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L’évolution de l’image de la publicité

II. Mon second Du message à la société

1. La défiance de la société française à l’égard de la publicité

1.2. L’évolution de l’image de la publicité

Prolongeant ce survol historique, il est intéressant de jeter un coup d’œil sur les évolutions de l’image de la publicité à l’approche de notre époque. Cela nous permettra

67 Stuart Ewen, Conscience sous influence, Paris, Aubier, 1983. Selon ce sociologue américain, la publicité

a contribué, d’une part, à écouler le surplus de la production, de l’autre, à adapter le comportement de la population à un nouveau mode de vie aux États-Unis. Il considère en effet que les débuts de la publicité aux États-Unis se rattachent à un vaste programme visant à inculquer un certain type d’attitude, à réorienter la culture des immigrants vers la nouvelle culture, programme se déroulant sur le modèle de la communication publicitaire.

de mieux comprendre l’état de l’image qu’a la publicité contemporaine, objet de notre travail.

Une étude effectuée en 2007 par TNS Sofres et UDA (Union des annonceurs) révèle une perception de la publicité favorable à 38%, défavorable à 37%. Ces chiffres indiquent que la situation de l’image de la publicité auprès du public se serait améliorée par rapport à la précédente enquête effectuée deux ans plus tôt, où 43% des Français interrogés - un score historique - se déclaraient « très ou plutôt opposés » à la publicité et 37% seulement « favorables ». Mais lorsque l’on observe l’évolution de la perception de la publicité au cours des deux dernières décennies, on constate que son image générale n’a pas beaucoup changé. C’est-à-dire que l’on ne trouve pas de grand changement dans le rapport entre opinion « favorable » et voix « opposé » face à la publicité.

En revanche, pour les critères « très favorable » et « très opposé » à la publicité, les taux représentent respectivement 3% et 13% en 2007. Ces chiffres se sont aussi améliorés par rapport à 2005, où ils étaient respectivement 2% et 15%. Pourtant, sur plus de vingt ans, nous nous apercevons que, de toute évidence, l’image de la publicité s’est dégradée68. Il nous semble que le point le plus significatif est là. C’est-à-dire que nous pouvons noter que la population des « mania » de la pub est en train de diminuer, alors que la population « allergique » à la publicité augmente par contre au fil des années. On constate en effet qu’en 2007 les allergiques sont quatre fois plus nombreux que les mania

68 L’évolution de l’image de la publicité en France (1983-2007). Voici le tableau complété par nous-même

au moyen des résultats donnés par TNS Sofres.

(Unité : %) 1983(Le Parisien /TNS Sofres) 2002(TNS Sofres/Stratégies) 2005(TNS Sofres/Stratégies) 2007(TNS Sofres/UDA) Très favorable 5 5 2 3 Plutôt favorable 36 38 35 35 Total favorable 41 43 37 38 Plutôt opposé 23 23 28 24 Très opposé 10 13 15 13 Total opposé 33 36 43 37 Indifférent 25 20 19 24 Sans opinion 1 1 1 1

(13% contre 3%), alors qu’il y a une vingtaine d’années, les allergiques ne formaient que le double de ceux-ci (10% contre 5%).

Dans les résultats de l’étude de 2007, on observe un véritable choc des générations sue ce même sujet, parmi d’autres dichotomies69. Les jeunes sont de plus en plus

favorables à la publicité. Les partisans de la publicité se recrutent essentiellement parmi les 18-34 ans. La publicité fait partie de leur univers, un peu comme si ces enfants « gavés à la pub » depuis leur plus tendre enfance ne se posaient même plus la question. À l’inverse, les plus âgés auraient plutôt tendance à se radicaliser contre elle. Concernant ce décalage des générations, Nicolas Bordas (TBWA) note : « Pour les jeunes générations, la publicité, ce n’est pas si grave. Elle fait partie du spectacle. Ils aiment la publicité en général, mais savent être très critiques à l’égard de telle ou telle campagne. Pour eux, c’est génial ou c’est nul. Ils décryptent beaucoup mieux les messages publicitaires. Surtout ils dramatisent moins la publicité que leurs aînés, qui pourtant, aimaient bien les campagnes décoiffantes de leur jeunesse dans l’esprit 68. Mais, les aînés ont manifestement vieilli. »70

Or, à côté de l’aspect des résultats, ce qui retient particulièrement notre attention, c’est le fait même que de telles études aient été entreprises trois fois pendant une dernière dizaine d’années après un long intervalle de 20 ans. Cela laisse entendre que la publicité française, inquiète, est en train de douter d’elle-même. En fait, les notes obtenues sont si peu favorables qu’elles ont conduit certains publicitaires à poser eux-mêmes des diagnostics où ils plaident coupables. Citons, par exemple, cette confession de Bertrand Suchet (DDB Paris) :

69 Par exemple, on pouvait se demander si les publiphobes étaient plutôt de gauche. À quelques jours du

premier tour de la présidentielle de 2007, TNS Sofres s’est posé la question. Résultats (Stratégies, n°1451, avril 2007) : les Français qui votent à droite (UMP, UDF et divers droites) se montrent les plus favorables à la publicité (44% d’opinions favorables, contre 32% de défavorables). Au contraire, les électeurs de gauche (PS, PC, Verts et divers gauches) sont à 42% défavorables à la publicité, contre 35% d’opinions favorables. Les deux extrêmes continuent d’être résolument publiphobes, avec une nette longueur d’avance pour les partis d’extrême gauche (42% d’opposants) par rapport au Front national et au Mouvement national républicain (36% d’opposants). Quant à l’indifférence à la publicité, c’est un phénomène également partagé entre la gauche et la droite, avec respectivement 22 et 24%.

Les gens n’aiment pas ce qui n’est pas conçu pour eux. La publicité est trop souvent coupée du monde réel. Elle est faite par des publicitaires qui travaillent dans leur bulle et conçoivent des messages ou des stratégies de « salle de réunion ». Ils s’adressent à des clients avant de s’adresser à des personnes, sans aller chercher les gens là où ils se trouvent, dans leur vie quotidienne. […] Or le rôle premier de la publicité, c’est de plaire, afin de susciter éventuellement une adhésion qui elle-même, dans le meilleur des cas, provoquera un achat. Et ce quel que soit le support utilisé.71

Il nous semble que ce « mea culpa » traduit bien la gravité du défi ressenti au sein du monde de la publicité, qui a fini par admettre qu’il y a avait là un réel signal d’alarme pour les marques et les entreprises.

Sur un autre registre, une étude intitulée « Publicité & Société »72, menée en 2004, nous donne quelques repères significatifs concernant plus précisément l’appréciation faite de la publicité, à côté des simples résultats mesurant sa « cote d’amour ». Selon l’étude, 97% des publiphobes pensent qu’il y a « trop de pub » contre 48% des

publiphiles, tandis que 78% de l’ensemble pensent qu’il y a trop de publicités. Il y a un

point sur lequel toute la population se rassemble, c’est le caractère « envahissant » de la publicité : 73% trouvent que la publicité est envahissante. Quant à l’utilité de la publicité, 85% des publiphiles pensent que la publicité est « utile », alors que seuls 25% des publiphobes y croient. Mais, 46% des publiphiles pensent que la publicité est « dangereuse », alors que 53% des publiphobes le croient. Cela veut dire que même des

publiphiles qui pensent que la publicité est utile admettant aussi qu’elle peut être

dangereuse.

Pour conclure notre bref examen de l’image de la publicité auprès de son public, nous soulignerons dans cette étude deux constats. D’une part, si 63% des Français déclarent que la publicité n’influence pas leurs achats, pourtant 73% admettent que cela

71 Stratégies, n° 1390, novembre 2005.

72 Cette étude a été exécutée par Ipsos et Presse+ à la demande de l’agence Australie. Les résultats sont

doit influencer les achats des autres ; d’autre part, 91% avouent que la publicité influence leur vie quotidienne.

En fait, une mise en relation de ces trois chiffres dégage des points significatifs. Tout d’abord, au travers du gros décalage - ce n’est pas seulement de 10%73 - entre les

deux premiers chiffres, nous retrouvons confirmation du fait que, s’agissant du rapport entre publicité et achat, les gens pensent que ce sont les autres qui sont concernés, influençables, alors qu’eux-mêmes le sont peu, se jugeant, s’imaginant, plus malins que les autres. Ce phénomène nous fait réaliser qu’il existe bel et bien un climat de méfiance non identifié, qui va au-delà d’un simple sentiment d’antipathie contre la publicité. Ensuite, par rapport aux deux premiers chiffres, le dernier nous laisse supposer à quel niveau la publicité pourrait bien jouer un rôle dans la vie quotidienne du public.