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Chapitre I. À la recherche du slogan publicitaire

1. Une chose trop souvent évoquée pour être bien connue

1.1. Au-delà d’une définition

On rencontre, dans sa vie quotidienne, au moins plusieurs dizaines de slogans publicitaires par jour159. La première impression qui se dégage à propos du slogan publicitaire est que, si tout un chacun le connaît par expérience immédiate et répétée, cette connaissance ne livre pas une claire conscience de la nature de cette « emblématique formule omniprésente » qu’est la communication publicitaire. Il nous semble que peut-être le fait même que le slogan publicitaire soit une chose si quotidienne si proche engendre une absence de recul, recèle des pièges, au lieu de nous garantir une facilité pour un accès scientifique. Avant toute chose, le slogan publicitaire nous pose un problème d’identification. Cela semble lié à une obscurité référentielle due à la complexité de la campagne publicitaire contemporaine et à son évolution constante, en résonance avec la société. Reconnaissant qu’il est quasi impossible de définir ce qu’est le slogan publicitaire, tentons pourtant de le cerner.

On peut en proposer une acception plutôt logique ou bien encore de type ostentatoire. Commençons par aborder quelques acceptions de type logique données par des dictionnaires spécialisés. Le Dictionnaire multimédia présente le slogan publicitaire comme une « formule concise et percutante, argumentaire texte d’un message publicitaire »160. Pour le Dictionnaire bilingue de la publicité et de la communication, le slogan publicitaire est une « phrase brève et originale liée à un produit, une marque ou une société, résumant souvent l’argumentation de vente principale ». Il poursuit : « Groupe de mots soigneusement étudié, le slogan est destiné à être répété, mémorisé par les consommateurs et associé chez eux à une réaction favorable »161 Le Dictionnaire

159 Parmi les 300 à 600 messages publicitaires que l’on rencontrerait par jour, 30 à 80 sont effectivement

perçus par le public (cf. la note 92). Le nombre de slogans lus par le public doit cependant être grandement minoré, car, en situation de communication, la perception du message publicitaire ne garantit pas celle du slogan. L’estimation de ce nombre demeure donc incertaine.

160 Christine Leteinturier, Dictionnaire multimédia : presse, radio, télévision, publicité…, Paris, Eyrolles,

1990, p. 85.

161 Fabienne Duvillier, Dictionnaire bilingue de la publicité et de la communication, Paris, Bordas,

analogique de la publicité et des médias définit le slogan comme une « courte phrase

publicitaire vantant les mérites d’un produit »162.

Par ailleurs, certains théoriciens donnent une définition qui comporte déjà une interprétation du slogan publicitaire. Roger Mucchielli fournit ainsi, du point de vue psychologique, cette définition succincte : « (formule) brève, concise, facile à mémoriser »163. Par contre, Henri Joannis, adoptant la même approche, définit, lui, le slogan comme une « phrase répétitive associant, dans une formule courte, le nom de la marque et son principal avantage »164. De son côté, l’auteur de Slogan mon amour,

Marie-José Jaubert, définit le slogan publicitaire comme une « formule courte, facile à retenir, si possible pourvue d’un rythme interne, de rimes et d’allitérations »165. Ainsi, d’un dictionnaire à l’autre, d’un chercheur à l’autre, le slogan publicitaire est caractérisé différemment, selon des intérêts qui vont à ses différents aspects spécifiques : rythmique, répétitif, argumentaire, psychologique, mémoriel, etc.

C’est s’agissant de l’acception de type ostentatoire que les divergences quant à la détermination du « slogan » semblent atteindre leur comble, du fait que l’usage de la terminologie s’y rattache nécessairement à un rapport référentiel à des pratiques. En premier lieu, « slogan » y est considéré sous la forme d’un « hyperonyme » avec des termes publicitaires. Cela dit, fonctionnant comme une sorte de classificateur, le « slogan » englobe deux termes publicitaires utilisés en la matière. Ainsi, Jean-Michel Adam et Marc Bonhomme veulent réunir sous le nom de « slogan » ces deux sous- ensembles : accroche (ou head-line) et phrase d’assise (ou base-line)166. De son côté, Blanche-Noëlle Grunig considère le slogan publicitaire, comme constitué d’une accroche (ou, plus souvent, head-line) et d’une signature (ou plus souvent base-line)167.

162 Rémi-Pierre Heude, Dictionnaire analogique de la publicité et des médias, Paris, Eyrolles, 1993, p. 342. 163 Roger Mucchielli, Psychologie de la publicité et de la propagande, Paris, Librairies techniques,

Entreprise moderne d’édition et les Editions ESF, 1972, p. 50.

164 Henri Joannis, De la stratégie marketing à la création publicitaire, Paris, Dunod, 1995, p. 428. 165 Marie-José Jaubert, Slogan mon amour, Paris, Bernard Barrault, 1985, p.10.

166 Jean-Michel Adam et Marc Bonhomme, L’Argumentation publicitaire, Paris, Nathan, 1997, p. 59-62. 167 Blanche-Noëlle Grunig, « La langue de la publicité », in Gérald Antoine et Bernard Cerquiglini (sous

Mais, en deuxième lieu, certains dictionnaires et auteurs entendent « slogan » comme un « synonyme » de l’un exclusivement de ces deux termes publicitaires. Tout d’abord, le Dictionnaire analogique de la langue de la publicité et des médias considère « slogan » comme un synonyme d’« accroche » (head-line), définissant l’accroche comme un « mot ou groupe de mots qui a pour objectif de retenir l’attention du lecteur et de lui faire mémoriser la promesse publicitaire »168. De même, dans le Dictionnaire

encyclopédique des sciences de l’information et de la communication, le slogan est aussi

considéré sous l’angle de l’accroche, comprise comme « terme publicitaire désignant le slogan, qui dans un processus d’argumentation commerciale doit résumer l’essentiel du message de la campagne, et être persuasive pour le consommateur » 169. Ce dictionnaire encyclopédique ajoute en outre que « l’accroche a souvent recours à des techniques rhétoriques qu’elle tend d’ailleurs à réactualiser. Un des atouts de l’accroche est qu’elle puisse se décliner en musique. Les plus efficaces ont une longue durée de vie »170. En revanche, Jean-Michel Utard laisse entendre que le slogan est la base-line, en définissant celle-ci comme une « formule concise et créative de la promesse faite au consommateur, ou du positionnement d’une marque, qui sert de signature à un message publicitaire »171. Enfin, pour sa part, Marie-José Jaubert pense que le slogan n’est rien d’autre que la signature172.

Par ailleurs, pour certains auteurs, le terme slogan constitue en lui-même une entité terminologique autonome et une unité indécomposable. C’est-à-dire que, ni hyperonyme ni synonyme de termes publicitaires, c’est slogan – en tant que tel – qui est à employer comme terme spécifique de base, renvoyant à une partie constitutive du texte publicitaire. Le comparant à l’étape de la dispositio de la rhétorique traditionnelle, Jacques Lendrevie et Arnaud de Baynast considèrent le slogan comme une formule indépendante, qui figure

168 Rémi-Pierre Heude, Dictionnaire analogique de la publicité et des médias, Paris, Eyrolles, 1993, p. 3. 169 Bernard Lamizet et Ahmed Silem (sous la direction de), Dictionnaire encyclopédique des sciences de

l’information et de la communication, Paris, Ellipses, 1997, p. 6.

170 Ibid.

171 Jean-Michel Utard, Lexique de publicité et communication d’entreprise, Paris, Hachette, 1992. 172 Marie-José Jaubert, Slogan mon amour, op. cit., p. 18.

après l’accroche, les titres, le texte de l’annonce et la base-line173. Jean-Marc Décaudin, pour sa part, souligne que le slogan, parce qu’il facilite la mémorisation de la publicité, est un des éléments écrits qui constituent le message publicitaire, avec le rédactionnel et la base-line (signature)174. Quant à Hubert A. Greven, il envisage la campagne publicitaire comme un ensemble de rédactions, appelant « placards » les rédactions se présentant sous forme d’articles de longueur variable et « slogans » les rédactions ayant la forme de messages très courts, qu’ils soient insérés dans ces articles ou utilisés seuls175. Par ailleurs, les auteurs du Dictionnaire des noms de marques

courants, Robert Galisson et Jean-Claude André, distinguent le « slogan » du « texte

d’ancrage», texte d’accompagnement un peu long, rendant ainsi ténue la frontière qui sépare les deux acceptions176.