• Aucun résultat trouvé

4. Liens entre théorie de l’esprit et fonctions de communication

4.4. Un développement en spirale

consiste à analyser les résultats d’épreuves de clairvoyance conversationnelle (repérer l’intention de l’interlocuteur dans la conversation) et des épreuves de croyance a mis en évidence une corrélation entre le niveau de l’enfant aux épreuves de croyance et son niveau aux épreuves de clairvoyance conversationnelle (Deleau. M et al, 1999). Par ailleurs, des études sur les enfants sourds ont montré que les enfants signeurs tardifs avaient un retard de développement de théorie de l’esprit à la différence des enfants sourds signeurs natifs. Ceci s’explique par le fait que les premiers ont moins d’accès à la communication et sont beaucoup moins immergés dans les conversations que les deuxièmes (Thommen. E, 2010).

4.4. Un développement en spirale

Finalement, nous observons un lien étroit entre les développements du langage et de la théorie de l’esprit. Veneziano conclut sur le fait que le développement de l’un retentit sur l’autre qui se complexifie afin qu’il puisse agir sur le premier domaine : c’est un développement en spirale (Veneziano. E, 2011).

4.4.1. Un même socle fondateur : les interactions précoces

La théorie de l’esprit et le langage se développent à partir des mêmes situations d’interactions précoces.

En effet, la relation entre la théorie de l’esprit et la qualité de l’attachement a été prouvée dans de nombreuses recherches. Dans leur étude, Pons, Lawson, Harris et Rosnay, cités par Nader-Grosbois, ont surtout évoqué le lien entre un attachement sécure et la compréhension et expression des états mentaux de type « émotions ». En effet, cet attachement sécure met l’enfant en confiance et lui permet de s’inscrire dans des conversations où les interlocuteurs évoquent leurs états psychologiques (Nader-Grosbois. N et al, 2011). D’autre part, c’est au travers des interactions, des échanges avec l’adulte que l’enfant développe sa théorie de l’esprit puisque dès la naissance, il est confronté, à des adultes utilisant leur théorie de l’esprit pour interpréter et répondre aux comportements de leur enfant (cris, gestes). Ainsi, l’enfant a déjà un aperçu sans en avoir pleinement conscience de ce que provoquent ses actions sur autrui. Au fil des expériences, les jeunes enfants mettent du sens sur les états mentaux (Plumet. MH, 2014). L’expérience de Dunn sur les enfants puînés (nés en dernier) montre que ces enfants intégrés aux conversations familiales développent leur compréhension de la

47

croyance à autrui plus précocement que les enfants uniques (Deleau. M et al, 1999). Finalement l’adulte joue un rôle essentiel dans la découverte de l’esprit par l’enfant.

Il en est de même pour le langage et l’acquisition des fonctions de communication. Dans les premiers mois suivant la naissance, l’enfant ne produit pas d’actes verbaux et non-verbaux intentionnels pour exprimer ses besoins physiques, ses sentiments ou ses désirs. Ce sont ses parents qui réagissent aux signaux qu’il envoie en y attribuant une intention. Pour exemple, les premiers gestes ressemblant à du pointage n’en sont pas réellement, mais ils sont interprétés comme tel par la mère ce qui conduit l’enfant à en produire de plus en plus intentionnellement et de développer certaines fonctions de communication (Danon-Boileau. L, 2004). Au travers des interprétations des adultes et des interactions précoces, les enfants apprennent à communiquer, à repérer les intentions de l’interlocuteur et par conséquent à produire des actes de langage intentionnels adaptés aux situations (Astington. JW, 1993). Finalement, les premières interactions sociales de la mère avec son enfant permettent à l’enfant de développer ses capacités langagières et ses compétences en théorie de l’esprit.

4.4.2. Une notion double : l’intention

L’intention est tout d’abord un état mental intégré à la complexité de la théorie de l’esprit. Les études sur l’intention dans la théorie de l’esprit nous expliquent qu’un sujet agit toujours dans un but qui est implicite (Nadel. J et al, 1999). Il en va ainsi pour le langage et les fonctions de communication. Chaque énoncé recouvre un acte, une attitude, une action. Il est produit dans un but précis, afin d’exprimer tel ou tel acte de langage ou état mental (croyance, désir, connaissance). Néanmoins, un énoncé peut recouvrir plusieurs états mentaux ou attitudes.. Pour pouvoir communiquer de manière adaptée à la situation, il faudra repérer le but et donc l’intention communicative de notre interlocuteur. Pour cela, le locuteur réalise des inférences en se basant sur les mots, mais aussi sur les gestes, les mimiques, la prosodie, la posture et l’ensemble de la situation de communication. La théorie de l’esprit semble donc essentielle pour détecter et comprendre cette intention, puis produire des actes de langage en adéquation avec la situation (Astington. JW, 1993).

La compréhension du langage non-littéral permet d’illustrer ces propos. Happé, dans une étude publiée en 1993, a déterminé les domaines du langage non-littéral qui nécessitent des compétences en théorie de l’esprit. Il compare les résultats de deux groupes d’enfants au développement typique (un groupe qui maîtrise la fausse croyance de second ordre et un

48

groupe qui ne la maîtrise pas) sur des tâches de métaphore et d’ironie. Selon ses résultats, la métaphore (figure d'expression fondée sur le transfert à une entité du terme qui en désigne une autre) exige la compréhension de la fausse croyance de premier ordre. L’ironie (figure de rhétorique par laquelle on exprime le contraire de ce qu'on veut faire comprendre), par contre, implique la compréhension de la fausse croyance de second ordre. Happé a également comparé la compréhension de la comparaison (ex : « Cet enfant est blanc comme un cachet d’aspirine ») et de la métaphore (ex : « ce vieillard est une tortue ») chez des enfants avec TSA qui ne possèdent pas la théorie de l’esprit. Ces enfants peuvent comprendre la comparaison mais pas la métaphore car dans la comparaison l’ensemble des éléments sont décrits explicitement ; nous n’avons pas besoin de faire des inférences sur les intentions de notre interlocuteur à la différence de la métaphore. Cette revue nous montre combien la théorie de l’esprit est importante dans la communication et dans le repérage des intentions de l’autre surtout quand celles-ci sont implicites, comme c’est fréquemment le cas dans la communication au quotidien (Happé. FGE, 1993).

Cette évidence est expliquée par la théorie du principe de pertinence de Sperber et Wilson (Happé. FGE, 1993). Cette théorie a vu le jour en s’appuyant sur le principe de coopération de Grice. Tout comme ce dernier, ces deux auteurs affirment que le but de la communication est de comprendre l’intention de l’interlocuteur. Ils stipulent que dans chaque situation de communication, nous faisons des inférences sur l’intention du locuteur : le locuteur va donner des indices sur ses intentions pour que l’interlocuteur puisse interpréter son énoncé. Afin que la communication soit efficace, le locuteur formule toujours l’énoncé le plus pertinent possible c’est-à-dire l’énoncé qui demandera le moins d’effort d’interprétation (Bernicot. J, 2000). Dans cette vision de la communication, nous voyons combien la théorie de l’esprit est essentielle pour inférer les intentions de l’interlocuteur et ainsi communiquer. (Happé. FGE, 1993).

Finalement, théorie de l’esprit et actes de langage sont deux domaines très inter liés : l’un ayant besoin de l’autre et inversement. Nous pouvons même considérer que ce sont deux aspects d’un même domaine. Cette conception nous permet ainsi de comprendre les troubles pragmatiques et communicationnels des enfants avec TSA et trouver une cause à leurs difficultés relationnelles.

49