI Ainouddine, op.cit, p37‐38. 

46 MARTIN Jean, op.cit, 1983, Tome I, p. 194 

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convention commerciale et foncière. Djoumbé Fatima était certes désireuse de voir une plantation de type industriel se développer dans son île. Mais elle était déjà endettée envers le planteur (Joseph Lambert) et devait en passer par toutes ses exigences.47

C’est ainsi que l’acte passé le 14 février 1865 lui concédait pour soixante ans l’ensemble des terres cultivables de l’île à l’exception des terroirs exploités par les villageois de Nyumachwa et de Ouallah. La reine devrait percevoir une indemnité pour les cocotiers qu’elle possédait. Il était également prévu qu’une part de 5% du produit des cultures de l’entreprise lui serait versée en nature. Elle devait aider la société à se procurer de la main d’œuvre.

S’agissant du sultan d’Anjouan, il avait concédait en 1847 au Britannique Sunley William plusieurs centaines ou milliers d’hectares de terrains situés dans la région de Pomoni. 48 Cette concession était formalisée en1853, date à partir de laquelle ce dernier devrait payer au sultan une redevance annuelle d’une valeur symbolique évaluée à 200 piastres.

Par ailleurs, le sultan Salim fut également décédé en 1855 et son fils Abdallah III l’avait remplacé. Ce dernier avait concédé, à son tour, un immense terrain situé à Patsy à l’Américain Benjamin Wilson devenu son secrétaire particulier. Cette concession était faite sous forme de location, à partir de 1872 à raison de 200 piastres par an somme également symbolique.

Cette concession faite à Benjamin Wilson était réalisée au détriment des villageois de Patsy, Kondroni et Bazimini sans que ces derniers soient indemnisés.

Abdallah III avait continué en1855 le processus de dépossession foncière des paysans locaux en constituant un domaine à Bambao qui avait fait l’objet d’une exploitation agricole.

 

47 Martin Jean, op.cit, tome I, p285 – 287. 

48 Martin Jean ,1983, « Comores : quatre îles entre pirates et planteurs », nous indique que bien qu’il enviât les colons 

de Mayotte, Sunley, marchand et fils d’un marchand, préférant à son arrivée à Anjouan fonder un établissement  commercial. Celui – ci présentait pour ce jeune anglais de belles perspectives. Seulement il était impécunieux. Il  parvint à intéresser quelques amis à cette affaire, (européens). 

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Pour le cas de la Grande-Comore, la première délimitation du capitaine Dubois49 était effectuée en compagnie d’Henri Foullé (sous – directeur et fondé de pouvoir de la société Humblot). Le tracé qui était finalement retenu délimitait toute la zone centrale de l’île, « les hauteurs incultes »50 dont il aurait été question dans les pourparlers entre Humblot Léon et Saïd Ali en 1885, et surtout dans les conversations entre le colon et le sous – secrétaire d’Etat en 1887. Dans l’ensemble, les arpenteurs avaient pris pour repère la limite de croissance des cocotiers ou encore la rétribution de sa part de fondateur que constituaient tous les avantages reconnus dans le traité commerciale .Il recevait en outre qualité de gérant statutaire. Les deux cents autres actions avaient été souscrites par onze représentants de la bourgeoisie d’affaires parisienne, fort riches pour la plupart, dont plusieurs avaient déjà investi des capitaux dans l’industrie des parfums. Il était décidé d’établir le siège de l’entreprise à Paris, chez l’associée Lefebvre, désigné comme président du conseil de surveillance.

Humblot avait regagné l’île de la Grande Comore avec le titre de directeur des plantations.

L’outil qui allait mener à bien la colonisation et peut être le pillage de la Grande Comore qui était désormais forgé51.

La société fut constituée à Paris par un acte du 17 mai 188752. Sur l’avis du notaire Henri Fontana, conseiller juridique de Humblot Léon, l’on retenait la formule de société en commandité par actions et l’on choisissait la raison sociale de « Société de la Grande Comore, Humblot Léon et Cie… »53.

Par ailleurs, le capital était fixé à quatre cent mille francs (400.000f)54. La propriété de deux cents d’entre elle était attribuée à Humblot. Il existait cependant trois exceptions correspondant aux

« acquisitions » effectuées par ce dernier en Grande-Comore: La plaine de Salimani au Sud Ouest, les territoires de Samba Madi sur la côte Est et de Gole au Nord Est. Ces couloirs constituaient en quelques sortes les façades maritimes de ce vaste domaine. De même la société se voyait

 

49 Le capitaine, qui avait commandé le détachement des troupes coloniales venu dans l’île en 1891. Cet officier, était 

revenu aux Comores où il songeait s’installer comme colon. Il était en disponibilité et se préparait à quitter l’armée  active. Il n’existait pas dans l’archipel de topographes spécialisés. Mais il était fait appel, d’un commun accord au  capitaine Dubois qui avait commandé le détachement des troupes coloniales venu dans l’île en 1891; voir MARTIN  Jean, op.cit, p169 – 172. 

50  Guébourg Jean‐Louis, op.cit, p 69 – 71. 

51 P.Olagnier, Mémoire pour Said Ali, p 3‐7, voir, Jean Martin, op.cit, tome 2, p315. 

52 Ibidem. 

53 Ibidem. 

54 Quatre cents actions de dix mille francs (400 pour 10.000f l’une)

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reconnaître quelques propriétés foncières en dehors de ce périmètre : des cocoteraies principalement. Inversement quelques communautés villageoises allaient revendiquer et obtenir la jouissance de certains terrains enclavés dans le domaine.

. Dans les faits, la dite première délimitation fixait les limites de la propriété du domaine Humblot, essentiellement fondée sur les « hauts »55. En revanche, avec trois cents hectares dans le Hambu, les créations de villages (Selea, Nyumbadju, Boboni), d’entrepôts, de pistes et du port.

Humblot avait donné un nouvel essor au vécu territorial. Sa société détenait environ 52.000 hectares, soit la moitié de l’île.