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2. La théorie de l’esprit

2.3. L’évaluation de la théorie de l’esprit chez les enfants

2.3. L’évaluation de la théorie de l’esprit chez les enfants

2.3.1. L’évaluation de la théorie de l’esprit cognitive

Les tests « classiques » :

La tâche de fausse croyance était reconnue comme la seule tâche permettant d’évaluer la présence de la théorie de l’esprit. Wimmer et Perner sont considérés comme les pionniers dans l’évaluation de la théorie de l’esprit avec leur test « Maxi et le chocolat » en 1983. « Sally et Anne » développé par Baron-Cohen et al en 1985 est le test le plus utilisé aujourd’hui (Howlin. P et al, 2010). Dans ce type d’épreuve, nous cherchons à savoir si l’enfant peut se mettre à la place de l’autre (attribuer la fausse croyance à l’autre) et comprendre que si une personne n’a pas vu un évènement se dérouler, il n’y a aucune raison pour qu’elle y pense (Frith. U, 1992).

Une autre épreuve a ensuite été créée afin de voir si les enfants peuvent attribuer à eux-mêmes une fausse croyance puis dans un deuxième temps cette même fausse croyance à une autre personne. C’est l’épreuve des Smarties qui se base sur le principe de la tromperie (Nader-Grosbois. N et al, 2011). Cette tâche a été élaborée par Perner et Leekam dans les années quatre-vingt (Frith. U, 1992).

Test de Sally et Anne

Sally et Anne sont deux poupées. Sally a un panier et Anne une boîte. Sally a une bille qu’elle met dans son panier puis Sally sort de la pièce. Pendant ce temps, Anne met la bille de Sally dans sa boîte. Sally revient et veut jouer avec sa bille. On demande alors à l’enfant : « Où est-ce que Sally ira chercher sa bille ? »

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Ces tâches de fausse croyance sont très intéressantes pour évaluer le niveau de la théorie de l’esprit des enfants et elles sont encore beaucoup utilisées aujourd’hui. Cependant, elles évaluent la théorie de l’esprit de manière un peu succincte puisqu’elles ne nous permettent pas d’évaluer la compréhension des désirs, des intentions, des connaissances et des émotions (Howlin. P et al, 2010). De plus, ce serait une évaluation un peu « grossière » de la théorie de l’esprit car elles n’évaluent pas toutes les subtilités du développement de la théorie de l’esprit (Baron-Cohen. S, 2001). Certains auteurs ont ainsi établi des batteries d’épreuves permettant d’évaluer l’ensemble de la théorie de l’esprit. C’est le cas de Muris et Steerneman qui, en se basant sur les stades de développement avancés par Flavell et Miller, ont créé le TOM-test qui évalue les précurseurs à la théorie de l’esprit (expressions faciales et empathie), la fausse croyance de premier ordre et la fausse croyance de second ordre (Muris. P et al, 1999). Une échelle de développement et ses épreuves :

En 2004, Wellman et Liu ont établi une échelle de développement de la théorie de l’esprit. Pour chaque étape du développement, une épreuve a été créée (Wellman. HM et al, 2004) :

Compétence Tâche proposée

Désirs divers Prédire le comportement d’un personnage en prenant en compte ses désirs Croyances diverses Prédire le comportement d’un personnage en prenant en compte ses croyances Accès à la connaissance Comprendre que l’on ne peut pas savoir ce qu’il y a dans une boîte sans en avoir vu le contenu Contenu de fausse croyance Prédire le comportement d’une personne qui est trompée (équivalent du test des Smarties)

Test des Smarties :

Nous montrons à l’enfant une boîte de Smarties dans laquelle nous aurons mis au préalable un crayon. Dans un premier temps, nous demanderons à l’enfant ce qu’il y a dans la boîte. Suite à sa réponse (« des Smarties »), nous lui montrerons le contenu de la boîte (le crayon). Dans un deuxième temps, on introduit un personnage qui n’a pas vu le contenu de la boîte et on demande à l’enfant ce que pense le personnage sur le contenu de la boîte. Nous nous attendons à ce que l’enfant nous réponde « des Smarties » car le personnage n’a pas vu le contenu de la boîte (Frith. U, 1992).

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Compétence Tâche proposée

Fausse croyance explicite changement de lieu d’un objet (équivalent de Sally et Anne) Prédire le comportement d’une personne après le

Croyances et émotions Associer une émotion à la croyance d’un personnage

Emotions apparente et

émotion réelle Repérer qu’un personnage peut montrer une émotion mais en ressentir une autre dans une situation donnée Selon les auteurs, la compétence est acquise si la tâche est réussie. De plus, quand une épreuve est échouée, les suivantes le seront aussi. En effet, selon eux, la théorie de l’esprit suit un développement précis et chaque enfant passe par toutes les étapes successives (Wellman. HM et al, 2004). Cette échelle permet ainsi de balayer l’ensemble de la théorie de l’esprit et de se faire une idée un peu plus précise du niveau de chaque enfant et de le comparer à celui des individus de son âge.

2.3.2. L’évaluation de la théorie de l’esprit affective

Reconnaissance des expressions faciales

Cette épreuve constitue le niveau de base d’évaluation la théorie de l’esprit affective. Elle est nécessaire pour pouvoir ensuite passer des épreuves plus complexes (Nader-Grosbois. N et al, 2011). Elle consiste à montrer quatre visages dessinés de personnes exprimant les quatre émotions de base (joie, tristesse, peur et colère) (Nader-Grosbois. N et al, 2011).

Retrouver la cause des émotions :

Dans cette tâche, on cherche à voir si l’enfant peut retrouver une émotion dans un contexte et s’il peut en définir la cause. Nous proposons alors à l’enfant quatre séries de 3 images (une série pour chaque émotion de base) représentant des situations sociales. Chaque histoire représente une émotion. La situation initiale est la même pour les quatre émotions : un personnage se promène dans la forêt avec ses amis et veut faire un pique-nique. Nous demandons à l’enfant comment le personnage se sent et pourquoi (Nader-Grosbois. N et al, 2011).

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Trouver la conséquence d’une émotion :

Dans cette épreuve, nous cherchons à savoir si l’enfant comprend la conséquence d’une émotion d’autrui et peut prédire le comportement adapté en fonction de son émotion et de la situation. Pour cela, comme dans l’épreuve de reconnaissance de la cause des émotions, les auteurs proposent à l’enfant quatre séries de deux images (une série par émotion) dans lesquelles nous exposons la situation et le sentiment du personnage. Les auteurs proposent ensuite à l’enfant trois images représentant les comportements possibles du personnage. Ils demandent à l’enfant de choisir la bonne image et d’expliquer son choix (Nader-Grosbois. N et al, 2011).

2.3.3. Une autre alternative : les questionnaires

L’ensemble des épreuves présentées ci-dessus sont des mesures d’évaluation directes de la théorie de l’esprit. Les situations sont hypothétiques, artificielles et mettent en jeu d’autres compétences que la théorie de l’esprit (Houssa. M et al, 2014). En effet, les capacités d’inhibition et de planification sont nécessaires pour réaliser les tâches de théorie de l’esprit (Comte-Gervais. I, 2009) tout comme les compétences langagières (Houssa. M et al, 2014). Par ailleurs, nous savons qu’il existe une grande différence entre les résultats aux tests et les compétences sociales dans le quotidien (Comte-Gervais. I et al, 2008). Ainsi, afin de dépasser ces biais dans l’évaluation et pour se rendre compte des compétences réelles en théorie de l’esprit de l’enfant, des questionnaires ont été élaborés. En France, deux questionnaires peuvent être utilisés :

Le Theory Of Mind Inventory ou ToMI (en cours de traduction et de validation) qui

recense les différents niveaux de la théorie de l’esprit,

L’Echelle d’adaptation sociale pour enfants ou EASE qui est un questionnaire sur les différentes habiletés sociales rencontrées chez l’enfant avec une sous-catégorie dédiée à la théorie de l’esprit.

La théorie de l’esprit est un concept complexe car elle regroupe un ensemble de compétences qui se développent de la naissance jusqu’à l’adolescence. Son évaluation se