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2. Biais et limites

2.3. Biais et limites en lien avec l’intervention

La limite principale à laquelle nous nous sommes principalement heurtés pendant notre intervention est la non-généralisation des acquis. Romane et Kévin ont progressé sur des exercices que nous avons répétés puis ils n’ont pas pu réutiliser ces compétences dans des exercices différents mais faisant intervenir les mêmes aptitudes ou encore dans des situations de vie quotidienne. Cette absence de généralisation peut s’expliquer par un certain nombre d’éléments et de biais présents dans notre intervention.

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2.3.1. Durée et forme de l’intervention

Nous sommes intervenus auprès de Kévin et Romane de janvier à mai 2016. Ces quatre mois ont permis d’aborder un travail sur différentes compétences mentalistes en fonction des besoins des enfants. Cependant, la période a été trop courte pour appréhender une réelle évolution et pour faire progresser la prise en charge. C’est pourquoi il a été décidé de ne travailler que sur deux ou trois objectifs précis. Ce manque de temps est d’autant plus marqué que Kévin et Romane sont deux enfants pour lesquels il est important de répéter les exercices afin qu’ils s’approprient les connaissances. Ainsi, davantage de temps aurait été nécessaire pour permettre aux enfants de s’habituer aux exercices, d’en comprendre le sens et peut-être de généraliser certaines connaissances.

D’autre part, la théorie de l’esprit a été essentiellement travaillée en prise en charge orthophonique. Elle a également été abordée en début d’année, avant que notre intervention commence, en prise en charge éducative. Or, nous savons que les enfants avec TSA ont besoin d’aborder et de tester leurs compétences dans différents contextes afin de pouvoir généraliser. Par conséquent, la forme de notre intervention ne favorise pas la généralisation des acquis de ces enfants vers des activités de la vie quotidienne.

2.3.2. Biais intra et inter personnel

Tout au long de notre intervention, nous avons été soumis à des biais inter et intra personnels qui ont perturbés les séances. Tout d’abord, Kévin et Romane sont deux enfants très émotifs pouvant être perturbés par des éléments extérieurs, des gênes corporelles, de la fatigue ou des évènements de leur quotidien. À plusieurs reprises, nous n’avons pas pu proposer les exercices pour diverses raisons. Ces situations nous ont permis de nous rendre compte que les enfants avec TSA présentent de nombreuses anxiétés et une grande réactivité émotionnelle qui peuvent perturber l’expression de leurs compétences. Ainsi, nous nous sommes aperçus qu’il était nécessaire de prendre en charge l’état émotionnel mais aussi les particularités sensorielles de ces enfants afin de leur proposer des conditions optimales dans les séances d’orthophonie.

D’autre part, il a été nécessaire de débuter la prise en charge sans avoir trop d’exigences envers les enfants afin de créer un lien relationnel important pour le reste de la prise en charge. La phase d’observation ainsi que les premières séances ont été aménagées dans cette

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optique. En effet, à notre sens, l’intervention ne pourra avoir un effet positif que si un climat de confiance est instauré entre l’enfant et le thérapeute d’autant plus que les enfants avec TSA sont sensibles aux changements et nouvelles situations. De ce fait, lors des premières séances nous avons beaucoup répété les mêmes exercices, nous avons intégré les nouvelles activités au sein d’autres auxquelles l’enfant avait l’habitude afin de favoriser une certaine stabilité et continuité dans la prise en charge.

2.3.3. Choix des exercices

Afin de répondre à nos hypothèses, nous avons essentiellement utilisé deux types d’exercices : les exercices formels (entraînement à une tâche bien spécifique) et des exercices fonctionnels (analyse pragmatique de scénarios et jeux). Les deux prises en charge ont commencé par des exercices formels. Nous les pensions efficaces pour aider les enfants avec TSA à utiliser leur théorie de l’esprit car ils permettent d’expliciter des règles qui sont implicites. Cependant, très rapidement, nous nous sommes aperçus que ces exercices n’avaient pas l’effet escompté puisque les deux enfants avaient « appris » les règles sans mettre de sens dessus et sans pouvoir les réutiliser dans des situations plus complexes et fonctionnelles. Néanmoins, ils ont eu pour effet d’améliorer la production et la compréhension du lexique des états mentaux. Par conséquent, ces exercices ne permettent pas de posséder de véritables compétences en théorie de l’esprit.

C’est pourquoi nous avons opté par la suite pour des exercices plus fonctionnels qui allient maîtrise des habiletés sociales, utilisation de la théorie de l’esprit et du langage. Ces activités permettaient aux enfants de mettre en application leurs nouvelles compétences. Cependant, nous nous avons été très vite confrontés à la difficulté de trouver des exercices fonctionnels. Les analyses de scénarios comme dans le matériel « La maison de Paul » n’ont pas été satisfaisants car ils ne demandaient pas aux enfants d’utiliser leur compréhension de la règle mais simplement d’appliquer la règle qui leur avait été apprise. Ils étaient trop éloignés des situations de vie quotidienne et il était difficile de se rendre compte de ce que l’enfant avait compris. Les jeux d’informativité au contraire ont été très intéressants et apportent des situations d’échanges naturels, se rapprochant de la réalité. Néanmoins, il a été très difficile de créer des situations naturelles d’échanges et la généralisation n’a pas été complète puisqu’il a été nécessaire de travailler plusieurs fois sur différents jeux pour que les enfants saisissent nos attentes.

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2.3.4. Des « théoriciens » de la théorie de l’esprit

Tout au long de notre intervention, nous avons donc été confrontés à une difficulté majeure qui est celle de la non-généralisation des acquis malgré une diversification et une répétition des exercices. Cette difficulté a été surtout ressentie avec Kévin qui n’a pu accéder au sens de certains jeux et certaines règles malgré les différentes approches proposées. Ce comportement montre une difficulté à accéder au sens même des compétences en théorie de l’esprit. Ainsi, nous retrouvons dans le domaine de la théorie de l’esprit, les mêmes particularités que dans le langage. Les deux enfants ont pu apprendre une règle mais ils ne savent pas quand et comment l’appliquer. Ceci renvoie à une difficulté intrinsèque et profonde à saisir la théorie de l’esprit. Nous pouvons apprendre des règles aux enfants avec TSA qu’ils comprendront mais l’utilisation de ces règles restera toujours difficile pour eux. Plumet dit que les enfants avec TSA pourront devenir des théoriciens de la théorie de l’esprit sans pour autant en devenir des praticiens.